Déclarations de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur les grandes orientations du projet de budget de la défense pour 1998, à l'Assemblée nationale le 12 novembre 1997 et au Sénat le 5 décembre, parues dans "Propos sur la défense" de novembre et décembre 1997.

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Circonstance : Présentation du projet de budget de la défense pour 1998 à l'Assemblée nationale le 12 novembre 1997, et au Sénat le 5 décembre 1997

Média : Propos sur la défense

Texte intégral

Reconversion des industriels d’armement terrestres et de constructions navales (analyse de leur organisation)

M. Quilès a fait état de ce qui était réalisé dans l’électronique et de ce qui était en projet dans l’aéronautique, mais la préparation des industriels de défense à l’avenir doit également intervenir dans les armements terrestres et les constructions navales. Dès lors, la consolidation de leur avenir passe par une analyse réaliste de leur organisation industrielle et par des évolutions respectant leur unité et assurant leur capacité de répondre à leur demande réelle de matériels d’armement. Le Gouvernement, qui a confiance dans ces établissements et dans les personnels qui y travaillent, a déjà montré sa détermination à mener à bien cette tâche en recapitalisant, en septembre dernier, GIAT Industries à hauteur de 3,7 milliards de francs.

La nécessaire adaptation de ces industries doit, pour être comprise, – et acceptée – être accompagnée par la mise ne place de moyens qui la rendent socialement et économiquement supportable, dans ces conditions d’équité, pour les personnels et les bassins d’emplois concernés. Certaines mesures d’autorité, incluses dans le plan social en vigueur à GIAT Industries et dans le plan du gouvernement précédent pour la DCN, ainsi qu’une concertation insuffisante n’ont pas permis d’engager cette adaptation industrielle dans de bonnes conditions. Cela conduit le Gouvernement à concevoir différemment un nouveau programme d’adaptation.

Ouvriers de GIAT Industries et DCN (possible cessation à 52 ans)

Le Gouvernement a d’ores et déjà décidé de prendre, pour les ouvriers de l‘État travaillant pour GIAT Industries et pour la DCN, une mesure dérogatoire autorisant leur départ à cinquante-deux ans avec la plénitude de leurs droits et prévoyant le maintien des compétences dans toutes les unités concernées. Cette mesure s’ajoute à celles qui ont été prises en octobre en faveur de la sous-traitance interne de la DCN. Elle s’accompagnera de dispositions prévoyant de nouveaux recrutements selon les besoins dans les établissements.

DCN (négociation pour la réduction de la durée du travail)

En outre, dans le cadre de la réflexion qui devra être menée au début de 1998 sur l’organisation des établissements de la DCN, la négociation d’un accord sur l’aménagement et la réduction de la durée du travail dans cet ensemble d’établissements sera engagée. J’examinerai par ailleurs, dans le cadre de la revue des programmes dont je vais vous parler tout à l’heure, les ajustements indispensables pour l’avenir de certains établissements tout en demeurant compatibles avec les besoins à moyen terme de nos armées.

Reconversion des industries d’armements terrestres et des constructions navales (diversification)

L’organisation des moyens humains et financiers consacrés à la diversification de ces industries et au développement économique des bassins d’emplois concernés sera revue avec une plus grande ambition. Des équipes économiques de site, appuyées par des opérateurs spécialistes expérimentés dans la conversion et le développement local, seront implantées dans chacun des bassins d’emploi touchés. J’attendrai avec beaucoup d’intérêt les réflexions et propositions de Mme Lignières-Cassou que vous avez chargée de ce problème.

Par ailleurs, les établissements industriels de la DCN et de GIAT Industries seront au cœur de la démarche de diversification des activités et de développement des bassins d’emploi, grâce aux capacités d’essais et de bureaux qui seront mobilisées à cet effet, car j’insiste sur le fait que les possibilités de diversification partent d’abord du potentiel technologique et scientifique accumulé par les recherches et des développements de haut niveau.

Reconversion de l’industrie de défense (formation permanente)

De même, l’outil de formation que constituent les écoles de formation technique sera mobilisé, à côté de sa mission traditionnelle de formation initiale, en faveur de la formation continue des personnels sous statut, garantissant ainsi le maintien des compétences face à la modernisation en cours et la pérennité des établissements eux-mêmes. Mais ces écoles de formation se mobiliseront aussi en faveur des salariés de la sous-traitance de manière à favoriser les transferts de savoir-faire.

Délégation interministérielle aux restructurations de défense (modification)

Enfin, la délégation interministérielle aux restructuration de défense, dont l’organisation sera dynamisée et le rôle étendu, ce qui conduira d’ailleurs sans doute à modifier son titre et à insister sur son rattachement interministériel, disposera, en 1998, d’un crédit de 500 millions de francs sur plusieurs fonds émanant de différents départements ministériels et de la Communauté européenne pour mener à bien sa mission. Ces sommes seront gérées de manière déconcentrée et transparente. Des comités de suivi régionaux de la conversion, associant les élus et les organisations représentatives, seront mis en place à cette fin dès le début de l’année 1998 autour des préfets. Cet effort de concertation qui marque, me semble-t-il, un changement positif dans la méthode de conduite des adaptations, garantira le sérieux de notre démarche de diversification et de développement. J’insiste sur l’importance de la concertation au niveau de chaque établissement, mais aussi sur la nécessité de mener une réflexion nationale et d’avoir une responsabilité gouvernementale pour la conduite de ce processus.

Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire

Par ailleurs, le Premier ministre réunira dès la fin de cette année un premier comité interministériel d’aménagement du territoire chargé d’examiner notamment la situation des bassins les plus immédiatement touchés par les restructurations de défense. D’autres suivront pour assurer la continuité et la cohérence nationale de cette action.

Pour signifier enfin que le Gouvernement est déterminé à soutenir les industries de défense dans la phase difficile de leur adaptation, c’est ces dernières semaines qu’a été mise en application réelle pour la première fois la formule, des commandes pluriannuelles, je vous en détaillerai l’impact dans mon intervention générale.

L’ensemble de ce dispositif montre la détermination du Gouvernement tout entier à mener à bien ce chantier de réformes en s’appuyant sur la qualité et sur la technicité du personnel de DCN et de l’entreprise GIAT Industries dont les atouts technologiques sont incontestables et représentent des chances pour l’avenir des bassins concernés mais aussi pour la nation tout entière.

Défense (Parlement)

Il me revient en premier de remercier et de complimenter pour la qualité de leurs travaux le Président Paul Quilès, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, ainsi que les députés ayant pris part à la discussion générale. Dans leur diversité mais avec un souci commun d’éclairer les choix de l’Assemblée et donc ceux de la nation, ils illustrent le rôle éminent qui revient au Parlement en matière de défense nationale.

C’est en effet un des piliers essentiels de la démocratie, à la fois par les étapes historiques de sa construction mais aussi par l’actualité intense de nombreux thèmes de débat que constitue le consentement du Parlement aux crédits et plus globalement aux moyens pratiques de la défense. Ce vote, à bien des moments de notre vie nationale, a revêtu une portée politique et symbolique majeure, et encore aujourd’hui je crois à la très grande utilité d’échanger nos réflexions sans a priori, sans auto-limitation, mais en pleine conscience de nos responsabilités communes au législatif et à l’exécutif, sur la destination et le bon emploi de ce budget majeur.

Je me réjouis donc de la présence nombreuse qui caractérise notre débat et particulièrement de la diversité des députés qui y prennent part, les spécialistes les plus chevronnés côtoyant d’autres élus orientés vers d’autres domaines d’expertise mais soucieux d’exercer dans sa plénitude leur fonction politique de synthèse. De mon côté, je veux entrer dans ce débat en mettant en avant la politique, en écoutant chacun et en disant la conviction du Gouvernement, comme si chaque voix sur ce budget était à gagner par la persuasion loyale dans un dialogue républicain sans tactique et sans détour. Sentiment de responsabilité, conscience de mes devoirs, vision de la perspective de durée où se placent vos actes politiques quotidiens.

Une très large part de nos échanges, et de ma propre contribution, sera contrée sur des problèmes financiers, techniques, industriels et il est bien que nous soyons très concrets. Mais c’est le devoir du Gouvernement, à l’égard d’une mission fondamentale de l’État engageant les intérêts vitaux de la nation, de présenter d’abord aux parlementaires la cohérence des objectifs politiques au service desquels se déploient ces moyens. Nous cédons trop les uns et les autres à la tentation de supposer connues et acceptées les missions de nos armées, et d’entrer d’emblée, avec quelque gourmandise, dans des discussions d’experts sur leurs moyens. En agissant ainsi, notamment dans les périodes d’éloignement relatif des menaces, nous affaiblissons la compréhension et le soutien de notre effort de défense par les citoyens et nous exerçons mal une de nos responsabilités politiques élémentaires. Nous n’apportons pas non plus, à tous les professionnels de la défense qui nous écoutent, la crédibilité qu’ils méritent. Aussi, avant de vous parler d’intendance, je souhaite vous exposer à grands traits de quelle politique nous devons assurer l’intendance.

Cette politique croise une analyse des risques et une volonté d’action internationale.

Il n’est pas inutile de rappeler que nous sommes à quelques jours de l’anniversaire de deux événements qui ont profondément marqué, dans des registres certes différents, le paysage stratégique et politique mondial des dernières années : il y a huit ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin s’effondrait ; la levée symbolique du rideau de fer marquait la fin de la guerre froide ; le 29 novembre 1990, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies autorisait ses membres à recourir à la force pour faire cesser l’agression de l’Irak envers le Koweït, symbole également d’une nouvelle forme de menace et de conflits dont les embrasements en ex-Yougoslavie ont montré d’autres modes d’expression, également dangereux.

Contexte géostratégique (transition)

Nous sommes, en effet, entrés dans ce qu’il est convenu d’appeler une phase de « transition stratégique ». Pour la première fois de son histoire, la France ne connaît pas de menace à ses frontières ; à cet égard, les principales analyses du Livre blanc de 1994 se sont révélées fondées. Il est pourtant clair que nous n’avons pas à nous installer dans l’illusion de la sécurité générale et durable. Les équilibres stratégiques demeurent fragiles.

Espace européen stabilisé

Une partie de l’espace est-européen nous apparaît, désormais, stabilisée. La démocratie russe est en voie de consolidation, même si le processus demeure fragile et si de fortes incertitudes demeurent dans l’espace ex-soviétique. Pour l’heure, la Russie s’est rapprochée de l’Alliance atlantique et, avec la création du « Conseil conjoint OTAN/Russie », une page a été tournée : d’adversaires présumés, nous devenons partenaires potentiels. Une bonne part de l’Europe centrale et orientale est en voie d’intégration dans l’Europe toute entière. Des traités bilatéraux, qui n’étaient pas probables, ont consacré l’établissement de relations de bon voisinage. La Pologne, la République tchèque et la Hongrie s’apprêtent à entrer dans l’OTAN, puis dans l’Union européenne.

Péninsule balkanique

En revanche, les crises se sont multipliées dans la péninsule balkanique, où la situation politique demeure extrêmement volatile, plusieurs interventions militaires lourdes y ont été conduites depuis 1991. La France y a systématiquement participé.

Méditerranée – Asie

L’instabilité persiste sur les pourtours de la Méditerranée. Pour la France, un risque terroriste quasi permanent, matérialisé à plusieurs reprises sur notre territoire, existe. Plus loin de nous les zones de turbulence ne manquent pas. Les risques de confrontation militaire en Asie sont réels : sur la péninsule coréenne, dans le détroit de Taïwan ; aux limites du Moyen-Orient, du subcontinent indien et de l’Asie centrale. Les modèles de croissance y sont fragiles et vite ébranlés par les tensions communautaires et religieuses. L’Afrique, de son côté, éprouve de grandes vagues d’instabilité dont les effets humanitaires et politiques s’imposent à nous.

Prolifération des armes de destruction massive

Enfin, il se confirme que la prolifération des armes de destruction massive lance un des principaux défis de sécurité de l’après-guerre froide. Notre présence dans la commission spéciale des Nations unies chargée d’éliminer les programmes irakiens n’a pas d’autre objet dans une région sous haute tension, mais c’est loin d’être la seule région suspecte en matière de prolifération. Il s’agit là, pour les responsables de la défense, de l’une des formes de menaces militaires les plus préoccupantes pour le proche avenir.

Politique de défense (principes)

Face à cette situation quelle doit être notre attitude ? Puisqu’aujourd’hui nous n’avons à craindre aucune action ouverte contre notre territoire, a-t-on besoin de conserver un outil militaire important et diversifié ? C’est là que l’analyse rencontre une volonté politique. Face à ces diverses menaces et à sa taille et à ses moyens économiques. La France a un choix, qui nous rassemble tous et qui nous paraît donc aller de soi, mais qui devient plus explicite quand on regarde notre pays depuis l’un de ses voisins. C’est le choix d’affirmer de façon décisive sa présence et ses ambitions internationale, sans s’arrêter au critère de l’intérêt purement économique de cet engagement. Cela s’apprécie par le niveau de notre présence diplomatique, de notre contribution aux institutions internationales, de notre coopération internationale, de notre effort de diffusion culturelle, qui dépassent substantiellement ce que consentent la plupart des grandes et moyennes puissances.

Cette volonté d’affirmation ne répond pas, nous le savons tous, à des motivations de puissance ; elles ont existé, mais elles ont été relevées au cours du XIXe siècle, à partir du choc révolutionnaire, par un message et par le sentiment d’une mission, inspirés de nos valeurs républicaines. Il n’est que de rappeler le rôle éminent de notre pays dans la construction d’un droit international moderne, dans l’instauration des premières organisations internationales. Tout cela est bien connu, je le sais, mais il n’est pas déplacé d’en faire mention dans un débat comme le nôtre.

La fin de la guerre froide a ouvert une période favorable à de nouvelles avancées du droit et de l’équité dans la vie internationale que stérilisait auparavant la confrontation statique des blocs, et cette opportunité historique ne peut que passionner la France. Mais, dans un monde à l’agressivité n’est pas sur le point de disparaître, il est vain ou hypocrite de prétendre établir plus de règles dans les relations entre États si l’on se refuse à donner de la force au droit.

Notre pays, lui, et à la différence de beaucoup d’autres, entend soutenir effectivement ses options politiques internationales par une capacité militaire qui garantit la réalité de ses prises de position, le plus souvent en accord avec d’autres, mais avec un vrai choix, libre, de ses moyens. Car lorsqu’on est face à un enjeu international où la violence est présente, il n’y a guère que deux choix alternatifs :

- soit laisser la conduite de la situation à la superpuissance ou à une puissance régionale qui assume l’engagement de sa force en risquant la vie de ses hommes ;
- soit espérer influer en se bornant à l’intervention diplomatique, humanitaire ou économique ; c’est sans arrogance, mais sans complexe, que la France refuse ce dilemme ; elle veut compter sur ses propres forces.

Tel est le fondement de notre capacité d’action et de nos moyens de défense. Avant d’en venir aux choix pratiques qui font l’objet de notre débat de ce soir, il me paraissait utile de nous remémorer ces principes, qui constituent la base de la continuité républicaine de l’essentiel de notre politique de défense et qui lui permettent de rassembler toutes les familles de pensée de notre représentation nationale, sauf quand les aléas de la conjoncture politique y mettent momentanément obstacle.

Veille stratégique et inflexions

Le rappel de cette position permanente ne nous dispense pas d’être attentifs à ce qui évolue, aux tendances nouvelles de l’insécurité qui peuvent être en germe. Si le tournant géo-stratégique de 1991 a un sens dominant, c’est bien celui d’une instabilité nouvelle des données de sécurité ; il est visible, par exemple, que les crises africaines d’aujourd’hui changent de nature et que la poussée de l’islamisme trouve de nouveaux points d’application. Je plaide donc pour une véritable veille (avec la liberté de pensée correspondante) qui nous permette, tout en maintenant nos options de long terme, de réfléchir sans retard aux nécessaires inflexions. Le monde n’a pas arrêté de changer en 1991. Cette veille représente, à mes yeux, une fonction naturelle des données de sécurité ; il est visible, par exemple, que les crises africaines d’aujourd’hui changent de nature et que la poussée de l’islamisme trouve de nouveaux points d’application. Je plaide donc pour une véritable veille (avec la liberté de pensée correspondante) qui nous permette, tout en maintenant nos options de long terme, de réfléchir sans retard aux nécessaires inflexions. Le monde n’a pas arrêté de changer en 1991. Cette veille représente, à mes yeux, une fonction naturelle du Parlement. Et, j’attire l’attention de l’Assemblée sur l’inertie des systèmes militaires, aujourd’hui comme hier, avec ses conséquences redoutables pour les pays qui, en période calme, négligent des menaces montantes ou se privent des moyens d’une remontée de puissance organisée.

Politique militaire européenne

Dans ces inflexions nécessaires, l’une justifie une mention particulière pour préciser la position du Gouvernement : c’est la volonté de faire converger les efforts de défense des pays européen, que rassemblent aujourd’hui tant de solidarités et de facteurs d’identité commune.

La construction européenne est désormais, plus que jamais, au cœur de notre politique de défense. Certes, les progrès limités de l’identité européenne de sécurité et de défense justifient, ici aussi, un jugement lucide. Les réunions de Madrid, pour l’OTAN, et d’Amsterdam pour l’Union européenne, n’ont été que des demi-succès pour la cohésion européenne. L’UEO, quant à elle, ne s’impose pas facilement, comme en a témoigné a contrario l’opération « Alba » qui s’est faite hors de son cadre. Pour autant, la mise en œuvre de structures et de moyens européens se poursuit pas à pas. Le corps européen est désormais opérationnel, une partie des éléments de la brigade franco-allemande est déployée en Bosnie. Les forces multinationales européennes continuent d’être développées.

Par ailleurs, face au dynamisme de l’industrie américaine d’armement, les Européens entreprennent de réagir ensemble. Avec l’Allemagne, le Royaume-Unis et l’Italie notamment, les chances d’une coopération plus étroite se dessinent. La création de l’OCCAR témoigne de cette volonté qui se concrétise par le développement de nombreux programmes d’armement de haut niveau technique en commun. Vous l’avez constaté, nous avons choisi sans ambiguïté, lors de la préparation de ce projet de budget, de préserver tous les programmes d’armement réalisés en coopération, contribuant ainsi à construire une confiance accrue entre partenaires européens.

Mais ne nous berçons pas d’illusions ; ce n’est pas à coups de proclamations politiques unilatérales que l’on reviendra sur les profondes dissemblances de situation et de perspectives qui forment la donne de départ de l’Europe de la défense. Les habitudes de pensée et les traditions nationale, particulièrement fortes en la matière, feront justice du volontarisme artificiel, et il est injuste et puéril de stigmatiser comme une culpabilité collective un retard de l’Europe de la défense qui n’est qu’un moment de l’évolution historique, que nous dépasserons par une démarche pragmatique et résolue. La volonté politique dans cette voie ne se mesure pas à l’intensité des invocations mais à la capacité de changer les habitudes acquises par des compromis dynamiques. C’est cette démarche qui, outre les éléments concrets de coopération européenne que je viens de mentionner, explique le choix de notre pays dans l’évolution de l’alliance atlantique.

Si nous maintenons notre refus de participer à un commandement intégré dont la composante européenne, malgré certains progrès, demeure pour nous insuffisante, notre attitude est pourtant résolument constructive, car nous savons que tous nos partenaires de l’identité européenne de défense et de sécurité sont à l’intérieur de l’organisation intégrée : notre pays est pleinement disponible pour poursuivre le débat ; nous souhaitons accroître la participation de nos forces armées aux activités militaires de l’alliance qui nous apparaissent les plus adaptées à la future stabilité européenne.

Telle est bien la ligne arrêtée avec le Premier ministre en plein accord avec le président de la République, que j’ai exposée lors de la dernière réunion ministérielle de l’alliance : nous nous proposons de nous associer aux états-majors de groupements de forces interarmées multinationales, aux activités du Partenariat pour la paix avec les européens non membres de l’alliance, et aux volet européen de la planification militaire conformément aux accords permettant à l’OTAN de mener des actions sous responsabilité politique de l’UEO.

Politique militaire de la France en Afrique

Un autre élément essentiel de notre politique de défense mérite que son évolution soit expliquée : les accords bilatéraux que nous entretenons avec un grand nombre de partenaires africains. Ces accords sont maintenus. Ils pourront être adaptés, car notre attachement à ces accords est entier. La présence et les investissements militaires de la France sur le continent africain resteront important ; cinq bases militaires et des forces prépositionnées qui s’établiront à terme à un peu moins de 6 000 hommes. Nos partenaires africains, que j’ai rencontrés, sont pleinement conscients, avec nous, de la nécessité d’adapter aux nouvelles données politiques, trente ans après les indépendances, une organisation qui ne peut rester figée : nous pensons, eux comme nous, qu’elle doit devenir le creuset d’un nouveau partenariat entre la France et l’Afrique, voire à terme entre l’Europe et l’Afrique.

Ce cadre de cohérence, dont je n’ai présenté à l’Assemblée que les grandes lignes, explique les choix de moyens qui guident notre politique. Celle-ci, vous le savez, assigne à nos armées quatre missions majeures, la prévention, la protection, la projection et la dissuasion, entre lesquels nous répartissons nos capacités en recherchant le maximum de synergies. C’est ce qui forme la base de la politique de défense de notre pays.

Armée professionnelle

La dynamique de la professionnalisation, qui résulte des analyses globales que je viens d’exposer, est enclenchée : elle est irréversible et le Premier ministre l’a confirmée ici même dans sa déclaration de politique générale au mois de juin dernier. C’est, nous le savons tous, une réforme considérable pour les armées, sans doute la novation la plus importante que notre pays ait connue au cours du dernier siècle, en matière de défense militaire, comparable à celle, prise secrètement sous la quatrième République puis concrétisée par le Général de Gaulle lors de son retour au pouvoir, de doter la France d’une puissance atomique autonome.

La loi de programmation militaire a tracé les concours de cette réforme, son rythme et ses modalités : depuis l’an passé toutes les énergies, au sein du ministère, sont concentrées pour en assurer le succès. Chacun le sait ici, le passage d’une armée mixte au sein de laquelle les appelés occupent une place importante à une armée essentiellement composée de militaires de carrière ou sous contrat et de civils, a un coût : non seulement, même dans un format plus réduit, les soldes sont plus élevées, mais il faut en outre, et on n’a pas vu encore toutes les conséquences de cette évolution, substituer du travail rémunéré à son prix normal à la production auparavant assurée, à un coût artificiellement bas, par les appelés. Ce coût nous le connaissons et nous l’assumons. Cet effort n’est pas consenti en vain car déjà les actions entreprises portent leurs premiers fruits : nos capacités d’action extérieure sont d’ores et déjà supérieures, au moment où je vous parle, à ce qu’elles étaient du temps de la guerre du Golfe.

Loi de programmation 1997-2002

Ce budget s’inscrit, bien entendu, dans le cadre fixé par la loi de programmation militaire 1997-2002. Le Gouvernement a remis au Parlement un rapport sur l’exécution de la loi de programmation et des mesures d’accompagnement économiques et sociales, conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi du 2 juillet 1996 et de l’article 15 de la loi du 19 décembre 1996, dont je me bornerai à vous présenter les traits majeurs.

Je voudrais insister sur la nature particulièrement novatrice de cette loi de programmation militaire. En effet, comparée à toutes celles qui l’ont précédées depuis la première loi de programmation 1960-1964, cette loi de programmation à laquelle nous nous référons aujourd’hui n’est pas une simple loi d’équipement militaire comme ses devancières ; elle définit à moyen terme l’intégralité d’un système de défense, c’est-à-dire d’un tout cohérent, réunissant en différents systèmes de forces, des moyens humains et des moyens matériels : pour la première fois, cette loi a élargi le cadre traditionnel de l’ordonnance du 2 janvier 1959 qui limitait les « lois de programmes » aux autorisations de programmes de dépenses d’équipement. Dans cette approche novatrice, les matériels militaires dont la réalisation est programmée n’ont pas de cohérence isolée ; leur nécessité n’est concevable qu’en relations aux systèmes de forces qui les regroupent et surtout aux hommes qui les emploient.

Budget 1997

Il résulte de cette conception nouvelle, qui certes augmente les incertitudes traditionnellement associées à un exercice législatif de programmation financière, mais qui au moins présente une cohérence opérationnelle, que le jugement à porter sur chaque budget dépend d’abord des moyens humains et des capacités de fonctionnement dégagées par le projet de loi de finances. Notamment ces deux années 1997 et 1998, où le bon engagement de la professionnalisation est décisif, le gouvernement a fait le choix déterminé de garantir le financement sans faille de la composante humaine de nos armées.

Titre III (effectifs budgétaires)

Qu’en a-t-il été en 1997, première année de réalisation de cette programmation qui bien sûr a été exécutée pour moitié par le gouvernement précédent ?

Personnel militaire

Avec des crédits de fonctionnement de 102,2 MdF, conformes à l’annuité prévue par la programmation, l’évolution des effectifs des différentes catégories de personnel a été, en 1997 conforme à celle prévue par la programmation. La diminution globale des effectifs de la défense a été de 4,3 % en 97, elle doit être de 4,4 % en 1998 correspond à une réduction de 24 500 postes, chiffre qui compense l’évolution divergente entre les militaires du rang professionnels, dont le nombre a crû de près de 6 300 en 97 et devrait croître de 7 838 en 98, et les appelés dont le nombre décroît chaque année de l’ordre de 32 000.

Personnel civil

Parallèlement, et en raison du rôle accru qu’ils sont appelés à tenir dans les armées professionnalisées, le nombre de postes de personnes civils, en dehors des services à caractère industriels, a augmenté de 1 128 en 1997, progression qui devrait se poursuivre en 1998 avec près de 1 400 postes supplémentaires. L’objectif, je vous le rappelle est de faire passer les effectifs de civils d’environ 75 000 en 1997 à quelque 83 000 en 2002.

Au long de cette année 1997, les diverses mesures indispensables à l’accompagnement humain de la transition de l’armée mixte vers l’armée professionnelle ont été progressivement mises en œuvre. Certaines résistances et certaines difficultés ont dû être surmontées. Outre les dispositifs d’aide au départ dont il faut noter l’efficacité, je citerai notamment l’amélioration de la rémunération des militaires engagés (solde nette minimale à 5 600 F hors indemnités), qui est bien sûr, sur un marché du travail ouvert, une des garanties de la qualité du recrutement, l’accroissement des offres d’emploi dans la fonction publique aux officiers et sous-officiers, la prorogation des dispositions permettant un départ en retraite avec la pension du grade supérieur (dites « articles 5 et 6 »).

Titre V

En ce qui concerne les équipements, le budget 1998 a été fixé en loi de finances initiale à 88,7 MdF, conformément à la loi (85 MdF/1995 actualisés). Toutefois, dès le début de la gestion, des crédits étaient gelés à hauteur de 1,8 MdF et un certain retard pesait sur les engagements de dépenses. Les exigences de réduction du déficit, dont la dérive avait été relevée par l’évaluation des finances publiques effectué à l’été, ont conduit le gouvernement à annuler définitivement ce gel qui avait été préventivement décidé par le précédent Gouvernement.

Enfin, mi-octobre, une seconde annulation de crédits d’équipement, à hauteur de 1,6 MdF a été rendue nécessaire. Il est vrai que le même mouvement financier ouvrait des crédits de rémunération et de fonctionnement compensant des insuffisances de dotation marquant la construction budgétaire de 97.

Cette réduction de l’ordre de 3,8 MdF des crédits ouverts en loi de finances initiale n’a pas entamé sérieusement la capacité à poursuivre la modernisation des équipements, même si, le rythme de cette modernisation a été légèrement ralenti et si ces réductions n’ont pas été sans effets sur l’environnement des forces.

Projet de budget 1998

Après vous avoir ainsi résumé le déroulement de la première année de programmation, où la composante humaine a reçu la priorité qui exprime la cohérence de la réforme des armées, je souhaite vous montrer, Mesdames et Messieurs les députés, que le projet de budget soumis à votre approbation pour 1998 se place dans la même perspective de priorité aux hommes et respecte les lignes de force de la programmation en matière de modernisation des matériels.

Titre III

À cet égard, je dirai d’un mot que ce projet est celui de l’ensemble du Gouvernement, et qu’il ne résulte pas d’un affrontement dialectique entre deux départements ministériels. Ces crédits de fonctionnement seront de 103,7 MdF, soit 102,7 MdF, à périmètre constant, puisque des rationalisations de compte respectueuses du contrôle parlementaire m’ont conduit à ramener au titre III, 1 MdF de crédits auparavant inscrits soit en investissement, soit en fonds de concours, et qu’il était plus logique de placer en crédits de fonctionnement. À ce sujet, je souhaite remercier la commission et le Président Quilès de leur attention au problème de la clarté du cadre compte du ministère, problème auquel je suis aussi très sensible. Je compte proposer aux parlementaires, et c’est d’abord à la Commission de défense que je pensais, de réfléchir ensemble aux améliorations réalisables d’ici l’an prochain.

