Interview de M. Bernard Pons, ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme, à RMC le 4 février 1997, sur le premier tour de l'élection municipale partielle de Vitrolles, le conflit sur l'application des accords concernant les routiers, la réforme de la SNCF.

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P. Lapousterle : À Vitrolles, le candidat de la majorité a obtenu 16,3 % des suffrages au premier tour, le FN était à quelques centaines de voix de l'élection au premier tour, est-ce que ce n'est pas un signal grave adressé au Gouvernement et à la majorité, ce petit score, je dirais, de votre candidat ?

B. Pons : Je ne crois pas du tout. Il y a quelque temps, à Dreux, le résultat a été différent. Ce n'est pas à partir d'un élément particulier comme Vitrolles que l'on peut tirer des enseignements généraux. Il apparaît que le candidat socialiste, le maire sortant, n'était pas, je dirais, un candidat généralement reconnu comme un bon candidat et je crois qu'il y a des problèmes locaux qui ont beaucoup influencé cette consultation.

P. Lapousterle : Pour la première fois quand même, la majorité UDF-RPR retient un candidat en mesure de se maintenir, en faveur d'un candidat socialiste – même si vous dites qu'il n'est pas un très bon candidat – pour faire barrage au candidat du Front national. Pourquoi refuser le mot « front républicain » alors qu'il s'est appliqué à Gardanne et à Dreux ?

B. Pons : Je crois qu'il ne faut pas se cristalliser sur des mots. Ce qui importe, c'est que le candidat de la majorité se soit retiré et que les électeurs, au deuxième tour, se déterminent en toute conscience. Le choix sera simple.

P. Lapousterle : Vous appelez à voter M. Anglade ce matin ?

B. Pons : Moi, j'appelle à voter contre le candidat du FN parce que le FN est porteur d'un certain nombre d'éléments qui perturbent la vie politique française et je crois que c'est une mauvaise chose que d'appeler les Français à la radicalisation et à l'affrontement.

P. Lapousterle : Et si Madame Mégret est élue quand même ?

B. Pons : Elle sera élue par les électeurs.

P. Lapousterle : B. Tapie a passé sa première nuit en prison. Il y a trois ans, il avait recueilli plus de trois millions de voix, représentant un espoir pour les électeurs. N'est-ce pas une mauvaise nouvelle pour tous les responsables politiques ?

B. Pons : Je ne crois pas. Je crois que la morale et la politique doivent être en permanence dans nos esprits. Depuis plusieurs années, il y a un changement profond dans notre pays. II y a des règles qui doivent être respectées par les hommes politiques. Je dirais que la morale fait partie de ces règles essentielles. Et plus ça ira, plus les électeurs seront intransigeants en la matière. Donc, c'est l'épilogue de la longue histoire d'un homme qui a été très médiatique, qui avait un charisme en politique, qui a réuni sur son nom un grand nombre de suffrages mais qui a choisi des voies qui étaient critiquables et la justice est passée. C'est une décision de justice.

P. Lapousterle : Le conflit des routiers : la CFDT des routiers vous a adressé ce qu'elle appelle un ultimatum parce qu'il parait que les accords ne sont pas respectés.

B. Pons : Les accords sont respectés pour certains et seront respectés dans l'ensemble. Cette crise a été conclue par un certain nombre de protocoles et il y a différentes choses. Il y a ce qui relève des entreprises, ce qui relève de la négociation et ce qui relève de l'Etat. Ce qui relève de l'Etat, c'était deux décrets sur l'aménagement du temps de travail, la durée du temps de travail et le paiement des heures de repos. L'Etat a pris ses responsabilités, les deux décrets ont été publiés dans les délais voulus. Il reste une circulaire d'application qui va sortir dans les tous prochains jours. Donc, l'Etat a assumé ses responsabilités. Au niveau de la négociation, elle porte sur la cessation anticipée d'activité. Il était prévu que tout serait bouclé à la fin du mois de mars. Les négociations se poursuivent, le médiateur préside des réunions, et je présiderai moi-même, à la fin du mois de février, une réunion d'étape sur ce problème très important de la cessation anticipée d'activité et les délais qui avaient été prévus seront tenus. Autrement dit, le problème sera réglé avant la fin du mois de mars 1997. Reste le problème qui relève directement des entreprises. Il était prévu une prime de 3 000 francs -c'était une recommandation des entreprises. Un certain nombre d'entreprises ont payé cette prime, d'autres ne l'ont pas encore réglée. Mais il faut savoir que beaucoup d'entreprises de transport sont dans une situation difficile. Donc je crois qu'il ne faut pas brusquer les choses et je suis persuadé que les entreprises assumeront la responsabilité dans la mesure où elles vont pouvoir le faire. Et je pense que certaines vont échelonner cette prime.

