Texte intégral
DISCOURS PRONONCÉ À L’OCCASION DE LA RÉCEPTION OFFERTE À L’AMBASSADE DE FRANCE
(Bucarest, 15 février 1998).
Monsieur le Ministre,
Monsieur l’Ambassadeur,
Chers Amis,
Je suis particulièrement heureux d’être ici ce soir, en Roumanie, pour plusieurs raisons.
D’abord parce que la Roumanie est un pays qui est cher à la France, et tellement proche d’elle. Un pays qui est proche de nous par la langue. Je suis très frappé, en effet, du nombre de gens qui parlent français en Roumanie. D’ailleurs, j’ai pu voir en consultant la biographie de mes interlocuteurs roumains qu’ils étaient tous francophones. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays d’Europe centrale et orientale. Un pays qui est proche de nous par la culture, un pays qui est proche de nous par le cœur, et je crois effectivement qu’il existe entre nous des liens tellement forts qu’on se doit d’avoir des relations qui soient constantes, régulières et fréquentes. Le président de la République est venu ici l’année dernière, M. Plesu va se rendre en France dans un mois, le 25 mars, pour rencontrer M. Hubert Védrine. Il est très important que ces contacts se multiplient et que les ministres français viennent ici. Je crois que deux de mes collègues ont prévu de venir dans les tout prochains mois dire et redire aux Roumains à quel point nous nous sentons proches. J’ai aussi une raison un peu personnelle. Je suis, bien sûr, un ministre français mais d’origine roumaine. Mon père est né dans ce pays, il y a vécu jusqu’à l’âge de 25 ans. C’est la première fois que j’y viens. Cela me fait, forcément, quelque chose d’un peu plus personnel et sans doute un peu plus d’émotion qu’une autre visite.
Si je suis ici, c’est quand même, au-delà de cet aspect de pèlerinage qui n’a finalement d’intérêt que pour moi, pour travailler et pour faire passer plusieurs messages à nos amis roumains et aussi à la communauté française qui est ici. Le premier message est qu’il est fondamental que les relations économiques, culturelles, continuent de se développer entre nous. Il y a déjà pas mal de Français en Roumanie qui font des affaires. Je suis venu moi-même avec des chefs d’entreprise. La France est, cette année, – c’est un cas un peu exceptionnel – le premier investisseur étranger en Roumanie, et le quatrième partenaire économique. C’est bien. Cela pourrait être encore mieux, compte tenu de ce que je disais sur la proximité de nos liens politiques et culturels. En venant ici, vous le savez, vous avez fait un investissement fructueux, déjà sur le court terme, mais encore plus, à moyen terme et à long terme, car il y a dans ce pays, qui fait sa révolution démocratique, des potentialités absolument formidables pour l’avenir.
Ce message est un message de la diplomatie française. La diplomatie n’est plus uniquement un très bon télégramme d’ambassade, c’est aussi vous qui la faites. C’est la présence constante de la France dans les pays étrangers, pour que les liens économiques entre nous se resserrent.
La deuxième chose que je traiterai, demain, c’est l’avenir européen. La France est l’amie de la Roumanie et je crois qu’il est le pays qui défend le plus, dans l’Union européenne, le futur européen de la Roumanie. Nous avons soutenu la Roumanie lors de l’examen de sa candidature pour l’OTAN, nous n’avons pas pu parvenir à nos fins immédiatement, mais des promesses ont été faites. À l’initiative du président de la République, pour le prochain élargissement 1999, nous continuerons à être à vos côtés, pour que ces promesses soient tenues. En effet, il y va d’une forme de stabilité et d’équilibre en Europe auquel nous tenons.
Le deuxième élargissement qui attend l’Europe est l’élargissement de l’Union européenne elle-même. Je crois qu’au Conseil européen de Luxembourg, les Européens ont adopté des dispositifs qui, sans forcément vous satisfaire tout à fait, sont, je crois, tout à fait à même de permettre cet avenir européen de la Roumanie.
