Déclaration de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, sur le Crédit agricole, le financement des entreprises, l'adaptation du système bancaire et la préparation de l'Euro, Nantes le 25 octobre 1996.

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Circonstance : Assemblée générale annuelle du Crédit agricole à Nantes le 25 octobre 1996

Texte intégral

Monsieur le président,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames,

L'an dernier, j'avais regretté de ne pouvoir me rendre à votre assemblée générale annuelle qui se déroulait à Paris. Vous m'offrez à nouveau l’occasion de m'exprimer devant vous, je m'en réjouis et je vous en remercie.

Vous avez rappelé, monsieur le président, que nos contacts ne datent pas d'aujourd'hui. Je me souviens en effet avec plaisir des relations que nous avions nouées lorsque j'étais rapporteur général de la commission des finances du Sénat.

Dans votre intervention, vous avez insisté sur l'attachement du Crédit Agricole aux principes de performance et d'efficacité dans l'activité bancaire.

Vos résultats récents et vos initiatives de croissance externe prouvent que vous mettez ces principes en pratique et témoignent, j'en conviens bien volontiers, du rôle de tout premier plan que votre établissement joue aujourd'hui sur la scène bancaire.

Je ne vous étonnerai pas en vous disant que je partage cette manière de voir. Mes convictions sont simples : il n'est pas d'économie performante et saine sans un secteur bancaire solide. Il est parfois de mode de parler d'un déclin des banques dans le financement de l'économie. Je ne suis pas de cet avis.

Les banques sont un moteur essentiel du dynamisme de notre économie. Elles doivent accompagner et faciliter le développement de nos entreprises, en particulier des plus petites d'entre elles.

Je sais pouvoir compter sur votre soutien et vous avez rappelé, monsieur le président, l'engagement de longue date du Crédit Agricole aux côtés du monde agricole et des entreprises. Votre enracinement régional est précieux car il vous permet de participer activement à la régénérescence dont notre tissu économique a besoin. N'oublions jamais que notre avenir dépend étroitement de notre attitude à l'égard de ceux qui prennent le risque d'entreprendre.

Je voudrais, pour répondre au souhait que vous avez exprimé, vous dire quelques mots de la situation de notre économie, et des enjeux qui sont devant nous.

Nous sommes aujourd'hui en phase de reprise, et cette reprise repose sur des bases saines. C'est ce cadre qui nous permettra dans deux ans de passer à la monnaie unique, projet majeur pour toute la collectivité nationale, mais aussi pour les banques.

Au-delà des chiffres, c'est le climat de la reprise qui m'incite à l'optimisme. J'étais à Washington le mois dernier pour les assemblées semestrielles du FMI, de la Banque mondiale et la réunion du G7. J'en suis revenu avec un sentiment de confiance renforcé. La croissance mondiale sera l'an prochain vigoureuse, et notre économie, qui est l'une des plus ouvertes de la planète, profitera pleinement de ce mouvement.

En France d'ailleurs, des signes de reprise sont déjà manifestes. Ainsi, la production manufacturière s'est redressée de 1,2 % sur les trois derniers mois, soit près de 5 % en rythme annualisé. Même si elle est encore très irrégulière d'un mois sur l'autre, comme en témoigne son repli en septembre, la consommation des ménages est orientée à la hausse depuis le début de l'année : sur les neuf premiers mois de l'année, elle a progressé de + 3,3 % par rapport à l'an dernier ; et il ne s'agit pas seulement d'un effet automobile, puisque les ventes dans le commerce ont augmenté de 1,7 % sur la même période.

Enfin, grâce au succès du prêt à taux zéro, j'y reviendrai, auquel le Crédit Agricole contribue et à la baisse des taux d'intérêt, le marché immobilier montre des signes de reprise : les ventes de logements neufs ont progressé de 25 % sur un an au 2e trimestre, et les mises en chantier de logement ont cessé de reculé. L'an prochain, les investissements des entreprises devraient relayer et amplifier ce mouvement.

Beaucoup de chefs d'entreprise que je rencontre me le confirment. Le mouvement de déstockage est maintenant en voie d'achèvement, les carnets de commande se regarnissent et les besoins de modernisation de l'outil productif sont importants. La forte baisse des taux d'intérêt va leur permettre de réaliser les investissements qu'ils avaient différés jusqu'à présent.