P. Lapousterle : Vous allez à l'Assemblée nationale présenter le projet SNCF qui est accueilli par une grève.

B. Pons : Le projet de réforme de la SNCF a été adopté en première lecture par le Sénat, il y a déjà quelques jours. De quoi s'agit-il ? La SNCF est une grande entreprise. Elle a 180 000 salariés. Elle transporte chaque année en moyenne 800 millions de clients. Ce sont surtout d'ailleurs des clients en région parisienne qui font le trajet entre leur domicile et leur travail. Mais elle a aussi un rôle d'aménagement du territoire par ses lignes régionales. Elle a été créée en 1937. Il y a eu une légère modification en 1982 mais depuis, elle n'avait pas bougé. Et petit à petit, cette entreprise était complètement sclérosée et paralysée par le poids de la dette des infrastructures ferroviaires qui pèsent sur elle.

P. Lapousterle : Mais l'État n'a pas pris à sa charge toute la dette ?

B. Pons : Non, l'État n'a pas pris à sa charge toute la dette mais ça n'a jamais été demandé. Depuis 20 ans, les cheminots demandaient que l'Etat assume ses responsabilités et qu'il prenne à sa charge la dette correspondant au financement des infrastructures. C'est ce que nous faisons puisque nous reprenons 134 milliards 200 millions de la dette.

P. Lapousterle : Avec quel argent allez-vous payer cette dette ?

B. Pons : Cette dette va être transférée à un nouvel établissement public qui va s'appeler Réseau ferré de France. Chaque année, l'Etat fera une dotation en capital à RFF qui aura aussi d'autres ressources. Il devra financer les nouvelles infrastructures et devra rembourser la dette. Donc, la SNCF sera totalement libérée de ce poids énorme de la dette qui pesait sur elle et qui la paralysait totalement.

P. Lapousterle : Ne va-t-on pas vers une privatisation (...) si ce n'est pas votre intention aujourd'hui ; parce qu'en Allemagne ils le font, comme en Angleterre ?

B. Pons : Justement, c'est parce que nous ne voulons pas ça, que dans la loi, nous avons pris toutes les précautions. Nous affirmons pour la première fois dans la loi, que seule la SNCF pourra utiliser le réseau. Jusqu'à présent, ça ne figure pas dans la loi. Donc les cheminots, après le vote de la loi, auront plus de garanties qu'avant le vote de la loi. Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est clarifier les choses, c'est que la SNCF s'occupe de ses véritables missions et que l'Etat assume ses vraies responsabilités, ce qui n'a pas été fait depuis très longtemps. L'année dernière, il y a eu une crise, très longue, à la suite de laquelle nous avions décidé de lancer un débat national. Il s'est déroulé pendant un an. Tout le monde a été consulté au niveau régional, au Conseil économique et social, au Conseil national des transports, puis au Parlement. Et c'est en recueillant tous les avis que nous avons préparé ce projet de loi. Je vous signale quand même que six organisations syndicales sur huit sont favorables à ce projet.

P. Lapousterle : Vous pensez que ce sont des soubresauts ?

B. Pons : Non, je crois qu'il y a toujours une inquiétude de la part des salariés dans une entreprise quand on modifie un peu les choses. Mais, je crois que les organisations syndicales ont bien compris la réalité du problème c'est qu'il n'y a pas d'inquiétude véritable à avoir et qu'il s'agit d'une manifestation de présence plus qu'autre chose.