Avec cette masse de crédits nous seront en mesure en 1998 :

- de respecter très exactement, comme en 1997, la progression des effectifs inscrits dans la loi ;
- de renforcer l’accompagnement de la professionnalisation puisque les crédits qui y seront consacrés sont augmentés de près de 25 % ; en ce domaine nous avons pris des mesures substantielles en inscrivant pour la première fois des congés complémentaires de reconversion pour les engagés en fin de lien, qui sont les moins formés. Nous avons inscrit des crédits significatifs pour concurrencer réellement la mise en sous-traitance à l’entreprise de nombreuses tâches logistiques accomplies par des appelés et qu’il serait contre-productif de faire exercer par des militaires professionnels ;
- nous avons également très substantiellement augmenté les enveloppes consacrées aux pécules, les pécules nouveaux créés par la loi du 19 décembre 1996, et visant donc à un départ anticipé des cadres sous-officiers et officiers sur une base volontaire et sans mesure contraignante, sont, dans ce projet, dotés de 822 MF ce qui représente une augmentation de 44 % par rapport à 1997.

Les crédits de fonctionnement courant, avec 23,2 MdF, diminuent d’une année à l’autre de l’ordre de 5 %. Ceci est conforme à l’objectif fixé par la loi de programmation qui a inscrit, à l’horizon 2002, une réduction de 20 % en francs constants de ces crédits ; une première réduction de moindre ampleur avait d’ailleurs été engagée précédente. Il y a également dans cette réduction un effort d’économie et de rigueur de gestion, dont nous pouvons tous mesurer la difficulté mais que les professionnels et notamment les responsables d’unité abordent, comme un défi professionnel.

Titre V

Dans une enveloppe budgétaire fixée à 184,7 milliards de francs, en baisse globale de 3,2 % sur les crédits inscrits en 1997, il nous a fallu opérer des choix pour tenir compte de la priorité aux hommes sur laquelle je viens d’insister. La réduction des crédits des titres V et VI de la loi de finances par rapport à l’annuité de programmation est évident, et introduit quelques tensions supplémentaires dans une programmation des équipements qui n’en manquait déjà pas, dès son lancement. Ce crédit, qui représente une baisse de 88,2 à 81 MdF (soit 8,2 %) compte tenu du reclassement des dépenses que j’ai déjà évoqué, nous permet toutefois de poursuivre le processus, de maintenir le mouvement.

Maintien des capacités des différentes forces

Ce qui compte, aujourd’hui, plus que le fait de savoir si nous respecterons au mois près les constructions, elles-mêmes assez hypothétiques, d’un référentiel de programmation très, voire trop, ambitieux, c’est de savoir si nous pouvons maintenir nos capacités de maintenir nos forces. Je ne crois pas, comme a pu l’affirmer Arthur Paecht, que la loi de programmation soit morte.

Prévention

Les capacités de prévention ont été privilégiées, en particulier le renseignement d’origine spatiale, qui poursuit son amélioration notamment à travers l’exploitation du système Helios I. En dépit de la position d’attente adoptée par nos partenaires allemandes, nous avons décidé de poursuivre résolument la réalisation du programme Hélios II, avec comme objectif un calendrier compatible avec la continuité de service d’Hélios I.

Prévention

Les capacités de prévention ont été privilégiées, en particulier le renseignement d’origine spatiale, qui poursuit son amélioration notamment à travers l’exploitation du système Helios I. En dépit de la position d’attente adoptée par nos partenaires allemands, nous avons décidé de poursuivre résolument la réalisation du programme Hélios II, avec comme objectif un calendrier compatible avec la continuité de service d’Hélios I.

Projection

La capacité de projection de nos forces armées concentre toujours une part majeure des financements du titre V. Les programmes de cohérence interarmées ont fait notamment l’objet d’une attention particulière. Les moyens de commandement et de contrôle de l’État-major des armées, notamment le système d’information et de communication des armées, ainsi que les systèmes propres à chaque armée ont été, pour l’essentiel, dotés conformément à la programmation :

- le groupe aéronaval qui est aussi un des outils majeurs de notre capacité de projection, est entré dans la phase finale de sa réalisation. Le porte-avions Charles de Gaulle, qui est doté de près de 1,5 MdF en 1998, sera admis au service actif à une date conforme à l’objectif fixé en programmation (fin 1999). Les systèmes sol-air futurs continueront d’être développés, selon le calendrier permettant la livraison à la date prévue des missiles de défense anti-aérienne du porte-avions. Enfin près de 1 MdF sera encore consacré en 1998 à l’acquisition des avions de guet aérien Hawkeye qui doivent assure la cohérence d’ensemble de la protection aérienne du groupe et son interopéralité avec les alliés ;
- en ce qui concerne l’armée de terre, les livraisons du char Leclerc se poursuivront, dans la trentaine de chars par an, cohérence avec l’objectif de 400 chars mis en service en 2004. Les livraisons des engins porte-blindé se dérouleront au rythme prévu et permettront d’accroître la mobilité stratégique. Le programme Tigre, en coopération avec l’Allemagne, entre pour sa part dans sa phase d’industrialisation active. L’ensemble des dotations en missiles, en armes et en munitions est maintenu au niveau correspondant aux besoins de l’armée de terre ;
- la modernisation de nos capacités aériennes se poursuit en même temps. L’équipement de l’armée de l’air en Mirage 2000 dans leurs versions les plus modernes (2000-5, 2000-D), qui seront associés dans les années à venir aux missiles de nouvelle génération air-air (MICA) et air-sol (Apache anti-pistes, SCAPLPEG), renforce à court terme notre capacité d’action, en la situant au meilleur niveau technologique et opérationnel. Le financement du programme Rafale est maintenu à un haut niveau, afin d’assurer, à la date prévue, la livraison de la première flottille de Rafale marine. Les rendez-vous de livraison concernant les Rafale destinés à l’armée de l’air sont inchangés ; la réduction des dotations nous donne l’occasion d’entreprendre un important et nécessaire effort de diminution des coûts de développement, et nous amènera sans doute, après discussion avec l’industriel, à une réduction du nombre de versions intermédiaires.

Dissuasion

Avec 16,3 MdF les crédits consacrés aux forces nucléaires sont en diminution par rapport à 1997 mais concentrent 20,15 % des crédits du titre V. La baisse de ces crédits est inscrite dans la loi de programmation elle-même qui prévoit, dans son rapport annexé que, je cite « la part du budget consacrée aux forces nucléaires s’établir en fin de période à niveau inférieur à 20 % du titre V ». Cette réduction a été justifiée par le chef de l’État en février 1996 à l’école militaire et en ces termes : « les économies ainsi dégagées contribueront à assurer le financement de l’adaptation nécessaire de nos forces classiques ». Cet objectif peut être atteint notamment parce que les bons résultats obtenus en ce qui concerne la fin des activités liées aux missiles du plateau d’Albion et Hadès, ainsi que la DIRCEN, ont permis d’accélérer les diminutions de crédits qui avaient été programmées pour 1998. Il me faut préciser par quelles réductions de dépenses nous parvenons à tenir dans l’enveloppe fixée en poursuivant les objectifs de la programmation :

- le report d’un an de l’admission au service actif du SNLE de nouvelle génération. Le vigilant sera compensé, sans difficulté opérationnelle, par une prolongation de la durée de vie d’un des SNLE actuels, sans conséquence industrielle sur le site de Cherbourg ;
- la dotation plus faible prévue pour le programme M51 se traduira par un décalage dans son développement sans modification du calendrier de mise en service opérationnel ; et j’insiste sur le fait que plus d’un milliard de francs sera consacré en 1998 à ce missile futur ;
- les propositions d’économie importantes demandées au CEA ont été élaborées en concertation étroite avec cet organisme. Elles ne remettent pas en question le programme de simulation qui est, après notre engagement d’abandon des essais nucléaires, la condition de la crédibilité de notre dissuasion indépendante. La réalisation du laser mégapoule suivra donc son cours et je souligne que ce programme constitue un potentiel de recherche et d’avancées théoriques et technologiques considérables.

J’entends dire que ce projet porterait préjudice à notre capacité à préparer l’avenir parce qu’il prévoit une baisse significative par rapport à 1997 des crédits consacrés aux études amont et aux développements. Cette inscription de crédits traduit tout simplement l’arrivée à maturité de très nombreux programmes, dont le développement a été lancé dans les années 80 et qui entrent en phase de production dans les prochains mois. C’est par exemple le cas des hélicoptères Tigre, des familles de systèmes sol-air futurs, des missiles Mica, Apache, et bien d’autres encore. Pour d’autres programmes dont le développement se poursuit, des étapes importantes viennent d’être passée avec succès : ainsi du programme Rafale qui, en 1997 a démontré la tenue aux chocs d’appontage et de catapultage de la cellule et des équipements majeurs, mais aussi les bonnes performances du radar RBE2 qui s’est révélé le premier outil mondial capable de faire du tir multicibles.

Donc, à moins de vouloir garantir aveuglément un niveau de crédits fixe quel que soit le besoin d’études, l’inscription budgétaire destinée aux études et développements, avec près de 20 MdF en 1998, reste un engagement largement suffisant. Dans des domaines essentiels, les crédits d’études et de développement augmentent avec les nécessités : tel est le cas dans le projet de budget 1998 pour les crédits de recherche et développement dans le domaine spatial qui augmenteront de plus de 8 %.

Protection (gendarmerie nationale)

Ma présentation ne serait pas complète si je ne fournissais pas les éléments d’appréciation relatifs au budget de la Gendarmerie, qui recouvre des missions complexes, certaines strictement militaires, d’autres judiciaires, les moyens les plus importants étant affectés à la sécurité publique et à l’ordre public. Dans la mission de protection générale, la Gendarmerie voit sa tâche s’alourdir puisque l’armée professionnelle disposera de moins d’effectifs que l’armée mixte pour y faire face. Quant aux impératifs de la sécurité publique, je réaffirme qu’ils constituent une priorité majeure du Gouvernement et que la Gendarmerie, en charge de la sécurité de la moitié des Français y mettre en œuvre les principes de disponibilité et de proximité qui sont ses grands atouts. Le réseau très dense des 3 600 brigades sera consolidé et la mission croissante de sécurité dans les petites villes et dans les périphéries des grandes agglomérations concentrera les moyens supplémentaires que vont nous apporter progressivement les 4 000 nouveaux volontaires prévus dans la programmation. Il reviendra aux commandements des groupements départementaux d’employer au mieux les hommes et femmes sous leurs ordres en veillant à l’accomplissement de toutes les missions et à la présence indispensables dans tous les cantons même faiblement peuplés. Compte tenu de cet ensemble d’impératifs, la Gendarmerie verra son effectif global croître dès 1998. Cependant, sa capacité d’investissements ne subira une restriction que de 3 % ; le parc automobile, les moyens en hélicoptères et le réseau de transmissions RUBIS dont la modernisation doit se poursuivre, restent des priorités.

Industrie de défense (restructuration)

Ce budget massif, si je synthétise l’ensemble des secteurs que je viens de vous présenter, représente un élément très important de l’activité économique nationale, de surcroît concentré dans certaines régions et dans certains sites, la baisse des crédits d’équipement, même si nous la gérons avec le maximum d’attention, affecte les plans de charge de nombreuses entreprises qui sont en même temps des fleurons de notre technologie et de notre capacité industrielle. Il faut donc inscrire cette transition nécessaire dans une stratégie durable visant à consolider le potentiel humain et technique de ces industries. Pour garantir l’autonomie de nos armées et disposer des meilleurs matériels au meilleur coût, pour que nos entreprises puissent conforter la compétitivité qui leur permettra de se positionner avantageusement sur les marchés export face à une concurrence qui s’est durcie, nous devons poursuivre le processus de restructuration des industries de défense déjà sérieusement amorcé avec les orientations décidées par le Gouvernement dans le dossier Thomson.

Pôle électronique de défense

La constitution autour de Thomson-CSF d’un grand pôle d’électronique de défense et professionnelle s’inscrit en effet dans cette logique. Comme j’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises de l’indiquer, la démarche retenue s’inscrit dans une logique industrielle à l’opposé de l’approche qui avait prévalu dans un passé récent pour mettre aux enchères l’entreprise sur la seule base de critères financiers. Les apports industriels d’aérospatiale, le Dassault Electronique et d’Alcatel permettront à Thomson-CSF, ainsi renforcée, de disposer des meilleures technologies civiles et militaires et d’un potentiel de recherche et développement considérable, au sein d’une entité dont je rappelle que le secteur public demeure le premier actionnaire avec une participation supérieure à 35 %. Ce renforcement du périmètre industriel décidé par le Gouvernement permettra ensuite des alliances ou des rapprochements européens, ce que j’ai personnellement confirmé à mes homologues européens en les informant de notre choix.

Pôle aéronautique européen civil et de défense

La constitution d’un pôle aéronautique européen s’inscrit dans la même logique. Elle doit aboutir à la mise en place d’un ensemble européen unique, regroupant les activités aussi bien civiles que militaires. Cette solution est la seule qui nous permettra de faire face durablement à la concurrence internationale en préservant les chances et les capacités de l’Europe.

Pôle électromécanique

Mais la préparation des industriels de défense à l’avenir doit également intervenir dans les armements terrestres et les constructions navales. Dès lors, la consolidation de leur avenir passe par une analyse réaliste de leur organisation industrielle et par des évolutions respectant leur unité et assurant leur capacité de répondre à la demande réelle de matériels d’armement. Le Gouvernement, qui a confiance dans ces établissements et dans les personnels qui y travaillent, a déjà montré sa détermination à mener à bien cette tâche en recapitalisant, en septembre, GIAT Industries à hauteur de 3,7 milliards de francs. La nécessaire adaptation de ces industries doit, pour être comprise et acceptée, être accompagnée par la mise en place de moyens qui la rendent socialement et économiquement supportable pour les personnels et pour les bassins d’emplois.

Giat Industries – DCN

Certaines mesures d’autorité incluses dans le plan social en vigueur à GIAT Industries et dans le plan du Gouvernement précédent pour la DCN et une concertation insuffisante n’ont pas permis d’engager cette adaptation industrielle dans de bonnes conditions. Le Gouvernement a donc décidé de prendre, pour les ouvriers de l’État travaillant dans ces deux entités, une mesure dérogatoire autorisant leur départ à 52 ans et prévoyant le maintien des compétences. Cette mesure, qui s’ajoute à celles qui ont été prises au début du mois d’octobre en faveur de la sous-traitance interne de la DCN à Brest et à Lorient, devra s’accompagner de dispositions prévoyant de nouveaux recrutements selon les besoins réels dans les établissements. En outre, dans le cadre de la réflexion qui sera menée en 1998 sur l’organisation des établissements de la DCN, la négociation d’un accord sur l’aménagement et la réduction de la durée du travail sera engagée.

Revue générale des programmes et des investissements

J’examinerai par ailleurs, dans le cadre de la revue des programmes dont je vais vous parler, les ajustements de plan de charge qui se révéleraient indispensables. L’organisation des moyens humains et financiers consacrés à la diversification de ces industries et au développement économique des bassins d’emploi concernés sera revue. Des animateurs économiques appuyés par des opérateurs spécialistes de la conversion seront implantés dans chacun des sites. La délégation ministérielle aux restructurations de défense, dont l’organisation sera revue et le rôle étendu, disposera d’un crédit de 500 MF pour mener à bien sa mission. Ces sommes seront gérées de manière déconcentrée et transparente. Des comités de suivi régionaux de la conversion, associant les élus et les organisations représentatives, seront mis en place à cette fin autour des préfets.

Comité interministériel et de développement du territoire (prochaine réunion)

Le Premier ministre réunira, dès la fin de cette année, un comité interministériel de l’aménagement du territoire pour examiner notamment la situation des bassins les plus immédiatement touchés par les restructurations de défense.

L’ensemble de ce dispositif montre la détermination du gouvernement tout entier de mener à bien ce chantier de réformes et à accompagner ses conséquences, voire de les anticiper lorsqu’il en est encore temps.

La direction des constructions navales et l’entreprise publique GIAT Industries constituent, grâce à la qualité et à la technicité de leur personnel, des ensembles industriels dont les atouts technologiques sont incontestables. Mais ces atouts ne sont plus aujourd’hui suffisants pour assurer la compétitivité de ces industriels, condition indispensable de leur pérennité. Dans un contexte industriel international fortement évolutif et alors que les budgets des principaux pays acheteurs d’armement diminuent, le statu quo serait pour ces entreprises et leur personnel particulièrement dangereux.

Commandes pluriannuelles

Les mesures et la démarche que je vous présente aujourd’hui montrent, je crois, que le Gouvernement est déterminé à soutenir les industries de défense dans la phase difficile de leur adaptation, c’est ces dernières semaines qu’a été mise en application réelle la formule des commandes pluriannuelles.

Quatre commandes de ce type sont aujourd’hui en cours : la production du missile de croisière Apache, du missile air-air MICA, de la torpille MU 90, et le développement du vecteur à stratoréacteur VESTA destiné à équiper l’ASMPA et le missile anti-navire futur. D’autres programmes, comme le Rafale ou l’hélicoptère Tigre, pourraient être concernés par cette pratique d’acquisition : des études sont en cours avec les services du ministère de l’économie et des finances afin de décider s’ils peuvent bénéficier de cette procédure.

Politique de défense (examen du budget)

Mesdames et Messieurs les députés, le vote politique que vous émettrez ce soir répond en définitive à une question simple : un budget de défense contraint par une politique générale de modération des dépenses et de la fiscalité, assurant les moyens humains et techniques de la modernisation radicale de nos armées au prix de mesures de rationalisation et d’étalement sur les équipements, est-il adapté aux intérêts majeurs du pays ?

Les élus siégeant à droite dans notre Assemblée souhaitent semble-t-il, répondre par la négative, position respectable en elle-même qui toutefois fragilise quelque peu la conviction souvent exprimée par eux que la dépense publique est généralement associée au gaspillage et que toute mesure de restriction provoque des rationalisations salutaires ; apparemment ce serait vrai en tous domaines mais quand on l’applique concrètement à un secteur d’activité réel, il n’y aurait que des malheurs à en attendre.

Les élus de la majorité de progrès dans leur diversité, sans se dissimuler la difficulté de concilier ces impératifs – ils l’ont exprimé avec loyauté et lucidité – tirent les conclusions réalistes de la fragilisation financière de l’État, à laquelle il fallait réagir fermement, de la situation internationale moins dangereuse qui a conduit tous nos grands partenaires à modérer leurs charges de dépense et de la cohérence indispensable à une réforme majeure de nos armées qui a été prise à compte par le Gouvernement et qui doit être menée en bon ordre, pour maintenir à tout moment la totale fiabilité de notre outil de défense. Ils apportent donc, avec des observations très judicieuses et des efforts de solidarité auxquels je rends hommage, une appréciation positive à la proposition que leur fait le Gouvernement.

Revue générale des programmes et des investissements

Il ne s’agit pas là d’un aboutissement ; j’ai parfaitement conscience des tensions qui vont affecter l’application de ce budget et je remercie tous les rapporteurs et orateurs qui, de manière constructive, ont appelé la réflexion sur les écueils à éviter et les améliorations à apporter. Pour l’an prochain, où des éléments déterminants seront en débat, le Gouvernement s’appuiera quant à la politique d’équipement sur un meilleur éclairage du moyen terme en bénéficiant de la revue des programmes que je viens d’entreprendre, qui s’appliquera l’ensemble des crédits d’investissements.

Pour ce faire j’ai demandé que soient affinés les chiffrages des coûts des programmes et des équipements aujourd’hui inscrits dans la programmation militaire et que les facteurs de révision des coûts encore susceptibles de décisions soient précisés. Nous explorerons, dans cette revue, toutes les marges de manœuvre possibles, y compris sous l’angle de la politique d’acquisition de nos équipements, qui pourraient exister dans la définition des systèmes de forces appelés à remplir les missions. Il va de soi que cet exercice aura aussi pour effet de mettre en valeur, a contrario, les modifications de capacités ou de missions qu’impliqueraient de tels niveaux de ressources budgétaires par rapport à ceux prévus dans la planification militaire à moyen terme. Comme l’a souhaité le président de la Commission de la défense ce travail devra être ouvert à la réflexion et aux apports des parlementaires et je suis convaincu de la contribution utile que vous apporterez à cet effort de clarification.

En définitive, la volonté collective que le Gouvernement vous demande de soutenir par votre vote se résume à quelques engagements clairs : assurer notre complète autonomie de décision politique, préparer l’avenir de nos forces par une réorganisation réussie, maintenir en permanence la capacité opérationnelle de notre défense, établir un partenariat constructif avec nos industries de défense, assurer le bon emploi des ressources consenties par nos concitoyens.

En apportant ce vote lucide mais confiant dans notre tâche commune, vous donnerez aussi de signe de solidarité et d’estime que méritent l’ensemble des militaires de tous grades, des fonctionnaires et personnels civils qui, chacun à leur place, apportent leur compétence, leur professionnalisme, leur esprit de service et leur morale professionnelle à la cause de notre défense. Je sais la confiance que vous leur portez tous, et je veux vous dire à quel point elle compte pour ceux, qui restent réservés mais portent un regard profondément citoyen sur nos choix nationaux.

Enfin votre vote, Mesdames et Messieurs les députés, dira, mieux que tout autre discours l’importance que vous attachez au lien entre la République et sa défense, le souci de légitimité démocratique et de conscience attentive à nos intérêts de long terme qui fait la noblesse du mandat que vous exercez. C’est de cette exigence collective politique au sens élevé du terme, que le Gouvernement a besoin pour mener à bien la conduite efficace de notre défense commune. Reconnaissant pour la vigueur et l’élévation de votre débat, convaincu d’avoir cherché au maximum la convergence avec les préoccupations légitimes que vous avez exprimées, je m’en remets avec confiance au jugement responsable que vous porterez en pleine responsabilité.

Essais nucléaires (santé publique)

Question de M. André Aschieri : Monsieur le ministre, en 1966, en annonçant le premier essai nucléaire atmosphérique, le CEP (centre d’essais du Pacifique) lançait un avertissement aux avions et aux navires, leur demandant d’éviter la zone dangereuse de 400 kilomètres autour de Mururoa. Cependant, comme sept îles peuplées se trouvaient encore dans ce périmètre, celui-ci a été ramené à 222 kilomètres seulement englobant l’île de Tureia. Le 24 juillet 1963, lors du premier essai thermonucléaire à Fangataufa, la population du Tureia avait été évacuée vers Tahiti. Les faits laissent supposer que les essais nucléaires, notamment les essais atmosphériques, qui ont eu lieu entre 1966 et 1975, auraient pu avoir des effets particulièrement dangereux sur les habitants de l’atoll de Mururoa.

La population est inquiète. Elle l’est d’autant plus que beaucoup de Polynésiens ont travaillé sur ces sites dans ces conditions de sécurité douteuses. Moins de la moitié de ces travailleurs ont été soumis à une visite médicale. Parmi ceux-là, les trois quarts n’ont pas eu communication de leur dossier. Comment peut-on dire qu’il n’y a pas de danger et d’impact ? Une étude sociologique sérieuse fait apparaître que la population a peur. Elle n’a plus confiance dans le gouvernement français. Elle n’a plus confiance dans les hôpitaux, qui sont des hôpitaux militaires. Un des soucis majeurs des anciens travailleurs de ce site concerne leur santé et celle de leurs descendants. Ma question porte donc sur le rôle de votre ministère pour restaurer la confiance de ces populations et la dignité de la France. Comptez-vous permettre que toute la lumière soit faite, d’une part, en laissant travailler des équipes d’enquête indépendantes et, d’autre part, en donnant les moyens d’une vaste enquête épidémiologique sur le terrain ?

Réponse : Monsieur le député, je dois vous rassurer totalement, et d’ailleurs, rectifier un certain nombre des informations qui vous ont été transmises et qui ne correspondent pas à la réalité. L’ensemble du personnel a été soumis aux examens médicaux et au suivi biologique le plus complet grâce aux installations sur le site même de Mururoa, de l’atoll d’Hao et, bien sûr, de l’hôpital de Papeete.

La France est le seul des pays nucléaires à la surface du globe à avoir fait appel spontanément au contrôle de l’IEA (Agence internationale de l’énergie atomique), et je vous assure que la mission qui est en activité comporte une variété de représentations nationales parmi les scientifiques qui donne, une complète garantie qu’aucune des imperfections que la France aurait pu laisser sur ce site ne sera laissée en l’état. Les résultats de ces travaux très approfondis seront rendus publics au printemps, et le Gouvernement assurera la totale satisfaction des demandes complémentaires relatives au programme d’assainissement qui sera demandé par la IEA. Il en va de même en matière de santé publique : l’INSERM, organisme aux qualités unanimement reconnues, procède à une étude épidémiologique complète qui sera rendue publique au début de l’année 1998 et qui permettra de vérifier de la manière la plus incontestable que les médecins militaires sont aussi consciencieux et soucieux de la santé publique que leurs collègues civils.

Cherbourg (pôle sous-marinier)

Question de M. Bernard Cazeneuve : Alors que nous débattons du budget de votre ministère, je voudrais appeler votre attention sur l’avenir du port militaire de Cherbourg, en évoquant quelques-unes des étapes qui ont jalonné l’histoire de ce site au cours des dernières années : en 1992, l’État prenait la décision du transfert à Brest de la flottille du Nord et s’engageait dans le même temps à aider à la revitalisation du bassin d’emplois de Cherbourg par des délocalisations et l’accélération du désenclavement du Nord Cotentin. Mais il n’a pas tenu ses engagements ; il a pris le risque de rompre le dialogue avec Cherbourg et de décevoir sa population. Il a plongé toute une agglomération, toute une presqu’île dans la désespérance.

Il y a deux ans, le gouvernement d’Alain Juppé décidait de supprimer 6 000 emplois industriels au sein de la DCN et faisait supporter à Cherbourg le tiers de cet effort, signant ainsi l’arrêt de mort d’un bassin d’emploi mono-industriel. De nouveau, par un acte unilatéral, l’établissement de Cherbourg se trouvait menacé d’être à tout jamais vidé de ses compétences industrielles. De nouveau, c’était une région entière que l’on se proposait de transformer en désert en privant ses enfants d’un avenir.

En vous interpellant, c’est de cette désespérance que je me fais le porte-parole car, désireux d’accompagner une ambition pour Cherbourg, j’entends me battre sans relâche pour que le plan Million, qui menace son arsenal, soit remis en cause et que des perspectives soient tracées qui mettent fin à la logique à l’œuvre dans les établissements dont les salariés, pourtant valeureux, connaissant encore et toujours l’angoisse du lendemain. Vous me permettez donc de vous poser les questions suivantes : la pérennité de l’établissement de Cherbourg comme pôle de construction, de maintenance et de démantèlement des sous-marins est-elle garantie, comme s’y était engagé le Président de la République en octobre 1996 ? Êtes-vous disposé à prendre toutes dispositions pour que la charge de l’établissement soit assurée, et pouvez-vous reconfirmer que la construction du quatrième SNLE-NG n’est pas menacée ? Les mesures sociales que vous venez d’annoncer seront-elles l’occasion d’une relance accélérée du dialogue social à Cherbourg pour que l’adaptation de l’établissement de Cherbourg aux exigences de la compétitivité permette d’abord le maintien des compétences, l’embauche de jeunes et la mise en œuvre rapide de la réduction de la durée du temps de travail.

Réponse : Monsieur le député, a pérennité de l’établissement de la direction des constructions navales de Cherbourg comme pôle sous-marinier est garantie, je vous le confirme avec la plus grande netteté. Pour le quatrième sous-marin nucléaire le lanceur d’engins, je vous assure de l’attachement du Gouvernement à la construction de ce bâtiment qui est inscrit dans la loi de programmation laquelle sera respectée sur ce point.

DCN (définition d’un plan d’entreprise)

La mise en œuvre de la mesure d’âge dérogatoire que je vous ai annoncée fera l’objet, dans chaque établissement de la DCN, d’une réflexion concertée pour examiner les évolutions industrielles nécessaires, compte tenu des perspectives réalistes de plans de charge. Une commission de sites associant le personnel et leurs représentants élaborera des propositions qui seront prises dans un plan d’ensemble de la DCN. Les réflexions auront trait aux mutations industrielles et techniques, au mode d’organisation du travail, au volume et aux modalités de la sous-traitance souhaitable, aux diversifications envisageables, à l’organisation industrielle d’ensemble et aux conditions du maintien global des compétences, notamment par des embauches de jeunes.

