Projet de déclaration de Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, sur l'action gouvernementale et communale en matière de lutte contre la pollution de l'air et des eaux, et de traitement des déchets, Paris le 20 novembre 1996.

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Circonstance : ? organisé par l'Association des maires de France (AMF) lors de son congrès sur le thème : "Environnement et territoire", le 20 novembre 1996

Texte intégral

Mesdames et messieurs les maires,
Mesdames et messieurs,

C'est avec grand plaisir que je clos aujourd'hui cet atelier « Environnement et Territoire » organisé par l'AMF. En effet, bon nombre de politiques de l'environnement reposent sur des zones géographiques particulières et s'appuient sur des plans et schémas qui concernent quotidiennement les communes.

Le secteur de l'eau est tout à fait illustratif d'une approche territoriale et zonale, largement initiée par la politique d'aménagement du territoire.

Plusieurs niveaux d'approche ont été favorisés.

Au niveau des six grands bassins hydrographiques, la loi sur l'eau de 1992 a rendu obligatoire l'établissement de schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. Les grands enjeux de ces schémas sont :
    – d'assurer la satisfaction des usagers de l'eau, tout · en préservant la santé des populations,
    – de promouvoir et de coordonner les actions de prévention,
    – de préserver et d'améliorer l'état du patrimoine en protégeant les écosystèmes aquatiques.

Ces SDAGE devaient être mis au point dans un délai de cinq ans, soit pour le début 1997. Nous respecterons largement les délais puisque ces documents établis par les comités de bassin, avec l'appui technique, à la fois, des Agences de l'Eau et des services de l'État sous l'impulsion des DIREN de bassin, sont en cours d'approbation. L'élaboration des SDAGE a été, à la fois décentralisée par une très large association des élus locaux et déconcentrée par leur approbation sous l'autorité des Préfets coordonnateurs de bassin. Ils fixeront pour les prochaines années, à l'horizon de dix à quinze ans, les perspectives et les orientations de la politique de l'eau à l'échelle qui est la plus appropriée, celle du bassin hydrographique.

La loi a toutefois prévu qu'à un niveau beaucoup plus réduit, celui d'une vallée ou d'une rivière, le SDAGE puisse être décliné par un schéma d'aménagement et de gestion de l'eau : le SAGE. Mais à cette échelle, l'initiative ne peut en revenir qu'aux élus locaux afin, en particulier, d'établir un outil de régulation, d'arbitrage et de programmation autour d'un projet commun établi en concertation avec les représentants des usagers.

D'autres approches « zonales » peuvent être citées comme exemple, à un niveau tout à fait local, voire communal. La plus élaborée est celle organisée pour la mise en application de la directive du 21 mai 1991 sur le traitement des eaux usées urbaines.

Cette directive est exemplaire à ce titre puisqu'elle contient l'idée d'une approche de délimitation des territoires à une échelle nationale, intercommunale et communale.

Ainsi, un quart du territoire français a été qualifié de « zones sensibles » par un arrêté du 23 novembre 1994. Dans ces zones particulièrement fragiles à risque de pollution ou fortement dégradées, un traitement plus rigoureux des effluents est exigé avant le 31 décembre 1998.

La notion « d'agglomération » d'assainissement s'attache quant à elle à rassembler des parties de territoire suffisamment concentrées pour constituer des zones de pollution homogènes qui doivent faire l'objet d'une action coordonnée. Cette notion dépasse donc les limites administratives des communes et consacre en droit la notion technique de « bassin versant » naturel.

Enfin, au niveau communal, doivent être définies par les élus locaux les zones relevant de l'assainissement collectif et celles relevant de l'assainissement autonome, de manière à programmer, de façon harmonieuse, les différentes formes d'assainissement envisageables, optimiser les coûts de l'épuration et adapter les objectifs nationaux et internationaux aux réalités locales.

Ces zones seront définies selon une procédure et une échelle identique aux plans d'occupation des sols, ce qui démontre une nouvelle fois que les politiques de protection de la ressource en eau sont parties intégrantes des politiques d'aménagement.

La directive « nitrates », relative à la pollution diffuse agricole, procède d'une démarche tout à fait comparable.