Je voudrais d'ailleurs insister un instant sur cette question des taux d'intérêt. C'est vrai que notre économie a subi de plein fouet pendant plusieurs années des niveaux de taux incompatibles avec son développement. Le secteur bancaire en a souffert d'ailleurs, et le recul de la demande de crédit depuis 1993 n'est pas sans lien avec ce phénomène.

Mais cette situation est aujourd'hui révolue. Les taux d'intérêt à court terme ont baissé de plus de moitié depuis mai 1995 et sont à leur plus bas niveau depuis 1971 (moins de 3,5 %) ; les taux à long terme sont aujourd'hui à moins de 6 %, légèrement inférieurs même aux taux allemands, ce qui est historiquement nouveau. Il appartient naturellement aux banques d'accompagner ce mouvement de baisse des taux pour que leurs clients puissent investir dans les meilleures conditions.

Cette profonde évolution favorise le redémarrage actuel qui s'effectue sur des bases parfaitement saines. Ainsi l'inflation est-elle aujourd'hui durablement éradiquée et la dérive des comptes publics bel et bien enrayée.

Le budget de 1997, qui est en cours de discussion à l'Assemblée nationale, constitue de ce point de vue un tournant historique. Il repose, c'est la première fois sous la Ve République, sur une stabilité de la dépense publique en francs courants, ce qui nous a permis à la fois d'abaisser les impôts de manière significative et de réduire le déficit.

Mais ce qui me paraît le plus important est que nous avons défini le cadre d'un assainissement durable de nos finances publiques. Le déficit du budget de l'État sera inférieur à 3 % du PIB dans les prochaines années et passera même en dessous de la barre des 2 % à partir de 2001.

Cette remise à niveau est la condition impérative d'une libération des forces vives de notre économie, parce que lorsqu'elle devient excessive, la dépense publique étouffe la dépense privée.

Les réformes structurelles que nous avons engagées parallèlement à cette maîtrise des déficits donnent tout son sens à cette action.

Qu'il s'agisse de la modernisation de notre fiscalité, de l'organisation de la place financière de Paris, de la définition du rôle de l'État actionnaire ou de la réorientation de l'épargne vers les fonds propres, notre objectif est le même : donner de la transparence à la question publique pour éviter les défaillances ou les dérives passées ; donner de la souplesse au fonctionnement de l'économie pour faciliter les adaptations et le développement harmonieux de la sphère productive.

Vous connaissez, monsieur le président, mon attachement à mettre en place dans notre pays des fonds d'épargne retraite. Un texte sera donc examiné dans les prochaines semaines au Parlement. Cette réforme est essentielle pour drainer une partie de l'épargne, abondante en France, vers le financement des activités productives qui sont créatrices de croissance et d'emploi. Je suis favorable, vous le savez, à une sortie prioritairement en rente parce que c'est la forme normale d'un complément de retraite et parce qu'elle permettra aux gestionnaires de fonds de placer sur le long terme ; cette gestion favorisera le développement du marché action et fournira des fonds propres à nos entreprises. Des cas exceptionnels de sortie en capital seront toutefois prévus afin de garantir la souplesse de cet outil et son attractivité pour les épargnants.

Si je me suis attelé avec passion à ces tâches, c'est parce que je crois que nous sommes investis d'une mission à l'égard de nos concitoyens : celle de garantir à chacun un emploi tout en suscitant le cadre d'un développement économique créateur de richesses. La prochaine étape de ce projet est maintenant clairement identifiée : nous devons réussir le passage à la monnaie unique.

La monnaie unique n'est pas une fin en soi ; c'est un instrument au service de notre développement qui passe d'abord par les profondes réformes de structure que je viens de vous décrire. La monnaie unique, c'est l'instrument de la stabilité, de la confiance, de l'investissement et de l'emploi.

Vous m'avez toutefois invité, monsieur le président, à vous dire quelques mots sur l'état d'avancement de ce projet. Je le fais de bonne grâce car c'est je crois une chance et un enjeu historiques pour notre pays. Les agriculteurs, qui sont familiarisés avec l'Europe depuis si longtemps, ne me contrediront pas.

Les gains que nous pouvons attendre de l'euro sont en effet d'ordre commercial, financier et monétaire.

Nous pourrons tout d'abord lutter contre les fluctuations monétaires excessives qui faussent le libre jeu d'une concurrence loyale au sein du marché unique. On a dit récemment, que sans la monnaie unique, le marché unique était un marché inique. Je souscris pleinement à cette analyse.

