Interview de M. Pierre Méhaignerie, président d'honneur de Force démocrate, dans "L'Expansion" du 5 février 1997, sur le coût et le champ d'application de la loi Robien, et l'allègement des charges sociales notamment sur les bas salaires.

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Média : Forum de l'Expansion - L'Expansion

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L’Expansion : Votre commission a commandé une expertise de la loi Robien. Est-ce un premier pas vers sa suppression ?

Pierre Méhaignerie : Je tiens à ce que la loi Robien soit durable, donc un coût supportable, mais aussi qu’elle soit équitable. Cela implique que l’on fasse un bilan dans les mois qui viennent. Notamment pour mieux évaluer son coût. Actuellement personne n’est en mesure de fournir une appréciation incontestable. Les deux cabinets indépendants auxquels la Commission des finances a confié cette expertise rendront leurs conclusions en mars. Ensuite, nous engagerons des auditions. Et nous proposerons, le cas échéant, des corrections.

L’Expansion : Vous ne remettez donc pas en cause le principe de cette loi, comme beaucoup de vos amis de la majorité ou de membres du patronat ?

Pierre Méhaignerie : Cette loi est utile aux entreprises, qui peuvent y recourir pour adapter les conditions de travail de leur personnel. Elle est même indispensable dans les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, car elle permet de faciliter le maintien de l’emploi et, dans d’autres cas, de l’accroître. En revanche, elle ne doit en aucun cas contribuer à accroître l’écart déjà existant entre l’économie protégée et les salariés les plus exposés. L’extension de la loi au service public conduirait fatalement à une remise en cause à terme du dispositif.

L’Expansion : Quelles sortes de corrections avez-vous en tête pour rendre cette loi plus « équitables » ?

Pierre Méhaignerie : Pour les salariés modestes, qui exercent souvent des tâches pénibles, en travaillant parfois en équipe, la loi permet des aménagements du temps de travail. S’ils peuvent ne travailler que six heures quarante-cinq par jour au lieu de huit heures sans perte de salaire excessive et qu’en contrepartie l’entreprise procède à des créations d’emplois tout le monde peut y gagner. C’est à la fois une véritable amélioration des conditions de travail et une revalorisation de l’industrie. A l’industrie, on ne saurait admettre que la collectivité finance davantage une amélioration des conditions de vie de certaines catégories de personnel mieux rétribuées. Que le salarié gagne 8 000 francs ou 20 000 francs par mois, il serait raisonnable que les exonérations liées à la loi Robien ne portent que sur la tranche des 8 000 aux 9 000 premiers francs.

L’Expansion : En fait, vous excluez le bénéfice de la loi pour les cadres ?

Pierre Méhaignerie : Pas du tout. Ils continueront à bénéficier des exonérations de charges prévues dans la limite des 8 000 aux 9 000 premiers francs. Le cadre ou l’entreprise restent libres de diminuer les horaires de travail, mais il n’y a pas de raison que la collectivité finance alors une grande partie de la perte de salaire.

L’Expansion : Tous ces dispositifs ne risquent-ils pas d’entretenir l’idée qu’on peut travailler moins en étant payé autant, que la retraite à 55 ans est possible pourvu qu’on la réclame un peu fort, etc. ?

Pierre Méhaignerie : Le danger est en effet là. Je souhaiterais à terme une remise à plat de l’ensemble de ces questions. J’ai toujours défendu l’idée qui avait été avancée il y a quelque temps, dans un rapport élaboré par Bernard Brunhes dans le cadre des travaux du commissariat général du Plan, et qui consistait à exonérer de cotisations sociales tout salaire dans la limite des 1 500 premiers francs. Outre le développement du temps partiel et une réduction d’un quart environ des charges sur les bas salaires, cette mesure aurait, plus encore qu’une nouvelle diminution de l’impôt sur le revenu, un effet bénéfique à moyen, terme sur l’emploi.

L’Expansion : Regrettez-vous que le gouvernement semble vouloir ralentir le transfert des cotisations sociales sur la CSG ?

Pierre Méhaignerie : J’ai toujours privilégié l’allègement des charges sociales, de manière à améliorer la compétitivité française et le pouvoir d’achat des salariés. En termes de perception, cette formule serait préférable à une nouvelle baisse de l’impôt sur le revenu ou à une diminution de la TVA. Je crois que cette mesure aurait un effet plus immédiat sur la consommation en améliorant la situation des salariés modestes.