Ce plan d’entreprise auquel nous allons travailler ensemble définira les évolutions futures. Il me sera remis au printemps 1998. Seront également envisagée dans ce cadre, avec les mêmes perspectives industrielles, les conditions de négociation et de mise en œuvre des accords de réduction et d’aménagement du temps de travail. Je suis donc favorable à la nomination d’une mission d’experts incontestables chargée d’examiner la façon dont le plan de charge de la DCN de Cherbourg pourrait être aménagé entre deux constructions de sous-marins lanceur d’engins pour en assurer la permanence. Il s’agit d’un problème structurel. Nous avons pu nous en entretenir en confiance à plusieurs reprises. Sachant l’énergie et la sincérité avec laquelle vous défendez votre site industriel, je suis sûr que notre concertation future sera couronnée de succès.

Giat Industries (politique industrielle)

Question de M. Yann Galut : Monsieur le ministre, mon intervention est un appel au sens de la responsabilité, morale, financière et industrielle de l’État à l’égard de Giat Industries, de ses salariés, mais aussi des contribuables. N’importe quelle entreprise dont les débouchés seraient quasiment divisés par dix en quelques années serait gravement déstabilisée. Amortir le choc d’une telle chute des commandes est possible, sous réserve d’un minimum de visibilité à moyen terme. Par conséquent, il faut pour GIAT des commandes sûres et des débouchés autres, c’est-à-dire une véritable politique de diversification. Quel, bilan tirer des années passées ?

- en ce qui concerne les commandes, l’État n’a cessé de revenir sur ses engagements, compromettant ainsi le plan de retour à l’équilibre qu’il avait imposé aux salariés ;
- la diversification est une voie qui demande de la volonté et de la constance. De valse-hésitation en atermoiement, elle est devenue le serpent de mer de GIAT. Pourtant, avec une volonté politique réelle et un dialogue soutenu avec les acteurs concernés, elle est possible, comme le montre le document que la CFDT nous a remis avant le débat. Outre votre philosophie, que je partage, vos déclarations précédentes montrent que vous avez pris conscience de l’urgence et que vous allez vous attaquer fermement au problème. Nous sommes tous conscients que la pérennité des industries françaises d’armement et la survie de milliers d’emplois à haute valeur ajoutée se jouent maintenant. En conséquence, il serait déraisonnable d’affaiblir des bureaux d’études qui apportent tant à la recherche. Où serait l’économie si nous étions dépendants des Américains, qui nous feraient payer au prix fort la situation de monopole dont ils bénéficient alors ?
- en tant que député, je me sens responsable de l’utilisation des derniers publics. Je ne vois pas ce que pourrait justifier auprès de mes concitoyens, pour quelques petites économies à court terme, le sacrifice en pure perte de dizaines d’années d’efforts financiers considérables afin de doter notre pays d’une industrie de défense moderne. Nous ne sommes pas dans un monde de paix et d’harmonie qui ferait que la République pourrait se passer d’une industrie de défense. Nous devons l’assumer ;
- enfin, et ce sera l’objet principal de ma question, je crains que l’on impose à GIAT la pire alliance industrielle qui soit, celle qui entraînerait inévitablement le démantèlement de toute une partie de l’entreprise et des centaines de licenciements, et qui pourrait remettre en cause les sites du Cher, et vous connaissez, l’importance de l’industrie de la défense dans mon département avec GIAT et l’aérospatiale.

Nous avons bien entendu vos assurances sur la pérennisation de GIAT. Mais pouvez-vous affirmer que la délégation générale pour l’armement a bien l’intention de soustraire de GIAT Industrie ses filières munitionnaires pour les confier à Thomson-CSF dans le cadre d’un projet de restructuration européenne très favorable aux Britanniques ? Or, ce projet est porteur d’un avenir très sombre pour les industries françaises d’armes et de munitions alors que d’autres projets construits autour de Giat Industries avec d’autres partenaires européens tels que Rheinmetall, Diehl et Bofors paraissent beaucoup plus favorables aux industries françaises.

Enfin, et j’en aurai fini, je me fais le porte-parole des organisations syndicales qui souhaitent savoir si les mesures d’âge que vous venez d’annoncer seront étendues aux personnes relevant des conventions collectives. À titre personnel, j’ajouterai qu’il faudrait que le plan d’embauche qui accompagnera les mesures d’âge soit élaboré en étroite collaboration avec les représentants du personnel très attachés à la transmission des savoir-faire de l’entreprise.

Marchés des armes et munitions

Réponse : Monsieur le député, les bouleversements du contexte stratégique dont nous avons parlé ont conduit à réviser les hypothèses d’engagement de nos armées et, par voie de conséquence, le niveau des stocks de guerre qui correspondaient à l’éventualité d’un conflit généralisé en Centre-Europe. Les stocks de munitions dont disposent les armées sont donc surdimensionnés. Ce constat est malheureusement valable pour la plupart de nos partenaires européens et influe directement sur le niveau des marchés des armes et munitions. Dans ce contexte, le maintien du statu quo serait, je crois, dangereux et aboutirait à fragiliser les compétences techniques que vous évoquez à juste titre. J’y suis attaché et essaie de travailler, en collaboration, bien entendu, avec la direction de l’entreprise, à ce qui pourra assurer la pérennité des activités munitionnaires nationales et des rapprochements, au niveau européen. Un éventuel rapprochement entre Giat Industrie et Thomson-DASA Armement dans le domaine des munitions serait de nature à rassembler les forces françaises avant de passer des alliances européennes envisageables, en effet, avec Rheinmetall, entre autres.

Les craintes que vous exprimez peuvent être apaisées : je vous confirme que l’État actionnaire sera attentif, dans l’hypothèse d’un accord industriel entre Giat Industries et Thomson-DASA Armement, aux conditions suivantes qui sont essentielles pour nous : il n’est pas question de démantèlement de Giat Industries, car ce groupe a vocation à conserver un rôle prépondérant au niveau de l’actionnariat et de la direction dans un éventuel rapprochement avec Thomson-DASA Armement ; si le périmètre du rapprochement entre GIAT et TDA était limité aux seules activités munitions, des liens étroits seraient maintenus au sein de Giat Industries entre cette activité et l’activité armes.

Bourges

En tout état de cause, le maintien des compétences du bureau d’étude armes et munitions situé à Bourges est un objectif prioritaire sur lequel le Gouvernement ne transigera pas. Enfin, étant comme vous attentif à la situation de l’emploi à Bourges et dans le département du Cher où le poids des industriels de défense est prépondérant, je suis disposé à continuer à travailler en contact avec vous – et je rends hommage à votre énergie et à votre connaissance des dossiers – pour améliorer les plans de charge des différentes unités qui travaillent dans ce département.

Femmes militaires (recrutement – suppression des quotas dans les concours)

Question de M. Michel Dasseux : Avec la mise en œuvre de la professionnalisation, les armées vivent un bouleversement sans précédent. À cet égard, la question de la place des femmes dans les armées n’a pas, jusqu’à présent, fait l’objet de beaucoup de débats dans la société ni même au sein de cette Assemblée, et il me semble que la représentation nationale devrait porter son attention sur ce sujet.

En premier lieu, quelles sont vos orientations quant au recrutement des femmes aux côtés des hommes pour constituer cette armée professionnelle ? Si le taux de féminisation des armées françaises est un des plus élevés, il reste encore modéré : 7,6 % pour l’ensemble des armées ; et il est relativement bas pour les officiers : 4,1 %. N’est-il pas temps d’ouvrir davantage les armées aux femmes ? Le vaste programme de recrutement de militaires pour constituer cette nouvelle armée gagnerait à être plus ouvert à nos concitoyennes. Il y va de l’intérêt des armées.

En second lieu, quel sera le rôle dévolu à ces femmes ? La société militaire était traditionnellement assez réservée quant à ces évolutions. Les temps ont changé. Les femmes auront-elles demain vocation aux mêmes lois et au même déroulement de carrière que les hommes ? Les armées sauront-elles évoluer avec l’ensemble de la société ?

Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien apporter à ces questions, qui touchent aux nécessaires évolutions en profondeur de nos armées.

Réponse : La fin du service national restreint considérablement, comme plusieurs orateurs l’ont noté, le « vivier » dans lequel puisaient les armées pour assurer leurs missions ; le recours de plus en plus fréquent à des femmes est évidemment la façon la plus logique d’accroître le champ du recrutement. Vous avez eu raison de noter que ce sujet n’est pas suffisamment évoqué, et je sais gré à M. François Huwart d’en avoir parlé de façon très détaillée et très judicieuse dans son rapport sur le personnel de la défense.

Le recrutement des femmes donne entièrement satisfaction. Leur motivation, leur niveau de formation et leur volonté en font des professionnelles d’excellent niveau qui obtiennent de très bons résultats aux concours militaires. Dans mon esprit, les femmes ont vocation aux mêmes emplois et aux mêmes carrières que les hommes. C’est d’ailleurs pour le Gouvernement une question de principe. La règle d’égalité s’applique dans les armées. Après plusieurs mois de contact, j’ai observé avec satisfaction que les militaires y sont parfaitement acquis. Ils voient dans la féminisation de nos armées une avancée vers la modernité et en font un élément fondamental du lien entre l’armée et la nation.

Il est l’intention du Gouvernement de faire disparaître dans les statuts des armées toute disposition susceptible de fonder une discrimination liée au sexe. En particulier, les limitations actuelles d’accès aux carrières seront effacées. Des décrets élimineront les quotas de recrutement dans les concours. Ces textes ont été examinés par les conseils de fonction militaire des différentes armées qui, preuve de l’état d’esprit que je soulignais, ont tous émis un avis favorable. Je pense pouvoir dans les prochains mois, les présenter à la signature du Gouvernement. Les arrêtés de recrutement, je le répète, ne pourront plus fixer de quotas restrictifs. Les seules exceptions à cette règle ne pourraient résulter que de contraintes avérées de gestion et aboutir à des limitations d’emploi clairement justifiées. Elles ne seraient que ponctuelles.

Giat (activités dans le département de la Loire)

Question de M. Bernard Outin : Dans le département de la Loire, toute autre perspective que le maintien des établissements GIAT serait catastrophique, car il s’ensuivrait un nouveau démantèlement industriel, après ceux que nous avons connus dans les charbonnages et la métallurgie. C’est pourquoi je vous demanderai une réponse encore plus claire sur l’avenir des sites concernés.

Je ne souhaite pas que votre gouvernement poursuive les efforts médiatiques du gouvernement précédent et de son ministre M. Million. Je souhaite simplement que ce budget soit l’occasion de mettre en place une véritable politique industrielle, en particulier pour notre département.

Grâce à des compétences humaines et des techniques confirmées, les trois établissements offrent des techniques de pointe et répondent aux besoins de la défense nationale. Ces technologies de pointe pourraient servir grâce à des coopérations intelligentes avec les industriels locaux, à se lancer à la reconquête du marché de l’arme de chasse et de tir, dont 85 % des produits vendus en France proviennent de l’étranger. Votre gouvernement ferait, un geste significatif pour notre département en mettant en place ce pôle de l’arme de petit calibre, qui avait été annoncé, avec comme premier signe fort la notification des commandes attendues sur le site : les 15 000 pistolets pour les CRS, dont 3 000 sont en partie fabriqués, et la deuxième tranche des 10 000 FAMAS pour la marine nationale. Les établissements de la Loire ont prouvé leur capacité à mettre en place une réelle diversification en fabriquant des équipements à utilisation civile, notamment des télescopes géants, mais aussi des véhicules pour les centres d’incendie et de secours. C’est ce qui s’est passé à Roanne. Cette diversification ne peut être acceptée et comprise par le personnel que si elle s’effectue au sein de l’établissement GIAT, en complémentarité de leurs missions et en respectant leur statut.

J’attends de vous engagement clair pour conserver tous les sites et tous les emplois de GIAT Industries, ainsi que pour maintenir les plans de charges en confirmant le nombre de chars Leclerc et en engageant, dès à présent, l’industrialisation du véhicule blindé de combat d’infanterie, dont l’état-major de l’armée de terre a confirmé le besoin urgent et pour lequel GIAT doit être l’entreprise leader. Tous les établissements GIAT doivent être maintenus et développés. Cela doit être rendu possible par la continuation des commandes de l’État, mais il est aussi nécessaire d’accélérer le processus de diversification. La recherche de pistes pour cette diversification peut et doit être favorisée par un dialogue entre les salariés, les syndicats, la direction de l’État. Ce dialogue est une nécessité pour tous et ce droit doit être reconnu aux personnels du GIAT.

Réponse : Je vous confirme avec la plus grande fermeté que l’intention du Gouvernement est d’assurer l’évolution du GIAT dans son unité, de manière à garantir le maintien du potentiel technologique et industriel que rassemble cette entreprise.

Chars Leclerc

S’agissant des commandes militaires, nous entendons maintenir le rythme de production des chars Leclerc à niveau actuel : c’est-à-dire à 30 unités ou autour de la trentaine, ce qui correspond au plan d’activité aujourd’hui constaté à Roanne. Le Gouvernement est également déterminé à ce que le programme, du véhicule blindé de combat d’infanterie, qui est encore en discussion avec nos partenaires européens, comporte une part de travail suffisant pour les établissements du GIAT.

Giat Industries (diversification)

En ce qui concerne la diversification, je rejoins les principes que vous avez énoncés, à savoir qu’il faut donner une responsabilité industrielle propre au GIAT. J’insiste sur l’importance des moyens financiers que le Gouvernement a dégagés à cet effet – un demi-milliard de francs disponible à partir de l’année prochaine. C’est effectivement à partir des technologies de pointe, qui ont été développées dans les établissements qu’il faut mener à bien la diversification. Telle est d’ailleurs la base de la compétitivité future des nouveaux produits, et les exemples que vous avez cités, qu’il s’agisse des instruments d’optique ou des véhicules de secours élaborés à Roanne, sont une indication de ce qui pourra être fait à l’avenir.

En ce qui concerne la transparence de cette politique de diversification, je veux insister sur la création des comités régionaux de suivi du développement économique, qui seront une des bases de la nouvelle organisation que nous allons mettre en place autour de la délégation rénovée. Ces comités permettront, aux représentants des élus locaux et du personnel concerné d’analyser les projets qui seront développés et de formuler des contre-propositions. Des crédits publics, d’un montant très significatif, seront affectés à ces projets.

Gendarmerie nationale (renouvellement du matériel – gendarmes auxiliaires remplacés par les volontaires)

Question de M. Patrick Malavieillë : Monsieur le ministre, ma question portera sur les crédits relatifs à la gendarmerie nationale, qui témoignent du contexte général de restriction du budget de la défense et des difficultés liées à la fin du service national. Je pense en particulier aux crédits d’équipement qui n’assureront pas, du moins pour l’année prochaine, l’indispensable modernisation des moyens de la gendarmerie. Ces mesures d’économie, sont d’autant plus délicates qu’elles interviennent alors que la gendarmerie de 1997, qui commerce sa professionnalisation, doit réussir sa mutation dans le cadre du plan « Gendarmerie 2002 ». En outre, l’arrivée de nouvelles personnes – volontaires en remplacement des gendarmes auxiliaires, militaires venus d’autres armes et agents locaux de médiation – exige un effort important en matière de formation, que votre budget doit prendre en compte sur la durée.

La diversité des statuts de ces personnels et ses conséquences sur la cohésion de l’institution posent également problème. En la matière, il importe que vous nous précisiez les moyens et la méthode qui seront les vôtres pour transformer cet apparent handicap en atout pour la rénovation de ce public, notamment en faveur de la sécurité de proximité.

Je terminerai en évoquant les deux problèmes les plus récurrents de la gendarmerie :

- une mission parlementaire de redéfinition des zones de sécurité entre la police et la Gendarmerie est en cours. Le Gard et de nombreux autres départements sont concernés. Je souhaite que vous nous nous informiez de votre position à ce sujet ainsi que de l’état d’avancement de cette mission et de ses éventuelles premières conclusions. Au-delà de l’aspect territorial, l’enjeu concise à mieux définir les champs d’intervention et les missions de ces forces de manière non pas croisée, mais complémentaire ;
- l’autre thème récurrent de nos débats budgétaires concerne les transfèrements judiciaires, dont le ministère de la justice n’assume pas la charge. Je vous remercie des précisions que vous pourrez nous apporter sur le projet de constitution d’équipes mixtes quo allégeraient les tâches de la gendarmerie et de la police nationale en intégrant es personnels pénitentiaires connaissant les détenus transférés.

Réponse : Votre question est assez vaste, et puisque nous poursuivrons le dialogue sur les éléments concrets qui vous intéressent, vous ne m’en voudrez pas de répondre au niveau des principes.

Les crédits de matériel et d’équipement pour l’année 1998 restent quasi stables : 2,99 milliards de francs. Ils permettront en particulier de poursuivre le programme RUBIS de modernisation des transmissions de la gendarmerie, programme indispensable compte tenu du caractère souvent imparfait des transmissions actuelles dans les régions accidentées. Ils permettront aussi d’entrer dans le cycle de renouvellement du parc d’hélicoptères. Ces matériels, devenus un outil vital pour la gendarmerie, ont en effet vieilli. J’ai demandé aux autres armées de consentir un effort de solidarité, de manière que le budget de la gendarmerie, qui est beaucoup moins massif en investissement – il représente à peu près 4 % de l’ensemble des équipements militaires – ne soit pas trop restreint et lui permette notamment de continuer à moderniser son parc de véhicules.

Les jeunes volontaires représenteront un apport humain beaucoup plus stable que les actuels appelés de gendarmerie, les gendarmes auxiliaires. En effet, le volontariat durera au moins un an et la plupart des volontaires serviront en réalité deux ou trois ans ; leur formation sera plus longue, leur habilitation judiciaire plus complète. Ils seront ainsi plus engagés dans la vie de brigades, ce qui permettra un meilleur partage du travail avec les militaires de carrière.

Volontaires – coopération gendarmerie nationale/police (mission parlementaire)

Quant à la mission confiée par le Premier ministre, à la demande de Jean-Pierre Chevènement et à la mienne, au député Roland Carraz et au sénateur Jean-Jacques Hyest, elle aura pour rôle de formuler des propositions sur le meilleur emploi des effectifs de gendarmerie et de police à l’intérieur des zones de responsabilité qui sont aujourd’hui légalement celles de la gendarmerie et de la police nationale. La délimitation de ces zones résulte de la loi d’orientation sur la sécurité intérieure du 21 janvier 1995, que le Gouvernement ne prévoit pas de remettre en discussion. Il s’agit donc bien d’une optimisation des moyens humains de la gendarmerie et de la police dans leurs zones respectives de compétence et des efforts supplémentaires de rapprochement et de coopération qui peuvent être développés entre les deux forces. Quant aux transfèrements, j’aurai l’occasion d’en reparler à l’occasion d’un amendement. Mais la coopération en ce domaine entre les départements ministériels est un sujet difficile, car elle pose des questions relatives aux libertés publiques et aux compétences des forces de sécurité. Nous ne pouvons donc, pour l’instant, que poursuivre la concertation.

Programme nucléaire (diminution des crédits – maintien du programme M51)

Question de M. Henri Cuq : La baisse de près de 8 milliards de francs du budget d’équipement et de programmes du ministère de la défense aura des répercussions douloureuses sur l’emploi. Vous avez-vous-même indiqué que l’industrie de défense, qui génère 350 000 emplois directs et indirects, pourrait perdre jusqu’à 15 000 emplois par an à partir de 1998.

Pour ne prendre qu’un exemple dans le domaine de la discussion nucléaire, Aérospatiale, maître d’œuvre du programme de missiles balistiques M51, ne bénéficiera que de 250 millions de francs au lieu des 750 millions attendus. Cela signifie, pour 1998, une diminution des deux tiers des heures affectées au programmes, donc des pertes d’emplois sèches, tant directes qu’indirectes.  Pour le seul site des Mureaux on peut évaluer ces pertes à 270 emplois, soit 12 % de l’effectif total de l’établissement, auxquels il convient d’ajouter la disparition d’une trentaine d’emplois dans la sous-traitance. Au-delà des pertes d’emplois, ce choix budgétaire aura des conséquences irréparables sur la recherche et le niveau des compétences.

Ma question, à laquelle s’associe mon collègue Jacques Masdeu-Arus, député-maire de Poissy, sera donc à la fois simple et double. Pouvez-vous nous confirmer de manière ferme et définitive la poursuite du programme M51 ? Si oui, ce que j’espère, pourquoi ne pas le consolider en assurant une continuité contractuelle de l’activité, afin non seulement de rassurer les personnels qui travaillent sur ce programme, mais aussi de s’assurer du maintien, des compétences ?

Réponse : Je suis très attaché à vos remerciements, mais ils auraient été encore plus justifiés si vous aviez bien voulu me transmettre le texte de votre question pour que ma réponse soit parfaitement opératoire. C’est votre conception des rapports Gouvernement-Parlement : je vous en laisse libre. Je voudrais vous faire observer, si vous l’ignorez, ce qui semble être le cas, que les pertes d’emplois dans le secteur de la défense n’ont pas commencé en 1997 et que ce secteur a perdu plus de 10 000 emplois au cours de toutes les années où les gouvernements que vous souteniez étaient en fonction. L’objectivité aurait dû vous conduire à en faire mention.

Quant au programme M51, il est maintenu, contrairement à ce que vous avez semblé laisser croire, alors que je l’avais très précisément indiqué tout à l’heure. Si vous aviez été présente en séance, cela aurait accéléré la réponse à votre question. Le programme M51 est donc maintenu, et pour relativiser la prétendue inquiétude dont vous vous faites l’écho, je vous précise, au cas où vous ne le sauriez pas, que l’entrée en fonction de ce missile est prévue pour 2010. Donc, il me paraît logique, de la part d’un Gouvernement qui a, entre autres missions, celle de bien gérer les deniers publics, d’étaler la charge financière d’un tel programme. Cela ne remet nullement en cause la détermination du Gouvernement de le mener à bien et je peux vous assurer que le plan de charte d’Aérospatiale permettra d’équilibrer l’activité de l’atelier concerné.

Programmes Rafale et Mirage 2000

Question de M. Bernard Accoyer : Ma question, à laquelle j’associe Jacques Peyrat, concerne la baisse importante des crédits que le Gouvernement a décidée. Bien entendu, vous minimisez les conséquences de cette baisse mais, en réalité, il en va pour la défense comme pour le budget général : on réduit les crédits d’investissement et on augmente, pour le budget général, ou on maintient, pour la défense, les crédits de fonctionnement. On prétend ensuite avoir maîtrisé la dépense publique, mais c’est trop facile ! Car l’avenir d’un pays n’existe que par les investissements qu’il consent, et c’est tout spécialement vrai pour les industries de défense.

Ma question concerne plus précisément le programme Rafale et les programmes d’entretien des Mirage 2000. Avec cette nouvelle reculade, ce nouveau désengagement de l’État sur le programme Rafale, n’est-ce pas l’avenir même de cet avion de combat qui et compromis ? Et quand on sait que la maîtrise de la technologie des avions de combat correspond à la maîtrise de la plupart des technologies nouvelles, il est bien évident que l’enjeu est l’avenir de toute notre industrie et l’avenir, non seulement de la recherche, mais aussi de l’emploi. Pour ce qui est des crédits d’entretien des Mirage 2000, j’ai cru comprendre que près d’une trentaine d’entre eux, soit quelque 10 %, seraient maintenus au sol l’année prochaine. Ce désengagement est très préoccupant pour la crédibilité de la défense nationale.

Malgré vos haussements d’épaules, vous me permettez d’ajouter que, comme l’indique ce matin ce matin le journal de vos amis communistes, l’Humanité, c’est encore 20 à 30 000 emplois qui seront supprimés. Comment entendez-vous garantir l’avenir du programme Rafale et celui des industries de maintenance de nos avions de chasse ? Comment entendez-vous maintenir l’emploi dans les entreprises aéronautiques et dans la sous-traitance ?

Réponse : Dans le cadre du programme d’économies, le Gouvernement a fait le choix – qui n’a pas votre assentiment, mais vous êtes toujours pour les économies en général – de privilégier la fonction humaine. Pour des besoins tactiques, vous appelez cela, avec quelque dédain, les quelques « dépenses de fonctionnement ». Moi, j’appelle cela l’investissement humain et s’agissant d’un thème de défense, je voudrais essayer de vous faire comprendre que c’est quand même le facteur le plus important. Si vous aviez au moins retenu cela de notre débat, nous n’aurions pas perdu notre temps, je prends en compte, sans émotion particulière, le caractère totalement polémique de votre question.

S’agissant de la poursuite du programme Rafale, je me suis totalement expliqué devant la représentation nationale. Je pourrais réitérer ce que j’ai dit il y a une demi-heure, mais cela ne vous empêcherait pas de continuer à tenir des propos polémiques, sans rapport avec la réalité. Quant à la modération des crédits d’entretien destinés aux Mirage 2000, elle correspond à une prévision – inscrite dans la loi de programmation que vous avez votée – qui, consiste à réduire progressivement la taille de notre force aérienne. Il est logique que les moyens de l’armée de l’air s’adaptent progressivement aux besoins qui correspondront à son nouveau format.

ONERA (réorganisation – rapprochement avec le CNES)

Question de M. Michel Bouvard : L’office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) constitue un outil irremplaçable pour la recherche aéronautique et aérospatiale française, tant fondamentale qu’appliquée. Si les subventions d’investissement aux établissements publics s’accroissent en 1998 et comprennent notamment des contrats d’études permettant une activité de recherche en amont, les subventions de fonctionnement diminuent. Un plan d’entreprise a été élaboré à la demande de vos prédécesseurs et soumis au ministère par la direction de l’ONERA. Quelles suites souhaitez-vous donner à ce plan, notamment pour l’évolution des effectifs, la diversification des activités et l’éventuel regroupement de certaines d’entre elles. Au-delà, pouvez-vous nous confirmer le rapprochement entre l’ONERA et le centre national d’études spatiales (CNES) et nous indiquer la forme qu’il pourrait prendre ? Enfin, à l’heure où les programmes aéronautiques, tant civils que militaires, se font moins nombreux et son, pour la quasi-totalité, réalisés en coopération au niveau européen, comment comptez-vous préserver la part de la France dans ces activités concurrentielles ? Je pense notamment aux essais en soufflerie et aux expertises.

Avec plus de 2 200 salariés, l’ONERA constitue non seulement un outil de recherche, mais aussi, dans certaines régions, un élément de la politique d’aménagement du territoire. C’est pourquoi son évolution préoccupe de très nombreux élus.

Réponse : Monsieur le député, l’ONERA s’est doté d’une nouvelle organisation élaborée méthodiquement et en concertation. Elle a été mise en œuvre le 1er octobre de cette année. Elle a pour objectif de renforcer l’encadrement scientifique de l’office et la cohérence de ses travaux de recherche. À cet effet, une direction scientifique générale a été créée. L’autre mission que s’est assignée l’ONERA est de développer la transversalité dans les recherches de base, presque toujours financées sur les ressources générales de l’office, en essayant de les constituer en projets fédérateurs pour des équipements pluridisciplinaires.

Parallèlement, l’ONERA se donne l’objectif mobilisateur d’intensifier la coopération européenne. Aujourd’hui, environ 10 % des recherches et des travaux effectués par l’ONERA sont en coopération et l’objectif poursuivi est le doublement de ce chiffre en cinq ans.

L’ONERA doit, par ailleurs, mettre en œuvre un volet social visant à adapter ses moyens aux plans de charges prévisibles, qui viennent pour une très grande partie du marché. Ce plan social comprendra pour les trois quarts des mesures d’âge et exclut tout licenciement. Parallèlement à cet effort de restructuration, l’ONERA entreprend de rajeunir la population de ses chercheurs avec l’embauche de jeunes scientifiques de talent.

S’agissant des relations entre l’ONERA et le CNES, j’ai confié conjointement avec mon collègue Claude Allègre, une mission de réflexion à M. Pellat et M. Sillard. Elle vise à éclairer le Gouvernement sur l’intérêt et les conditions éventuelles d’un rapprochement ou d’une coopération plus étroite entre les deux organismes dans des domaines, le spatial et l’aéronautique, qui sont des priorités scientifiques et technologiques pour lui.

L’optimisation des potentiels français est en effet très souhaitable pour faire face à la concurrence, notamment américaine, comme l’a d’ailleurs souligné le rapporteur Bernard Grasset. Mais cette optimisation n’implique pas nécessairement une fusion. Enfin, je tiens à vous dire que la composante aménagement du territoire du rôle de l’ONERA est très présente dans les préoccupations du Gouvernement et qu’aucune mesure de nature à fragiliser l’équilibre régional auquel contribue l’office ne sera prise.

Établissement de Giat Industries à Salbris

Question de M. Patrice Martin-Lalande : Élu d’une région où la défense est le principal employeur, je veux me faire ici l’écho des vives inquiétudes de toute la population, tout d’abord sur le chapitre des munitions, par exemple le non-respect du plan de retour à l’équilibre de GIAT Industries, qui était fondé sur des commandes de 750 millions de francs par an. Or, près des deux tiers de ces commandes n’ont pas été passées en 1997, ce qui met en péril le plan de retour à l’équilibre et menace – selon certaines rumeurs très défavorables – de fermeture un site comme celui de Salbris lorsque la commande des Émirats Arabes Unis, qui le fait vivre actuellement, aura été réalisée.