C’est vrai qu’il y a certains pays qui vont, au mois de mars, ouvrir des négociations d’adhésion, mais tout le monde a sa chance. Tout le monde est sur la même ligne de départ. Chacun va bénéficier des stratégies de pré-adhésion, qui seront identiques. Et puis il y aura aussi une surveillance annuelle des progrès faits par chacun, ce qui fait qu’un pays qui aura progressé plus vite que le rythme initialement prévu pourra rejoindre le train. Et je crois que la Roumanie est, comme les autres pays candidats, tout à fait dans une posture qui la mènera à l’adhésion à l’Union européenne dans les années qui viennent. Il faut s’y préparer. Cela suppose toute une série de réformes, de la stabilité politique, de la stabilité démocratique. Elle est là, même s’il y a parfois des soubresauts. Les réformes économiques, la réforme des structures administratives, vous êtes en train de les entreprendre à une vitesse accélérée avec parfois des difficultés, à la fois pour les administrations mais aussi pour le peuple, qui peuvent souffrir de l’inflation, de la chute de la croissance. Mais, au bout, il y a ce rendez-vous avec l’Europe qui fait que dans un avenir proche vous serez des membres à part entière de l’Union européenne.
Nous parlerons de tout cela demain. Ce soir, c’est à fois à des amis roumains et à la communauté française que je m’adresse, pour délivrer ce message. C’est un message d’attention constante de notre part, de celle du Gouvernement, du président de la République, qui a envoyé ici comme ambassadeur, vous le savez, un de ses proches collaborateurs. C’est donc dire que le dossier roumain est très suivi. C’est le représentant du Gouvernement et par ailleurs un ami. Vous avez un ambassadeur qui a effectivement été choisi pour marquer que l’amitié entre la Roumanie et la France était toute particulière.
Voilà le message général que je vous adresse ce soir. Demain, nous aurons l’occasion, au cours d’une journée extrêmement remplie, de revoir Monsieur le ministre pour parler précisément des dossiers, d’en dire plus. Ce soir, je voulais vous adresser ce signe d’amitié, amitié de la France à la Roumanie, amitié aussi de la France à ses ressortissants, à ses entrepreneurs, les grands et les moins grands, qui sont venus dans ce pays et qui, je crois, y trouvent leur bonheur.
CONFÉRENCE DE PRESSE (Bucarest, 16 février 1998)
Je termine cette visite brève, trop brève, en Roumanie, avec un sentiment extrêmement positif. Cette visite s’est en effet déroulée dans un climat exceptionnel. En une journée, j’ai pu rencontrer, je crois, les principaux responsables politiques de ce pays, le ministre des Affaires étrangères, M. Plesu, le ministre des Affaires européennes, M. Herlea, qui est ici, le président Constantinescu m’a accordé une audience, le Premier ministre, M. Ciorbea, et puis j’ai rencontré les présidents des deux chambres, M. Roman, président du Sénat et M. Dianescu, président de la Chambre des députés.
Au fond, je dirais que nous avons abordé trois grands sujets. Le premier concerne la situation politique roumaine, que j’ai eu l’occasion d’évoquer avec chacun de mes interlocuteurs. Je ne vais évidemment pas à me prononcer sur ce qui se passe ici, mais j’ai quand même le sentiment que les partis roumains, même s’il peut y avoir des péripéties, partagent les mêmes choix fondamentaux. C’est-à-dire le choix de la démocratie, le choix de la réforme et le choix de l’Europe. À partir de ce moment-là, ma conviction est que la Roumanie reste pour nous un interlocuteur et un partenaire parfaitement crédible.
