Texte intégral
P. Lapousterle : Patrons et salariés du secteur du transport routier sont réunis depuis quatorze heures d'affilée. Des barrages sont toujours là, en attendant. Est-ce qu'à votre avis, le Gouvernement doit imposer la fin du conflit et, s'il le faut, mettre la main à la poche pour financer les mesures ?
D. Vaillant : Je crois que le Gouvernement doit tout faire pour que le conflit s'arrête parce que, quand il y a un conflit de cette nature, on sait comment cela peut se terminer. C'est très dur et je crois effectivement que lorsque l'on connaît les conditions de travail des chauffeurs routiers, le Gouvernement doit faire pression sur le patronat pour qu'il accède à un certain nombre de revendications légitimes de ces travailleurs ; et s'il doit contribuer lui-même pour éviter que des entreprises ne mettent la clé sous la porte, il faut effectivement que l'État joue son rôle de régulateur et de médiateur. Peut-être le fait-il ? Je trouve que cela dure bien longtemps et je regrette qu'il ne sorte pas de ces discussions, de ce dialogue – qui semble plutôt un dialogue de sourds – des solutions concrètes.
P. Lapousterle : Comment expliquez-vous que, d'après un sondage, trois Français sur quatre soutiennent les grévistes malgré la gêne ?
D. Vaillant : Chacun des Françaises et des Français, dans leur grande majorité, se rend compte que cela ne va plus dans ce pays, c'est l'insécurité, c'est la peur face à l'avenir. Je pense que chacun se met dans la peau du chauffeur routier, soumis, comme vous le savez, à des rythmes de travail extraordinaires, à des travaux pénibles et des salaires très faibles et je pense que chacun, effectivement, essaye de se mettre à la place des autres, sachant que personne aujourd'hui n'est sûr du lendemain. Donc, c'est normal d'une certaine manière et c'est peut-être un bon signe, cela veut dire que, quelque part, les travailleurs de ce pays veulent plus de justice sociale.
P. Lapousterle : À Dreux, hier soir, le candidat que vous avez soutenu, le RPR G. Hamel, l'a remporté. Vous êtes content de la victoire du RPR ?
D. Vaillant : Je suis surtout content que les Drouais n'aient pas fait confiance à Mme Stirbois du Front national. Cela veut dire quelque part qu'une prise de conscience existe : ce serait pire avec le Front national. Donc je crois que le Front national, et peut-être même la personnalité de Mme Stirbois, fait peur. Tant mieux, d'une certaine manière. Cela ne veut pas dire que je me réjouis de la victoire de M. Hamel. J'aurais préféré, bien évidemment, que la liste d'union de la gauche puisse être présente au deuxième tour et gagne la mairie de Dreux. Il n'y a pas eu front républicain, il y a eu réflexe républicain de la part de la gauche et je crois qu'il faut saluer l'attitude des gens de gauche à Dreux. Je constate que la droite n'agit pas de la même manière quand elle est confrontée à ce type de situation.
P. Lapousterle : Vous attendez des retours ?
D. Vaillant : Nous n'attendons aucun retour. Chacun prend ses responsabilités : les socialistes sont clairs, la gauche est claire, la droite ne l'est pas. Rappelez-vous des élections partielles, par exemple à Gardanne, où la droite n'a pas fait le choix : républicain.
P. Lapousterle : Les socialistes de Dreux sont condamnés à voter RPR ad vitam ?
D. Vaillant : Mais j'espère bien que non. C'est vrai que c'est une élection municipale, élection partielle. M. Hamel avait été réélu voilà un an. Je pense que les électeurs de Dreux ont pensé qu'il était le meilleur rempart face au Front national.
P. Lapousterle : Votre appréciation sur le référendum anti-mendicité organisé par M. Peyrat à Nice dont on connaît les résultats ce matin : 77 % d'abstentions, 66 % de oui. Cela a une signification, ce vote-là, pour le maire que vous êtes ?
D. Vaillant : Le maire que je suis n'engagerait pas ce type de référendum. Pour être très clair : il y a la forme et il y a le fond. Je crois qu'il faut se méfier des procédures de cette nature où on sait que la participation est très faible et où un maire, d'une certaine manière, soit veut légitimer son action, soit prend le risque d'être délégitimé. Je pense qu'un conseil municipal, sous l'autorité d'un maire, doit prendre ses responsabilités. Je ne suis pas personnellement pour la multiplication des référendums locaux, surtout quand il y a une participation aussi faible que celle-là. Sur le fond, évidemment, j'aurais eu très envie de voter contre. À Nice, je crois que les socialistes ont eu raison de boycotter finalement un referendum qui donne des résultats dont le maire aujourd'hui peut se réjouir, alors qu'en réalité, il ne faut pas s'en réjouir dans la mesure où une majorité de ceux qui ont participé ont voté oui par rapport à une mauvaise manière de prendre le problème de l'exclusion et de la mendicité et en même temps, on voit bien que c'est un désintérêt des électeurs niçois pour ce referendum. M. Peyrat qui, ne l'oublions pas, était Front national voilà encore peu de temps, est passé RPR : on revient un peu au débat précédent, ce n'est pas très clair tout cela. Toujours est-il qu'aujourd'hui, il ne peut pas, en toute sincérité, dire que c'est un succès.