Quels sont les engagements de l’État pour maintenir l’activité à Giat-Salbris au-delà de l’an 2000 ? Passera-t-il les commandes françaises différées ? Aidera-t-il à la conclusion rapide de l’accord avec l’Arabie Saoudite ? Développera-t-il sur le site une activité publique de démilitarisation de munitions ? En effet, celle-ci a besoin de l’aide de l’État pour être créée en France, le cas échéant en obtenant une dérogation aux règles européenne qui écartent les grandes entreprises publiques du type de Giat du bénéfice des actions de soutien.

Base aérienne de Romorantin

Mon autre inquiétude porte sur l’avenir des bases aériennes, comme celle de Romorantin qui comprend à la fois une base et un entrepôt. Est-il vrai que plusieurs bases de ce type vont être fermées dans les prochaines années et, si oui, sur quels critères ? Quel sera le sort de la base aérienne et de l’entrepôt de Romorantin qui viennent de démontrer leur capacité à évoluer en accueillant des activités nouvelles regroupées sur ce remarquable site de Sologne ? Avec 750 personnes, cette base et cet entrepôt sont un des principaux employeurs d’une zone qui a déjà payé un lourd tribut à la restructuration de l’industrie de défense.

Marché de munitions

Réponse : Comme j’ai déjà dû le dire à M. Galut tout à l’heure, les stocks de munitions dont disposent actuellement les armées – et l’armée française est loin d’être la seule – sont très largement surdimensionnés par rapport à leurs besoins. C’est pourquoi nous maintenons, ce sera encore le cas en 1998, un niveau de commandes qui excède très substantiellement les besoins des états-majors – je leur ai expliqué cette décision – même s’il est nécessairement en diminution. Je vous indique que la somme de 750 millions de francs de commandes de munitions que vous évoquez n’est pas celle qui est inscrite dans la loi de programmation ; elle était inférieure de 20 %.

Chars Leclerc (discussion d’un contrat de vente avec l’Arabie Saoudite)

Compte tenu de cette réalité, le site de Salbris, comme d’autres, est devant la nécessité d’adapter ses effectifs de production au plan de charge. Mais, vous mentionniez très justement, ce dernier dépend largement de l’obtention par GIAT Industries d’un contrat de vente de chars Leclerc en Arabie Saoudite. Nous savons que le char a présenté, lors de tous les examens techniques auxquels il a été soumis, de grandes qualités et a répondu de façon satisfaisante aux objectifs de l’armée saoudienne. Le ministère de la défense suit très attentivement les discussions devant aboutir à l’obtention de ce contrat. Mais c’est, bien sûr, à l’entreprise elle-même d’assurer l’effort commercial et technique. En tout cas, je me suis personnellement rendu an Arabie Saoudite dès les premières semaines qui ont suivi ma nomination afin d’assurer la continuité de la qualité des relations de confiance entre les deux États.

Comme vous le souligniez, les potentialités de diversification du site de Salbris sont appréciables. Je le rappelle, l’aide de l’État est possible sur tout projet crédible et 500 millions de francs seront réservés à partir de l’année 1998 au financement de tels projets. Enfin, il est possible d’obtenir une dérogation auprès des autorités européennes à la règle de principe des refus d’aide aux organismes publics. Toutefois, et sans vouloir faire le moindre rappel douloureux, permettez-moi de souligner que nos quatorze partenaires au sein de l’Union ont également des intérêts industriels, sont eux-aussi tentés, à tel ou tel moment, de prendre des mesures pour aider ponctuellement leurs industries, ce qui peut gravement défavoriser les nôtres. La prudence recommande donc de négocier les dérogations européennes avant de se lancer.

La restructuration des forces armées ayant eu lieu pour l’essentiel dans la première phase menée par mon prédécesseur Charles-Million, je peux vous garantir la pérennité de la base et de l’établissement de Romorantin-Lanthenay.

Giat Industries (département de la Loire)

Question de M. Yves Nicolin : Dans la Loire plus qu’ailleurs nous connaissons le prix de l’effort. Premier département de France pour GIAT Industries, nous perdons 1 000 emplois sur les trois sites de Saint-Étienne, Saint-Chamond et Roanne dans le plan de retour à l’équilibre de l’entreprise décidé précédemment. Vous avez annoncé tout à l’heure à l’Assemblée nationale des décisions, dont, d’ailleurs, les syndicats avaient eu la rumeur. Dans ces conditions, il est difficile de préparer ses questions à l’avance. Cela explique que je ne vous ai pas transmis la mienne. Ma question, si vous voulez bien y répondre, comporte en fait quatre volets :

- le premier concerne la commande de 30 chars Leclerc pour 1998, contre 33 n 1997. Confirmez-vous cette réduction, et combien de suppressions d’emplois entraînerait-elle ?
- deuxième volet, afin de maintenir une certaine activité sur le site de Saint-Étienne, et malgré l’annulation des commandes de pistolets automatiques des CRS antérieurement décidée, votre prédécesseur avait prévu le regroupement sur le site de Saint-Étienne de l’Établissement de cartographie numérique des armées. Aujourd’hui, rien n’est fait et, à ma connaissance, le texte réglementaire créant cet établissement à Saint-Étienne n’a pas été publié. Renoncez-vous à cet engagement ou pouvez-vous nous donner des garanties formelles quant à la date de sa mise en place à Saint-Étienne ?
- troisième volet, il avait été décidé par le précédent Gouvernement de créer dans le département de La Loire un établissement public foncier doté d’un capital de 50 millions de francs. Tiendrez-vous cet engagement ?
- quatrième volet, enfin, une convention de site pour l’ensemble du département de la Loire était en voie de rédaction – j’en ai d’ailleurs ici une copie – afin d’apporter des compensations au département de France le plus touché par la restructuration de GIAT.

Qu’en est-il aujourd’hui, monsieur le ministre ?

Mon collègue Pascal Clément, président du conseil général, s’associe à ces questions.

Réponse : Monsieur le député, il est de votre totale liberté de ne pas informer le Gouvernement du contenu de la question que vous voulez poser en espérant le piéger. Vous pouvez toujours essayer ! C’est la seule motivation du non-dépôt de votre question. En effet, aucun motif d’urgence ne pouvait le justifier, puisqu’aucun des éléments sur lesquels vous me questionnez n’a connu de développements nouveaux aujourd’hui. Cette attitude relève d’un niveau de combat politique que je vous laisse apprécier. En tout cas c’est un échec car j’ai de quoi répondre !

Chars Leclerc (30 prévus en 1998 dans la loi de programmation)

Les chars Leclerc dont j’ai parlé correspondent à l’application de la loi de programmation et n’entraîneront – vous le saviez avant de poser la question – aucune suppression d’emplois, vous le savez tout aussi bien, l’établissement de Roanne, comme d’autres qui travaillent à la fabrication du Leclerc, ne pourrait pas aller plus vite même si le Gouvernement le décidait.

Établissement de cartographie numérique

Quant à l’annulation de la commande de pistolets pour les CRS, elle est le fait du précédent Gouvernement, que vous souteniez, lequel avait décidé de ne pas donner suite. Je vous remercie de cette question qui me permet de fournir cette indication que vous porterez, je l’espère, à la connaissance des citoyens de la Loire. De même, l’établissement cartographique auquel vous avez fait allusion, n’existe pas aujourd’hui. Il s’agit d’une éventualité. Elle figurera parmi les réflexions que poursuivra le ministère de la défense. Mais je me rends compte, en écoutant certaines questions, que la dernière campagne électorale n’est pas loin et que nous sommes assez près de la suivante. En tout cas, par le passé, au sein de certaines formations politiques, on a joué avec l’espoir des gens sur des questions touchant l’emploi et le développement local et qui méritent une autre méthode. Tel ne sera pas le cas avec nous. C’est un des changements que vous pourrez apprécier avec la nouvelle majorité, monsieur le député.

Quant à l’établissement public foncier auquel vous faites référence, il ne relève pas de la responsabilité du ministère de la défense. En poursuivant votre apprentissage de parlementaire, peut-être apprendrez-vous à quel ministre il faut poser une telle question. Enfin, la convention dont nous parlons fait l’objet d’un suivi normal et sera souscrite si les collectivités locales soutiennent leurs projets.

Châtellerault (relogement des gendarmes mobiles)

Question de M. Jean-Pierre Abelin : La réduction des crédits pour le fonctionnement et l’équipement des armées a une double limite : celle de la cohérence des choix stratégiques intégrés dans la loi de programmation et celle du caractère véritablement opérationnel des personnels et des matériels.

Passons du général au particulier. Je vous remercie de bien vouloir me confirmer l’intégration dans votre projet de budget des crédits nécessaires à la réalisation de la seconde tranche immobilière concernant l’escadron de gendarmerie mobile de Châtellerault. En effet, votre prédécesseur m’avait signalé, voilà un an, que le financement de 110 millions de francs serait mis en place dès 1997 et que la notification du marché portant sur la réalisation de 138 logements au profit de l’escadron était susceptible d’intervenir dans le courant du mois de septembre dernier, pour une livraison de l’ensemble immobilier au mois de mars 1999. Vous connaissez, monsieur le ministre, les contraintes de service des gendarmes mobiles et l’intérêt que présente une telle opérations. Je vous rappelle également, l’importance économique de ce projet sur le plan local et la nécessité d’une grande coordination des actions à mettre en œuvre pour accompagner le relogement des familles de gendarmes logées jusqu’à présent dans un quartier sensible.

Je vous serais également très reconnaissant de bien vouloir me confirmer le maintien des crédits prévus dans le cadre des conventions État-région pour la reconversion des industries de l’armement. Permettez-moi d’insister plus particulièrement sur la convention que le Poitou-Charentes a signée avec l’État au début de l’année avec deux projets importants porteurs d’espoir concernant la Sochata-SNECMA et Sextant Avionique, sur lesquels j’appelle votre plus vive attention.

Réponse : Pas de problème, monsieur le député – le relogement des familles de gendarmes de l’escadron de la gendarmerie mobile de Châtellerault est suivi attentivement par le ministère. Les locaux de services techniques correspondant à la première tranche, comme vous le rappeliez, ont été livrés en 1995. Ils correspondent à un escadron de gendarmerie mobile, une brigade motorisée et un PSIG, peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie.

Votre question me donne d’ailleurs l’occasion de souligner l’importance que nous devons accorder à l’amélioration des conditions de vie des hommes de la gendarmerie mobile, dont les contraintes de service sont extrêmement lourdes et, je le signale à l’Assemblée, en limite de saturation compte tenu de la fréquence avec laquelle ils sont sollicités. Qui ignore ici les difficultés de travail de ces militaires ? Il est de notre devoir de poursuivre l’amélioration de leur logement.

La seconde tranche est en place. Le financement a été réglé en avril 1997 pour les 110 millions de francs qui avaient été prévus. Le calendrier est respecté et la livraison de l’ensemble immobilier reste fixée à mars 1999.

Vous évoquez par ailleurs, les crédits inscrits dans, la convention État-région Poitou-Charentes. C’est une bonne convention sur laquelle la région s’implique et elle assume pleinement la suite de ce travail conventionné. Profitant de l’occasion, je veux souligner que le Gouvernement prend au sérieux ces conventions avec les régions. Car c’est le cadre normal qui permet d’optimiser les moyens des uns et des autres pour un nouveau développement local.

Les projets sur lesquels vous insistez, monsieur le député, sont parfaitement crédibles et répondent pleinement aux critères de ceux qui doivent être soutenus dans les conventions État-régions. Notre dialogue pourra donc se poursuivre positivement.

Service de santé (diminution des crédits – appel aux réservistes)

Question de M. Antoine Carré : Les effectifs du service de santé seront passés au total de 18 451, en 1996, à 16 681 en 1998, pour atteindre 13 509 à l’horizon 2002, soit une baisse de 4 942 postes sur six ans. Certes, vous créez 600 postes de carrière et contractuels, mais vous en supprimez 434 par ailleurs, alors que l’effectif appelé va considérablement diminuer dans les années qui viennent.

Pour 1998, le projet de budget qui nous est soumis fait donc apparaître une baisse de crédits significative, ce qui est tout à fait logique : repli de 14,6 % pour le titre III, avec une baisse de 7,6 % pour les rémunérations et charges sociales et un recul sans précédent de 26,2 % pour les crédits de fonctionnement et entretien courant. Quant aux dépenses en capital, elles régressent de 14,8 % - 20 % sur l’équipement et près de 10 % sur le postes infrastructures.

À la lumière de ces chiffres, deux questions se posent :

- si la situation impose la multiplication des opérations extérieures, associée à la décision d’augmenter les capacités de projection de nos forces, la diminution d’effectifs que cela entraîne sur le territoire national est-elle compatible avec la diminution de 27 % des effectifs du service de santé à l’horizon 2002 ?
- corrélativement, le service de santé continuera à s’appuyer sur le renfort de personnels médicaux réservistes. Néanmoins, ces derniers sont surtout désireux de servir en opérations extérieurs et beaucoup moins nombreux à vouloir assurer la relève dans les établissements hospitaliers militaires. Dans ces conditions, comment assurer la permanence de la qualité des soins dans nos hôpitaux militaires, en particulier si la participation de la France à des opérations extérieures venait à s’intensifier ?

Réponse : Votre question est très intéressante et mériterait une réponse plus développée que celle que je puis fournir en deux minutes. En fait, et je ne le conteste pas, vous mettez en doute la prudence de la loi de programmation elle-même. Il est sûr que le passage d’une armée mixte, où l’on pouvait recourir à des médecins et pharmaciens appelés, à une armée de professionnels, cela en six ans seulement, ne peut qu’ébranler les structures du service de santé et le mettre en question. En particulier si les opérations extérieures étaient intenses au cours de cette période de transition, nous serions confrontés à des difficultés.

L’axe de réponse un peu approximatif, vous le mentionnez vous-même, c’est évidemment l’appel aux réservistes. La motivation, le sens de la solidarité professionnelle de beaucoup de réservistes médecins militaires nous donnent l’espoir qu’en cas de crises qui, par définition, changerait aussi l’état d’esprit de beaucoup de citoyens, nous pourrions faire face. En tout état de cause, ce point reste au centre de mes préoccupations quotidiennes pour la bonne conduite de la professionnalisation. Le service de santé des armées va connaître une adaptation et je reste disponible pour en discuter avec ceux des parlementaires qui s’intéressent à cette question importante pour nos armées, car nous aurons sans doute à perfectionner l’évolution de ce service.

Titre V (diminution) – Giat Industries (département de la Loire)

Question de M. François Rochebloine : Dans son projet de loi de finances pour 1998, le Gouvernement a souhaité privilégier l’emploi et la solidarité, avec une augmentation des crédits d’environ 8,7 milliards de francs par rapport à 1997. Nous ne pourrions qu’approuver ce choix s’il n’était effectué au détriment du budget de la défense dont les crédits sont diminués d’autant.

La priorité ainsi accordée à l’emploi se retrouve principalement dans le programme en faveur de l’emploi des jeunes, qui mobilisera quelque 8 milliards de francs en 1998. Outre l’effet de substitution inévitable qu’elle va générer au détriment de la création d’emplois non subventionnés, cette mesure parait en totale contradiction avec le projet de budget de la défense.

La réduction budgétaire opérée sur les dépenses d’investissement du budget de la défense pour la financer va en effet peser lourdement sur l’emploi industriel directement dépendant de l’industrie française de défense. Pour les seules activités des industries françaises représentées au conseil de l’industrie française de défense dans le tissu industriel français est de 7 %, avec un fort taux de sous-traitance, en particulier dans les PME-PMI.

Dans le seul département de la Loire, c’est près de 7 200 emplois qui sont induits par l’industrie française de défense sur un total de 45 000 emplois industriels, soit environ 16 %. Ainsi, avec ce que vous qualifiez « d’encoche budgétaire » par rapport à la loi de programmation militaire 1997-2002 – encore de 8,7 milliards de francs à laquelle se rajouteront les traditionnels effets de la régulation budgétaire, à hauteur de plusieurs milliards –, le gouvernement s’apprête à détruire de très nombreux emplois industriels induits par le secteur défense pour créer de l’emploi subventionné.

En ce qui concerne plus particulièrement le département de la Loire, je rappelle que GIAT Industries y est très présent, avec trois sites : Saint-Chamond, Saint-Étienne et Roanne. Un arrêt ou un report de certains programmes serait catastrophique pour ce groupe dont le chiffre d’affaires dépend – vous le savez mieux que moi, Monsieur le ministre, pour plus de 80 % du secteur défense.

GIAT Industries, dont la capacité de production est 110 chars par an, en produit actuellement 33– et peut-être bientôt 30 comme indiqué dans votre projet de budget. Il ne peut souffrir de décalage ou d’annulation sous peine d’aggraver ses besoins en fonds propres, déjà de l’ordre de 3 milliards de francs. GIAT Industries ne prévoit pas de retour à l’équilibre avant 1999, alors qu’il éprouve les plus grandes difficultés à assurer son fonctionnement courant.

Aussi, Monsieur le ministre, quel avenir votre projet de budget réservera à l’industrie française de défense et à ses emplois induits, et plus spécifiquement au groupe GIAT Industries dont je viens de vous rappeler l’importance pour le département de la Loire ? Enfin, quelles garanties pourrez-vous apporter sur la pérennité des trois sites ? D’avance je vous remercie

Plan emploi jeunes – baisse des activités des industries de défense

Réponse : Monsieur le député, vous ressentez bien vous-même le risque qu’il y a à s’essayer – je l’ai fait avant vous, c’est donc une erreur que je ne vous reprocherai pas – à un discours de politique générale avec une question de deux minutes. Mais puisque vous m’en donnez l’occasion, je voudrais vous convaincre qu’il n’y a aucun rapport, un enfant de huit ans verrait la supercherie, entre le programme « jeunes » décidé, et à raison, par ce Gouvernement, auquel la grande majorité de vos collègues élus de droite dans les communes et les départements souscriront, et la baisse des activités des industries de défense. Vous le savez aussi bien que moi, chacun sur les bancs de l’opposition le sait aussi bien que moi : même s’il n’y avait pas eu le programme « jeunes », l’évolution de la situation internationale et l’évolution technologique des armements auraient conduit à supprimer des emplois dans l’industrie de défense. Vous le saviez avant de poser la question, je vous confirme pour après. Par conséquent, s’il vous plaît, passez-vous de ces arguments politiciens qui ne trompent personne !

Industrie française de défense (170 emplois directs)

Cela dit, Monsieur le député, je vous remercie d’avoir mentionné un chiffre, qui, lui, est exact : les emplois directs, vérifiables, dans les industries de défense sont bien au nombre de 170 000, ce qui invalide un peu cruellement le chiffre de 350 000, prudemment avancé tout à l’heure sur les bancs de l’opposition ! Je vous confirme que, s’agissant des établissements du GIAT aujourd’hui en activité dans la Loire – Saint-Chamond, Saint-Étienne et Roanne – aucun arrêt de programme en cours n’est envisagé. Le rythme de production de trente chars Leclerc, au lien de trente-trois qui correspondaient à la capacité maximum, non seulement reste en cohérence avec la capacité industrielle réelle de l’établissement, mais m’a également permis de remonter, au-delà de ce que souhaitaient les militaires, le niveau des fournitures de munitions, indispensables au maintien de l’activité d’autres sites du GIAT.

Le Gouvernement a donc agi de manière conséquente et équitable sur ce sujet. Bien entendu, il est loisible de le critiquer ; encore faut-il choisir le bon point d’application.

Réserves

Question de M. Roland Garrigues : Monsieur le ministre, dans le cadre de la loi de programmation militaire, la professionnalisation des armées et l’évolution du service national supposent une révision complète du système des réserves. La loi portant réforme du Service national, récemment approuvées par le Parlement, rappelle à ce propose que les réservistes concourent, avec les militaires professionnels, les volontaires et les appelés, à la défense de la nation et qu’ils entretiennent le lien indispensable entre les armées et le pays.

Un projet de loi portant réforme des réserves est depuis près d’une année en cours d’élaboration. Les principales difficultés semblent porter à la fois sur l’organisation et les moyens des réserves futures ainsi que sur le statut du réserviste, en particulier les modalités de rémunération et de protection sociale. Pourriez-vous nous préciser, Monsieur le ministre, où en sont les discussions interministérielles et à quelle date ce projet pourrait être discuté au Parlement ? Pourriez-vous également nous indiquez la nature réelle des difficultés et les solutions que vous comptez mettre en œuvre pour y remédier ?

Réponse : Je vous remercie à mon tour, Monsieur le député, car le point que vous me demandez de commenter brièvement figure parmi les sujets d’avenir importants. La « nouvelle réserve » dont le Gouvernement saisira le Parlement au cours du semestre qui vient marquer une rupture avec l’actuel concept de réserves de masse, issu d’une tradition séculaire de nos armées. La loi de programmation militaire – et c’est à mon avis un de ses bons points – prévoit pour l’avenir un effectif de 100 000 réservistes seulement, dont 50 000 pour la gendarmerie afin de répondre aux besoins de sécurité intérieure. Ces effectifs sont inscrits dans le rapport annexé à la loi. Les moyens financiers, hors opérations bien sûr, correspondant à cette montée en puissance sont prévus. Ils devraient être de 270 millions de francs en 1998 ; nous avons prévu 250 millions de francs seulement, mais, comme le projet de loi n’interviendra qu’en cours d’année, cette dotation nous paraît raisonnable.

Le délai de sortie du projet n’est pas dû à des difficultés particulières dans son élaboration, mais à ma volonté d’approfondir les réflexions à la suite de la loi sur le service national que vous venez d’adopter et qui a modifié la perspective de ce futur projet sur les réserves. L’accès aux réserves reposera essentiellement sur le volontariat, soit après une préparation militaire, comme vous avez bien voulu le consentir dans la loi, soit après un volontariat dans les armées, soit après une première carrière comme militaire d’active. Des spécialistes pourront même être recrutés directement pour certaines fonctions techniques.

Le Gouvernement a pour ambition d’élaborer un véritable projet de statut du réserviste ; le succès à terme de notre système repose en effet sur la qualité de la condition matérielle et juridique des réservistes au regard de leur activité professionnelle. Notre ambition est donc de leur accorder, ainsi qu’à leur famille si nécessaire, une couverture sociale adaptée à leur situation « mixte » en quelque sorte.

Je compte reprendre sur ce point le dialogue entamé par mon prédécesseur Charles Million tant avec les associations de réservistes, qui ont beaucoup à nous apprendre, qu’avec les organisations d’employeurs et aussi mes collègues du Gouvernement pour trouver un équilibre acceptable entre les aspirations de chacun et les contraintes économiques. Mais ce projet donnera lieu à un débat auquel les membres de la commission de la défense en particulier seront appelés à contribuer.

Toulon (restructuration des sites de la DCN –nécessité d’un dialogue social)

Question de M. Robert Gaïa : Le budget que vous nous présentez est un budget difficile dans un contexte difficile. Il marque le sens des responsabilités et du courage politique qui honorent le Gouvernement, car c’est là un budget de vérité tranchant avec les budgets d’annonce de l’ancienne majorité, qui, de reports en gels, et de gels en annulations de crédits, se vidaient de leurs moyens au fur et à mesure de l’exercice budgétaire. Il marque une véritable rupture avec ces pratiques et nous l’approuvons.

Ce budget est aussi le résultat du choix du Président de la République en faveur de la professionnalisation des armées, choix qu’il avait fait seul, sans concertation. Aujourd’hui, vous avez à proposer les mesures qui découlent de ces choix, avec le souci de préserver la professionnalisation et les capacités opérationnelles de nos armées. Force est de constater que les baisses de crédits se retrouvent sur le titre V et touchent en particulier les sites de la DCN. Ainsi le site de Toulon se voit-il amputé de quelque 400 000 heures et d’environ 2 à 300 emplois dans la sous-traitance. Monsieur le ministre, cela était difficilement acceptable en l’état – était, car depuis, vous avez fait une annonce d’importance dont nous devons tenir compte dans notre appréciation.

Les sites de la DCN sont les entreprises industrielles leaders et souvent uniques dans des bassins d’emplois dont les seules activités tournent autour de l’industrie de défense. Si certaines baisses de crédits peuvent être compréhensibles, il serait dangereux de mettre en cause la viabilité de notre outil industriel. Aussi est-il nécessaire que vous réaffirmiez l’attachement du Gouvernement aux industries de défense et à la DCN en particulier, attachement et volonté d’en faire un outil performant, garantissant son maintien et son développement. Voilà pourquoi, si je prends acte des mesures d’âge annoncées par le Gouvernement, je continue à affirmer qu’il convient de préserver les savoir-faire et les compétences technologiques de nos arsenaux, en particulier par l’embauche de jeunes, et j’attends que vous explicitiez les mesures que vous avez annoncées.

Les salariés de la DCN de Toulon ont besoin de signes forts :

- l’annonce que le Montcalm restera à Toulon en est un. C’est par de tels actes que nous retrouverons la confiance nécessaire à tout dialogue social ; et c’est grâce au dialogue social retrouvé que nous pourrons ouvrir le chantier de la réduction et de l’aménagement du temps de travail auquel vous êtes attaché ;
- Monsieur le ministre, vous avez commencé à répondre à notre appel en annonçant la mise en place d’une nouvelle délégation interministérielle dans les prochains jours. Aujourd’hui, il nous faut penser à l’intérêt et à l’avenir des populations. Selon moi, une entreprise qui travaille à 100 % pour la DCN n’a pas d’avenir. Il appartiendra au délégué interministériel de permettre aux entreprises de se diversifier en conjuguant marché défense et marché civil ;
- il s’agit de mobiliser tous les partenaires socio-économiques, dans la transparence et le dialogue social, et au plus près des sites. C’est pourquoi nous souhaiterions que vous nous apportiez des précisions sur le rôle de ces délégués, sur leur rattachement, sur leurs missions réelles, sur leur volonté d’assurer la transparence dans l’utilisation des crédits de modernisation, le suivi devant être assuré en associant les élus et les organisations syndicales. Il s’agit de marquer une nouvelle volonté politique, d’affirmer votre attachement à la DCN, d’assurer la mobilisation des personnels dans le respect de leur dignité, alors qu’ils nous font part de leur démoralisation et de leur manque de perspectives. Il faut leur proposer une autre logique pour Toulon et le Var. Nous en avons absolument besoin en ce moment.

Industrie de défense (reconversion – déploiement d’équipes de site)

Réponse : Je comprends votre préoccupation, Monsieur Gaïa, compte tenu de la situation particulière du bassin d’emploi de Toulon, je suis vous assurer de la volonté politique du Gouvernement d’être pleinement aux côtés des responsables de ces bassins d’emplois et des sociétés ou entreprises d’État qui y travaillent de manière à amener une transition bien organisée.

Au sein des bassins d’emplois concernés, dont celui de Toulon, l’intervention de sociétés de conversion spécialisées et compétentes sera systématiquement organisée. Des équipes de site, rattachées au préfet, en contact avec l’ensemble des administrations de l’État, seront déployées, et rattachées à la délégation interministérielle – dont le titre est encore à l’étude au sein du Gouvernement, mais dont l’objectif général est le développement économique des bassins d’emplois concernés par la défense. Celle-ci disposera, dès l’année 1998, de 500 millions de francs de crédits provenant de fonds des différents ministères et de l’Union européenne.

Ces sommes, comme vous me l’avez demandé, seront gérées de manière déconcentrée et transparente. Nous allons instaurer des comités de suivi régionaux. Il y en aura donc un dans votre région ; c’est particulièrement souhaitable. Ils auront pour mission d’examiner, en compagnie des élus locaux et des organisations représentatives, l’ensemble des opérations donnant, lieu à l’attribution de crédits publics.

Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (examen des restructurations de défense)

Dès la fin de cette année – par conséquent dès le mois prochain – un premier comité interministériel d’aménagement du territoire examinera la situation des bassins les plus touchés par les restructurations de défense ; d’autres comités d’aménagement du territoire se tiendront au cours de l’année qui vient.

Nous devrons poursuivre la réflexion, en concertation avec les élus locaux et les parlementaires, sur l’organisation nouvelle des établissements de la direction des constructions navales. Je confirme votre appréciation : ces établissements ont d’abord une finalité militaire ; c’est donc à partir de leur pôle d’excellence en matière technologique, que peuvent s’imaginer des projets de diversification de haut niveau.

Entretien de la flotte (Toulon-Brest)

Par ailleurs, la décision annoncée d’un transfert d’entretien de la flotte du port de Toulon au port de Brest, suscite effectivement, vous en avez fait état, une vive inquiétude au plan local. Je souhaite l’apaiser. Cette opération particulière de transfert sera réexaminée. Des mesures de solidarité peuvent être nécessaires entre les établissements de la DCN ; elles auront éventuellement à intervenir le moment venu. Mais rien ne sera fait sans concertation et une étude transparente et contradictoire du niveau de plan de charge de chaque établissement, notamment de celui de Toulon.

