Texte intégral
Je remercie le Président TREMEGE pour son accueil. C’est toujours un plaisir, pour une ministre de l’industrie, de s’exprimer devant votre assemblée car elle est vivant, réactive.
Je vais vous parler avec franchise, comme je l’ai fait le 18 juin dernier lors d’une précédente assemblée générale. Pour dialoguer il faut être deux, et les deux partenaires aujourd’hui, sont le Gouvernement et le CCI. Le dialogue suppose aussi la confiance, et de se dire la vérité en face.
Votre devise est : « Anticiper pour conquérir ». C’est bien l’ambition que nous vous proposons dans cette réforme, avec la certitude que vous saurez répondre à cet appel.
Je voudrais dire également que sur la réforme des CCI, le ministre des PME et moi-même nous nous situons exactement sur la même ligne, et que nous la mèneront conjointement.
Je ne répéterai donc pas ce qu’a dit Jean-Pierre RAFFARIN, mais j’apporterai un éclairage complémentaire sur la même position de fond.
1. D’abord les objectifs
Le premier objectif, qui n’est pas seulement le nôtre mais également celui du Président TREMEGE et de vous tous, c’est de vous aider à valoriser vos compétences au service d’un développement économique des entreprises. Les résultats de l’enquête lancée auprès de 23 000 entreprises par mes services montrent les besoins souvent insatisfaits de celles-ci en matière d’action collective, puisque 10 000 d’entre elles ont répondu. Les CCI doivent être encore davantage au service des entreprises. Les attentes sont nombreuses et concernent autant la formation professionnelle, l’exploitation et les manifestations à l’étranger, la communication et la promotion, que la qualité et la certification.
Notre second objectif c’est de conforter la spécificité des CCI, comme institution originale. Les CCI sont des établissements publics de l’État et depuis leur origine, un lieu de rencontre entre la puissance publique et les forces économiques du pays, comme vous le rappelez vous-même, avec insistance.
Notre troisième objectif, c’est de vous faire participer au grand élan de modernisation lancé par le Président de la République. La transformation, parfois douloureuse, surtout lorsqu’elle est retardée, est nécessaire pour relever les défis du présent, notamment l’exclusion d’un trop grand nombre de jeune du marché du travail que nous ne pouvons ni ne voulons accepter plus longtemps. Parce que vous êtes à l’écoute des entreprises, vous êtes bien placés pour aider à répondre à de défi.
Pour toutes ces raisons, nous partageons donc votre constat sur la nécessité d’une modification rapide du cadre juridique et financier de votre institution.
Les quatre orientations politiques majeures de la réforme correspondent aux positions exprimées par votre assemblée générale :
Les CCI doivent répondre à un souci de proximité et de qualité. Elles doivent être résolument tournées vers les entreprises pour leur offrir les services publics et collectifs dont elles ont besoins, en veillant à ce qu’elles ne créent pas de distorsion de concurrence au sin du secteur marchand. Notre attention a été attirée avec insistance sur ce point particulier par les organisations patronales.
Jean-Pierre RAFFARIN vient de s’exprimer sur ce sujet. Pour ma part, je souhaite insister sur trois autres orientations.
Les CCI doivent être responsables. Une plus grande responsabilisation des hommes exerçant un pouvoir collégial dans la gestion financière et opérationnelle des CCI doit être introduite, en contrepartie de la fixation d’objectifs et d’une évaluation a posteriori des actions engagées.
Elles doivent être légitimes et transparentes, dans le contexte budgétaire et financier rigoureux qui s’impose à tous. L’octroi d’une plus grande souplesse pour utiliser l’impôt doit s’accompagner d’une véritable démocratie représentative des domaines d’activités dont les CCI sont l’organe, d’un contrôle et d’une plus grande transparence des actions.
Elles doivent répondre à un souci d’efficacité. Une meilleure coordination et cohérence de leurs actions, utilisant davantage le remarquable potentiel du réseau consulaire, doit être recherchés sans tomber dans la hiérarchisation. Les moyens doivent s’organiser sur la base du principe de subsidiarité. Cette articulation doit se faire également avec l’État et les collectivités territoriales.
Un renforcement de la compétitivité et des moyens de gestion doit être recherché : faire mieux avec une ressource limitée. Il s’agit de rechercher un meilleur rapport « qualité/prix » de ce véritable service public aux entreprises.