Le deuxième sujet qui a occupé beaucoup de mes discussions concerne nos relations bilatérales. Elles sont extrêmement bonnes. Je retiens la formule du président ce matin, « nous sommes sûrement en train de retrouver des relations privilégiées que nous n’avions pas connues depuis l’entre-deux-guerres et au fond, en train de refermer la longue parenthèse de 50 ans d’histoire entre nos deux pays. »
C’est vrai, nous sommes liés par la langue, nous sommes liés par le cœur. Ce qui a été formidable pour moi, c’est d’avoir eu des entretiens qui étaient tous en français. Je peux vous assurer que cela n’arrive dans aucun autre pays. Nous sommes liés par le cœur et nous sommes maintenant liés par des intérêts très solides. Les intérêts viennent nourrir cette relation affective et sentimentale. Nous avons évoqué des problèmes économiques. J’étais venu ici avec des chefs d’entreprise, et j’ai dit à tous mes interlocuteurs, en insistant sur certains dossiers, que les entreprises françaises croyaient en la Roumanie, qu’elles voulaient s’y implanter, qu’elles attendaient des conditions de marché parfaitement transparentes. Et nous avons eu l’occasion d’évoquer toute une série de dossiers de privatisations futures ou d’investissements futurs, sur lesquels j’ai pu vanter les mérites des entreprises françaises et souhaiter que les choses se déroulent bien. Nous avons aussi décidé de réunir à nouveau le groupe de partenariat économique, qui s’était réuni en janvier 1997, et d’examiner très concrètement comment faire avancer les choses.
Un autre aspect de notre relation, c’est tout ce qui concerne la coopération administrative bilatérale. Nos amis roumains se préparent à l’entrée dans l’Union européenne. Pour se préparer dans de bonnes conditions, ils ont besoin de l’aide de leurs partenaires et notamment de la France. Nous avons pu prendre des décisions qui concernent la mise à dispositions d’experts du ministère des Finances pour la réforme de la politique économique, à travers un organisme qui s’appelle l’ADETEF. A été également décidé l’envoi ici d’un expert de haut niveau appartenant à ce que nous appelons en France le Secrétariat général pour les questions de coopération interministérielle. Il s’agirait justement d’un expert en coopération interministérielle parce que la réforme administrative, M. Herlea le sait bien, est un élément clé de toutes les négociations d’adhésion. Dans l’autre sens, il a été décidé qu’un stagiaire du ministère des Affaires étrangères roumain viendrait en France. Ce sont des petites décisions mais qui montrent une volonté de coopération bilatérale tout à fait forte.
Enfin, dernier domaine de coopération bilatérale : nous avons envisagé de renforcer encore notre partenariat culturel. Je me réjouis de ce que la prochaine réunion ministérielle de la Francophonie ait lieu ici, en Roumanie. Je m’en réjouis d’autant plus que la France avait soutenu la candidature roumaine.
Nous avons eu l’occasion d’échanger des idées intéressantes, je pense, par exemple, à la suggestion de M. le ministre des Affaires étrangères, de mettre en place un bureau franco-roumain de la jeunesse, à l’image de ce qui se fait avec d’autres pays, comme l’Allemagne ou le Canada. Ce n’est qu’une idée, mais une idée intéressante qu’il faudra adapter aux formes et aux moyens que nous avons, mais à laquelle, je crois, nous devons réfléchir.
Le troisième et dernier aspect de ma visite concernait la préparation de la Roumanie à l’adhésion à l’Union européenne. J’ai été frappé par la détermination de tous mes interlocuteurs et je crois que nous partageons tous le même diagnostic. À savoir que la voie vers l’adhésion, vers ce qu’on n’appellera pas élargissement de l’Union, peut-être sa réunification, est ouverte depuis Luxembourg. Certes, il peut y avoir, ici ou là, des regrets que les négociations d’adhésion ne s’engagent pas directement. J’en ai entendu peu, aujourd’hui. Je crois que chacun est conscient que le processus qui s’est ouvert à Luxembourg est un processus global qui concerne toute l’Europe, que c’est un processus inclusif, qui concerne chacun des pays, que c’est un processus continu, qui ne se soldera pas par quelques pays qui rentrent tout de suite et puis les autres, beaucoup plus tard. Il y aura des négociations qui se dérouleront chacune à leur rythme, et notamment sont prévues des clauses de rendez-vous qui permettront d’évaluer continûment le produit des réformes. Si la Roumanie va vite, elle pourra rejoindre vite les négociations d’adhésion. J’ai senti un très grand enthousiasme là-dessus mais, au niveau de l’Union, nous avons besoin de renforcer les coopérations. Notamment les programmes PHARE : le jumelage institutionnel entre des ministères roumains et des ministères français pourrait se dérouler dans le cadre de ce programme. Il reste à les valider, il reste à monter les projets. Mais tout cela pourrait notamment concerner les administrations locales, la protection sociale, l’environnement, l’agriculture, des sujets très importants. J’ai senti une demande assez prenante sur la justice, et je m’en ferai le relais, à mon retour en France, auprès de ma collègue Elisabeth Guigou.