Haute-Vienne (reconversion et diversification industrielle)

Question de M. Claude Lanfranca : La professionnalisation va se traduire par une vaste réorganisation de notre système de défense. L’organisation de notre défense doit avoir pour objectif d’obtenir la plus grande efficacité afin de garantir la sécurité de notre pays et nous permettre de remplir nos engagements internationaux. Nous comprenons donc parfaitement que le dispositif d’implantation territoriale de notre armée soit conçu de manière à atteindre cet objectif. Toutefois, l’État est un tout, et une de ses missions, tout aussi essentielle, est de permettre l’aménagement du territoire et d’éviter que certaines régions ou localités ne subissent brutalement des pertes d’activités sans que soient prévus des dispositifs de compensation ou de reconversion en amont. Ainsi, la ville de Limoges et la Haute-Vienne sont durement touchés, économiquement et socialement, par la politique de restructuration. En effet, on note la disparition de la 15e DI, la dissolution depuis le mois de mai de la base aérienne 274 de Limoges et le transfert prochain de l’entrepôt 603, la disparition programmée de la CMD en 1999 et enfin la baisse drastique du plan de charge de l’usine Renault Véhicules Industriels.

Pour compenser ces fermetures, votre prédécesseur avait prévu l’implantation d’un centre de rendez-vous citoyen. Votre ministère ayant décidé, à juste titre, de revoir le projet sur le service matériel et d’organiser un appel de préparation d’une seule journée, Limoges se trouve une fois de plus privée d’un projet important. Aussi ma question porte-t-elle sur la compensation militaire qui pourrait être envisagée pour Limoges et la Haute-Vienne, et de matière générale sur la politique pour pallier les pertes d’activités liées aux restructurations.

Réponse : Je ne peux que convenir avec vous des charges qui pèsent sur Limoges et sur la Haute-Vienne, compte tenu des décisions des restructurations intervenues antérieurement, en particulier la dissolution de la base 2, soit une perte de 113 emplois professionnels, et le transfert de l’entrepôt de l’armée de l’air 603 qui représente quant à lui 226 emplois professionnels. Restent cependant dans le département 1214 militaires répartis en plusieurs unités.

Limoges (imprimerie de la Gendarmerie nationale – centre d’archives médicales du service de santé)

Il a été décidé de transférer l’imprimerie de la gendarmerie provenant de l’Île-de-France. Elle ouvrira, comme prévu, en septembre de l’année prochaine et représentera soixante-dix emplois professionnels à plein temps. La nouvelle loi sur le service national, si elle nous dispense de l’expérience quelque peu hasardeuse du rendez-vous citoyen, prive, il est vrai, Limoges d’une possibilité de reconversion qui aurait pu représenter quelques dizaines d’emplois hypothétiques. Des discussions sont actuellement menées pour trouver de nouvelles formes de l’occupation sur les emprises – considérables – de la base de Romanet. Je suis d’ores et déjà vous annoncer que plus de la moitié de l’emprise sera conservée par le ministère de la défense. Le service de santé en effet projette d’en réutiliser une bonne partie pour le centre d’archives médicales des armées, qui, en liaison avec la ville universitaire de Limoges, constituera de surcroît un élément valorisant de réflexion scientifique. D’autres projets d’affectation du site sont également en discussion.

En tout état de cause, la situation de Limoges et de la Haute-Vienne est typique de la volonté de diversification, de rebond économique et de solidarité que le Gouvernement entend manifester vis-à-vis des régions dans lesquelles l’emploi militaire ou l’emploi dans les industries militaires représentait une part importance de l’activité locale et où se posent par ailleurs des difficultés économiques significatives. La région, dont je sais l’attachement et la détermination à trouver des solutions, le département et la ville de Limoges trouveront dans le ministère de la défense un interlocuteur coopératif et constructif pour développer des solutions nouvelles et durables.

Fort des Rousses (Jura) – CEC 23e RI (dissolution)

Question de M. Jean Charropin : Le fort Henry-Martin des Rousses dans le Jura est le deuxième fort militaire de France par sa superficie. La nécessaire mouvement de restructuration des armées a conduit, en 1996, à la décision de dissoudre en 1997 le centre d’entraînement commando qui accueillait des stagiaires provenant de toutes les armes ainsi que des militaires de pays étrangers. Le précédent gouvernement avant néanmoins confirmé le maintien de la présence militaire sur le site par la formation de cadres destinés au rendez-vous citoyen et l’installation des services de gestion sociale des armées. Les récentes réorientations gouvernementales en matière de défense entérinent désormais l’abandon total des bâtiments du fort Henri-Martin par l’armée, qui avait pourtant investi des sommes considérables dans leur entretien et leur modernisation.

Reconversion industrielle (société fromagère et groupe lunetier)

À présent, la recherche d’une solution privée pour l’avenir du fort a permis de dégager des propositions dans le cadre d’une réutilisation civile du site, en particulier de la société fromagère Comté Juraflore Arnaud et du groupe lunetier COMOTEC. Ces deux entreprises sont d’ailleurs disposées à envisager toutes modalités permettant une utilisation rationnelle et éventuellement commune du site. À ce jour, avec l’aide des pouvoirs publics, ces deux projets privés apparaissent fiables, non concurrents, voire très complémentaires. Cette solution, inespérée, ne peut néanmoins s’envisager que dans le cadre de la légitime compensation par l’État du départ de l’armée de la commune des Rousses.

Je vous demande donc, Monsieur le ministre, de prendre toutes dispositions afin de soutenir financièrement les solutions civiles destinées à pallier l’abandon du site par l’armée et de permettre à la région des Rousses, éprouvée par la dissolution du CEC 23e RI au mois de juin dernier, d’obtenir de justes compensations.

Quelles précisions pouvez-vous, Monsieur le ministre, apporter aujourd’hui à ce bassin de population ?

Réponse : Votre interrogation est tout à fait légitime. Il y a eu changement d’orientation dans l’utilisation potentielle de ce site. Reconnaissez qu’il était tout de même assez peu réaliste de penser utiliser une aussi grande emprise simplement pour la formation des cadres de l’éventuel rendez-vous citoyen. La nouvelle formule, qui consiste en une aliénation avec une réutilisation économique est certainement plus réaliste et plus profitable à terme à l’économie locale.

De fait, nous sommes là dans un cas où la défense, abandonnant une emprise importante par rapport à la commune d’implantation, doit demander à l’État dans son ensemble, dans un souci de solidarité nationale, de faire un effort pour faciliter cette reconversion. Il faut d’ailleurs rendre hommage à ceux qui ont trouvé des solutions aussi efficaces et aussi pratiques.

Par conséquent, les moyens interministériels de soutien à de telles initiatives économiques seront mobilisés. Et je vous propose que nous poursuivions le contact et la négociation. Des primes sont envisageables pour faciliter l’installation des activités économiques permettant la réutilisation de cette emprise. Ainsi, avec résolution des collectivités locales et l’engagement déterminé de l’État, nous pourrons faire arriver à bon port ces deux projets qui sont d’excellents projets de reconversion.

Réorganisation territoriale (Lyon, Marseille, Aix-en-Provence)

Question de M. Christian Kert : Engagée avant que vous n’arriviez à ce ministère, la réflexion sur le redéploiement des états-majors de zones militaires ne va pas sans inquiéter certaines régions géographiques. À cet égard, je voudrais attirer votre attention, sur la zone sud ou la zone Méditerranée. À Marseille, l’armée de terre dispose de l’un des neuf états-majors destinés être regroupé en cinq unités, redécoupage qui prévoyait les sites de Paris, Metz, Rennes, Bordeaux et Marseille. Puis, contre l’avis des autorités régionales, votre prédécesseur a prévu de substituer Lyon à Marseille. Or, la proposition qui est faite, et qui avait déjà été présentée à M. Million par les responsables régionaux serait de constituer six états-majors de zone, Lyon et Marseille ayant chacun de leur, mais l’unité de Lyon servirait à soulager celle de Metz qui ne compte pas moins de vingt-trois départements dans sa compétence.

De la même façon, l’armée de l’air dispose d’un état-major pour la région Méditerranée stratégiquement bien placé en bordure du bassin méditerranéen, tout proche de l’école de l’air de Salon-de-Provence. On sait l’importance de cet arc méditerranéen pour notre défense. Nous avons vu les services qu’ont pu rendre les bases du sud de la France dans le conflit yougoslave. Là encore, un regroupement des zones est prévu. Il semblerait que des trois états-majors – Paris, Aix, et Bordeaux –, on ne veuille en garder que deux. La région provençale craint que la région stratégique ne prévale pas et que le site d’Aix-en-Provence soit menacé. Ma question est très directe : quelles sont vos intentions en matière de regroupement des zones militaires ? La Provence peut-elle espérer que son bon droit sera respecté ? Son bon droit, à savoir la création, de la sixième zone terre et la sauvegarde de l’état-major Aix-Méditerranée.

Réponse : J’ai eu l’occasion de le dire, beaucoup des décisions de redéploiement et de réorganisation qui ont été préparées par le Gouvernement précédent, sous la responsabilité de mon prédécesseur Charles Millon ont été étudiées avec soins et ont d’ailleurs été fort peu contestées dans leur ensemble, et, sauf exceptions rarissimes, je suis donc amener à assumer et à poursuivre l’application des décisions ; Heureusement, il y a beaucoup de domaines dans lesquels nous pouvons, dans une relation de confiance, assurer la continuité de l’État. Il reste que – et je veux ainsi justifier cette décision – le format de nos armées se réduisant, l’objectif étant d’accroître au maximum la mobilité et la disponibilité de nos forces, il est évident que le nombre d’états-majors et le nombre de services permanents fixes doit être limité. C’est vrai en particulier en ce qui concerne les régions aériennes : compte tenu de la mobilité intrinsèques de cette force, la France peut se contenter de deux états-majors.

En revanche, nous avons toutes les raisons militaires et de défense, de veiller à la bonne répartition de nos implantations et d’essayer de valoriser les vocations différentes de nos régions. La grande région Sud-Est doit accueillir deux états-majors principaux de l’armée de terre, dont un état-major de région. Il a été prévu que ce dernier soit à Lyon. Je crois que c’est justifié, parce que le siège de la région actuelle est bien organisé dans l’infrastructure du quartier Général Frère et qu’elle a des possibilités d’évolution.

Marseille (état-major des forces de projection)

En revanche, l’installation à Marseille d’un état-major de forces répond à la priorité accordée aux opérations de projection. La métropole marseillaise a, dans son environnement proche, toutes les infrastructures correspondant à ce nouveau concept : la zone de regroupement de Carpiagne, la base d’Istres, le port militaire de Toulon, le complexe portuaire de Marseille et l’aéroport de Marignane. Donc, la présence à Marseille d’un état-major à vocation opérationnelle est dans la logique de notre nouvel outil de défense et le Gouvernement va y travailler activement.

Entretien de matériels militaires

Question de M. Alain Moyne-Bressand : Dans la présentation de votre budget pour l’année 1998, vous admettez que la diminution imposée à l’entretien programmé des matériels entraînera des immobilisations de matériels importants ainsi qu’un abaissement du taux de disponibilité opérationnelle des unités. Afin que la représentation nationale soit éclairée totalement sur l’impact de votre budget sur les capacités opérationnelles de nos forces armées, je souhaiterais que vous nous disiez clairement le nombre de matériels immobilisés, la durée de cette immobilisation, son coût total, les économies ainsi réalisées, économies qui seront de court terme puisque le matériel non entretenu une année devra l’être l’année suivante, et que vous nous indiquiez ce que vous entendez par « abaissement léger » du taux de disponibilité opérationnelle des unités.

Marine nationale

Réponse : Vous trouverez des réponses très détaillées à vos questions dans les rapports budgétaires établis par vos collègues, que vous consulterez j’en suis sûr, avec beaucoup de soin. Des choix importants ont été fait puisqu’il a été décidé de surseoir à l’entretien de deux bâtiments, la Jeanne d’Arc à Brest et la frégate lance-missiles Duquesne à Toulon. La première décision permet d’économiser 70 millions de francs sur le budget de 1998. En contrepartie, la mission de formation des cadres de la marine, qui incombait à la Jeanne d’Arc, est conduite à bord d’un groupe de bâtiments composé de deux frégates et d’un pétrolier ravitailleur. Donc, le potentiel de formation des jeunes officiers sera intégralement maintenu, évidemment. Les frégates Jean-Bart, Cassard et Suffren assureront les missions dévolues au Duquesne. Cette deuxième décision d’immobilisation permettra également une économie de 70 millions de francs. Ceci n’est l’occasion de rappeler que lorsque, pour des motifs politiques parfaitement louables, on plaide en permanence pour les économies budgétaires, il faut savoir les assumer le jour où elles surviennent.

Armée de l’air

En ce qui concerne l’armée de l’air, la situation rencontrée aujourd’hui trouve en large partie son origine dans les réductions brutales de son format qui ont été effectuées, les années antérieures, notamment en 1995 et 1996. Ces réductions ont eu un double effet : il a fallu réduire les prix des pièces de rechange, entraînant des négociations longues de la DGA avec les industriels, seuls détenteurs de ces pièces, et prévoir un plan dit de « refroidissement » des engagements, ce qui a conduit à allonger les délais de paiement et entraîné une dégradation de trésorerie, laquelle – je le signale parce que ces décisions ont été prises alors que vous étiez dans la majorité – a engendré 800 millions de francs d’intérêts moratoires dus par l’État au titre de l’année 1996. Je peux vous donner la satisfaction qu’au titre de l’année 1997, nous réduirons de plus de la moitié les intérêts moratoires à la charge de l’État, en évitant des décisions de ce type.

Réserves (missions et projet de loi)

Question de M. Loïc Bouvard : Au-delà des contingences quotidiennes et des oppositions partisanes, la suspension du service national et la professionnalisation des forces qui, hier, eussent entraîné des confrontations sans fin, ont fait l’objet sur le fond d’un consensus. Mais il convient aujourd’hui d’achever l’édifice dessiné par la loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002. À cet égard, il importe de donner au chef de l’État, au Gouvernement et au commandement toute la souplesse nécessaire, pour l’appel à des réservistes, qui apporteront aux militaires professionnels le complément quantitatif et qualitatif dont chaque crise impose de disposer en fonction de considérations par essence variables de temps et de lieu.

Ce sujet est encore de ceux qui nous rassemblent et nous avons apprécié le maintien auprès de vous de cette mission « Réserve », créée sur les conseils de notre collègue le sénateur Haenel. Nos réservistes sont aujourd’hui soucieux de disposer d’un statut qui les reconnaisse, les protège et soit adapté à un contexte juridique au sein duquel leur action ne sera plus fondée sur le principe de la réquisition, mais sur celui du volontariat, ce qui impose de leur accorder à la fois un statut militaire qui les assimile en service à leurs camarades d’active, et un statut civil qui leur garantisse un déroulement harmonieux de leur carrière professionnelle.

Vous avez-vous-même déclaré lors du débat sur le service national qu’un projet de loi relatif aux réserves serait présenté au premier semestre de 1998, de telle sorte que les réservistes qui seront, je vous cite, « partie intégrante de l’armée professionnalisée » bénéficient d’une cadre légal reconnu et stable. Vous avez d’ailleurs évoqué tout à l’heure cette réserve, « très différente de celles que nous avons connues ». Ma question est simple : pouvez-vous dès aujourd’hui nous préciser quelle sera l’économie générale de ce texte et la période vers laquelle vous serez en mesure de nous le soumettre ?

Réponse : Vous touchez un point sensible chez moi parce que, en effet, je pense que la réforme des réserves est un des éléments importants et positifs de l’évolution vers l’armée professionnelle. Cela la rééquilibre et je veux souligner, parce que beaucoup de parlementaires – et je les en remercie – s’intéressent à ce projet qui est, de fait, politiquement central, que nous avons à apprendre des expériences positives menées par les pays qui se sont professionnalisés avant nous et qui ont pris cette précaution d’avoir une réserve au cœur de leur dispositif militaire.

L’économie du projet de loi en cours de préparation repose sur la prise en compte de quelques impératifs. Les réservistes doivent être parfaitement intégrés dans l’armée professionnelle. Ils doivent en constituer une composante essentielle, au même titre que les militaires en activité, ce qui veut dire que chaque réserviste dépendra d’une unité et qu’il y aura des incitations importantes au renouvellement de périodes régulières, pour que les réservistes ressentent directement qu’ils sont utiles au fonctionnement des armées, notamment pour gérer les pointes. Le projet repose en outre sur la recherche d’un lien entre l’armée et la nation particulièrement fort. L’Assemblée a bien voulu consentir, dans la loi sur le service national, à ce que les préparations militaires réformées donnent accès à la réserve.

Volontariat – Statut social du réserviste

La réserve reposera sur le volontariat, ce qui est un changement fondamental par rapport au système actuel, où la conscription fournit des effectifs importants. Il faut donc créer un véritable statut social du réserviste. Nous allons nous servir de précédents, de tout le matériau qui existe déjà dans notre législation, pour affiner les composantes de ce statut social, l’objectif principal étant une protection professionnelle pour des personnes qui auront des responsabilités, une situation stable, ainsi qu’une couverture sociale qui tienne compte de leur situation particulière et des risques qu’ils encourent.

Ce projet de loi fera l’objet d’une large concertation. J’ai indiqué tout à l’heure, et je le confirme, que je souhaite que la commission de la défense et les parlementaires s’y associent. Mais bien sûr, les organisations d’employeurs et de salariés ainsi que les associations de réservistes seront au cœur de la préparation de ce projet, que je compte demander au Gouvernement de déposer au Parlement avant la fin du premier semestre de 1998. Comme il ne devrait pas être très compliqué du point de vue juridique, j’espère que, malgré le calendrier législatif chargé, son examen en séance ne suivra pas de trop loin son dépôt sur le bureau des assemblées.

Roanne

Question de M. Yves Nicolin : Combien de suppressions de postes envisagez-vous sur le site de Roanne pour adapter le plan de retour à l’équilibre ? L’avenir de GIAT Roanne étant conditionné par le futur VBCI (véhicule blindé de combat de l’infanterie), 1998 sera-t-elle l’année du lancement des études de ce véhicule ? Votre prédécesseur s’était engagé à transférer, en compensation des pertes d’emplois à Roanne, la direction technique des blindés, acceptée par l’entreprise. Confirmez-vous cette décision ?

Un bâtiment de 80 000 mètres carrés, le bâtiment Somme ayant été évacué pour des raisons de sécurité à Roanne, 800 emplois sont menacés de chômage technique. Prévoyez-vous une aide de l’État pour reconstruire un nouveau bâtiment ? Un délégué interministériel avait été affecté pour la région Rhône-Alpes. Il vient en toute discrétion de quitter ses fonctions, pourquoi ?

Vous avez annoncé des départs anticipés en préretraite cet après-midi, à cinquante-deux ans pour les ouvriers sous décret. Comment comptez-vous financer cette mesure et sur quelle ligne budgétaire ? Enfin, vous avez annoncé un CIAT (conseil interministériel d’aménagement du territoire) pour la fin de l’année 1997 en faveur des sites les plus touchés par les restructurations. Je vous demande pour Roanne de mettre de l’ordre du jour de ce CIAT une délocalisation maintes fois proposée, celle d’une partie du SCA (service central des approvisionnements) de l’armée de terre, est-ce possible ?

Plan de charge identique

Réponse : Il n’y aura pas de suppression de postes à Roanne en 1998 résultant d’une modification du plan de charge, puisque, je vous l’ai dit, il n’y a pas de modification du plan de charge.

Programme VBCI

Le programme VBCI est un programme en coopération, qui supposera des accords avec d’autres pays pour être viable. Et comme nous en avons l’expérience dans tous les programmes en coopération – mais c’est la voie de l’avenir, et nous devons nous y adapter –, cela entraîne des délais. La contribution de GIAT à ce programme devra faire l’objet d’interventions insistantes du gouvernement français car il n’y a pas au départ d’appréciation particulièrement favorable de nos partenaires européens quant à la participation de GIAT. Ce sera une discussion politique importante, et je compte sur votre solidarité en tant que Français pour nous y aider.

Les équipements du bâtiment Somme seront réinstallés dans d’autres bâtiments disponibles. Nous travaillerons avec la municipalité et avec les autorités locales concernées pour que la reprise des activités industrielles soit la plus complète. Il est toutefois possible que, dans le cadre des rénovations et des réaménagements qui seront nécessaires, certaines fabrications qui peuvent être acquises à meilleur compte pour renforcer la compétitivité de GIAT ne soient pas reprises alors qu’elles correspondaient à des processus économiques anciens.

La mesure d’âge à cinquante-deux ans sera financée, Monsieur le député. Vous pourrez le vérifier. L’ordre du jour des conseils interministériels d’aménagement du territoire est encore à élaborer. Mais je fais appel à votre expérience pour qu’on sache se rappeler que les délocalisations improvisées sont un mauvais usage de l’argent public.

Giat Industries (dans la Loire)

Question de M. Gérard Lindeperg : Durant toutes ces dernières années, les salariés de GIAT Industries ont durement payé les conséquences d’orientations stratégiques chaotiques et de choix gestionnaires hasardeux. Je pense, par exemple, à l’aventure coûteuse de FN Herstal en Belgique.

Beaucoup de promesses ont été faites par votre prédécesseur. Je pense notamment au plan économique et social qui devait accompagner les restructurations de la défense dans le département de la Loire, qui compte trois sites lesquels ont été rappelés tout à l’heure. Je pense également au pôle de l’arme légère qui devait se développer à Saint-Étienne. Ces promesses n’ont pas été tenues et ces plans se sont révélés être des coquilles vides. Il en résulte aujourd’hui un très grand scepticisme chez les salariés, qui ont perdu confiance dans les décideurs politiques, et une grande quiétude face aux restructurations qu’imposent une nouvelle donne géostratégique, un nouveau format des armées et de nouvelles conditions de la concurrence sur les marchés extérieurs.

Vous héritez donc d’un lourd dossier. Et, pour rétablir la confiance, vous devez tout à la fois tenir le langage de la vérité – je dirai « enfin » ! – et prendre des dispositions concrètes afin que la diversification cesse d’être l’objet de discours et entre enfin dans la réalité.

Des savoir-faire existent dans un département comme la Loire, portés par une tradition pluriséculaire. Et GIAT Industries possède une technologie et des équipements de premier ordre. Dans un département qui a subi tant de crises depuis tant d’années, personne ne comprendrait que l’État n’assume pas ses responsabilités aujourd’hui en termes d’aménagement du territoire et de maintien du potentiel industriel.

J’ai compris tout à l’heure que vous étiez décidé à organiser des tables rondes sur les sites concernés avec les partenaires économiques, les élus, les organisations syndicales pour étudier les perspectives de développement avec les financements correspondants. Pouvez-vous nous dire dans quel délai ?

Parallèlement, ne pensez-vous pas indispensable de recapitaliser GIAT Industries et de maintenir les commandes qui permettront d’assurer les nécessaires transitions ? Nous attendons de votre ministère des engagements précis en dépit des contraintes budgétaires qui vous sont imposées. Et nous attendons du Gouvernement tout entier, à travers l’engagement du Premier ministre, une prise en compte sérieuses de nos difficultés et l’annonce de mesures de niveau interministériel qui soient susceptibles de rétablir la confiance et de redonner l’espérance au personnel de GIAT Industries et, au-delà, à la population du département de la Loire.

Réponse : Je partage votre préoccupation et je rends hommage à votre détermination face à la situation difficile du département de la Loire. Je voudrais, suivant votre recommandation, me garder de promesses qui seraient déconnectées des perspectives réelles. Mais en restant, je crois, fidèle à la vérité, je peux vous dire que les activités nucléaires, biologiques et chimiques et le département d’optique du site de Saint-Étienne justifient pleinement, par leurs capacités techniques, la pérennité de ces activités. Il est normal, dans un projet de diversification sérieux et de long terme, que le Gouvernement prenne les dispositions concrètes pour faciliter le développement de ces unités.

Par ailleurs, la délégation interministérielle, dont l’organisation doit être revue et le rôle étendu, disposera d’un crédit de 500 millions de francs. Il va être étayé sur des équipes de site qui seront mises en place.

Puisque vous m’interrogez sur le délai, je peux vous dire que, s’agissant du bassin auquel vous vous intéressez, c’est dans les premiers mois de l’année 1998 que nous mettrons en place cette mission et quelle ouvrira les contacts avec l’ensemble des partenaires locaux.

En ce qui concerne les commandes, notamment l’activité, de petit calibre, la revue des programmes à laquelle nous allons nous livrer dès les prochaines semaines devrait permettre de procéder aux ajustements de charges indispensables dans la perspective des besoins des armées au cours des années à venir. Cela est la consécration pratique de notre volonté d’assurer la pérennité des activités principales de défense dépendant du GIAT.

S’agissant de la recapitalisation de l’entreprise, le Gouvernement a débloqué 3,7 milliards de francs au mois de septembre dernier sur les disponibilités du budget. Cela n’a pas été pris sur les crédits de la défense. Cela constitue, me semble-t-il, un engagement suffisamment clair de la détermination du Gouvernement d’accompagner le GIAT jusqu’au redressement complet de l’entreprise. Enfin, je veux vous préciser, compte tenu d’hésitations ou de difficultés antérieures dans le traitement des dossiers, qu’il y a urgence. Le comité interministériel d’aménagement du territoire prévu avant la fin de l’année aura à son ordre du jour la situation des bassins d’emploi de la Loire.

Ateliers industriels de l’aéronautique (AIA)

Question de Mme Odile Saugues : Je souhaite appeler votre attention sur la situation des établissements de la défense dans le cadre de ce projet de budget, et notamment sur la situation des AIA en France. Je sais que les AIA sont sans doute moins touchés que d’autres établissements, et qu’ils sont également moins touchés que l’année dernière, dans le cadre des restrictions budgétaires de la défense. Cependant, la lente érosion des effectifs inquiète à la fois les salariés, les syndicats et les élus locaux.

Face à cette situation, je veux vous faire part de quelques observations et interrogations. Travaillant dans le secteur de l’armement, et principalement dans la maintenance aéronautique pour le ministère de la défense, mais aussi pour des contrats à l’exportation, les salariés des AIA s’inquiètent du devenir du statut de l’établissement et de ses personnels. Pour eux, le maintien de ce statut est indispensable pour assurer la transparence la plus grande dans ce type de marché. Pouvez-vous leur apporter des garanties ?

Les organisations syndicales que j’ai rencontrées ont tout à fait conscience que les mesures incitatives au départ, liées aux mesures de restructuration de la défense, sont très importantes, et je crois relayer fidèlement leur sentiment en vous disant qu’elles n’attendent nullement le renforcement de ces « primes à la valise ».

Par ailleurs, pour assurer la transmission des compétences, et pour perpétuer le savoir-faire de cet établissement de pointe, qui, en Auvergne, est le fer de lance d’un véritable pôle de rétrofit avion, il est vital que des jeunes soient embauchés au statut. Sans embauche, l’établissement perdra à terme la maîtrise d’œuvre de ses chantiers. Il perdra aussi, rapidement, sa compétitivité et sa vitalité ? Comptez-vous prendre des décisions pour permettre ce renouvellement des effectifs.

Dernier point et dernière interrogation : les mesures incitatives aux départs, pour les établissements en compte de commerce, comme les AIA, ont des répercussions directes sur le taux horaire de ces établissements et mettent en péril leur compétitivité. Quelles solutions peuvent être engagées pour mettre fin à cette situation ?

En conclusion, les salariés, les organisations syndicales, les élus locaux attendent de ce gouvernement un geste fort en faveur de l’emploi, notamment de l’emploi des jeunes, dans des régions industrielles déjà durement frappées par la crise économique et sociale.

Réponse : Les ateliers industriels de l’aéronautique sont chargés des réparations et de l’entretien des matériels aériens de nos armées. Ils sont répartis sur trois sites : à Clermont-Ferrand, pour la réparation et la révision des cellules, à Bordeaux pour l’entretien des moteurs et à Cuers pour les matériels d’aéronavale. Ces trois établissements sont regroupés dans les service de la maintenance aéronautique.

AIA (personnel)

S’agissant des statuts des AIA et de ses personnels, sur lesquels vous m’interrogez, ce sujet n’est pas à l’ordre du jour. Le Gouvernement n’envisage pas de modifier ces statuts. Le regroupement au sein du service de maintenance avait pour but de regrouper, en les identifiant bien, les trois ateliers qui ont une mission purement industrielle, ce qui les distingue du reste de la DGA. Le regroupement n’a donc pas pour objectif une évolution de statut. Concernant l’embauche de jeunes, je dois, en effet, veiller à équilibrer la pyramide des âges des AIA en fonction de la charge de métier, de la charge de travail et des compétences dans les différents métiers.

