Interview de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État aux transports, dans "La Croix" du 4 février 1997, sur le projet de réforme de la SNCF.

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Circonstance : Début de l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi sur la SNCF le 5 février 1997

Média : La Croix

Texte intégral

La Croix : La réforme de la SNCF est-elle, comme l'affirment la CGT et la CFDT cheminots, le début de la déréglementation des chemins de fer en France ?

Anne-Marie Idrac : Je réponds très clairement non. C'est un engagement ferme du gouvernement et c'est écrit noir sur blanc dans la loi et les projets de décrets communiqués aux parlementaires et aux organisations syndicales. La SNCF garde l'ensemble de ses missions : transporteur, gestionnaire des infrastructures et maître d'œuvre des travaux sur le réseau. Sur les principes et dans la lettre même du texte, il n'y a rien qui ressemble de près ou de loin à un démantèlement de la SNCF.

La Croix : Pourrez-vous résister longtemps à la Commission européenne qui prône dans un livre blanc l'ouverture des chemins de fer à la concurrence ?

Anne-Marie Idrac : Nous écrivons dans la loi française, la seule applicable en France, et explicitement, que dans notre pays, seule l'entreprise SNCF transporte des marchandises et des voyageurs sur le réseau qui est par ailleurs unique et appartient à la nation.

La Croix : N'êtes-vous pas isolé à Bruxelles sur cette question, sachant que les partenaires de la France sont parfois allés très loin dans ce domaine ?

Anne-Marie Idrac : Je ne me sens pas isolée car beaucoup de pays partagent notre volonté de développer les chemins de fer. La Commission a engagé une réflexion sur de nouveaux moyens institutionnels et juridiques pour libéraliser le rail. Mais personne n'a jamais considéré que ces moyens permettraient de résoudre un problème de fréquentation du train, d'adaptation du service aux besoins du client.

La Croix : La réforme devrait coûter 8 milliards de francs chaque année. Quel financement est envisagé ?

Anne-Marie Idrac : Depuis des années, nous avons pratiqué la politique de l'autruche et laissé accumuler l'endettement. En réalité, le contribuable devait bien un jour ou l'autre payer la dette de la SNCF. La réforme met à la charge de l'État la dette du passé et les infrastructures nouvelles. C'est une question de justice.

La Croix : Faudra-t-il pour cela faire des choix ? Construire par exemple moins d’autoroutes ?

Anne-Marie Idrac : Le débat national a montré que les Français, les cheminots, les parlementaires, trouvaient que si le chemin de fer coûte cher, il vaut le coup. Bien sûr, il faudra faire des choix dans les investissements. Mais ces choix seront enfin faits en toute clarté, le financement étant assumé par ceux qui prennent la décision.

La Croix : La réforme est-elle une façon de mettre la SNCF, et les cheminots, devant leurs responsabilités ?

Anne-Marie Idrac : L'État a pris les siennes. Le but de la réforme est que les clients de la SNCF qui sont aussi les contribuables trouvent un meilleur service. La SNCF déchargée du boulet financier et moral de la dette d'infrastructure est devant sa responsabilité qui est de rendre service à ses clients.

La Croix : Certains craignent que la régionalisation des transports de proximité n’instaure une disparité entre régions riches et régions pauvres.

Anne-Marie Idrac : L'État garantit la péréquation. D'abord, le réseau et la tarification restent de la compétence nationale. Ensuite, les déficit structurels des services régionaux de voyageurs sont pris en charge par l'État qui a augmenté de 800 millions sa dotation aux régions. Ce qui est décentralisé, c'est la définition du service et donc le rapprochement avec les clients.