Nous avons enfin évoqué divers problèmes qui concernent, par exemple, la libre circulation des personnes. J’ai pu expliquer à mes interlocuteurs qu’il s’agira d’une dimension de plus en plus importante et qui sera de plus en plus importante au moment où l’on évaluera la capacité de la Roumanie à intégrer ce qu’on appelle l’acquis communautaire. Nous avons déjà pris certains mesures sur les visas, – je pense notamment à tout ce qui concerne la Coupe du monde. Que l’on se rassure, si la Roumanie fait une belle carrière à la Coupe du monde (de toute façon elle y est tête de série), eh bien, ceux qui veulent assister aux matchs, auront des visas. Notre ambassadeur y veillera. Mais la question se prolongera au-delà de la Coupe du monde de football en France, c’est une question qu’il faudra résoudre sous ses différents aspects.
Je repars tout à fait confiant dans la Roumanie, impressionné par ce que j’ai vu. Il est certain qu’il reste à votre pays bien des efforts à faire – et vous le savez –, pour entrer dans l’Union européenne. Il y a des efforts que vous faites et les efforts que vous ferez, à un rythme sans doute soutenu. Il y a les efforts de réforme économique, de réforme administrative, d’intégration, ce qu’on appelle l’acquis communautaire, mais il y a la détermination des autres pays à vous aider. Je crois que dans cette affaire-là, la France reste, si j’ose dire, en Europe, le premier ami de la Roumanie, qu’il s’agisse de l’Union ou de l’adhésion future à l’OTAN, dossier dont nous comptons bien qu’on reparle positivement en 1999.
ENTRETIEN AVEC LE QUOTIDIEN ROUMAIN « ROMANIA LIBERA » (Bucarest, 16 février 1998)
Q. Pouvons-nous considérer significatif le fait que la première visite d’une personnalité française à Bucarest cette année soit précisément celle du ministre chargé des Affaires européennes ? Que vous êtes-vous proposé d’inscrire dans l’agenda de vos rencontres ?
R. La visite que j’effectue est une visite de travail, c’est aussi une visite d’amitié. Comme vous le soulignez, je souhaite qu’elle soit un symbole non seulement de l’intérêt de la France pour la Roumanie, mais aussi de son attachement à l’adhésion de votre pays à l’Union européenne. Pour autant elle s’inscrit dans un ensemble de visites de haut niveau, qui illustre la densité de nos relations publiques.
Lors de mes entretiens, j’aurai l’occasion d’aborder les questions européennes et tous les thèmes qui nourrissent notre relation bilatérale. Dans le domaine économique et commercial, je dirai ma satisfaction mais aussi mon souhait de voir se développer nos relations économiques pour qu’elles soient au même niveau que nos relations politiques. D’ailleurs je serai accompagné d’hommes d’affaires français qui témoigneront par leur présence de leur confiance en l’avenir de la Roumanie. Notre coopération scientifique, technique et culturelle, qui repose sur notre appartenance commune à l’espace francophone, s’inscrit également dans un cadre européen. À cet égard, j’ai le sentiment qu’elle pourrait l’être plus encore. Enfin, sur le terrain politique, vous savez que nous avons pris l’habitude de nous concerter sur les dossiers européens, je suis convaincu que nous pouvons aller plus loin et développer avec la Roumanie un véritable partenariat diplomatique.