Sur le plan financier, nos entreprises profiteront pleinement de l'unicité monétaire en Europe. Celles qui commercent avec l'étranger feront de substantielles économies de change, voire de couverture. C'est un gain appréciable dans la rude concurrence internationale à laquelle elles sont confrontées.

Sur le plan monétaire enfin, et c'est là peut-être le plus important, l'euro peut nous redonner le pouvoir que nous avons perdu. Le dollar est aujourd'hui la seule monnaie mondiale de réserve. L'euro peut venir chasser sur ces terres là.

Paraphrasant un ancien secrétaire d'État américain au Budget, je m'impatiente de pouvoir dire : « L'euro c'est notre monnaie, et c'est votre problème ».

Pour toutes ces raisons, j'attache une attention toute particulière à la préparation de cette étape nouvelle de la vie de notre pays. Je crois pouvoir dire que nos intérêts sont bien pris en compte jusqu'à présent, qu'il s'agisse du scénario de passage adopté en décembre 1995 ou de notre souci d'une plus grande stabilité des changes en Europe.

Sur ce dernier point, notre action a été couronnée de succès avec la définition d'un « SME bis ». Nous étions l'an dernier les seuls à préconiser une discipline de change pour les pays ne participant pas immédiatement au premier cercle. Aujourd'hui, ce projet est devenu réalité et il est soutenu par tous.

Nous soutenons par ailleurs sans hésitation l'idée d'un pacte de stabilité budgétaire entre les États du premier cercle après 1999. La dérive ou le laxisme éventuel de tel ou tel de nos partenaires une fois l'Union monétaire réalisée nous seraient en effet directement préjudiciable par la pression sur les taux d'intérêt qu'ils engendreraient.

Mais sur cette question de la politique économique en UEM, j'ai souhaité que nous allions plus loin dans la réflexion. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à nos partenaires la création d'un conseil de stabilité, instance informelle où seront notamment discutées les questions budgétaires et macro-économiques.

Si nous sommes si attentifs aux modalités du passage à l'euro, c'est que la France s'est mise en position de faire partie des États qui passeront à la troisième phase dès 1999. La monnaie unique sans la France n'était de toute façon pas envisageable.

Nous respectons d'ores et déjà tous les critères économiques du traité de Maastricht, qu'il s'agisse de l'inflation, des taux d'intérêt ou du taux de change. En ce qui concerne les critères de finances publiques, notre dette est inférieure au plafond et notre déficit, je l'ai dit, sera comme prévu de moins de 3 % du PIB l'an prochain.

Tous les acteurs économiques publics et privés sont par ailleurs déjà mobilisés pour préparer ce changement d'unité monétaire et je lancerai quant à moi très prochainement une vaste opération de communication destinée au grand public.

Le cadre économique général est donc sain. Qu'en est-il du secteur bancaire ? Mon sentiment est que son adaptation a été trop longtemps différée mais qu'elle est aujourd'hui bien engagée, ce qui devrait vous permettre d'aborder le XXIe siècle dans la sérénité.

Il est vrai que l'environnement économique dans lequel les banques ont évolué depuis le début de la décennie a été difficile.

La croissance de notre économie en premier lieu a été faible. Elle n'a guère été que de 1 % par an en moyenne depuis 1990 contre des taux moyens de plus de 3 % jusqu'au milieu des années 70.

Nous avons connu par ailleurs depuis maintenant plus de dix ans une phase de désendettement des acteurs économiques, accentuée par le mouvement durable de désinflation de notre économie.

L'évolution du crédit bancaire s'est directement et durement ressentie de ces évolutions. La demande de crédit s'est ralentie avant même de reculer depuis 1993. En 1995, ce recul a encore atteint 0,4 %.

Cette stagnation du cœur de l'activité bancaire s'est en outre accompagnée entre 1989 et 1994 d'une inversion de la courbe des taux qui a pesé sur la rentabilité. Personne ne le sait mieux que vous : lorsque les taux à court terme sont supérieurs aux taux à long terme, l'activité de transformation devient déficitaire.

Dans le même temps, les risques bancaires ont connu un essor sans précédent. Je pense bien entendu aux engagements sur certains pays en développement au cours des années 70 et 80, et à la terrible crise de l'immobilier des années 1990.

Le Crédit Agricole, moins engagé que d'autres sur ces créneaux, en a moins souffert. Il est en revanche exposé comme les autres banques à la fragilisation de notre tissu de petites et moyennes entreprises.

