Déclaration de Mme Anne-Marie Couderc, ministre déléguée pour l'emploi chargée des droits des femmes, sur la contraception en France après la loi de 1967 et sur l'information sexuelle, Paris le 13 mars 1997.

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Circonstance : 30ème anniversaire de la loi Neuwirth légalisant la contraception, à Paris le 13 mars 1997

Texte intégral

À l’aube du 21eme siècle, la liberté de la Femme, celle de l’Homme, doit être attachée à sa pleine prise de responsabilité dans sa vie familiale, sociale, professionnelle, voire politique.

L’égalité des chances, la participation équilibrée des Femmes et des Hommes dans l’ensemble de la vie de la cité, le libre choix de la femme de disposer d’elle-même sont autant de principe auxquels je suis très attachée.

Chacun sait et reconnaît quel impact positif la maîtrise de la fécondité, dans de bonnes conditions de sécurité, a eu pour les femmes en France. Elle leur a permis d’accéder à l’économie. Elle a induit des changements de comportement dont on ne mesure peut-être pas encore complètement toutes les conséquences, mais qui ont joué, en tout état de cause, dans le sens d’une plus grande égalité entre les hommes et les femmes.

À l’époque actuelle, alors que pour les jeunes générations la contraception est entrée dans les mœurs, il est difficile d’imaginer le poids du silence que la loi de 1920, réprimant la provocation à l’avortement et à la propagande anticonceptionnelle, a fait peser, pendant des décennies, sur toutes les questions de régulation des naissances et les difficultés qu’ont rencontrées les promoteurs de la contraception pour la faire admettre et légaliser.

C’est à ce titre, Monsieur le Sénateur, que je souhaitais aujourd’hui marquer ce 30eme anniversaire.

1. – La contraception en France après la loi de 1967

Après la loi de 1967 légalisant la contraception, la pilule et le stérilet ont progressivement remplacé les méthodes traditionnelles de contraception.

En 1970, 60 % des premiers rapports sexuels des femmes avaient lieu sans aucune contraception. Au cours des années 70-80, la proportion des femmes ne prenant aucune précaution los de premiers rapports a régulièrement décru, passant à 30 % en 1988 pour ne plus représenter que 16 % des premiers rapports en 1993, selon l’INSERM.

Au cours de la dernière décennie, le phénomène le plus marquant a été la progression de l’utilisation de la pilule (5,2 millions d’utilisatrices en 1994, contre 4 millions en 1988), au détriment du stérilet et des méthodes non médicales ; celles-ci deviennent marginales, à l’exception des préservatifs.

La diffusion de la pilule s’est prolongée et amplifiée grâce à l’apparition des nouvelles pilules à dosages différents, et 37 % des femmes de 20 à 49 ans l’utilisent aujourd’hui.

À partir de 1986, après les campagnes de sensibilisation aux risques du SIDA, les préservatifs se sont diffusés auprès des jeunes de moins de 30 ans ; un sur dix l’utilisaient en 1987 pour un sur deux en 1993. Les préservatifs sont surtout utilisés de façon temporaire, au début de la vie sexuelle ou au début de la vie de couple, et par des femmes qui ne vivent pas en couple.

Cette utilisation a permis de fortement diminuer, même si ce n’est pas encore assez, le nombre des premiers rapports sexuels non protégés.

En 1994, selon une enquête INSEE, les deux tiers des femmes de 20 à 49 ans ont recours à la contraception. Les non-utilisatrices incluent évidemment les femmes enceintes, celles qui cherchent à avoir un enfant et les femmes n’ayant pas de rapports sexuels.

C’est chez les jeunes que l’utilisation de contraception est la plus forte : 69,5 % des femmes des 20-24 ans utilisent une méthode en 1994.

2. – Globalement, la France est ainsi aujourd’hui l’un des tout premiers pays au monde pour l’emploi des méthodes contraceptives efficaces. Parmi les pays développés comparables, elle est l’un de ceux où se pose le moins gravement le problème des grossesses et avortements chez les mineures. En Angleterre et en Amérique du Nord, ces situations progressent de façon explosive, ce qui n’est pas le cas chez nous, même si les quelques milliers de jeunes filles qui vivent cette situation, sont de trop.

a) Mais un des paradoxes, mal expliqué, de la situation française est que cette forte prévalence d’une contraception moderne ne permet pas de réduire le nombre des avortements. Une étude qui figure au programme 1997 du ministère devrait permettre de mieux comprendre ce phénomène.

