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Un pouvoir essentiel du Parlement est d'autoriser et de contrôler les emplois publics. Cette règle n'est pas respectée
Le gouvernement de Lionel Jospin a une bien curieuse conception de la transparence, en particulier, lorsqu'il traite des finances publiques.
Il a claironné à plusieurs reprises que les impôts allaient baisser, alors que le taux de prélèvement obligatoire devrait atteindre en 1999 le record historique de 45,3 % ?
Il en va de même - mais la question est juridiquement plus grave - pour le dénombrement des emplois publics relevant de l'Etat. Le gouvernement nous affirme que le nombre des agents de l'Etat est stabilisé dans le projet de loi de finances pour 2000, comme il l'avait prétendu pour les deux budgets précédents, et se félicite d'avoir réalisé de miraculeux « redéploiements » des effectifs. La réalité est très différente, avec plus de 120 000 emplois supplémentaires en trois ans. Comment s'étonner que le contribuable se retrouve floué en bout de course ?
Ces manipulations méconnaissent un pouvoir essentiel du Parlement, celui d'autoriser et de contrôler les emplois publics. L'ordonnance organique du 2 janvier 1959, relative aux lois de finances, dispose en effet, dans son article premier, que « les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances ».
Qu'observe-ton dans le projet de loi de finances pour 2000 au regard de ce principe ?
Les manipulations les plus choquantes et les plus massives sont constatées à l'évidence dans le secteur de l'éducation nationale.
Une des techniques employées consiste à rémunérer des surveillants « sur crédits », pour dégager artificiellement des postes budgétaires, afin d'accueillir de nouveaux recrutements. Elle porte sur près de 4 300 emplois (équivalent temps plein) dans le projet de budget 2000, auxquels il faut ajouter le recrutement de 1 000 surveillants supplémentaires directement « sur crédits ».
La Fédération syndicale unitaire n'a pas manqué de dénoncer la manipulation. Le ministre de l'éducation nationale lui-mème s'en était déjà ému, à l'automne dernier, dans les colonnes du journal « Le Monde », comme pour se disculper d'un arbitrage qu'il n'a sans doute pas sollicité personnellement.
De la mème manière, 5 000 emplois jeune supplémentaires, payés intégralement par le budget de l'Etat, sont prévus pour 2000, sans postes budgétaires. Ils viendront s'ajouter aux quelque 60 000 aides-éducateurs déjà en place fin 1998, recrutés dans les mèmes conditions.
Il en va de mème des quelque 27 000 maîtres auxiliaires réemployés massivement par le ministre à l'automne 1997, et rémunérés sur des « crédits d'heures », alors qu'ils bénéficient désormais d'un contrat permanent.
Enfin, le problème des enseignants recrutés en « surnombre », c'est-à-dire au-delà des autorisations données par le Parlement, ne cesse de s'aggraver à chaque concours et concernerait plus de 10 000 agents.
Au total, avec près de 100 000 emplois créés subrepticement, le ministre de l'Education procède d'une bien curieuse manière pour « dégraisser le mammouth », qui serait plutôt dopé aux amphétamines, sans résultats probants naturellement.
Les autres budgets ne sont pas épargnés par ces pratiques.
L'effectif des adjoints de sécurité du ministre de l'Intérieur atteindra 20 000 agents en 2000 avec 4 150 recrutements supplémentaires. Bien que qualifiés expressément d'agents de droit public par la loi du 16 octobre 1997, ils n'ont pas été comptabilisés comme tels. En revanche, on peut déplorer que le recrutement de 5 000 fonctionnaires administratifs, techniques et scientifiques, prévue par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 sur de vrais postes budgétaires, n'ai pas eu lieu.
De manière analogue, 2 000 agents de justice seront recrutés sous contrats de droit public par le ministre de la Justice en 2000 dans le cadre de la loi du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, sans être comptabilisés dans les emplois budgétaires.
Ces pratiques sont contraires au bon fonctionnement de notre démocratie et l'opposition entend les dénoncer.