Le thème des déchets est un domaine dans lequel le législateur a adopté des objectifs courageux et ambitieux, qui ne seront atteints qu'avec l'adhésion de tous, administration, élus, industriels, grand public et associations. L'information et la sensibilisation jouent un rôle privilégié à cet égard.

Bien que la question des déchets remonte à l'histoire de l'Humanité, il aura fallu attendre 1975 pour que notre pays se dote d'une législation moderne fixant les obligations de chacun.

Malgré les succès certains qu'elle a remporté, notamment en permettant d'assurer la collecte des déchets ménagers de la quasi-totalité de nos concitoyens, la politique lancée en 1975 a toutefois atteint ses limites à la fin des années 80. Elle n'a pas su en effet enrayer la croissance continue des quantités de déchets produits, liée au développement économique et à l'évolution des modes de consommation. En particulier, la contribution des emballages usagés au flux de déchets municipaux représente aujourd'hui plus du tiers en poids et de la moitié en volume.

Cette politique n'a pas su non plus imposer la valorisation des déchets au-delà de la simple mise en décharge, qui concernait en 1990 plus de la moitié des déchets municipaux.

Aussi, avec la loi du 13 juillet 1992, la France s'est-elle donné un délai de dix ans pour moderniser la gestion de ses déchets, dans une approche que le législateur a voulue pragmatique.

La réduction des quantités de déchets, notamment d'emballages, le tri et la collecte séparative, la réutilisation et le recyclage constituent l'indispensable étape amont de cette politique. Les déchets non récupérés ou recyclés représentent néanmoins un gisement de matière et d'énergie. Leur traitement doit permettre, tout en protégeant au mieux les intérêts de l'environnement, de valoriser ce gisement. Les résidus ultimes, c'est-à-dire les déchets de ce traitement, seront, à l'horizon 2002, les seuls déchets autorisés à être enfouis.

Les plans territoriaux d'élimination des déchets ont un rôle essentiel à jouer, ayant pour principal objectif d'organiser le traitement des déchets. Je salue le travail accompli par tous, élus, techniciens, industriels, administration et associations, pour réaliser la première génération de plans dont plus de la moitié est d'ores et déjà adopté par arrêté préfectoral. J'observe avec intérêt le développement de l'intercommunalité, préalable indispensable, pour des raisons tant économiques que pratiques, à la mise en œuvre des orientations arrêtées dans ces plans.

Afin d'apporter une aide à cette mise en œuvre, le législateur a créé le fonds de modernisation de la gestion des déchets. Géré par l'ADEME, il est alimenté par la taxe sur la mise en décharge, dont le taux croîtra progressivement jusqu'en 1998. Son principal objet concerne les aides aux équipements de déchets ménagers et assimilés.

Dans ce cadre, il me semble que notre première priorité doit être la valorisation des déchets, notamment des déchets d'emballages, et plus généralement le développement de la collecte séparative des déchets recyclables.

La qualité de l'air est également un grave problème. La prise de conscience des problèmes de pollution atmosphérique se manifeste désormais par une demande accrue d'information par le public. Elle appelle l'adoption de mesures préventives et curatives. Il apparaît en outre nécessaire de prendre en compte les impératifs de lutte contre la pollution atmosphérique dans la définition des autres politiques publiques, telles que l'urbanisme ou les transports, dont elle doit devenir une composante à part entière.

C'est pourquoi, j'ai porté devant le parlement un projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, qui vise à remplacer un dispositif législatif vieux de 35 ans et devenu obsolète du fait de l'évolution des sources et des phénomènes de pollution de l'air.

C'est le premier texte du droit de l'environnement qui reconnaît que ce droit passe par le droit à la santé. J'ajouterai que le Parlement a renforcé cette disposition et a notamment souhaité que les réseaux de mesure surveillent les paramètres de santé publique affectés par la pollution de l'air.

La transparence de l'information sera garantie par la gestion quadripartite du système de surveillance de la qualité de l'air : la mission de surveillance sera confiée par l'État à des associations regroupant les collectivités locales ainsi que les pouvoirs publics, les industriels, le secteur associatif et des personnalités qualifiées.

Ce système de surveillance sera progressivement étendu à l'ensemble du territoire d'ici l'an 2000, en commençant par les agglomérations de plus de 250 000 habitants au 1er janvier 1997 et de plus de 100 000 habitants au 1er janvier 1998.