Q. Dans le cadre de l’Union européenne, des échéances importantes approchent et le chemin n’est pas sans obstacles. Les positions des partenaires apparaissent parfois différentes. Comment la France a-t-elle l’intention d’agir à l’avenir ? Quelles sont les priorités pour les mois suivants ?
R. Nous avons devant nous deux échéances cruciales pour l’avenir de l’Union européenne : en mars, le lancement du processus d’élargissement et, en mai, la sélection des pays qui vont avoir une monnaie unique.
Cette dernière décision intéresse les pays qui seront effectivement, dès le 1er janvier prochain, dans la zone euro, mais elle intéresse également ceux qui n’y appartiendront pas, y compris les pays candidats. Je suis en effet convaincu que la monnaie commune, en tant qu’elle marque l’achèvement du marché unique, ne peut laisser indifférents les futurs membres de l’Union, qui devront, dans tous les cas, prendre en compte ce nouvel élément dans leur démarche.
Mais c’est naturellement le lancement du processus d’adhésion qui marquera l’histoire de la grande Europe. La France a défendu une approche globale, pragmatique et ouverte de ce processus, qui est à la fois collectif et individuel. C’est enfin de compte ce qui a été retenu par les Quinze. Notre volonté est de ne laisser personne sur le bord du chemin. C’est pourquoi, après la Conférence européenne, le 12 mars, tous les pays candidats se retrouveront à la fin du mois de mars sur la même ligne de départ. Certes il existe des différences dans l’état de préparation des uns et des autres. Il faut en tenir compte. Mais cela ne signifie en rien qu’il y aurait deux catégories de pays candidats. Il n’y a pas, dans notre vision, de place pour les groupes et les clans. Nous avons voulu un processus unitaire. Ainsi la Roumanie bénéficiera-t-elle de la stratégie de pré-adhésion, cela implique à la fois un « nouveau partenariat pour l’adhésion », véritable feuille de route, avec des engagements concrets de part et d’autre, et des moyens financiers nouveaux et diversifiés. Elle bénéficiera aussi de la clause de « rendez-vous » qui permettra de faire le point régulièrement de l’état de préparation pour l’adhésion.
Q. À votre avis, dans quelle mesure la Roumanie commence-t-elle à correspondre aux critères de l’Union européenne ?
R. Ces critères, politiques et économiques, dits « critères de Copenhague », du nom du Conseil européen de juin 1993, sont, je crois qu’il faut le reconnaître, exigeants. Ils sont exigeants parce qu’ils conditionnent l’ouverture des négociations d’adhésion et qu’il n’y a pas d’adhésion au rabais, sinon il y aurait des membres de second ordre dans l’Union. Personne ne voudrait d’une telle Europe.
De ce point de vue, je sais les efforts considérables qui ont été accomplis, en quelques années, par la Roumanie, c’est-à-dire par les Roumains. Je pense d’abord à la consolidation de la démocratie et de l’État de droit. Et je suis convaincu que désormais votre pays poursuivra dans cette direction, en particulier s’agissant de l’enracinement et l’élargissement des droits et des libertés individuelles et collectives. C’est un défi auquel tout pays démocratique est soumis en permanence. Je pense aussi aux réformes courageuses qui ont permis la stabilisation macro-économique, la libéralisation des prix, la maîtrise des déficits publics, la stabilisation du taux de change. Je pense enfin à l’adoption de dispositifs législatifs et réglementaires conformes aux règles du marché intérieur communautaire. Beaucoup encore reste à faire, notamment dans ce dernier domaine, mais aussi dans la mise en œuvre de programmes ambitieux de restructuration économique, qui ont déjà été annoncées. Mais quand je regarde le chemin parcouru par la Roumanie en si peu de temps, je suis résolument optimiste.
Q. Quel impact attendez-vous de la Conférence européenne du 12 mars à Londres, ou vont se réunir les Quinze et tous les pays qui ont vocation à adhérer ?