Bien entendu, ces embauches sont relatives, car conditionnées par l’évolution de la charge de travail. Il est exact que les mesures incitatives au départ, qui ne comportent aucune obligation, sont financées par les établissements, ce qui pèse sur leur coût. Mais c’est la réalité de tous les industriels dans le secteur de la défense, et à l’exception de la DCN, dont la situation financière est évidemment beaucoup plus dégradée. Le plan de charge des AIA est, heureusement, beaucoup plus constant. Et donc, leurs évolutions d’effectifs ne sont pas préoccupantes. Aussi me semble-t-il possible de maintenir ces mesures incitatives assez dispersées à leur charge.

Toutefois, je suis prêt à poursuivre la concertation avec les élus concernés pour examiner si cette formule financière a des conséquences préoccupantes. Mais, comme vous l’avez-vous-même indiqué dans votre question, la pérennité et la réalité du plan de charge de cet établissement ne sont pas discutées.

DCN (Lorient et Brest)

Question de M. Jean-Noël Kerdraon : La loi de programmation militaire est catastrophique pour la DCN de Lorient et de Brest. Ce sont des milliers d’emplois qui sont ou seront supprimés, tant dans les entreprises sous-traitantes que dans les personnels à statut. Ainsi, à titre indicatif, le nombre d’heures passe à Brest de 6,4 millions en 1997 à 4,4 millions d’heures en 1998 ; il sera de 3,7 millions en 1999 et à 3,1 millions en 2000. Aussi, il est important de prévoir un renforcement des plans de charge par des commandes militaires et des activités de diversification. Dans ce domaine, le, contrat de construction d’une plate-forme offshore, que vous avez contribué à obtenir pour Brest, contribue à diversifier le tissu industriel et à fournir de l’activité, principalement aux entreprises de la sous-traitance. Mais il faut garder à l’esprit que la vocation principale de ces deux DCN est la construction de bâtiment de surface de gros tonnage à Brest, et de moyen tonnage à Lorient.

Face à la faiblesse des commandes, dans le cadre de la loi de programmation militaire, qui a mal anticipé le vieillissement de la flotte et retardé les commandes de TCD (c’est-à-dire de transports de chalands de débarquement) de nouvelle génération au début du siècle prochain, comment envisagez-vous, Monsieur le ministre, la pérennité de constructions neuves à Brest et à Lorient et la transmission indispensable du savoir-faire entre les générations pour garantir le maintien des compétences ?

En conclusion, Monsieur le ministre, j’ai apprécié que vous ayez reçu les organisations syndicales aujourd’hui pour les informer du contenu de vos décisions dans le cadre de ce débat budgétaire. Cela démontre, s’il en était besoin, l’importance que vous attachez aux acteurs sociaux.

Réponse : Vous avez raison de souligner la situation réellement difficile de Brest et de Lorient, notamment eu égard aux pertes d’emplois subies dans la sous-traitance au cours des dernières années, ce qui a justifié un plan particulier du Gouvernement, annoncé au début du mois d’octobre, au bénéfice des personnels de la sous-traitance interne de la DCN de ces deux ports. Vous-même ainsi que d’autres collègues élus de Bretagne aviez très tôt appelé mon attention sur le risque de grand écart, le risque de distorsion qui pouvait exister entre les conséquences subies par les salariés statutaires de la DCN et de la sous-traitance, qui n’avaient pas de filet de sécurité.

Par ailleurs, une commande de plate-forme offshore a été obtenue par la DCN au profit de son établissement de Brest et des sous-traitants des deux ports. Je tiens à dire que la première commande qui avait été réalisée a valu référence et que les conditions de professionnalisme et d’efficacité dans lesquelles l’établissement et ses sous-traitants ont réalisé la plate-forme ont permis d’obtenir d’autres contrats. Des négociations sont en cours pour développer cette action vers une diversification durable et porteuse d’avenir.

La mobilisation de l’ensemble des collectivités locales, après quelques difficultés d’ajustements financiers entre elles, a aidé à la réussite de cette diversification. Et nous pouvons dire que le niveau d’aides publiques qui a été rassemblé pour mener ce projet de diversification est parfaitement crédible, car il s’agit d’un métier pour lequel il existe dans tous les pays développés un certain pourcentage d’aides publiques. Nous sommes restés en deçà de ce pourcentage.

DCN (organisation industrielle des établissements)

La réflexion sur l’organisation des établissements de la DCN, à laquelle vous contribuez activement conduira à aborder des sujets fondamentaux, comme le maintien des compétences. En tout cas, la vocation de Brest à construire les bâtiments neufs de la marine nationale reste entière.

Une attention particulière sera portée sur les pyramides des âges. Cette réflexion sera conduite localement, par établissement, avec les personnels concernés.

L’organisation industrielle de la DCN devra également, être abordée, puisque la diversification est une véritable stratégie qui doit être menée dans le long terme. À cet égard, les synergies à développer entre les établissements bretons de Lorient et de Brest constituent sûrement une piste de travail intéressante, qu’il s’agisse de construction neuve ou d’entretien. Bien entendu, cette réflexion doit être menée en commun avec les personnels, l’ensemble des élus et les représentants de l’État. Ce chantier est engagé, et vous y avez contribué de façon dynamique et positive, à la mesure de la confiance que le Gouvernement a dans l’avenir de ses compétences pour la France.

Représentation militaire à l’étranger (nouvelle participation)

Question de M. Jacques Baumel : Monsieur le ministre, on connaît trop peu le rôle utile que peuvent jouer les officiers français détachés auprès de gouvernements étrangers ou d’armées de certains pays. Il faut réfléchir davantage à la façon dont ils sont susceptibles d’assurer une meilleure connaissance, de notre politique militaire, de nos conceptions stratégiques, de nos matériels et de nos techniques. Lorsqu’on regarde une carte du monde, on constate que la répartition est très inégale selon les pays. D’après un rapport parlementaire sur la coopération, 700 officiers français sont détachés en Afrique, mais seulement 64 dans le reste du monde.

Je ne disconviens pas pour autant du rôle utile que jouent ces officiers en Afrique, et je ne prétends nullement qu’il faille les retirer. Mais, dans le cadre d’une mission de l’UEO en Asie centrale, je viens de visiter des pays qui seront des carrefours dans le monde de demain face aux influences russe, chinoise, turque, arabe, iranienne. Je pense au Kazakhstan, à l’Ouzbékistan, à l’Azerbaïdjan, qui sera demain un nouveau Texas. Il n’y a là-bas aucun officier français. Il en vient un de Moscou une fois tous les six mois : il passe trois jours à l’hôtel, et il repart. De même, alors que nous avons sept officiers français dans un tout petit État africain – bravo –, il n’y en pas un seul en Hongrie. En Arabie Saoudite, il y a 200 officiers américains, et seulement trois officiers français. Et ce, alors même que nous avons des contrats considérables avec ces pays.

Sans doute vous heurtez-vous à certaines difficultés, car vous avez, à côté de vous, des administrations, le Quai d’Orsay et autres. Mais je suis convaincu que vous avez la volonté de corriger cette situation. Et si vous n’obtenez pas satisfaction, demande l’arbitrage de M. le Premier ministre. Il faut que la France soit mieux représentée dans un grand nombre de pays, en particulier dans les pays d’Europe centrale et orientale. Je me souviens de la mission française qui était à Prague entre 1920 et 1938, sous l’autorité du général Faucher, elle comptait des centaines d’officiers. Par ailleurs, les armées françaises doivent, comme celles des États-Unis et d’autres pays étrangers, recruter des officiers des affaires civiles, dont le rôle est très important ; les récentes interventions françaises dans les Balkans ont montré l’utilité de ces officiers.

J’insiste pour que, sur ces deux points, nous puissions obtenir satisfaction, dans l’intérêt de notre pays.

Réponse : Je vous remercie d’avoir utilisé la liberté de parole dont jouissent les parlementaires – celle des membres du Gouvernement est bien évidemment plus étroite – et d’avoir traité ce problème de façon ouverte. Nous avons commencé à étudier cette question. Il est indéniable que la disproportion des engagements que vous avez décrite pose un problème de choix politique auquel nous ne pouvons-nous soustraire. En outre, le dispositif de coopération aujourd’hui en vigueur en Afrique répondait bien aux missions et aux objectifs politiques de la coopération dans la période qui a suivi l’indépendance de ces pays africains amis. Mais les techniques et les méthodes de coopération et de formation des hommes ainsi que les relations de confiance et les échanges techniques entre les armées ont substantiellement changé depuis lors.

Nos armées ont commencé à s’adapter à de nouvelles relations de coopération avec un certain nombre de nos partenaires africains, notamment en envoyant des détachements d’instruction ou de perfectionnement. Des unités françaises constituées travaillent ainsi avec l’armée partenaire pendant une certaine période mais elles ne s’installent pas. Aussi, la découverte qu’ont semblé faire au cours des derniers mois certains observateurs quant aux initiatives de coopération de nos amis américains en Afrique, correspond à ce que font déjà depuis plusieurs années les armées françaises chez certains de nos partenaires africains.

Indéniablement, il y a des résistances qui nous gênent pour transférer des moyens, mais les priorités que vous avez soulignées sont réelles ; il faut assurer notre présence dans les pays d’Europe centrale et orientale qui s’intègrent au concert diplomatique et militaire européen, ainsi que dans un certain nombre de pays clés qui orienteront le contexte géopolitique dans plusieurs grandes régions du monde. C’est un défi auquel nous devons répondre.

Bien entendu, cela ne pourra pas se faire immédiatement, mais il s’agit d’un objectif stratégique que vous avez bien fait de souligner devant l’Assemblée nationale et qui alimentera nos débats dans les mois qui viennent.

Dissuasion nucléaire (moratoire et modernisation du M51)

Question de M. Loïc Bouvard : Ma question, à laquelle s’associe Mme Anne-Marie Idrac, a trait au sort du missile M51 destiné à assurer la relève des missiles M45, emportés par les SNLE-NG. Ce programme est d’une nécessité vitale et je sais que c’est également votre conviction ; vous vous êtes d’ailleurs exprimé à ce sujet tout à l’heure. L’arrêt des essais nucléaires ne permettra plus de mettre au point des charges aussi optimisées que par le passé. Cette contrainte s’appliquera à la tête TNO, qui doit assurer le renouvellement des charges équipant la composante océanique. De par ses caractéristiques, seul le missile M51 sera adapté à ces têtes nucléaires TNO. Ma préoccupation est double :

- elle est d’abord financière. Le programme M51 illustre bien les conséquences négatives du retardement des programmes. Il faudra en effet adapter au nouveau missile M51 les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération qui étaient conçus pour le missile M45. Ce surcroît sera-t-il important ?
- ma préoccupation est en second lieu sociale. Même si le programme est maintenu intégralement dans son calendrier et dans ses performances, les économies réalisées au titre du budget de 1998 sont évidemment dommageables pour l’emploi industriel : entre 400 et 600 personnes sont menacées par ces coupes budgétaires, notamment dans la vallée de la Seine.

Que comptez-vous faire pour les établissements touchés par la baisse de ces programmes ? Ne pourriez-vous, par exemple, annoncer que le programme M51 fera prochainement l’objet d’une commande pluriannuelle afin de lui assurer, ainsi qu’à ceux qui y collaborent, une plus grande lisibilité financière.

Réponse : Je vous confirme et vous pouvez transmettre cette information à Mme Idrac, que le moratoire décidé pour le M51 dans le projet de budget pour 1998 ne peut en aucun cas être interprété comme un abandon de ce programme ; les objectifs de mise en service opérationnelle sont inchangés. Je rappelle que l’engagement industriel de ce programme est prévu pour 2006 et son entrée en activité opérationnelle pour 2010. Ce délai nous permettra d’optimiser la réalisation du programme.

Vous avez bien fait de souligner que l’abandon des essais nous place, pour ce qui est de la modernisation de notre force nucléaire, dans une situation radicalement nouvelle, et des incertitudes techniques subsistent indéniablement. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons prévu un délai supplémentaire en vue de mettre au point ces armes ; à l’évidence, leurs conditions d’essai et de préparation technique sont en partie à inventer.

Le moratoire limite les engagements financiers, ralentit temporairement le rythme des développements, mais conserve les équipes industrielles. Comme vous l’avez noté, plusieurs centaines de millions de francs seront payés au cours de l’année 1998, car l’étalement n’empêche pas d’associer les crédits de 1998 et ceux de 1999.

En fonction des résultats de la revue des programmes qui, en tout état de cause, ne mettra pas en jeu la mise à niveau de notre force nucléaire, le moratoire ainsi décidé permettra de reprendre le développement du M51 à son rythme initial, ou de réorienter, pour l’optimiser, ce programme sans aucune perte de crédits. En effet, la non-correspondance du nouveau missile avec la capacité d’accueil des deux sous-marins nucléaires qui ont été réalisés récemment supposera des travaux d’adaptation des deux premiers SNLE, pour un montant de l’ordre de 500 millions de francs par bateau.

Établissements techniques du matériel (Etamat)

Question de M. Didier Boulaud : Ma question porte sur l’avenir des établissements du matériel. Vous comprendrez que je porte un intérêt particulier à cette question, dans la mesure où la Nièvre verra son seul régiment, le 7e régiment d’artillerie, dissous en 1999. Il ne subsistera donc que l’Etamat de Fourchambault pour assurer la présence de la défense, soit 250 emplois dans un département où existaient, il y a peu de temps, un magasin de subsistances et, il y a quelques années, les prestigieuses forges de la marine, installées par Colbert. La Nièvre perd 1000 habitants par an ; c’est dire l’importance de la présence de la défense.

Mais je ne ferai pas de cet établissement ni de ce département un cas particulier dans la mesure où il existe plus de quarante établissements de ce type, d’importance variable. Ce sont donc quarante sites qui sont concernés sur l’ensemble du territoire par la restructuration de notre outil de défense et par les conséquences qu’elle aura sur l’entretien des matériels. Ils emploient entre 100 et 500 personnes dont l’inquiétude va croissant, en particulier dans les établissements de niveau technique d’intervention 3, plus particulièrement chargés de révisions profondes pour le compte du génie, voire de la reconstruction de certains matériels. Or, de nombreux régiments du génie sont appelés à disparaître et la DGA aurait manifesté son intention de récupérer certaines interventions, ce qui nourrit des craintes.

Le remarque vaut également pour les établissements NTI 2, qui assurent le soutien direct aux régiments. Ces établissements sont eux aussi concernés et les personnels sont très inquiets du fait de la disparition d’une cinquantaine de régiments dans le cadre de la professionnalisation, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences sur les besoins d’entretien.

Ma question est simple ; elle porte sur l’avenir de ces établissements dont le niveau de compétence est reconnu. Certains disposent d’ailleurs de bureaux d’études et le risque est réel de voir leur savoir-faire péricliter si l’activité ne peut être assurée. Pouvez-vous nous dire où est la réflexion de la délégation aux restructuration sur ces établissements dont la très grande majorité emploient des personnels civils et concourent à préserver l’aménagement du territoire ?

Réponse : Afin d’atteindre les objectifs définis par la loi de programmation militaire, les restructurations de la défense ont été, comme vous le savez, scindées en deux phases. La première porte sur les forces et va de 1997 à 1999. L’ensemble des mesures est connu. Celles-ci se traduisent en effet, dans le département de la Nièvre, par la dissolution du 7e régiment d’artillerie, qui surviendra en 1999.

Restructuration 2000-2002 (annonce au printemps 1998)

La seconde phase (2000 à 2002) portera sur l’adaptation de l’ensemble des échelons de soutien, sur l’environnement des forces et sur l’organisation territoriale de nos armées. Les effectifs concernés seront moins nombreux que pour la première phase, mais un plus grande nombre d’unités et de services seront touchés, et le travail d’aménagement du territoire sera par conséquent complexe. Le service du matériel sera concerné par cette deuxième phase, qui est à l’heure actuelle à l’étude au sein des états-majors. Il est donc trop tôt aujourd’hui pour se prononcer sur l’avenir du site dd Fourchambault mais j’ai pris bonne note de vos remarques et de vos informations.

En tout état de cause, j’ai souhaité que l’annonce des mesures retenues ait lieu dès le printemps de 1998, soit plus de dix-huit mois avant l’application des premières mesures de cette phase. Il ne me paraît pas bon, en effet, qu’il y ait un trop grand décalage entre la première phase et la seconde et il est important que l’ensemble des collectivités locales et des élus soient informés de ce qui se passera.

Je note que la dissolution prévue du 7e régiment d’artillerie libérera le casernement de Garchizy, contigu à l’établissement du matériel situé dans votre département, ce qui pourrait, le cas échéant, favoriser son extension dans le cas où il y aurait un regroupement. De même, la municipalité que vous dirigez – avant qu’une loi drastique sur le cumul des mandats ne vous prive de cette possibilité, mais rassurez-vous, la situation actuelle peut encore durer un demi-siècle – envisage par ailleurs de développer dans l’ancien quartier Pittié un pôle universitaire à propos duquel une étude de faisabilité financière réalisée par le ministère est en cours. C’est un bon projet, qui pourra déboucher.

Dans l’attente de la définition de ces mesures de redéploiement, j’ai pris bonne note des difficultés particulières d’aménagement du territoire de votre département et de la demande de soutien que vous avez formulée à juste titre.

Centres opérationnels de gendarmerie

Question de M. Bernard Seux : Mon intervention porte sur la gendarmerie nationale. Vous avez bien voulu rappeler la priorité accordée à cette arme. Celle-ci apparaît dans le budget qui nous est soumis aujourd’hui. Je vous ferai cependant part de plusieurs préoccupations. Je pense que les COG (centres opérationnels de gendarmerie) ont atteint leurs limites, notamment dans les grands départements. Pour renforcer leur efficacité et répondre aux préoccupations des habitants et des élus, ne serait-il pas possible de déconcentrer ces COG au niveau des compagnies ? Vous allez par ailleurs donner des instructions aux commandants de groupement pour qu’ils redéployent les moyens nouveaux qui seront mis à leur disposition. Puisque certaines unités dissoutes n’ont pas vu leurs moyens augmenter, en particulier certaines brigades qui avaient eu de nouvelles charges, ne serait-il pas possible de redéployer d’autres moyens, au niveau des groupements ? Enfin, qu’en est-il de la modification des zones de compétence de la police et de la gendarmerie et de la redistribution des cartes en ce domaine ?

Réponse : Les centres opérationnels de la gendarmerie ont été mis en place dans la nouvelle organisation du service de la gendarmerie départementale, pour assurer, surtout de nuit, l’accueil téléphonique des usagers et l’intervention de premier niveau pour tout événement signalé dans le département concerné.

J’ai visité plusieurs de ces centres et par rapport à mon expérience d’il y a quelques années, j’ai constaté d’importants progrès quant à leur efficacité. Je comprends bien votre préoccupation car votre département est très grand et compte près d’un million et demi d’habitants, très dispersés géographiquement, mais je vous rappelle qu’il y a 97 groupements et 420 compagnies. Par conséquent, si l’on passait systématiquement d’un centre opérationnel au groupement départemental à un centre opérationnel au niveau de la compagnie, laquelle correspond souvent à un arrondissement, nous risquerions une sérieuse addition des moyens ; il faut en effet former les personnels et les prélever sur l’activité des brigades.

Dans un département moyen, comme ceux que j’ai eu l’occasion de visiter, le, prélèvement sur le potentiel humain des brigades est déjà non négligeable, si ce prélèvement était effectué à l’échelon d’un groupe de personnels plus restreint, le coût risquerait de devenir trop important. Il ne faut toutefois pas écarter l’expérience consistant à créer un centre opérationnel au sein d’un groupement particulièrement étendu ou complexe, mais il faut toujours que l’effectif de gendarmerie soit suffisant pour pouvoir constituer le support de ce centre.

Brigades de gendarmerie (dans chaque canton)

Quant au meilleur emploi des effectifs – je n’utilise pas le terme de redéploiement, qui me paraît restrictif –, l’objectif n’est pas nécessairement de modifier les structures mais d’affecter l’ensemble des personnels là où ils seront le plus utile. J’insiste sur le fait que, eu égard aux principes que j’ai fixés à la direction de la gendarmerie, je n’attends pas qu’on supprime la brigade d’un canton ; l’unité profonde entre brigade et canton doit être préservée.

Ces brigades doivent avoir un effectif suffisant pour assurer une présence permanente, même dans les zones faiblement peuplées qui ont des difficultés particulières s’agissant de la sécurité publique. Certes, le niveau de délinquance constaté dans ces zones n’a rien à voir avec celui des zones plus peuplées, mais les zones faiblement peuplées connaissent d’autres formes de danger, et des atteintes à la sécurité collective peuvent y être perpétrées ou s’y préparer ; le travail de maillage et d’observation général qu’effectue la gendarmerie peut donc être particulièrement précieux car il permet de repérer des comportements à risques graves.

Une mission va être confiée à ce sujet à M. Roland Carraz et à M. Jean-Jaques Hyest. Je confirme que son travail n’a pas pour objet de revenir sur la répartition législative des compétences entre la police nationale et la gendarmerie, qui nous paraît satisfaisante à la base et doit faire l’objet d’une continuité républicaine. Il s’agit de faire des recommandations fondées sur la concertation quant à une meilleure répartition des effectifs au sein de la zone de compétence de chacune des unités et de proposer une meilleure collaboration entre elles, notamment dans les zones périurbaines et les constellations de petites villes, où l’on passe en permanence d’un secteur de police nationale à un secteur de gendarmerie et où il faut que l’ensemble soit aussi transparent que possible pour les citoyens, pour les usagers de la sécurité publique.

DCN Ruelle

Question de M. Jean-Claude Viollet : Ce projet de budget pour 1998 se veut un budget de vérité, rompant avec les pratiques antérieures faites de gels, de reports, d’annulations de crédits en tout genre. Se voulant respectueux de la loi de programmation militaire et de la professionnalisation de nos armées voulues par le Président de la République, il n’en reste pas moins très contraint, notamment pour la marine. Ainsi, le titre V, du fait de la baisse des plans de charges militaires, qui n’est pas encore compensée par le diversification et l’export, conduirait à poursuivre la déflation des effectifs de la DCN. Même si cette déflation est d’un niveau bien moindre que ce que prévoyait le plan Million, elle pourrait remettre en cause la serviabilité de cet outil industriel, altérer ses compétences et son savoir-faire, et donc ses capacités de production. C’est d’autant plus vrai pour le site DVN Ruelle, particulièrement vulnérable du fait que, équipementier, il intervient le plus souvent en sous-traitance d’autres établissements de la DCN, parfois en concurrence avec d’autres équipementiers. Vous avez indiqué que cette réduction du titre V était une mesure provisoire. Vous vous êtes engagé à procéder en 1998 à une revue de programmes, qui devrait déboucher sur la vérification de notre capacité à tenir la loi de programmation militaire, et donc sur les mesures à prendre dès la loi de finances pour 1999.

C’est pourquoi nous avons apprécié les engagements pris ce jour par le Gouvernement et vous pouvez, compter sur notre soutien dans l’action que vous avez entre entreprise. Mais nous souhaiterions, mon collègue Jean-Claude Beauchaud et moi-même, vous entendre préciser votre engagement à pérenniser chacun des sites de la DCN dans ses fonctions propres – tout en reconnaissant à un site de la DCN Ruelle sa fonction d’équipementier vis-à-vis des autres sites de la DCN – comme dans sa diversification.

Nous souhaiterions également que, dans le cadre de la nouvelle orientation de développement des sites de défense, vous précisiez votre volonté, dès 1998, d’engager avec l’ensemble des acteurs économiques sociaux et politiques concernés la négociation sur l’évolution de chacun des sites de la DCN. Cette négociation devrait privilégier, d’une part, l’avenir industriel par la diversification à l’export dans un souci d’aménagement équilibré du territoire et, d’autre part, l’emploi par la prise de mesures d’âge accompagnées d’embauches nouvelles et ciblées, la réussite d’une telle démarche nécessitant parallèlement le lissage des plans de charge et la mise en œuvre du processus de réduction et d’aménagement du temps de travail.

Réponse : Monsieur le député, la pérennité du site de la direction des constructions navales à Ruelle est assurée. La qualité et la technicité du personnel de l’établissement sont toutefois confrontées à un défi car, malgré leurs atouts économiques, le plan de charge et le volume d’activités sont aujourd’hui incertains. La consolidation de l’établissement passe donc par une analyse de son organisation industrielle. La procédure que nous devons développer fera toute leur place aux acteurs locaux. Sur le plan interner, la mise en œuvre de la mesure d’âge dérogatoire que j’ai annoncée tout à l’heure fera l’objet d’une réflexion approfondie et concertée au sein de l’établissement pour envisager les évolutions nécessaires compte tenu d’une approche réaliste des plans de charges attendus.

Une commission de site élaborera localement des propositions, qui auront leur place dans le plan d’ensemble de la direction des constructions navales. Le plan d’entreprise que nous espérons ainsi mettre en forme fournira les perspectives des évolutions futures des établissements. Nous l’officialiserons après débat au printemps de 1998. C’est la raison pour laquelle, si je peux vous assurer de la pérennité du site de Ruelle, je ne peux pas, en revanche, définir exactement son périmètre dans la durée car il s’agirait alors d’une décision nationale et unilatérale en contradiction avec la méthode que je souhaite promouvoir.

Sur le plan externe, c’est-à-dire en ce qui concerne toute le bassin d’emploi, nous allons développer des comités de suivi régionaux de la conversion associant les élus et les organisations représentatives autour des préfets. Je réunirai les préfets les plus concernés dont, bien entendu, celui de la Charente, dès les prochaines semaines pour les informer pleinement du projet du Gouvernement. C’est donc dès la fin de 1997 et dès les premières semaines de 1998 que nous entamerons un dialogue direct sur les perspectives à moyen terme intéressant l’établissement de la DCN à Ruelle.

Défense européenne

Question de M. André Vauchez : Ma question porte sur l’avenir. Le projet de budget de 1998 de la défense s’inscrit dans un contexte de contraintes budgétaires générales, mais aussi dans le cadre de la loi de programmation militaire et de la professionnalisation des armées, décidée par le chef de l’État en 1996. Votre projet prend en compte ces éléments. Toutefois, la partie consacrée à l’investissement, c’est-à-dire le titre V, subit depuis plusieurs années une baisse de crédits, ce qui ne va pas sans poser des problèmes économiques et sociaux graves sur les sites industriels d’armement de notre territoire. J’ai bien noté que, pour 1998, vous ajustiez les ouvertures de crédits à un niveau légèrement supérieur aux réalisations des années 1995 et 1996, ce qui procède d’une bonne utilisation des crédits publics.

Les situations géopolitiques et géostratégiques ont beaucoup changé ces dernières années. Ne croyez-vous pas qu’il soit nécessaire de repenser le cadre de l’armée de demain, certes professionnalisée, et de ses équipements, dans l’espace plus large d’une Europe en construction dans laquelle la France doit être l’élément moteur ? Peut-on imaginer que cela se traduise, d’une part, par une recomposition, par une diversification de nos industries d’armement et, d’autre part, par des économies budgétaires ?

Réponse : Je vous remercie de convenir que l’évolution financière que nous conduisons est réaliste et qu’elle s’efforce de concourir à la meilleure utilisation possible des crédits d’investissement qui sont mis à notre disposition dans le cadre d’une stratégie financière publique que chacun connaît.

Je reconnais que des évolutions géostratégiques se poursuivent depuis le Livre blanc de 1994. Comme je l’ai déjà dit, nous devons accomplir un travail de veille, un travail d’analyse permanente des nouvelles données géostratégiques que nous devons intégrer progressivement, sans bouleverser le cadre stratégique général. Nous ne devons pas laisser nous échapper les évolutions nouvelles – je pense en particulier à une meilleure répartition dans l’espace de nos axes de priorité.

En revanche, je dois dire que ce n’est pas à court-terme que je vois le rassemblement des énergies européennes en matière de défense. Il n’aura, donc pas de répercussions prévisibles sur nos charges budgétaires. Il s’agir d’un projet à long terme.

L’histoire de l’Europe, qui est une discipline toujours plus passionnante, nous rappelle la multitude de conflits dans laquelle nous avons été engagés. Tout cela ne disparaît pas en une génération. Les cérémonies auxquelles nous avons participé, les uns et les autres, le 11 novembre, commémorent des conflits qui ont déchiré l’Europe. Même si nos relations d’amitiés sont aujourd’hui solides, les souvenirs continuent d’influencer les traditions militaires et les mécanismes de réflexion de nombre de nos partenaires européens.

Il s’agit donc d’une démarche pas à pas, supposant un rapprochement d’abord par la pratique et, souvent, par l’industrie et l’économie, mais, aussi par la coopération militaire de terrain. Ce rapprochement nous permettra de dépasser les différences et les incompréhensions qui peuvent subsister et nuire à la construction européenne. Cela dit, et nous aurons l’occasion d’en débattre conformément au souhait exprimé sur plusieurs bancs, d’autant plus que cela prolongera la mission de réflexion de la commission de la défense, les alliances européennes sur le plan industriel sont d’actualité. Il est vraisemblable que c’est dans l’année qui vient que le Gouvernement pourra saisir l’assemblée de projets de grande ampleur concernant le rassemblement des forces européennes, en particulier en matière aéronautique.

