Article de M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation, dans "Le Figaro" du 3 décembre 1996, sur la qualité et la sécurité de l'alimentation, intitulé "Alimentation, le modèle français".

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Intervenant(s) : 
  • Philippe Vasseur - ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

* Alimentation : le modèle français

La France doit s’affirmer comme la référence mondiale pour la qualité et la sécurité de l’alimentation.

Le conseil des ministres vient d’adopter un projet de loi sur la qualité sanitaire des denrées alimentaires. Pourtant, la France est déjà parmi les tout premiers pays du monde pour la sécurité des produits alimentaires.

Les faits sont là pour le prouver. Les statistiques européennes nous indiquent, par exemple, que la Suède et la Finlande ont connu, en 1995, plus de cas de salmonelloses que la France. Pour les incidents dus aux toxines alimentaires, les pays qui se signalent par leur nombre de cas élevé sont le Japon, les États-Unis et, dans une moindre mesure, l’Australie et le Royaume-Uni. Aux États-Unis, précisément, il y a chaque année, de 3,6 à 7 millions de malades par toxi-infections alimentaires contre… 6 400 en France, selon les statistiques les plus récentes. Et, lorsque le nombre de morts par toxi-infections alimentaires se compte chez nous sur les doigts d’une ou des deux mains (8 en 1995 et 3 en 1994), il s’élève à 4 000 aux États-Unis.

Les résultats français ne sont pas le fruit du hasard. Nos services de contrôle sur le terrain mettent désormais en place, dans leur propre organisation, les méthodes d’assurance qualité bien connues des entreprises performantes. C’est une première !

Les laboratoires disposent des méthodes d’analyse les plus en pointe pour détecter les molécules indésirables. C’est une garantie !

La vigilance est grande. Les contrôles sont multiples. Les sanctions sont sévères. À titre d’exemple, en 1994, les services du ministère de l’agriculture ont procédé à 3,5 millions de saisies de denrées impropres à la consommation, ont transmis 3 700 procès-verbaux à la justice et ont retiré 180 agréments à des entreprises, leur interdisant ainsi de commercialiser des produits. Mais la très grande majorité des entreprises agricoles et agroalimentaires joue, à fond, le jeu de la sécurité. Ces entreprises, qui ont assuré en 1996 près du tiers du solde positif de la balance commerciale française, prouvent qu’elles savent répondre aux demandes des clients les plus exigeants.

* Rigueur et travail

La tradition française, c’est de construire la qualité tout au long de la filière alimentaire, avec la participation des professionnels concernés.

En effet, quand un lait est stérilisé, une certaine tolérance sur les normes microbiologiques de la matière première est possible.

En revanche, la France veut rester présente sur les marchés avec des produits aussi vivants, aussi complexes, par exemple, que les fromages au lait cru. Il faut aller plus loin. Il est impérieux de porter une attention particulière à la qualité de la production, de la transformation comme de la distribution des produits. Cela suppose des procédures d’agrément des établissements avant qu’ils n’aient le droit de mettre des produits sur le marché. Cela requiert, de la part des éleveurs et des industriels, un suivi qualitatif permanent, avec un « super-contrôle » des agents de l’État. Cela exige un niveau toujours plus élevé dans nos laboratoires, une formation technique importante des fonctionnaires responsables.

Ce n’est qu’au prix de cette rigueur et de ce travail que nous continuerons à consommer et à exporter des produits de terroir, des produits variés, des produits « qui ont du goût ». Il en va de l’avenir de notre culture gastronomique.

La France doit s’affirmer comme la référence mondiale pour la qualité et la sécurité de l’alimentation. Le choix de la qualité est un choix décisif, stratégique pour notre avenir. C’est celui de la nouvelle loi sur la qualité sanitaire, qui va renforcer les moyens d’assurer les examens préalables de toutes les matières premières utilisées en agriculture et en élevage, et qui ont un lien avec le produit final.

C’est aussi celui de la loi d’orientation sur l’agriculture et l’alimentation, qui sera examinée au printemps prochain par le Parlement.

Ce grand texte donnera une nouvelle impulsion aux produits « différents » : différents par leur lien au terroir, par leurs conditions de production, ou par les soins extrêmement attentifs qu’ils demandent.

Cette stratégie nous permettra d’augmenter la demande pour les produits français sur des marchés lointains. De notre réussite dépendent la vie dans nos campagnes et l’avenir de dizaines de milliers d’emplois.