P. Lapousterle : Cela dit, il y a des maires socialistes qui ont pris les mêmes décrets, sans référendum.
D. Vaillant : Je ne sais pas si ce sont les mêmes décrets, mais rappelez-vous que le Parti socialiste a pris position. Ce n'est pas la bonne manière de régler l'exclusion et la mendicité.
P. Lapousterle : Au nom de la croissance et de l'emploi, l'ancien Président de la République, V. Giscard d'Estaing, propose une baisse du cours du franc par rapport au mark et une baisse du cours de l'euro par rapport au dollar. Il a reçu des soutiens à droite et à gauche – puisque M. Emmanuelli, chez vous, a soutenu cette position. Est-ce qu'il ne faut pas, en effet, pour l'emploi, qui est quand même le cancer de notre société, écorner un peu la monnaie mais baisser à tout prix le nombre de chômeurs ?
D. Vaillant : Je crois que ce n'est pas la bonne manière d'appréhender cette question. Vous savez que nous avons fait des propositions et nous allons, tout au long de l'année 1997, les peaufiner, les rendre plus concrètes encore. Cela n'est pas la bonne manière et je trouve que M. Giscard d'Estaing, qui a été Président de la République française, qui se met à bavarder sur le problème de la parité monétaire, met en péril, quelque part, en s'exprimant comme il le fait, la stabilité du franc. Discuter comme cela à bâtons rompus sur la monnaie pour, peut-être, des opérations politiciennes internes à la droite : on est loin des intérêts de la France et de la préoccupation des Français. Je pense que, sur ces sujets, il faut que les politiques, les représentants du peuple retrouvent leurs responsabilités.
P. Lapousterle : L'emploi, c'est bien la préoccupation des Français ?
D. Vaillant : Bien sûr, mais la préoccupation des Français c'est comment retrouver l'emploi. Cela n'est pas par des bavardages sur le taux monétaire, c'est prendre des dispositions pour redistribuer, pour faire que la croissance redémarre, que les ménages puissent reconsommer. Il faut véritablement donner un coup psychologique à l'économie française. Et, excusez-moi de vous le dire, ce ne sont pas les déclarations de M. Giscard d'Estaing qui vont donner un signal intéressant pour les Français. Vous le savez très bien.
P. Lapousterle : Quand les socialistes, votre Parti, proposent 35 heures payées 40, qui peut vous croire ? Vous savez que c'est impossible.
D. Vaillant : Pas du tout. Nous allons démontrer que ces propositions sont crédibles et qu'elles sont dans un ensemble de propositions. Il n'y a pas que cette mesure. Il y a toute une série de mesures pour relancer la croissance, employer les jeunes, effectivement réduire le temps de travail, diminuer la TVA. Voilà des mesures concrètes.
P. Lapousterle : Qui pourra payer 40 heures pour 35 heures ?
D. Vaillant : D'abord, c'est l'État qui doit régler par une loi-cadre, pour le privé comme pour le public, la réduction du temps de travail. Mais ensuite, il faut prévoir des discussions branche par branche, de manière à ce que tous les interlocuteurs, tous les représentants des salariés, du patronal, discutent ensemble sur les modalités. Je crois que si on ne fait pas cela, on ne réglera pas les problèmes du chômage. Je pense qu'il faut bien s'attaquer à ce problème et plutôt que de payer des chômeurs aujourd'hui de manière passive avec tout l'argent que l'État met ...
P. Lapousterle : C'est ce que disait M. Chirac pendant sa campagne.
D. Vaillant : Oui, mais sauf que lui, il fait tout le contraire aujourd'hui. Je pense qu'il serait plus intelligent que l'État donne effectivement des signes, mette la main à la pâte, notamment par rapport aux collectivités locales qui peuvent, elles, contribuer à faire de l'emploi de proximité, qui est bien utile aujourd'hui. Il suffit de se promener dans tous les coins de France, comme je le fais, pour se rendre compte que ce serait bien utile et cela permettrait de donner le signal salutaire pour l'emploi dans ce pays.
P. Lapousterle : Vous êtes élu de Paris, maire d'un arrondissement. Que pensez-vous des récents développements de l'affaire Tiberi ? Est-ce que cela menace le maire de Paris ?
D. Vaillant : Moi, j'attends que la justice puisse faire son travail, ce qui n'est pas évident dans le contexte parisien. Il y a peut-être affaire Tiberi, il y a en tous cas manifestement affaire RPR. Et c'est par rapport à ce système de financement du RPR à Paris que tout doit être dit et puis ensuite, une fois que la justice se sera prononcée, on verra les conclusions politiques qu'il faut en tirer. Pour l'instant, je voudrais que la justice puisse faire son travail et qu'on n'affrète pas des hélicoptères à grands frais pour empêcher la justice de faire son travail.