Interview de M. Hervé de Charette, président délégué de l'UDF et président du PPDF, à RTL le 2 décembre 1999, sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et sur le droit de vote aux étrangers aux élections municipales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Les dispositions prises par E. Guigou sur la responsabilité des magistrats vous incitent à voter la réforme du Conseil supérieur de la magistrature le 24 janvier ?

- « Ma réponse c'est "non, plutôt pas." Mais d'abord une réponse sur le calendrier. L'UDF va réunir ses instances, en l'occurrence les députés et les sénateurs, très probablement, peut-être le bureau politique, enfin peu importe, ses instances, dans la première quinzaine de janvier pour examiner l'ensemble des questions que nous avons posées sur la table à propos de la réforme de la justice, et c'est à cet instant-là que l'on délibérera si oui ou non nous sommes prêts à voter un texte concernant la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Voilà la procédure. Ensuite, maintenant, mon opinion sur ce texte. Franchement, je pense que s'agissant de la responsabilité des magistrats, ce n'est pas un bon texte. Vous savez qu'à l'heure actuelle il y a environ 25 000 plaintes de gens qui ont affaire à la justice et qui estiment que ça ne s'est pas passé dans des conditions normales - je ne parle pas du fait d'avoir satisfaction ou pas, il y a les instances d'Appel, c'est normal -, que ça ne s'est pas bien passé, que la justice n'a pas bien fonctionné. C'est considérable. Et cela prouve au minimum que les citoyens ne sont pas contents du service public de la justice et au maximum que ça ne marche pas bien. Donc il faut une procédure d'examen de ce type de plainte. Pour l'instant il n'y a rien. »

Q - Eh bien, il y a la commission qui a été proposée !

- « Oui, la commission, c'est assez curieux cette idée de faire une commission pour trier - c'est bien ça l'idée, n'est-ce pas, c'est-à-dire le vocabulaire - pour trier parmi les plaintes. Comme si la plainte d'un citoyen sur le fonctionnement de la justice, il n'allait pas de soi qu'on doive l'examiner et y apporter une réponse. Donc je crois que l'idée mème de cette commission est une mauvaise idée. »

Q - Mais alors, quel est votre proposition ?

- « Eh bien, il faut que le Conseil supérieur de la magistrature soit appelé à examiner les plaintes qui sont soumises. »

Q - Elles seraient soumises directement ?

- « Eh oui, bien sûr ! Et pourquoi il y a une objection à cela ? Pourquoi est-ce qu'il faut interdire, empêcher, trier le bon grain de l'ivraie ? »

Q - Il peut y avoir un afflux de demandes important !

- « Eh bien écoutez s'il y a un afflux de demandes, c'est qu'il y a un afflux de problèmes et qu'il faut les régler. Je ne vois pas pourquoi on met cet espèce de système de tri à l'entrée qui préjuge la qualité des doléances et qui signifie qu'en réalité on veut protéger les magistrats contre l'examen de la réalité de fonctionnement du service. C'est ça qui est en question. Il ne faut pas suspecter les parlementaires d'en vouloir à la justice. Nous sommes chargés de prendre les lois qui assurent le bon fonctionnement de l'Etat. »

Q - On parle beaucoup de revanche des élus qui en ont assez de se voir pointer du doigt par la justice.

- « Je ne crois pas que vous devriez dire ça. Pour l'instant, il y a les problèmes qui concernent des hommes politiques de gauche. Je n'ai aucune raison de venir avec vous, devant vous, avec un sentiment de revanche, non franchement ! Si on commence à se mettre sur ce terrain-là, il n'y a plus débat possible. Il faut laisser les parlementaires faire leur métier qui est d'examiner si les projets de loi qu'on leur propose sont des bons projets. Eh bien, pour ma part, en l'état actuel ce projet n'est pas très bon. Mais je répète qu'on va discuter, délibérer. Réponse au mois de janvier. ça n’empêche pas Mme Guigou de faire le ménage au ministère de la Justice. Vous savez que l'on est en train de "virer" - je crois que c'est le mot que l'on peut employer - la plupart des magistrats du service des affaires financières, ce n'est pas sans arrière-pensées. Autrement dit, pendant que l'on nous propose des dispositions qui sont supposées bien faire fonctionner la justice, les pouvoirs publics font en sorte de contrôler... »

Q - On parle de la mobilité nécessaire des magistrats pour qu'ils ne soient pas soumis aux influences.