Personnel civil dans les armées

Question de Mme Nicole Feidt : Je voudrais appeler votre attention sur la place et le rôle des personnels civils de la défense, dans le cadre de la professionnalisation de nos armées. L’objectif affiché pour cette catégorie de personnels est qu’à terme ceux-ci constituent le socle de la plupart des organismes de la défense. Cet objectif implique de traiter le dossier avec clarté et lisibilité, afin que puisse s’instaurer un véritable climat de confiance avec les personnels concernés. La transition vers une armée professionnelle où les personnels civils tiendront une place accrue en dépend étroitement. Cela semble d’autant plus essentiel que la suppression du service national ne sera pas, à terme, sans conséquence sur le lien armée-nation.

La bonne intégration des personnels civils contribue aussi largement à éviter la tentation du repli de l’institution militaire sur elle-même. Il convient d’examiner les questions qui sont toujours l’objet d’une réflexion et qui renvoient tant au lien de subordination et aux relations hiérarchiques entre civils et militaires qu’à l’adaptation aux nouvelles conditions d’emploi de la réglementation ouvrière, ou encore à l’application d’une gestion encore plus rationnelle et cohérente des effectifs et des emplois.

L’avenir du personnel civil au sein du ministre de la défense est intimement lié à la définition des projets de carrière et à l’attrait des fonctions et métiers proposées. Dans ces domaines, les attentes sont particulièrement fortes et l’examen du projet de budget 1998 pour la défense doit nous permettre d’y apporter les premières réponses, notamment par le biais des recrutements et des carrières.

Par ailleurs, les personnels civils sont naturellement fortement marqués par les nombreuses restructurations, réorganisations, mutations technologiques et industrielles qui affectent la vie quotidienne de tous les agents, fonctionnaires et ouvriers d’État, qu’ils se trouvent dans l’industrie d’armement ou dans les états-majors, les services et les unités. Cette situation impose également une écoute particulièrement attentive sur toutes les questions d’action sociale. Notre devoir est d’y répondre. Avec l’examen du présent budget, ils doivent pouvoir mesurer l’importance et la reconnaissance accordée par la nation à leur travail et à leur statut. Je vous remercie de bien vouloir nous confirmer la place du personnel civil dans le cadre de la professionnalisation de l’armée.

Réponse : Aux termes de la loi de programmation, un membre sur cinq de nos forces armées sera un civil. Cette évolution consacre un changement de nature de la place du personnel civil dans notre modèle militaire. Dans cette nouvelle situation, les civils seront intégrés. Ils seront une composante à part entière de l’armée professionnelle.

Civils et militaires seront parfaitement complémentaires : aux militaires reviendra le devoir de disponibilité permanente, la projection et le risque militaire accepté ; les civils se verront au contraire assigner la permanence et la continuité qui assureront la fiabilité des savoir-faire professionnels. Les civils auront des fonctions totalement imbriquées au sein des unités militaires, dans un régiment professionnalisé de l’armée de terre. Une quarantaine d’agents civils assureront les fonctions de soutien non militaires. Ce nouveau rôle doit s’accompagner d’actions spécifiques valorisant le rôle du personnel civil et conduisant les deux catégories à bien vivre ensemble dans le respect de leurs droits et de leurs devoirs respectifs.

Une politique de formation complémentaire et une véritable gestion des compétences et des carrières est déjà mise en œuvre. Ainsi, 73 % des personnels civils en activité en 1996 ont suivi une formation, et 640 millions de francs y ont été consacrés. Il s’agit là d’une mission d’avenir. Compte tenu de leur spécialité et de leur technicité, les personnels civils seront de plus en plus appelés à se réformer régulièrement de manière à être aussi « pointus », comme on dit, aussi efficaces que possible dans l’exercice de leurs missions qui seront précieuses pour les unités.

Pour faciliter la compréhension mutuelle de toutes les catégories de personnel de la défense, nous avons mis en place un groupe de travail réunissant administration, état-major, organisations syndicales du personnel civil, discutant des questions concrètes relatives au rôle et à la place de ce personnel, non pas pour élaborer des instructions ou des règles juridiques trop abstraites, mais pour traiter humainement la question de la vie quotidienne dans les unités, pour approfondir et rationaliser les relations hiérarchiques.

En 1996, on comptait. 73 700 agents civils de la défense. Nous allons passer à 83 000. Il s’agit là d’une des conditions majeures de la réussite de la professionnalisation.

Loi de programmation 1997-2002 (revue de programmes – budget 1999)

Question de M. Bernard Grasset : Monsieur le ministre, en présentant votre budget, vous avez précisé que la réduction des moyens budgétaires du titre V était exceptionnelle, c’est-à-dire, avez-vous dit, temporaire. Si nos capacités opérationnelles immédiates ne sont pas touchées, cette réduction des crédits d’équipements a des conséquences, que vous n’avez pas cachées, sur le déroulement des programmes d’armement, l’environnement des forces et l’emploi industriel.

La loi de programmation militaire comporte des lacunes. Elle fait peser une lourde hypothèque financière sur la période postérieure à 2002. Elle exprime néanmoins les grandes orientations du Gouvernement en matière d’équipement militaires, comme donc en ce qui concerne le modèle d’armée auquel elles sont destinées. Cette programmation, malgré, les impasses économiques qu’elle comporte, présente au moins l’avantage d’éclairer le plan de charge de entreprises intéressées aux commandes d’armement.

Toute réduction des dotations budgétaires risque d’être interprétée comme un choix d’avenir : avenir du modèle d’armée et des capacités militaires dont nous voulons nous doter, avenir de l’industrie d’armement, donc des emplois. Nul ne peut prétendre qu’une « encoche » dans la programmation en sonne le glas. Mais que se passerait-il si cette encoche n’était pas comblée par la suite ou si elle était suivie d’autres encoches sui réduiraient alors durablement le niveau des moyens de la programmation ? Cette question est porteuse d’inquiétudes de toute nature. Je vous remercie donc par avance de nous préciser quelles sont, à votre avis, les perspectives budgétaires au-delà de 1998 et leurs conséquences.

Réponse : Comme vient de la dire Jean-Yves Le Drian, cette question en pouvait être que la dernière, car elle nous conduit à nous projeter sur le moyen terme, en ayant déjà une vision du budget suivant. Je pense qu'elle est justifiée.

Nous n’allons pas remettre en, chantier la loi de programmation, et j’approuve pleinement votre position à cet égard, Monsieur Grasset. Il est en effet souhaitable d’avoir une loi de programmation. On sait que l’expérience de l’exercice, s’étalant bientôt sur quatre décennies, a vacciné l’ensemble des parlementaires – je le dis pour les nouveaux – contre le caractère absolument rigide et rassurant des lois de programmation. Même si elles ont toutes eu une vie relativement romanesque, le dispositif de référence contraint à observer une certaine rigueur et à réaliser un travail de prévision à moyen terme.

La perspective budgétaire de l’année 1999 ne pourra donc pas être éludée. Je rappelle que, s’agissant du ministère de la défense comme de toute autre ministère, les conditions d’élaboration du projet de loi de finances pour 1998 ont été quelque peu influencées par le cours institutionnel de notre vie et que les délais de préparation internes au Gouvernement ont été réduits de près de moitié par rapport à ce qu’ils sont habituellement. C’est une des raisons pour lesquelles je nous fixe comme objectif de conclure la revue des programmes pour le mois de mars. C’est alors qu’elle sera réellement pertinente pour éclairer les choix budgétaires du Gouvernement pour l’année 1999.

D’ici là, nous avons le devoir de garantir la cohérence entre la satisfaction des besoins opérationnels, qui restent dans la continuité de notre activité militaire, et la capacité financière à la réaliser s’appuie elle-même sur un choix politique. Nous devons aussi évaluer les effets à moyen terme sur les industries militaires d’une continuité ou, au contraire, d’une rupture de continuité concernant le niveau de nos investissements.

Je préfère donc, et de beaucoup, me placer, dans la continuité, dans la régularité de la loi de programmation actuelle toute ne lui reconnaissant des inflexions. La revue des programmes nous donnera un éclairage plus technique, plus approfondi sur la question posée, en permettant de préciser notamment la cohérence entre la stratégie, les ambitions, la loi de programmation militaire elle-même et les moyens financiers disponibles.

Je confirme que, si, les réductions de budget devaient être pérennisées au-delà de 1998, ce devrait être en fonction de choix éclairés touchant au contenu de notre appareil de défense. Ce serait naturellement le Parlement qui aurait le dernier mot.

Projet de budget 1998 (débat parlementaire)

En m’exprimant à la fin de ce débat, je veux commencer, bien sûr, Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, par remercier tous ceux qui y ont contribué, car, dans leur diversité ils ont, je crois, exprimé l’ensemble des préoccupations et des visions d’avenir qui doivent guider notre politique de défense. Bien sûr, dans ce dialogue de qualité et de responsabilité, j’ai retrouvé la satisfaction que j’éprouvais quand je siégeais parmi vous. Le vote du budget est une responsabilité majeure de la vie démocratique. C’est dans les fondements de la démocratie que s’est créé le consentement des représentants du peuple à l’attribution des crédits publics. À plus forte raison, au moment de se prononcer sur les crédits de la défense, chacun mesure bien la charge de signification politique que comporte une telle appréciation.

Le contexte dans lequel nous nous situons fait, je le sais, que la majorité du Sénat, avant même que s’ouvre ce débat, a arrêté sa résolution de voter contre ce projet de budget. Cela a été exprimé avec une grande franchise par les orateurs des groupes qui s’apparentent à l’opposition nationale, et cela a également été exprimé, avec un argumentaire de qualité, par la plupart des rapporteurs des commissions. Il s’agit là d’une manifestation de désaccord politique qui est parfaitement légitime et qui est un effet de l’alternance qu’ont choisie les Français quand le chef de l’État leur a demandé de déterminer une majorité gouvernementale.

Je respecte cette attitude qui est dans la nature même du bicaméralisme. J’ajoute que les alternances successives que nous avons été amenés à vivre au cours des deux dernières décennies – puisque cela correspond à la période que j’ai moi-même passée dans la vie parlementaire – permettent à chacun de relativiser ce qu’il peut y avoir d’un peu anguleux dans l’expression de certains désaccords. Il est inévitable, que telle ou telle insuffisance ou tel ou tel changement de direction donne lieu à de simples observations retenues lorsqu’elles émanent d’un Gouvernement que nous soutenons et, évidemment, à des affirmations plus péremptoires lorsqu’elles résultent de l’action d’un gouvernement que nous combattons.

J’évoquerai, bien sûr, ces divergences en certains points de mon exposé, et je m’efforcerai de relever ce qui me paraît contestable ou découler de constats qui ne seraient pas tout à fait exacts. Évidemment, je ne pourrai répondre à toutes les remarques, vous voudrez bien m’en excuser. C’est en partant des éléments qui ont fait l’objet du débat, sinon dans une approche consensuelle du moins dans un souci commun de crédibilité, que je vais exposer les fondements de la politique de défense du Gouvernement. Je me sens d’autant plus fondé à le faire que ce débat a apporté des éléments positifs, dignes d’être enregistrés et exploités, à notre réflexion commune sur l’avenir de notre défense. Je tiens à remercier tous les orateurs pour leurs qualités et, parmi eux, bien entendu, M. le rapporteur spécial, MM. les rapporteurs pour avis et, bien évidemment, M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armée, Xavier de Villepin.

Je présenterai tout d’abord la relations qui existe entre les choix de politique de défense que sert, le budget et les fondements politiques de nos orientations de défense. Je remercie en particulier le président de Villepin, MM. Vigouroux, Biarnès et Delanoë d’avoir versé certains de ces éléments de réflexion dans le débat.

Contexte géostratégique

La situation stratégique s’est modifiée voilà huit ou neuf ans. Le risque de conflit majeur au centre de l’Europe a disparu, la confrontation des deux blocs est maintenant derrière nous. Il est vrai que de nombreux éléments du paysage politique européen apparaissent stabilisés et rassurants : la Russie s’installe, avec des secousses, dans la démocratie, retrouve la voie du développement économique et noue de nouveaux rapports avec le reste de l’Europe. Le conseil conjoint OTAN-Russie, auquel je participais avant-hier est significatif de la profondeur de cette évolution. Déjà, trois pays membres, voilà moins de dix ans, du Pacte de Varsovie ont conclu l’accord de base permettant leur intégration à l’Alliance atlantique. Toutefois, la péninsule balkanique en l’un de ses pays, connaît un conflit ouvert, avec tous les risques d’instabilité que cela peut entraîner pour les autres. Plusieurs interventions armées ont été nécessaires au cours de cette décennie, interventions auxquelles la France a participé chaque fois.

Le pourtour méditerranéen, qui nous est, bien sûr, proche par de multiples liens, reste instable, secoué par des divisions et des drames. Nous savons tous qu’il est une des origines à partir desquelles notre pays peut être et est parfois touché par la menace terroriste. Allons plus loin : l’Asie est aussi une zone où les conflits restent possibles.

Bien sûr, nous nous sentons plus distants de ces enjeux. Mais la France est l’un des pays au monde qui pense avoir un message à délivrer, ainsi que des intérêts et des principes à défendre au-delà de son environnement immédiat. La France n’est pas qu’une puissance régionale, et c’est ce qui fait la différence entre son approche de la politique de défense et celle de beaucoup d’autres pays de taille et de moyens comparables.

Chacun voit bien, sur un plan géopolitique général, que l’Asie est un continent en croissance, dont l’influence mondiale est en constant développement. Il serait donc imprudent de penser que les enjeux de sécurité et de stabilité de l’Asie resteront secondaires pour nous. Elle est en train de prendre une place centrale dans le développement économique mondial. Ce déplacement stratégique, qui se mesure dans l’économie, existera aussi demain dans les enjeux de défense. Malgré le dynamisme profond de l’Asie en développement, la fragilité de ses équilibres économiques et sociaux doit nous inciter à la vigilance et nous engager à nous intéresser de plus en plus à ce qui se passe sur ce continent.

En me limitant à de brefs rappels sur ces enjeux stratégiques, je voudrais souligner l’inquiétude que représente pour la France, compte tenu de son souci profond de la stabilité et de la coopération entre les peuples dans une ambiance pacifique, le risque de prolifération des armes de destruction massive. Cela ne concerne pas seulement les armes nucléaires, dont Mme Heinis a fait une analyse pertinente, mais concerne également les armes chimiques et biologiques. Il faut ajouter, et cela rejoint une partie des réflexions originales énoncées par M. Biarnès tout à l’heure, que ce contexte est encore largement changeant. Certes, un grand tournant stratégique a été pris au début de cette décennie mais, depuis lors, nous ne sommes pas restés dans une ligne droite. Il est de notre devoir de demeurer attentifs aux mouvements et mutations qui continuent de se produire. Je rejoins tout à fait la recommandation formulée par M. Delanoë quant au souci d’écoute et d’innovation stratégique qui doit nous animer pour soutenir les moyens intellectuels de réflexion et d’information que détient notre pays.

Alliance atlantique

Dans ce contexte général, la France maintient ses grands engagements de solidarité. Elle participe à l’Alliance atlantique. Elle a débattu, avec ses partenaires de l’évolution et de la modernisation de cette Alliance. Elle a contribué, me semble-t-il, à accompagner la réflexion de ses alliés intégrés à l’organisation militaire commune sur l’allégement et l’assouplissement de cette organisation, réflexion en partie inspirée par la modernisation que la France a accomplie sur son propre outil de défense. Après une évaluation à laquelle s’est livré le chef de l’État dans sa mission éminente, la France a estimé – c’est la position de l’ensemble des pouvoirs publics – que les conditions n’étaient pas réunies pour qu’elle s’intègre dans l’organisation militaire de l’Alliance.

En revanche, son partenariat politique est entier. Les mécanismes de sa coopération avec l’Alliance ont été éprouvés, en particulier sur le théâtre bosniaque. La formule que nous avons trouvée avec nos alliés – ils nous en ont remercié, parce qu’ils pensent que la participation de la France aux activités nouvelles de l’Alliance est importante – marque une progression qui respecte nos principes d’indépendance et nous permet d’être associés efficacement à nombre d’activités.

Politique de la France en Afrique

Parmi nos partenariats stratégiques importants, il faut citer nos engagements avec nos partenaires africains francophones. Les accords qui nous lient à eux sont profonds et solides. Ils participent au sentiment d’un destin commun que nous éprouvons les uns et aux autres. Il est logique, le temps passant, que les méthodes de ces partenariats de défense se modernisent, dans la fidélité à nos engagements. C’est également le cas du dispositif de coopération, qui porte encore parfois – et c’est significatif d’un passé – le terme d’assistance militaire auprès de nos amis africains, ; cela doit changer. Notre dispositif militaires prépositionné en Afrique connaît une évolution qui a été réfléchie et entreprise avant l’entrée en fonction de ce Gouvernement. Notre capacité de maintien de la paix et de soutien à nos alliés et conservée avec un peu moins de 6 000 hommes, contre 8 000 hommes précédemment, dans un concept d’aide militaire qui datait des années soixante-dix.

Nous essayons – et je crois que les dialogues que nous poursuivons avec nos partenaires africains à cet égard sont constructifs – de développer un sentiment de responsabilité commune multilatérale, chez nos amis africains quant au maintien de la paix dans leur région. Nous soutenons leurs efforts pour organiser, lorsque c’est nécessaire, des interventions en commun de rétablissement de la paix ou de gestion de crise. Ainsi, cela a été une expérience constructive lorsque, à Bangui, après des troubles intérieurs, une mission interafricaine de surveillance des accords s’est mise en place avec le soutien logistique de la France, en plein accord politique avec elle. Mais nous étions très nettement au second plan et les Africains assumaient la responsabilité à la fois politique et militaire de l’opération. C’est un bon précédent. Nous n’éprouvons aucun sentiment d’exclusivité, ce qui nous amène à dialoguer, sur le plan politique, avec nos partenaires britanniques et américains, membres, comme nous, du conseil de sécurité à titre permanent, pour soutenir cette nouvelle organisation interafricaine de maintien de la paix.

Politique de défense européenne

Bien sûr, dans la recherche de convergence qui guide la politique de défense de la France, la volonté de mise en commun des responsabilités entre Européens détient une place centrale. Certes, comme l’a rappelé tout à l’heure M. Vigouroux, avec beaucoup de pertinence, les progrès purement politiques de mise en commun des responsabilités de défense sont lents. Toutefois, et ce n’est pas au Sénat que j’aurai besoin d’insister sur ce point, il ne faut pas, en matière d’Europe de la défense, adopter une attitude mythologique. L’Europe n’est pas encore une entité compacte de politiques internationales. La mise en commun des déterminations politiques majeures n’y est encore que balbutiante. Il est, à cet égard, inconséquent et improductif de se répandre en lamentations. Il est normal, s’agissant de pays marqués par de profonds antagonismes dans le passé et qui restent guidés par des traditions militaires profondément différentes, que la convergence des problématiques de défense soit progressive.

C’est ce qui nous conduit à saisir toutes les opportunités, à approfondir tous les champs de dialogue, mais surtout à travailler pas à pas dans tous les programmes conjoints qu’il s’agisse d’activités militaires proprement dites ou de réalisations industrielles, pour créer progressivement des réflexes communs et pour renforcer des solidarités vécues. C’est ainsi que nous pouvons espérer faire progresser l’Europe de la défense. Il est vrai, comme cela a été dit, que l’Union économique et monétaire rendra sans doute possible une progression plus rapide, plus volontaire dans la détermination de choix politiques communs.

Je dois dire que ce que nous accomplissons en commun en Bosnie, dans une situation difficile, contribue sans doute bien plus que d’autres épisodes purement diplomatiques à asseoir ce sentiment de responsabilité commune et de communauté de destin.

Nous devons aussi avoir la lucidité de comprendre les motivations de nos alliés, de nos partenaires européens, qui ne partent pas des mêmes problématiques que nous.

La France, bien entendu, a le devoir d’engager une dynamique dans les objectifs de l’Europe de la défense, mais elle doit aussi savoir écouter. Les dialogues que nous poursuivons sur toute une série de situations concrètes pour essayer de dégager des positions communes sont, me semble-t-il, du bon travail. Il faut savoir les encourager.

Budget de la défense – Titre III

Le budget sur lequel le Sénat doit se prononcer, ce soir, s’élève à 184,7 milliards de francs, auxquels s’ajoutent environ 53 milliards de francs de dépenses de pensions. Pour le Gouvernement, ce niveau global est suffisant, car il est cohérent avec nos responsabilités de défense et avec nos engagements internationaux.

Je ne me livrerai pas à une comparaison internationale sur les chiffres – j’observe d’ailleurs que chacun a été réservé à cet égard – car les structures de défense de bien des grands pays comparables sont assez différentes des nôtres. Certains ne sont pas des puissances nucléaires, d’autres ont des modes de décomptes de leurs engagements industriels de défense très différents des nôtres. Je crois que, si on fait une comparaison globale au lieu de procéder secteur par secteur, on peut constater que la France – et c’est conforme au choix politique constamment réitéré par les majorités successives – conserve l’un des niveaux de dépenses les plus élevés d’Europe, mais aussi des pays membres du G7.

Quand on se prononce sur le niveau global de ces crédits – je sais gré à M. Bécart d’en avoir fait la remarque judicieuse – il faut tenir compte du contexte économique et financier dans lequel a été élaboré ce projet de loi de finances. Je rappelle, que, voilà quelques mois, lorsqu’il a été décidé de consulter à nouveau les Français, cet exercice budgétaire paraissait particulièrement difficile à équilibrer. L’objectif de baisse des déficits est unanimement partagé. La volonté de stabiliser les dépenses publiques est largement admise. Pour avoir argumenté dans ce sens lorsque je siégeais dans cette assemblée ou dans l’autre, je dois dire combien il m’est difficile de comprendre comment les économies budgétaires pourraient être salutaires lorsqu’elles sont demandées sur le plan du principe, mais deviendraient forcément dommageables, voire inacceptables, lorsqu’on vient à les appliquer à un domaine déterminé.

Réforme de la professionnalisation des armées

Ce projet de budget se place aussi dans le contexte d’une grande réforme déjà engagée, et qui, plusieurs orateurs ont bien voulu le rappeler, était un choix de la majorité précédente. Or, chacun le conçoit, la professionnalisation a de multiples conséquences et crée une pression importante sur la construction budgétaire. L’attitude du nouveau gouvernement vis-à-vis de cette réforme a été une attitude pragmatique. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a bien indiqué que le Gouvernement la faisait sienne. Pourtant, chacun en a le souvenir, avant d’être votée, cette réforme avait suscité des interrogations, des réserves, des oppositions.

Le Gouvernement auquel j’appartiens a donc opté pour le réalisme et fait l’effort d’accepter une réforme déjà amorcée, en même temps qu’une bonne partie des choix stratégiques qui la fondaient. Le Gouvernement et, au premier chef, le ministre de la défense s’efforcent donc maintenant de faire entrer cette réforme dans les faits. Je ne méconnais pas la valeur de toute une série d’interrogations qui ont été formulées, dans différents cercles politiques, à l’égard de cette réforme. Mais enfin, une loi a été votée !

De toute façon, les interrogations qui sont émises aujourd’hui par les uns et par les autres étaient déjà en quelque sorte incluses dans la réforme au moment où elle a été décidée. Ce n’est évidemment pas de ce projet de loi de finances que date, par exemple, la question du coût global d’une armée professionnalisée ou, comme le rappelait Bertrand Delanoë tout à l’heure, celle du coût de la transition, qui est substantiel. Tout cela, on le savait, dès l’instant où l’on a opté pour la professionnalisation ! La majorité de l’époque en avait donc accepté les conséquences budgétaires.

S’agissant de cette réforme, il faut aussi évoquer ses conséquences sur le personnel militaire et civil. Il convient de penser à leur condition, de s’interroger sur le sens de leur mission et de soucier de leurs perspectives professionnelles. Je remercie les sénateurs qui, dans leurs rapports ou dans leurs interventions, ont manifesté le souci d’une profonde solidarité, d’une écoute et d’une prise en compte des préoccupations de la communauté militaire.

Condition miliaire (droit d’expression des militaires)

Je crois que, comme l’ont indiqué certains orateurs, il convient de réfléchir à un développement de l’expression des militaires. Voilà en effet un corps, chargé d’une des fonctions majeures de l’État, qui va se trouver privé du contact permanent avec la jeunesse du pays dans sa diversité que lui offrait la conscription. Inévitablement, sa capacité de nouer des liens avec l’ensemble de la société, de pouvoir exprimer ses préoccupations et ses interrogations sur l’avenir va se poser en des termes nouveaux.

C’est la raison pour laquelle il a paru utile au Gouvernement que le chef d’état-major de l’armée de terre – c’est-à-dire, comme l’a souligné M. Vinçon, celle pour laquelle l’effort qu’induit la professionnalisation est le plus astreignant – exprime les interrogations et les préoccupations de la communauté militaire dont il a la charge. Il me semble que c’est ainsi que l’ensemble du public peut avoir connaissance des difficultés de cette transition, des obstacles à vaincre. Les membres des commissions spécialisées des deux assemblées ont l’habitude d’entendre régulièrement les chefs d’état-major, ce qui n’est pas l’usage pour les grands dirigeants des autres secteurs de l’État. Vous savez donc tous ici combien il est utile de recueillir ainsi la parole des responsables d’un corps qui ne connaît pas de forme organisée de représentation collective. En tout cas, cela vaut certainement mieux que les récriminations anonymes.

J’observe que, dans les propos, auxquels on a bien voulu s’intéresser, celui qui les a tenus a mis beaucoup de conviction pour appeler les militaires dont il a le commandement à relever le défi et à accomplir, chacun à son niveau de responsabilité, le réforme qui a été décidée par les autorités démocratiques.

Armée de terre

À cet égard, je veux dire à M. Machet que les missions de l’armée de terre sont bien celles qu’il a sous-entendues dans son propos très pertinent et que, dès aujourd’hui, l’armée de terre a acquis une capacité d’intervention en projection supérieure à celle que nous connaissons au moment de la guerre du Golfe, c’est-à-dire la dernière fois qu’elle a eu à mener une opération « en vraie grandeur ». Chaque année, depuis lors, les effectifs disponibles dans des régiments professionnalisés, unités réellement mobiles, ont été en croissance, avec les dotations en matériel correspondantes, et ce processus va se poursuivre. Bien sûr, pour les personnels pris individuellement, les contraintes liées à cette réforme sont importantes, mais les capacités opérationnelles de l’armée de terre sont bien en ligne avec les missions qui lui sont assignées et elles seront en constant développement.

Rémunérations – Pécules

En réponse à une partie des observations qui ont été faites par M. Trucy, au nom de la commission des finances, je soulignerai que les crédits destinés aux rémunérations des personnels de nos armées seront suffisants en 1998 : ils sont en pleine cohérence avec les objectifs de la loi de programmation a été la première à fixer des objectifs en matière de personnel. Les dépenses correspondantes, qui croîtront de 3,5 % par rapport à 1997, permettent des recrutements. Ceux-ci se sont déjà bien déroulé au cours de l’année 1997, c’est en effet avec trois mois d’avance que, s’agissant des engagés, les objectifs de toute l’année ont été atteints.

Les rémunérations sont en hausse très nette. Par conséquent, l’attractivité des emplois d’engagé en début de carrière a été fortement améliorée par rapport aux années passées. Les dotations pour les pécules en cas de départ volontaire – sans aucune obligation de dégagement des cadres – sont en augmentation de plus de 40 % pour 1998. Cela permettra de poursuivre l’effort de rajeunissement de nos cadres, en particulier des sous-officiers.

Emplois civils

La création des emplois civils est budgétée dans des conditions conformes à la loi de programmation. Je veux également indiquer à M. Trucy qu’une des tâches les plus délicates à réaliser à l’occasion de cette grande conversion, à savoir les mutations de personnels, la délégation générale pour l’armement vers les emplois civils des armées, s’effectue dans les conditions plus favorables qu’il n’était prévu. Ainsi, en 1997, le nombre d’agents volontaires pour passer à un emploi civil des armées a été supérieur aux prévisions faites en ce domaine.

De même, le projet de loi de finances prévoit une augmentation des crédits budgétaires favorisant la conversion, en fin de contrat, des militaires ayant une carrière courte. Cela est cohérent avec la volonté de conserver en permanence une armée professionnelle jeune. Ce sera là un élément important, à l’avenir, pour la bonne communication entre les armées et la nation. En effet, nous n’aurons plus seulement des militaires accomplissant une carrière longue et ne quittant l’armée que pour rendre leur retraite ; nous aurons aussi beaucoup d’anciens militaires qui accompliront une seconde carrière en quittant l’armée encore jeunes et valoriseront ainsi l’expérience qu’ils y auront acquise.