2. Le contenu de la réforme
Les objectifs que je viens d’évoquer doivent se traduite à travers quatre points clé de la réforme, les contrats d’objectifs, la maîtrise de l’IATP, l’évolution de l’organisation et de la réforme des élections. Je rappelle que les CCI doivent rester des établissements publics à vocation économique. Elles doivent participer à la politique des pouvoirs publics ; c’est la contrepartie de l’inscription obligatoire sur vos listes électorales et du versement de l’IATP par les chefs d’entreprises.
Sur le contrat d’objectif, je crois fermement que nous pouvons nous mettre d’accord sur le bien-fondé d’orientation pluriannuelles proposée ou établies par chaque CCI. Je peux rassurer à ce sujet les présidents qui nous ont écrit : les contrats d’objectifs négociés, chambre par chambre, au niveau départemental, seront basées sur vos propositions et les chambres garderont toujours la liberté de s’inscrire dans cette nouvelle procédure ou de se maintenir dans l’ancienne.
Il ne s’agit donc aucunement d’une subordination des chambres à l’État, mais simplement de se mettre d’accord sur les objectifs précis et mesurables.
Après tout, les chefs d’entreprises que vous êtes fonctionnent quotidiennement sur la base de contrats et de plans stratégiques. On peut également de référer aux contrats d’objectifs que nous avons passés avec EDF et GDF qui ont permis de clarifier de manière durable les relations financières de ces organismes avec l’État, ou à ceux que nous projetons de conclure avec le LNE, les centres techniques industriels, l’ANVAR, ou encore l’INPI. Il s’agit de créer à travers la préparation et le suivi de ce contrat, les conditions d’un véritable dialogue.
Les contrats d’objectifs donneront à chaque chambre une meilleure maîtrise de son destin et une lisibilité plus grande de son action vis-à-vis du public. Les contrats d’objectifs, qui auront un fondement législatif, fourniront un cadre vous offrant une plus grande responsabilité, donnant davantage d’autonomie à vos décisions, tout en préservant leur sécurité juridique. La conclusion de tels contrats permet de faire évoluer les modalités de la tutelle qui sera exercée a posteriori à chaque fois que cela sera possible sous la forme d’un examen annuel.
Les autres décisions seraient examinées sous une forme analogue au contrôle de légalité mis en place pour les collectivités locales. Il en résulterait un allégement significatif et une grande proximité aux interlocuteurs en charge de cet exercice.
Sur l’IATP, la baisse des charges et des prélèvements obligatoires est aussi une des demandes des chefs d’entreprises comme nous l’ont rappelé les organisations patronales. Il faut donc que les CCI accueillent le processus de baisse de la pression fiscale directe et indirecte. Après les entreprises et l’État c’est l’obligation qui s’impose à elle. Cette réforme ne sera possible que si nous nous mettons d’accord sur un pacte pluriannuel de stabilité consulaire.
C’est la première fois que l’État présente son budget en séparant clairement les dépenses de fonctionnement et d’investissement. On voit ainsi qu’il y a un déficit des dépenses de fonctionnement en France, que nous risquons de faire payer un jour par nos enfants.
La baisse des prélèvements obligatoires, objectif du gouvernement, s’applique aussi au CCI. Il ne doit donc plus y avoir de progression dynamique de l’IATP. Le temps des augmentations systématiques et des reconductions automatiques est révolu. Cela entraîne évidemment une remise en cause des dépenses et une recherche des économies de fonctionnement. Vous vous êtes déjà engagés dans cette voie.
Il faut donc que les CCI montrent l’exemple. Après les entreprises et l’État, elles doivent se remettre en cause. Cette réforme sera possible que si nous nous mettons d’accord sur un pacte pluriannuel de stabilité consulaire.
L’organisation des CCI doit être fondée sur la subsidiarité. Là encore, nous sommes d’accord, les CRCI peuvent coordonner les efforts et les moyens des CCI qui les composent : elles peuvent intervenir dans la gestion des projets communs soit directement, soit en la confiant à une CCI. Elles peuvent dans ce cas contracter avec les autorités régionales et autres organismes intervenant au niveau régional. Pour faciliter la mise en œuvre de ce principe, il y a obligation pour les CCI d’informer la CRCI de leurs projets de dimension régionale.
La Chambre locale est et reste la base du dispositif. Il s’agit de favoriser un lien hiérarchique. L’effet réseau des CCI déjà engagé doit être accentué.
