Texte intégral
Le Figaro : M. Rifkind défend la vision d'une Union élargie, fondée sur un « partenariat » d'Etats-nations...
Michel Barnier : Les Britanniques, qui posent souvent les bonnes questions, s'interrogent : « Où va-t-on ? ». N'est-on pas en train de bâtir une Europe de plus en plus intégrée ? N'est-on pas en train de dépouiller les institutions des Etats de leurs principales prérogatives pour les confier à des institutions européennes peu légitimes ?
Le Figaro : Justement, que répondez-vous à cela ?
Michel Barnier : Je réponds que la France reste totalement attachée à une Europe des nations. Mais il s'agit là pour nous d'une « communauté de nations », c'est-à-dire beaucoup moins qu'une fédération, mais beaucoup, beaucoup plus qu'un simple « partenariat ». Cette communauté Implique que ces nations sont prêtes à mettre certains éléments de leur souveraineté en commun pour être collectivement plus fortes.
Le Figaro : L'Intégration européenne est-elle un but en sol ? — Non, elle est un moyen, dans certains domaines bien Identifiés, de mieux répondre à des problèmes économiques, monétaires, politiques, sociaux ou sécuritaires qui ont une dimension continentale, voire mondiale.
Le Figaro : Un tel programme peut-il être confié à des Institutions européennes souvent Jugées, à Londres ou ailleurs, « bureaucratiques » et « peu légitimes » ?
Michel Barnier : La réponse est évidemment non. C'est pourquoi dans le cadre de la Conférence Inter-gouvernementale (CIG) chargée de réviser le traité de Maastricht, la France et l'Allemagne proposent des réformes majeures pour rendre les Institutions de l'Union plus légitimes et efficaces : une Commission restructurée et plus forte mais responsable devant les Etats, un Conseil des ministres dans lequel les pays les plus peuplés doivent avoir un poids suffisant, une meilleure association des Parlements nationaux à la préparation des décisions, une clause permettant aux Etats qui veulent et peuvent aller plus loin sur certains sujets de le faire sans être bloqués par les autres.
Le Figaro : Londres est réticent sur ce dernier point. Et il refuse l'extension du vote à la majorité qualifiée…
Michel Barnier : Cette extension n'est pourtant qu'un moyen d'éviter la paralysie et ne sera acceptable que si les Etats comme le Royaume-Uni ou la France sont mieux représentés au sein du Conseil des ministres. Une telle réforme est indispensable dans la perspective de l'élargissement.
Le Figaro : Autre pomme de discorde avec Londres, le social…
Michel Barnier : Le redressement de l'économie britannique est un atout pour toute l'Europe. Et ce renouveau économique anglais ne serait en rien pénalisé, au contraire, s'il s'accompagnait du partage avec les autres membres de l'Union d'un socle social commun. Ainsi l'Europe attend et espère du Royaume-Uni qu'il joue un râle à sa mesure dans l'Union européenne. Comme la France et l'Allemagne, et d'autres encore, Il devrait être l'un des moteurs de la construction de l'Europe de demain. Le CIG est à cet égard une chance historique. Il n'y aura sans doute pas avant longtemps une telle opportunité.