Conscription (report d’incorporation pour motif professionnel)

La conscription reste un élément clé de notre dispositif militaire pour encore plusieurs années. L’année 1998, qui est la deuxième année de transition, donne lieu à des interrogations de la part de plusieurs d’entre vous du fait des dispositions légales qui ont été adoptées par le Parlement concernant le report d’incorporation pour motif professionnel.

Je rappelle d’abord que les possibilités de report pour motifs professionnel ont été élargis à la demande de très nombreux parlementaires de tous bords. Par ailleurs, les reports correspondent à un mouvement qui est étalé dans le temps puisque ce n’est qu’à partir de mars 1998 que pourront être attribués des reports aux jeunes titulaires d’un contrat à durée indéterminée et qu’à partir de décembre 1998 que pourront être attribuées des reports aux jeunes titulaires d’un contrat à durée déterminée. Ce mouvement sera, en outre, maîtrisé puisqu’il n’y aura pas automaticité du report ; celui-ci devra être justifié par un risque au regard de l’insertion professionnelle du jeune ; or un tel risque ne sera sans doute pas établi pour la majorité des demandeurs.

Il convient de signaler que, aussitôt après le vote de la loi – et il faut tenir compte de l’ensemble de commentaires qu’elle a suscités – plus de 96 % des jeunes convoqués en octobre 1997 pour l’appel qui est en train de se réaliser ces jours-ci auront répondu à cet appel. Ce pourcentage est comparable, voire meilleur dans certains cas, à celui qui a été constaté pour le même contingent de l’année dernière. En outre, sur l’ensemble des jeunes concernés qui prennent contact avec le bureau du service national pour une adaptation des modalités de leur convocation, 13 % seulement font état de ce dispositif de report pour motif professionnel. Cela montre bien que, comme je m’étais efforcé d’en convaincre le Parlement voilà deux mois, ce dispositif n’a pas d’effet perturbateur significatif sur la réalisation des ressources humaines en appelés.

Il n’y a donc pas à débattre aujourd’hui d’une accélération de la professionnalisation, qui serait d’ailleurs une opération très difficile le budget est arrêté en fonction de certains effectifs. Au demeurant, même si l’on choisissait – ce que ne fait pas le Gouvernement – d’augmenter les recrutements pour les différentes catégories de professionnels des armées, on risquerait alors de se trouver sur le marché du travail, devant un problème de disponibilité, le nombre des volontaires pour ces emplois pouvant se révéler insuffisant.

Réserves

Je rappelle d’un mot, puisque nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la concertation préalable puis au cours du débat législatif, que cette réforme de la professionnalisation doit entraîner aussi la mise en place d’un projet majeur sur les réserves, et je remercie ceux d’entre vous qui en ont fait état. Rendez-vous est bien pris. Nous poursuivrons la concertation, notamment en ce qui concerne le statut professionnel des réservistes, dans les prochaines semaines. Les crédits relatifs aux moyens des réserves sont d’ores et déjà en augmentation.

En résumé, le titre III de ce projet de budget, qui s’établit à plus de 103 milliards de francs, exprime la réelle volonté de soutenir les hommes dans la transformation de nos armées. Les moyens de fonctionnement sont conformes aux besoins de notre défense. Leur valeur, en proportion des effectifs, est en baisse de l’ordre de 1 %, ce qui supposera un effort de bonne gestion des crédits : une gestion telle que la pratiquent d’ailleurs régulièrement les militaires. Je crois, en effet, que les moyens sont judicieusement employés et que toutes les sources d’économie sont mises à profit.

Cet effort de bonne gestion est d’ailleurs tout à fait en ligne avec ce qu’ont demandé les représentants de la commission des finances du Sénat sur l’ensemble des budgets civils. S’il est proposé de consentir un effort de même nature pour le fonctionnement des unités militaires, je ne pense donc pas que cela puisse justifier une méfiance quelconque de la part de la Haute Assemblée.

Armée de terre (exercices)

Je voudrais également souligner que le niveau d’exercice appliqué dans l’armée de terre depuis 1996 est très comparable à ce qui se pratique dans d’autres pays. Il faut appréhender l’obligation, de quatre-vingts jours de service extérieur en gardant à l’esprit qu’elle s’applique à une armée qui voit chaque année un nombre plus important d’unités se rendre sur des théâtres d’opérations extérieurs. Par définition, les missions ainsi accomplies viennent s’ajouter aux journées d’exercice qui sont demandées dans les unités qui restent stationnées en France.

Marine nationale

L’activité de la marine nationale reste également soutenue. J’indique à MM. Husson et Falco que, pour des raisons qui tenaient non aux moyens de fonctionnement mais aux crédits d’investissement, sur lesquels nous avons choisi de faire des économies, nous avons effectivement décidé de ne pas utiliser cette année la Jeanne d’Arc pour la formation des jeunes officiers. Toutefois les modalités de formation qui ont été mises en place à cette occasion – le chef d’état-major de la marine vous en rendra certainement compte – paraissent aussi efficaces que celles qui relevaient de l’utilisation d’un bâtiment devenu, au demeurant, assez traditionnel. Ce choix illustre un raisonnement que j’ai souvent entendu tenir dans cette assemblée et selon lequel une politique d’économies volontaires entraîne souvent des réformes au niveau de l’efficacité.

Gendarmerie nationale

À ce point de mon propos, un peu à la jonction entre le titre III et le titre V, je mentionnerai les choix opérés dans ce projet de loi de finances en ce qui concerne la gendarmerie, choix sur lesquels M. Alloncle, dans son rapport, a bien voulu formuler des observations très pertinentes et positives. La gendarmerie voit ses missions s’étendre du fait de la réforme de nos armées, puisqu’une partie des missions de protection du territoire qui incombaient traditionnellement aux nombreuses unités de l’armée de terre lui reviendront à l’avenir.

Nous devons également consentir un effort – M. Alloncle l’a judicieusement noté – d’adaptation aux besoins de sécurité sur le territoire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a demandé à deux parlementaires – le sénateur Jean-Jacques Hyest, que je salue ici, et le député Roland Carraz – de faire des propositions pour une bonne adaptation des moyens humains aux besoins de sécurité.

Je tiens à souligner, en réponse à une interrogation de M. Alloncle, que cette adaptation interviendra conformément aux principes définis par la loi d’orientation et de programmation du 21 janvier 1995 relative à la sécurité. C’est donc dans ce cadre permanent qu’il ne paraît pas judicieux de remettre en cause, que s’effectuera l’analyse de la meilleure utilisation des moyens. Il ne fait pas, me semble-t-il, se fixer d’a priori en la matière. Seule la règle de l’efficacité doit prévaloir.

Toutefois, je souhaite souligner devant le Sénat que, à mes yeux, deux butoirs doivent être conservés : d’une part, une brigade doit être présente dans chaque canton, même les cantons qui sont les moins peuplés, car nous devons assurer la sécurité du territoire ; d’autre part, la gendarmerie ne doit pas se départir d’un minimum de moyens dans les milieux urbains, notamment parce que cela constitue le support d’une liberté de choix pour la magistrature.

Par ailleurs, la gendarmerie bénéficie, cette année, d’une régularisation de situation consécutive à une appréciation de légalité du Conseil d’État. À l’avenir, tous les gendarmes, sans exception verront leur solde et leur coût de fonctionnement pris en charge, dès la loi de finances initiale par les crédits du ministère de la défense. Un système quelque peu approximatif – je ne veux pas le juger trop sévèrement parce que, en tant que rapporteur du budget dans l’autre assemblée, j’avais contribué à sa mise en place – avait conduit à faire financer plus de 2 000 emplois de gendarmes par un fonds de concours. A priori, aucune raison ne justifiait que subsiste une coïncidence entre le montant de redevance payé par les sociétés concessionnaires d’autoroute et le coût des emplois de gendarmes. Cette situation a donc été régularisée dans des conditions équilibrées.

La gendarmerie – je fais la transition avec le titre V – voit ses crédits d’investissement préservés, notamment pour lui permettre de moderniser son parc d’hélicoptères, qui est devenu un outil absolument indispensable à l’accomplissement de l’ensemble de ses missions. Ce parc a besoin d’être rajeuni et mis aux normes de sécurité.

Par ailleurs, malgré les efforts que nous accomplissons pour augmenter le niveau des subventions en matière immobilière, il est clair que la gendarmerie, qui doit s’adapter aux besoins de sécurité publique, doit disposer de plus de locaux afin de loger son personnel. Il s’agit d’un point sur lequel je ne fais pas mienne l’une des orientations qui avait été retenue par le gouvernement précédent : il ne me paraît pas très judicieux que certaines collectivités construisent des locaux de gendarmerie grâce à des subventions du ministère de la défense, alors que d’autres le feraient sans être subventionnées.

C’est la raison pour laquelle j’ai indiqué à vos deux collègues, présidents, respectivement, de l’Association des maires de France et de l’Association des présidents de conseils généraux, que je souhaite engager une concertation, avec ces deux associations, afin de perfectionner le système de contribution de l’État à la réalisation des infrastructures de la gendarmerie. Nous pourrons ainsi, dans l’équité et la transparence, maintenir ce lien de confiance précieux qui unité les collectivités locales et la gendarmerie.

Titre V

J’en viens au titre V, dont a surtout parlé M. Blin, rapporteur spécial ; d’autres orateurs, auxquels je m’efforcerai de répondre sont également intervenus sur ce point. Ce titre V fait l’objet de certains reclassements budgétaires. En effet, soucieux d’une plus grande clarté des documents budgétaires, il m’a semblé qu’il ne devait pas continuer à comporter des dépenses de pur fonctionnement de la délégation générale pour l’armement. Si l’on veut établir une comparaison à périmètre constant, comme l’a dit, 500 millions de francs étaient « de trop » dans les crédits figurant au titre V de l’année dernière : c’est donc à la somme de 88,2 milliards de francs qu’il faut comparer les 81 milliards de francs du projet de budget pour 1998. Cette réduction demeure l’un des plus grands efforts d’équipement militaire des pays avancés.

Le choix de ce niveau de crédit a obéi à quelques principes que je souhaite rappeler. Certes, une loi de programmation oriente notre effort d’investissement. Cela correspond à un besoin de cohérence, surtout après les à-coups de la programmation des dépenses d’équipement militaire, qu’ont bien voulu rappeler plusieurs orateurs, pour la période de 1994-1996 : on avait alors assisté à des remises en cause peu cohérentes avec le principe de l’autorisation parlementaire.

Les grands choix d’équipement de notre défense sont assumés. Les programmes en coopération sont maintenus intégralement et tout un travail d’organisation de la progression des dépenses a été réalisé, de manière que le maximum des commandes qui étaient nécessaires pour la bonne dotation de nos armées soit maintenu. Je citerai quelques chiffres. Avec les crédits qui sont prévus pour 1998, nous pourrons commander, pour la marine, par exemple, une frégate de type Horizon. Nous pourrons recevoir la livraison d’un transport de chalands de débarquement. En matière d’aéronautique navale, nous pourrons moderniser neuf Super Etendards et faire livrer deux avions de guet embarqués nécessaires à notre groupe aéronaval, les avions Hawkeye.

Nous pourrons, pour l’armée de l’air, faire livrer dix-sept avions de combat Mirage et rénover quatorze Transall. Nous pourrons apporter une capacité de tir de nuit à treize hélicoptères et commander deux nouveaux hélicoptères Cougar. Je pourrais continuer ainsi longtemps, en particulier en citant les très nombreux exemplaires de missiles qui seront commandés ou livrés ?

S’agissant des chars Leclerc, les crédits inscrits pour 1998 nous permettrons à la fois d’en commander quatre-vingt-huit et d’obtenir la livraison de trente. Sur ce point, je ne rejoins pas tout à fait l’appréciation de M. Husson, puisque les trente chars Leclerc correspondent à la capacité actuelle de production des sites de GIAT.

Nucléaire

La dissuasion demeure au centre – je tiens à rassurer sur ce point Mme Heinis – de la doctrine militaire de notre pays et les propos du Premier ministre, que vous avez bien voulu citer, sont d’une complète clarté à cet égard. Nous consacrons désormais 20 % de l’ensemble de nos dépenses d’équipement militaire à la dissuasion. Il s’agissait de l’un des objectifs de la loi de programmation. Cela signifie qu’aucun décrochage n’a eu lieu en matière de dissuasion s’agissant de nos choix de dépenses militaires.

Ce qui a rendu possible une réduction des dépenses militaires c’est, en particulier, la capacité du CEA d’accepter un certain nombre d’économies sur le coût de sa contribution au développement et à la réalisation de nos équipements. La réduction a également été rendue possible grâce à l’étalement dans le temps des charges de démantèlement des deux installations très lourdes de Marcoule et de Pierrelatte, démantèlements qui ont été décidés bien avant cette loi de finances.

Pour répondre à la question qui m’a été posée à cet égard par M. Faure, je préciserai que plusieurs mois de travail et de discussion seront encore nécessaires, avec l’ensemble des entreprises concernées, afin de pouvoir définir le coût global de ces démantèlements. Ces derniers sont, en effet, liés à un certain nombre d’autres choix qui doivent être opérés par le Gouvernement en matière de sécurité nucléaire.

Quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération sont et resteront inscrits dans notre futur modèle d’armée. La livraison du troisième de cette série sera, il est vrai, différée d’un an, mais le maintien en activité d’un SNLE de la génération antérieure pendant une année supplémentaire ne présente pas un surcoût notable. La commande du quatrième SNLE-NG interviendra, comme prévue, avant la fin de la présente loi de programmation militaire.

De même, le missile M51, pour lequel sont encore inscrits des crédits importants – vous pouvez le vérifier dans le document budgétaire – pourra être mis en service à la date prévue, c’est-à-dire en 2010. En réalité, l’étalement de dépenses que nous prévoyons a pour effet de faciliter le maintien des capacités scientifiques nécessaires dans les entreprises concernées.

Renseignement

Je tiens également à souligner l’importance que nous attribuons à la mission de prévention de nos armées et, en particulier, au renseignement. M. Dulait a bien voulu reconnaître, avec le sourire, le caractère un peu indiscret de certaines de ses questions. Il me permettra de ne pas aller trop loin dans les détails. Je lui indiquerai cependant, comme à MM. Blin, et Faure, la priorité que le Gouvernement attache au développement de la capacité d’observation satellitaire de notre pays. Ce sont donc plus de 1,4 milliard de francs qui sont inscrits en crédits de paiement pour l’année 1998 sur le programme Helios.

Il est vrai – chacun le voit et en comprend les motifs – que nos partenaires allemands ont choisi, parce qu’ils avaient d’autres priorités, de ne pas s’engager financièrement sur ce programme. Toutefois, comme vous le savez, les accords qui ont été conclus entre les deux pays permettent à la France de poursuivre son effort dans ce sens. Nous gardons l’espoir que nos amis allemands rejoindront ce programme ultérieurement. C’est la raison pour laquelle nous maintenons le principe et le calendrier du programme de satellite radar Horus qui doit suivre. Je souhaite, à cet égard, souligner la qualité de notre partenariat avec les deux autres pays associés au programme Helios – l’Italie et l’Espagne qui, au cours de contact récents, m’ont confirmé leur totale détermination à y prendre part.

Chacun voit bien que cela repose sur un choix prioritaire d’autonomie européenne en matière de collecte d’informations et d’analyse de renseignements. C’est l’un des cas dans lesquels s’applique le constat que je dressais tout à l’heure : les priorités en matière de défense et les prises de positions quant au degré d’autonomie désiré ne sont pas spontanément les mêles entre les pays européens. Ceux de nos partenaires qui, depuis près d’un demi-siècle, exercent un niveau de responsabilité élevé au sein de l’OTAN ne ressentent pas le même besoin que nous de devenir autonomes vis-à-vis de la superpuissance amie en matière de collecte d’informations. Cela fait partie des domaines dans lesquels nous pouvons avoir nos préférences. Mais la coopération consiste aussi à s’associer à des pays qui ont d’autres perspectives politiques.

Par conséquent, nous irons notre chemin sur ces deux programmes et, comme l’on dit plusieurs orateurs – nous l’avons bien vu lors de certains débats industriels récents – nous en retirerons des capacités technologiques très importantes.

Études et développement

À cet égard, malgré les observations qui ont été formulées par certains orateurs, je souhaite souligner que le niveau d’engagement de notre pays en matière de dépenses d’études et de développement demeure très élevé. Bien entendu, si l’on veut établir une comparaison avec une superpuissance qui, de surcroît, fait transiter – chacun le sait ! – une grande partie de ses crédits de recherche fondamentale par le budget de sa défense, nous ne sommes pas au même niveau. Toutefois, pour un pays comme le nôtre, 20 milliards de francs de crédits d’études et de développement représentent tout de même un outil majeur !

Ainsi que l’on dit plusieurs orateurs, cette dotation doit de plus en plus être mise au service d’une stratégie duale. Je tiens à souligner la qualité des discussions que nous engageons avec le ministère de la recherche pour essayer de faire converger les efforts de recherche des secteurs civil et militaire. Le domaine spatial en est une excellente illustration.

Les moyens de projection se trouvent, bien sûr, au centre de nos priorités de dépenses d’équipement, y compris en ce qui concerne les programmes de cohérence opérationnelle ; je pense, en particulier, aux systèmes d’information et de commandement. Sans doute M. Husson s’est-il trompé sur ce point, car les moyens que nous consacrons à ces systèmes sont constants.

Porte-avions Charles-de-Gaulle

Le groupe aéronaval poursuit son développement autour du Charles-de-Gaulle ; plusieurs d’entre vous ont bien voulu le noter. Le Charles-de-Gaulle sera mis en service au cours de l’année 1999, comme prévu par la loi de programmation. Le décalage entre son entrée en service et la mise en service des avions Rafale qui lui sont affectés relève de décisions largement antérieures au présent projet de loi de finances. En effet, c’est seulement au début de cette année qu’a été consentie la commande des treize premiers avions Rafale destinés à la marine. Les moyens que nous consacrons cette année au programme Rafale permettent à cette première commande de s’appliquer sans aucun délai supplémentaire.

Les dispositions ont été prises par la marine de manière que l’entrée en service du porte-avions Charles-de-Gaulle se fasse avec un groupe aérien qui lui donne toute sa cohérence. Comme je l’ai noté tout à l’heure, les avions Hawkeye qui permettent d’assurer sa protection et la surveillance aérienne autour du groupe aéronaval seront également au rendez-vous.

Rafale – Tigre

Je veux souligner, puisque j’en viens au Rafale, que les crédits qui concerneront ce programme en 1998 – j’insiste bien pour les orateurs qui s’interrogeaient sur ce point – s’élèveront à 4,9 milliards de francs, au lieu de 4,4 milliards de francs en crédits de paiement en 1997. Donc, si des interrogations ou des préoccupations subsistent en ce qui concerne le développement de ce programme, la lecture tout à fait sereine du document budgétaire permet, me semble-t-il, de les lever.

Les hélicoptères Tigre entrent dans une phase d’industrialisation décidée en commun avec la République fédérale d’Allemagne. Mon homologue allemand et moi-même avons signé l’accord d’industrialisation au mois de juin. L’engagement de commande de la France sera conforme au document sur lequel elle a apposé sa signature. Cela me conduit à insister sur le fait que l’ensemble des programmes d’armement en coopération seront dotés budgétairement comme il a été convenu avec nos partenaires. C’est pour nous un enjeu politique essentiel.

En matière de blindés, le programme Leclerc suit son développement selon la capacité de GIA Industries et les missiles de nouvelle génération – MICA, Apache, Scalp EG – connaîtront les développements qui ont été prévus.

Nous avons relevé, par rapport aux demandes spontanées des armées, le niveau de commandes en matière d’artillerie, d’armes légères et de munitions, car – Monsieur Husson, sur ce point, il faut compléter votre information – lorsqu’on professionnalise une armée, que ses effectifs baissent et que les stocks existants sont déjà à un haut niveau, la demande logique dans une bonne gestion des armées, notamment de l’armée de terre, est une demande très faible. C’est pour des motifs de politique industrielle que j’ai demandé aux armées d’augmenter leurs commandes, sinon on aurait pu aller beaucoup plus bas. Si GIAT Industries est, à cet égard, en difficulté, comme de nombreuses entreprises d’armement terrestre en Europe, c’est parce que ce phénomène est général, et il faut bien en prendre conscience objectivement.

Choix industriels de défense

Cela me conduit à vous donner quelques indications relatives à nos choix industriels. Plusieurs orateurs ont bien fait de souligner que, dans notre pays les industries de défense étaient un des points forts de notre dispositif technologique et industriel. Les conditions dans lesquelles le Gouvernement a pris ses responsabilités, quant à la réorganisation du groupe Thomson illustrent sa volonté de renforcer les points forts de notre industrie, de rechercher des convergences européennes et de s’attacher à élargir le champ technologique. Ses entreprises concernées, de manière à appliquer pleinement le principe de dualité. Le nouveau Thomson réalisera près de 40 % de son chiffre d’affaires dans le domaine civil et il pourra valoriser les moyens de recherche et développement représentant près de 25 milliards de francs de dépenses annuelles. Comme l’a fait observer Mine Bergé-Lavigne, c’est une indication de ce que sera la stratégie du Gouvernement, en matière d’industries de défense.

Dans le domaine aéronautique, nous sommes en effet conduits à hâter la marche, et c’est e qui a fait l’objet d’un accord avec le gouvernement allemand au sommet de Weimar. Les concentrations aux États-Unis se sont déroulées rapidement, peut-être un peu moins vite que ne l’a décrit M. Maurice Blin tout à l’heure. En effet, c’est non pas en deux ans, mais en cinq ans qu’aura été réalisée la concentration de l’industrie aéronautique américaine civile et militaire. Certes, nous avons un léger décalage, qui provient du fait que nous sommes non pas une puissance unifiée, mais un ensemble de pays continuant à défendre leurs intérêts.

Toutefois, la stratégie dans laquelle s’est engagé le Gouvernement, et sur laquelle M. le Premier ministre donnera des précisions dans les prochains jours, est clairement une stratégie de conclusion d’accords européens en profondeur permettant d’établir sur notre continent des capacités communes de recherche, de développement et de fabrication, qui nous mettrons au niveau de la compétition mondiale et qui doivent, en effet, associer les domaines civil et militaire en France comme dans le reste de l’Europe.

Le dialogue avec la société Dassault se déroule comme il se doit. Il n’y a de blocages ni d’un côté ni de l’autre. En tout cas, il ne sera pas plus difficile à ce gouvernement qu’au précédent de trouver des modalités de rapprochement entre le groupe Dassault et Aérospatiale sans qu’il y ait de dogmatisme quant à la formule d’association de ces deux entreprises. Les contacts avec les gouvernements européens et les firmes européennes concernées sont aujourd’hui encourageants.

Quant à GIAT Industries et à la DCN, si ces ensembles industriels sont, certes, confrontés à des difficultés supplémentaires par rapport à des entreprises déjà très ouvertes à l’international comme Thomson, Aérospatiale ou Matra, elles sont l’une et l’autre en évolution positive et progressent en termes de productivité et d’efficacité. S’agissant de l’avenir du site de Cherbourg, je veux rassurer M. Le Grand. Ce n’est pas parce que je le dis à un sénateur de l’opposition après l’avoir dit à un député de la majorité que c’est une tactique. C’est une réalité, et vous pourrez d’ailleurs en vérifier les effets sur le terrain. Je suis sûr qu’alors vous aurez la bonne foi de m’en donner acte.

Les mesures que nous avons prises pour accompagner la transition en faveur de GIAT Industries et de la DCN sont, comme plusieurs d’entre vous ont bien voulu le noter, d’abord des mesures de dynamisme économique, avec 500 millions de francs d’aide à la création de nouvelles activités dans les bassins d’emploi concernés. C’est l’intérêt profond de ces bassins d’emploi de ne pas rester dépendants d’industries uniquement liés à la décision politique et de faire baisser le niveau de concentration en activités industrielles militaires. Ces 500 millions de francs seront gérés par une délégation interministérielle modernisée et dynamisée, avec des équipes de terrain qui rechercheront un partenariat approfondi avec les collectivités locales.

En accompagnement de ces mesures de dynamisation économique, nous avons pris une mesure autorisant des départs en retraite à cinquante-deux ans, qui permettra la transition en même temps qu’elle se substituera à certaines mesures autoritaires prévues dans le plan précédent ?

Ensuite pourront être engagées les négociations sur la réduction de la durée du temps de travail, ce qui permettra de piloter toute une réorganisation industrielle qui, d’une part, sauvegardera des emplois et, d’autre part, donnera l’occasion, comme M. Bécart l’a suggéré tout à l’heure, d’étendre le savoir-faire et la technologie de ces entreprises vers des activités civiles.

Quatre commandes pluriannuelles ont été passées pour la première fois à la fin de 1997, qui confirment la volonté du Gouvernement de donner, comme cela a été demandé, plus de visibilité aux industries de défense.

Revue des programmes (débat)

La revue des programmes, sur laquelle plusieurs orateurs, notamment M. le président de Villepin, m’ont interrogé, n’aboutira pas, dans l’esprit du Gouvernement, à élaborer un nouveau Livre blanc ? Cependant, elle sera l’occasion, conformément à ce que je disais en commençant, de nous interroger sur l’évolution des données stratégiques, sur les priorités relatives que doivent avoir certains systèmes d’armes dans le déroulement de la loi de programmation. Elle permettra aussi, bien entendu, de faire des évaluations du coût relatif de certains niveaux de performance ou de capacité, qui ont été prévus dans la loi de programmation, de manière à poursuivre l’application de celle-ci dans les conditions les plus rationnelles possibles, comme l’on fait la plupart de nos partenaires européens.

Je souhaite que cette revue des programmes, lorsque le Gouvernement aura suffisamment avancé dans son travail technique, donne lieu à un débat – et je remercie M. le président de Villepin d’avoir souhaité l’ouverture d’un dialogue public. Je crois, au surplus, que non seulement le Parlement et le Gouvernement, mais le pays tout entier y ont intérêt, car ce qui peut conduire à ce que les décisions en matière de niveau budgétaire de la défense soient parfois guidées par d’autres considérations, c’est le manque d’intérêt du public pour les préoccupations de défense et pour la compréhension de l’utilité des différents outils. Par conséquent, si ce débat – comme je l’espère et je le crois – permet d’éclaircir les enjeux des choix d’investissement en matière de défense, nous y seront tous gagnants.

Je voudrais maintenant conclure en disant que ce qui est implicite dans de nombreux aspects de notre débat – et je remercie M. Biarnès, entre autres orateurs, d’avoir souligné ce point – c’est que notre pays a des ambitions plus vastes que bien d’autres sur la scène internationale. En effet, il consacre plus de moyens à la coopération et à son action culturelle internationale ; il est plus présent que d’autres dans les engagements de nombreuses institutions internationales ; son système de défense lui permet y compris aux risque et périls de ses hommes, de se porter dans des conflits durs, dans des moments de violence internationale, quand bien des pays attendent que le calme soit rétabli pour exprimer leur volonté politique.

Ce projet de budget est guidé par une volonté de cohérence et de maintien d’un haut niveau de capacité et de technicité de nos armées ; il est nécessaire, pour pouvoir répondre à toutes les situations où les choix politique du pays serait d’engager nos armes. Bien entendu, ce projet de budget est marqué par un souci de gestion rigoureuse et par la volonté de réformer l’ensemble des dispositifs de gestion financière et industrielle, afin de permettre au contribuable d’être assuré du bon emploi de l’emploi des crédits.

Il est présenté à la représentation nationale par le Gouvernement dans un esprit de sérénité en faisant face à ses responsabilités. Je remercie tous ceux qui, participant au débat ce soir, ont manifesté leurs encouragements ou leur soutien à l’action du ministère de la défense. Je suis convaincu que nous pouvons nous rassembler sur les grands objectifs et que cela est nécessaire pour le moral des femmes et des hommes de la défense dont nous sommes, les uns et les autres, coresponsables. Je remercie donc les sénateurs qui se sont exprimés en ce sens pour avoir montré dans l’exercice de leur autorité de représentants de la nation à quel point ceux qui la servent aujourd’hui dans la défense apportent un service désintéressé, courageux et loyal à l’ensemble de la collectivité nationale.

C’est notre rôle aux uns et aux autres – c’est surtout le vôtre, à vous qui vous prononcerez par le vote – de montrer aux citoyens que la défense s’adapte aux circonstances, et que nous assumons ensemble notre responsabilité collective. Nous agissons les uns et les autres dans le sens de la préservation des grands intérêts nationaux et des principes que la France entend défendre aux côtés des autres nations pacifiques pour le progrès dans le monde.

Ce projet de budget est donc l’expression sincère et sereine d’une volonté politique que je viens de résumer. C’est en toute confiance que je demande au Sénat, dans sa diversité, de se prononcer sur la politique de défense solide, lucide et déterminée que le Gouvernement entend mener au service du pays.