Les conditions dans lesquelles la plupart des banques ont fait face à ce contexte difficile n'ont pas toujours été optimales. L'appréciation des risques, en particulier, a été dans bien des cas défaillante. C'est pourquoi je crois qu'une réflexion de fond s'impose sur le contrôle interne dans les banques.

Par rapport à leurs homologues étrangers, les banques françaises ne se sont par ailleurs pas suffisamment engagées dans une politique de réduction des coûts. La part des frais généraux dans le produit net bancaire est encore aujourd'hui de 78 % en France contre 60 % à 70 % dans des pays comme l'Allemagne ou l'Angleterre.

Je sais combien il est difficile de réduire les coûts, je l'expérimente chaque jour dans les services de l'État. Pour autant, je crois qu'il n'est plus possible aujourd'hui, dans un contexte de mondialisation de l'économie, de vivre avec des surcoûts manifestes. En engageant les réformes le plus tôt possible, on en atténue le prix notamment en termes d'emploi.

Le dernier point que je souhaite évoquer est celui du prix des services bancaires. Il est clair que les pratiques de vente à perte et même celles de péréquation des tarifs sont coûteuses pour votre profession dans son ensemble.

Une prise de conscience collective s'impose ainsi probablement qu'une amélioration des outils internes de suivi des coûts.

L'activité bancaire, je l'ai dit, a diminué jusqu'en 1995. Le produit net bancaire, qui est votre véritable chiffre d'affaires, a été réduit de 8 points en 1994, cette baisse étant liée au recul du crédit et à la part toujours insuffisante des commissions dans votre activité.

Les coûts des banques restant excessifs, cette érosion de l'activité entraîne mécaniquement un recul des résultats. En 1994, le résultat global du secteur a été négatif avec une perte cumulée de 25 milliards de francs.

Dans ces conditions, la rentabilité du secteur bancaire reste insuffisante : très peu d'établissements peuvent afficher un taux de rentabilité de plus de 6 %, alors qu'au Royaume-Uni des taux de rentabilité de plus de 20 % sont courants. Cette situation est préoccupante, j'y reviendrai. Elle n'est toutefois par uniforme et certains établissements tirent mieux leur épingle du jeu.

Ainsi en va-t-il du Crédit Agricole qui, peu engagé dans l'immobilier et bénéficiant d'une solide assise auprès des petites et moyennes entreprises, bénéficie des fonds propres suffisants pour se développer, notamment par croissance externe. J'ajoute qu'en termes d'activité et de rentabilité, vos performances ont été ces dernières années supérieures à la moyenne nationale. C'est un point encourageant.

Plus généralement, le secteur bancaire me paraît avoir amorcé en 1995 un tournant que je considère comme salutaire. Le produit net bancaire global a finalement légèrement progressé (+ 3,7 %) et le secteur a réalisé un résultat positif (6 milliards de francs) grâce notamment à un recul des provisions et à une stabilisation des coûts.

Je dois dire que, de ce côté-là, les banques AFB ont été plus loin que le secteur mutualiste dont les charges de personnel sont encore en augmentation.

Cette amélioration globale recouvre toutefois de grandes disparités selon les établissements, et la rentabilité du secteur reste très insuffisante. Cela est préoccupant car les années qui viennent se traduiront par des besoins d'investissements très élevés à la fois pour faire face aux défis technologiques, au passage à l'euro, et pour résister à la concurrence internationale de plus en plus intense.

J'en suis convaincu, les banques qui compteront demain sont celles qui sont rentables aujourd'hui.

Dès mon arrivée, j'ai engagé un important travail de réflexion sur la situation du système bancaire. J'ai conscience de l'importance des réformes qu'il faut entreprendre notamment pour harmoniser les conditions de la concurrence. Beaucoup de chemin a déjà été parcouru.

L'État actionnaire joue un rôle important dans l'évolution du système bancaire, à travers le processus de privatisation engagé pour plusieurs établissements qu'il détient, directement ou indirectement.

Ceci est le cas aujourd'hui de la Société marseillaise de crédit et surtout du CIC, pour lequel l'État reste profondément attaché au maintien de l'identité et de l'intégrité de son réseau régional : j'ai eu l'occasion de le réaffirmer avec force, face aux interrogations qui se sont manifestées au cours des dernières semaines, notamment sur le CIC.