Pour remplir ces engagements, j'ai obtenu les crédits nécessaires, tant en 1996 qu'à partir de 1997. Ainsi, le Gouvernement vient d'affecter au budget de mon ministère une première tranche de 200 millions de francs.

Ces crédits permettront l'extension de la surveillance de la qualité de l'air, l'amélioration de la surveillance actuelle, le développement des études concernant la qualité de l'air et l'aide au fonctionnement des organismes participant à la surveillance de la qualité de l'air.

Une deuxième tranche de crédits de 200 millions de francs a d'ores et déjà été inscrite au budget de mon ministère dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997, budget qui a d'ailleurs été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

Pour améliorer de façon durable la qualité de l'air, le projet de loi pousse la logique de prévention jusqu'au bout, en prenant en compte le court terme comme le long terme.

Ainsi, en vue du respect des objectifs et valeurs limites de qualité de l'air qui seront fixés, un plan régional pour la qualité de l'air sera élaboré dans chaque région, dans un double objectif de prévention et de concertation.

Des plans de protection de l'atmosphère seront établis dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants et dans les zones sensibles où les valeurs limites de qualité de l'air sont dépassées. Soumises à enquête publique et faisant l'objet d'une large concertation, les mesures prévues par ces plans pourront être d'application permanente et couvrir les installations fixes comme les installations mobiles.

Les mesures d'urgence en cas d'alerte à la pollution atmosphérique, qui seront mises en œuvre par les préfets, comporteront un dispositif de restriction des activités polluantes, y compris de la circulation des véhicules.

Actuellement, de telles mesures ne peuvent être prises que de manière autoritaire et sans transparence, alors qu'elles ont des conséquences directes sur l'organisation des transports. Comment, dès lors, pourraient-elles être comprises et acceptées ? Ceci explique que des mesures n'aient jusqu'à présent été mises en œuvre que pour les installations industrielles et qu'aucune mesure de restriction de circulation n'ait été jamais prise, même dans les pires situations de pollution atmosphérique.

Le projet de loi fournit en outre une « boîte à outils » offrant une large palette de mesures techniques au niveau national destinées à réduire les émissions polluantes et les consommations d'énergie. Ces mesures concernent notamment les produits, les combustibles et carburants, ainsi que les véhicules. Elles seront renforcées localement en tant que de besoin par les plans de protection de l'atmosphère.

Au-delà de ces dispositifs de prévention, j'ai souhaité que le projet de loi contienne des mesures positives. Il repose en effet sur un équilibre entre la contrainte et l'incitation. La réduction de la pollution dans nos villes ne pourra s'effectuer qu'avec l'adhésion de la population, qui devra accepter puis trouver des avantages à modifier ses comportements.

Une nouvelle vigueur sera ainsi donnée au dispositif des plans de déplacements urbains. Élaborés et mis en œuvre par les organismes chargés du transport urbain, ils seront désormais obligatoires dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, comme l'a souhaité le Parlement.

Par une politique globale à l'échelle de l'agglomération, ils permettront aux collectivités locales de favoriser les modes de transport peu ou moins polluants, de rationaliser les flux de circulation et d'aménager la voirie en fonction de ces deux objectifs.

Par ailleurs, le Sénat vient de voter un amendement que j'avais déposé, qui vise à mettre au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, à l'occasion de la réalisation ou de la rénovation des voies urbaines.

Le Parlement a en outre voté une disposition nouvelle visant à aider la diffusion des dispositifs de dépollution des véhicules existants des réseaux de transport en commun.

Que ce soit en matière de politique de l'eau, des déchets ou de l'air les collectivités locales sont les premières concernées par la mise en œuvre des mesures. C'est pourquoi je considère que l'Association des Maires de France est un partenaire incontournable dans la concertation qui précède l'élaboration des textes législatifs et réglementaires, issu de mon ministère.

Les communes, lorsqu'elles ne sont pas elles-mêmes porteur du projet, sont en droit d'attendre une association étroite à la délimitation de zones sur leur territoire. J'en suis convaincue et je continuerais à renforcer la concertation avec votre association, soyez-en persuadés.

Je vous remercie de votre attention.