En tout état de cause, il ne faut pas interrompre les efforts d’information, notamment auprès des adolescents, parfois moins bien informés qu’on ne le pense et à qui l’on doit une information précise et bien adaptée à leur âge, à leur sexe, à leur milieu social.

De structures existent pour cela : établissements d’information et centres de planification qui mériteraient sans doute d’être mieux connus du grand public. Vous avez un rôle à jouer sur le terrain pour réaliser cet objectif, avec les associations qui les gèrent.

J’ai demandé au Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale de réfléchir à une bonne adaptation du contenu et des moyens de diffusion de l’information. Par ailleurs, j’ai souhaité qu’une brochure élaborée dans le service puisse être diffusée largement vers les jeunes ; la maquette est terminée.

De plus, en matière d’information, il ne faut pas négliger celle qui vient des médecins, ce qui suppose qu’ils soient formés eux-mêmes convenablement sur ces questions.

Par exemple, on voit encore des jeunes femmes à qui leur médecin a trop peu expliqué le fonctionnement des différents moyens contraceptifs, e qui entraîne de mauvaises utilisations. On voit aussi des femmes auxquelles leur médecin n’a pas dit, à moins qu’elles ne l’aient pas entendu, que l’association pilule/tabac peut être dangereuse. Le Conseil Supérieur de l’Information Sexuelle de la Régulation des Naissances et de l’Education Familiale devrait sans doute, là également, réfléchir à des messages appropriés.

Cette année, le Conseil me fera ses premières propositions pour la mise en œuvre desquelles tant les associations que l’Education nationale et notre propre ministère devront être partenaires.

En outre, la presse s’est fait l’écho, le 10 mars dernier, des dix propositions pour la contraception, élaborées par le collège national des gynécologues et obstétriciens français et la fédération nationale des collègues de gynécologie médicale.

Celles-ci ont retenu toute mon attention et je compte, dans les plus brefs délais, en saisir le CSIS afin qu’un travail d’expertise en commun soit développé.

b) J’en profite pour réaffirmer ici que le Gouvernement exclut toute remise en cause de la loi du 17 janvier 1975, dites loi Veil, qui est une loi de santé publique indispensable. Il faut, au contraire, continuer à veiller à sa bonne application, notamment dans les hôpitaux publics.

Le dossier Guide IVG, transmis obligatoirement par le médecin à la femme lors de la première consultation médicale en vue d’une IVG, a été remis à jour et diffusé dernièrement à 300 000 exemplaires.

De plus, je tiens à souligner que les directeurs d’hôpitaux font systématiquement appel à la force publique et plaine est déposée dans tous les cas d’entrave.

Le libre choix de la femme de disposer d’elle-même ne peut s’exprimer que si cette liberté est accompagnée du respect de son intégrité physique e morale.

3. – Je souhaiterai avant de conclure, vous préciser que le sens de l’action du gouvernement est d’inscrire la politique en faveur des Droits des Femmes dans une logique d’ensemble.

C’est l’emploi, c’est l’égalité professionnelle, c’est l’égalité des chances, c’est aussi le respect de la femme. Et ce dernier point me parait essentiel.

Notre politique en la matière : c’est d’abord d’éduquer et de prévenir. Je m’appuie sur le Conseil Supérieur d’Information Sexuelle que j’ai réactivé l’année dernière avec deux objectifs : l’information sur la sexualité, l’autre la prévention des comportements violents.

C’est ensuite d’aider les femmes en détresse, par :
    - des mesures d’urgence au travers de la réactivation des commissions départementales d’action contre les violences ;
    - l’élargissement des capacités d’écoute ;
    - la création en 1996 dans 8 départements supplémentaires de lieux d’accueil et de soutien.

En conclusion, je souhaite affirmer que la contraception est une conquête majeure pour les femmes. Il convient donc dans le cadre de notre politique sociale d’assurer la préservation de cet acquit, notamment auprès des jeunes générations.