R. La Conférence européenne représente la dimension collective de l’élargissement, tandis que les autres volets du processus s’inscrivent dans les relations bilatérales de l’Union avec chacun des pays concernés. Cette conférence est tout à fait importante, pour nous, elle est le lieu où tous les pays, qui partagent désormais une communauté de destin, prennent ensemble leurs affaires en mains. C’est-à-dire s’efforcent de mettre en œuvre des coopérations nouvelles sur tous les terrains de commun intérêt ; ce peut-être des questions de sécurité, de lutte contre tous les trafics, des questions commerciales, de développement d’infrastructure, des questions environnementales, bref tous les dossiers qui intéressent directement tous les pays d’Europe.
Le sommet de Londres sera la première rencontre dans le cadre de la Conférence européenne. L’idée est que chacun puisse faire des propositions et que se dessinent les domaines dans lesquels une coopération est possible et doit être engagée, sans attendre la fin du processus d’adhésion.
Q. La France – Le président Jacques Chirac l’a affirmé, vous l’avez fait vous-même à Strasbourg – s’est clairement engagée à soutenir les efforts d’intégration de la Roumanie dans l’OTAN comme dans l’Union européenne. Comment envisagez-vous de mettre en pratique, concrètement, ce soutien, au cours de cette année ?
R. Nous avons dit clairement que nous souhaitions la Roumanie dans l’Alliance atlantique et dans l’Union européenne. Mais il ne s’agit pas d’un même objectif. L’OTAN est une organisation internationale chargée de missions spécifiques, alors que l’Union est quelque chose de plus intime, c’est une manière de « vivre ensemble ».
Je ne reviens pas sur notre démarche vis-à-vis de l’Union et de la Roumanie, mais je voudrais, une fois encore, souligner que la nature, la qualité et le dynamisme de notre relation bilatérale, marquée par l’amitié, la confiance et aussi une certaine connivence, culturelle et politique, concourent, j’en suis convaincu, à la marche de la Roumanie vers l’intégration à l’Union.
S’agissant de l’Alliance, nous avons considéré, dès le Sommet de Madrid, en juillet dernier, que non seulement la Roumanie était prête mais que sa participation constituait, pour l’OTAN, une contribution positive, tant d’un point de vue politique que militaire. C’est cette conviction qui a fondé notre plaidoyer en faveur de la Roumanie auprès de nos partenaires. Nous n’en changeons pas. Et nous restons convaincus que la Roumanie, comme la Slovénie, seront dans le prochain élargissement de l’Alliance. Pour garantir ce résultat, nous devons poursuivre la concertation permanente, établie entre nos deux pays, pour mobiliser nos partenaires, en particulier nos partenaires européens. Nous devons faire du prochain sommet atlantique, au printemps 1999, un rendez-vous réussi. C’est un engagement et une ambition.
Q. Comment pourriez-vous définir, à l’heure actuelle, l’image extérieure de la Roumanie ? Pensez-vous qu’elle est bien perçue en France ?
R. J’ai pour ma part un lien très personnel avec votre pays, même si je ne le connais pas, ou plutôt pas encore. Je crois d’une façon générale que les Français connaissent mal la Roumanie. L’ignorance n’est jamais une vertu mais dans ce cas elle me paraît inexcusable. Il existe en effet une longue tradition d’amitié et de solidarité entre nos deux peuples – j’évoquais tout à l’heure la complicité culturelle. Nombreux ont été les écrivains, les artistes et les intellectuels roumains qui ont choisi de séjourner en France. Tout cela constitue un immense capital de sympathie. Je n’ai pas de doute que la Roumanie doit se faire mieux connaître, que la France doit contribuer à cet effort.
Il me paraît important pour la place future de la Roumanie dans l’Union, mais aussi pour le développement, dès aujourd’hui, des échanges entre la Roumanie et la France, que votre pays puisse être connu dans toutes ses dimensions, que les Français sachent le courage déployé chez vous pour enraciner la démocratie et améliorer la situation économique.
Je voudrais terminer en disant ma confiance dans le futur des relations entre nos deux pays et dans le rôle que nous pouvons jouer ensemble en Europe, et aussi, tout simplement, ma joie d’être ici parmi vous.