- « Oui, oui ! Vous savez bien que ce que je dis est exact, et je le dis ici parce que c'est une affaire assez sérieuse. »

Q - Vous allez poursuivre là-dessus ?

- « Je ne suis pas dans une disposition à pouvoir poursuivre, je suis un homme politique et donc je dénonce ce qui me paraît ne pas aller bien. Je le fais devant vous. »

Q - Le Parti socialiste va proposer un projet de loi permettant le vote des étrangers installés en France depuis plus de 5 ans pour les élections municipales. Dans votre propre parti, l'UDF, il y a eu des députés dont M. de Robien, qui sont favorables à ce type de dispositions.

- « Oui, c'est vrai que les déclarations de G. de Robien ont fait du bruit parce que pour vous dire franchement, en effet, elles relèvent de la provocation. »

Q - C'est un provocateur G. de Robien ?

- « Franchement ce sont des propos, en effet, qui ont provoqué de très vives réactions dans l'opinion publique de l'opposition parce que personne ne pense sérieusement que la loi va changer d'ici les élections municipales. M. Jospin lui-mème, d'ailleurs, a dit qu'il considérait ce sujet comme n'étant pas actuel. »

Q - D'ici 2001.

- « Voilà ! C'est de ça dont on parle : ce sont les élections  municipales de 2001 qui sont devant nous. Alors poser cette question, ce débat sur la table, c'est évidemment ne rien changer au vote de 2001, mais c'est par contre soulever toute une série de questions et provoquer je pense dans l'opinion publique, en tout cas dans les rangs de l'opposition, une très vive réaction de refus. »

Q - Mais il y a des arguments, tout de mème. D'abord, les Européens pourront, en 2001, voter aux élections municipales. Ensuite, on vous dit : « Les étrangers, ils travaillent, ils paient leurs impôts », il manque la dimension démocratique.

- « Evidemment les étrangers qui vivent en France, comme vous le dites, vivent et travaillent. Mais celui qui veut voter, exprimer la volonté de participer à la citoyenneté, c'est-à-dire à la nationalité. Il y a une procédure de naturalisation des étrangers qui sont d'ailleurs très généreuses en France. On est un des pays qui naturalise plus. Donc celui qui veut vraiment participer à la vie de la Nation et en particulier à cet acte fondateur de la nationalité qu'est le vote, eh bien peut le faire ! D'ailleurs quand on aurait fait le vote des étrangers aux municipales, pourquoi s'arrêterait-on en si bon chemin ? Pourquoi la question ne serait-elle pas posée alors pour les conseils généraux, pour les conseils régionaux... on ne sait pas où ça s’arrête ! Il faut mettre un principe très simple : celui qui vote à la nationalité, celui qui n'a pas la nationalité ne vote pas. »

Q - G. de Robien vous a fait un coup à la François Mitterrand ?

- « Je crois qu'il a fait un coup politique qui maintenant doit être mené à son terme. J'ai discuté de ces questions - on en a parlé hier au comité exécutif de l'UDF - et avec F. Bayrou nous sommes convenus que cette question sera délibérée par le bureau politique dans les prochaines semaines. Cela veut dire que l'UDF affichera enfin une position claire sur cette question du droit de vote des immigrés. Je suis convaincu que la réponse sera négative. Mais, comme ça, on ne pourra pas interminablement reprendre ce sujet, le ressortir, le remettre sur la table, en reparler. Nous aurons une position claire de l'UDF. Et j'espère, je suis convaincu, que ce sera pour dire ce que je viens de dire. C'est-à-dire : non au droit de vote des étrangers. »