Ainsi, la règle demeure la subsidiarité. Par exemple, les CRCI pourront participer à la définition des schémas régionaux de l’innovation aux côtés de l’ANVAR des DRIRE et des DRRT.
L’amélioration de l’efficacité passe également par l’incitation à la mise en commun de moyens d’action au sein des groupements inter-consulaire ou par le regroupement des chambres, sur la base du volontariat, ce qui permettrait d’atteindre une taille critique, qui seule apporte des moyens financiers suffisants.
Dans cette perspective, il pourrait être envisagé à terme un objectif d’une CCI par département et d’un CRCI par région.
En ce qui concerne les élections, il est clair que la représentativité et la transparence sont les clés du succès de la réforme. Ce qui fait la richesse d’une institution, ce sont les hommes. L’institution consulaire a toujours été basée sur l’élection, donc la représentativité.
C’est votre intérêt, comme c’est le nôtre. Ainsi, la réforme électorale sera menée à bien, pour renforcer la représentativité et la légitimité des Chambres. Elle permettra une vision à plus long terme. Les élections auront lieu cette année selon le mode actuel. Les suivantes auront lieu en 2000 avec un mandat de cinq ans, renouvelé intégralement.
J’ajoute, que je crois qu’il est souhaitable que les assemblées générales puissent davantage déléguer à leur bureau qu’elles le font aujourd’hui.
Au sujet des relations entre les CCI et l’État, s’il ne fallait retenir qu’une idée forte de la réforme, je dirai : moins de tutelle, plus de partenariat. Chaque fois que cela est possible, cette tutelle doit être exercée a posteriori.
3. Notre méthode
Notre méthode, c’est la concertation permanente. Depuis juin 1996, date de ma première intervention devant vous, un groupe de travail composé de présidents, de directeurs généraux et des membres de nos cabinets respectifs a été mis en place et a examiné tous les aspects de la réforme, comme je vous l’avais promis. Il s’est réuni au total pendant plus de vingt heures, à plus de dix reprises. Surtout, il a travaillé en toute transparence sur la base de vos propositions.
Rien n’a été fait dans votre dos tout est discuté dans la transparence.
Que les choses soient claires entre nous : à ce stade, il n’existe pas de texte. Je regrette qu’un certain nombre de documents qui n’étaient que des brouillons incomplets, et qui n’avaient pas vocation à être diffusés, aient provoqué une émotion excessive. Il faut peut-être retrouver un peu de sérénité et oublier les polémiques inamicales. Lorsqu’un journaliste d’un grand quotidien du soir parle de « dépoussiérage », ses propos n’engagent que lui. Quant à moi, je sais le travail de dépoussiérage que vous avez accompli.
Je puis vous assurer que l’avant-projet de loi lorsqu’il existera, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, vous sera transmis rapidement et qu’une concertation sera organisée, dans le courant du mois de mars.
Conclusion
Nous assistons à un vaste mouvement de réforme en France, qui prend des formes diverses : réforme de l’État, mais aussi réforme du fonctionnement des entreprises. L’enjeu c’est d’adapter notre pays aux défis du XXIe siècle. Les CCI ne pourront pas rester à l’écart de ce grand mouvement.
Nous sommes, vous êtes à un tournant de l’histoire des CCI : celui de la refondation du réseau consulaire, qui est une institution multiséculaire puisque ses origines remontent au règne de Henri IV, en 1598, où l’on parla pour la première fois, au Conseil du Roi, d’une assemblée chargée de délibérer sur les intérêts du commerce. Cette institution a su se réformer tout au long de son histoire. Je souhaite d’ailleurs que nous retrouvions l’élan réformateur de la Révolution de 1830, qui a provoqué un bouillonnement d’idées sur le rôle des Chambres, puis une grande réforme.
Vous avez déjà fait beaucoup. Le Gouvernement est prêt à apporter son soutien sans faille au mouvement que vous avez-vous-même lancé, et à lui donner le cadre législatif et réglementaire nécessaire.
Nous avons présenté, Jean-Pierre RAFFARIN et moi-même les grandes orientations. Ne l’oublions pas, nous sommes d’accord avec un grand nombre de points présentés par les CCI elles-mêmes pour réformer l’institution consulaire. Nous avons été parfois plus loin, sans remettre en cause cette base. Notre objectif est d’avancer, en pleine concertation avec vous et les autres partenaires économiques, pour faire adopter la loi avant la fin de la législature.