Ce sera également le cas pour le Crédit Lyonnais, qui prépare aujourd'hui un plan de redressement qui devra déboucher, à court délai, sur la privatisation de cette entreprise.

L'État, à travers ces opérations, certes difficiles et coûteuses, saura prendre ses responsabilités. Je suis néanmoins persuadé qu'elles sont indispensables et que, tout autant que les évolutions réglementaires que j'évoquerai plus loin, elles contribueront à façonner le paysage bancaire français de demain.

Je pense par ailleurs à la réforme du CEPME et son rapprochement avec Sofaris qui ont permis de créer une véritable banque de développement des PME intervenant désormais uniquement en cofinancement avec le reste des banques.

Je pense aussi à la création du prêt à taux zéro qui est un exemple réussi de banalisation que mon prédécesseur et moi-même ont vivement souhaité : 10 000 prêts à 0 % environ sont en effet distribués chaque mois. Cette aide, qui bénéficie à 80 % à des ménages dont le revenu est inférieur à 3 fois le SMIC, joue un rôle de soutien efficace du marché du logement.

Plus de 50 conventions ont été signées entre l'État et les établissements de crédit, qui ont pu accéder ainsi à un marché qui leur était jusque-là fermé. Je tiens à souligner ici combien le Crédit Agricole s'est impliqué rapidement et a répondu présent lorsqu'il s'est agi de distribuer ce nouvel instrument banalisé d'aide à l'accession sociale à la propriété. Vous êtes en effet aujourd'hui le premier distributeur de ce produit avec un tiers du marché.

L'instrument central de l'aide à l'accession est désormais clair et parfaitement identifié par les Français. Il s'inscrit totalement dans une logique de marché. Il n'y a plus de distorsions de concurrence.

J'ai noté aussi noté avec plaisir la part éminente prise par votre établissement dans la distribution de prêts sur ressources Codevi aux collectivités locales.

Ce dispositif de soutien conjoncturel à l'investissement sera, vous le savez, prolongé l'an prochain. Je ne doute pas qu'il permette aux collectivités emprunteuses de bénéficier des meilleures conditions de crédit possibles, reflétant la faible prime de risque existant sur les collectivités locales.

Je pense enfin à la création du livret jeune, distribué par tous les établissements, ou encore à l'élargissement des conditions d'accès au LEP ; j'y reviendrai.

Voilà ce qui a déjà été fait : cela n'est pas négligeable. J'ai l'intention maintenant de poursuivre nos efforts pour harmoniser les conditions de la concurrence.

L'amélioration de la rentabilité se heurte en effet à la coexistence sur un même marché d'acteurs aux statuts différents qui n'ont pas les mêmes contraintes de rémunération de leurs fonds propres et dont certains disposent encore de privilèges particuliers qui leur permettent de conforter leur position commerciale, leur marge et leurs profits.

J'ajoute que la concurrence internationale s'accommode mal d'un excès de cloisonnement dans les différents systèmes, et que la concurrence nationale peut aussi s'en trouver affectée. Il faut donc soupeser attentivement les conséquences du maintien de particularités fortes dans le système financier français.

Je crois, vous l'aurez compris, que la concurrence doit s'exercer loyalement et sans discrimination. Permettez-moi d'évoquer à cet égard devant vous quelques pistes d'avenir.

Vous m'avez fait part, monsieur le président, de votre accord pour étudier la question du dépôt des notaires. À l'heure où le Crédit Agricole fait de manière spectaculaire le choix de la concurrence et du marché, – vous avez parlé tout à l'heure de « banque universelle » – cette survivance n'est sans doute plus justifiée.

J'ajoute qu'une évolution de la réglementation sur ce point donnerait plus de poids encore aux demandes que vous avez formulées concernant la remise en cause d'autres privilèges. C'est pourquoi j'ai demandé à mes services d'engager la concertation avec l'ensemble des partenaires concernés pour mettre en place un système plus juste et plus conforme à l'intérêt général.
 
Vous m'avez par ailleurs interrogé sur l'avenir des livrets défiscalisés. Je tiens ici à souligner que la création du livret jeune a connu un vif succès, puisque la collecte a atteint 22 milliards de francs en 4 mois. Je suis heureux de constater que cette réussite a bénéficié à l'ensemble des établissements de crédit, en particulier au Crédit Agricole.

Peut-on maintenant aller plus loin ? En tout état de cause, si des assouplissements de la réglementation devaient être apportés, ils ne pourraient qu'être progressifs, afin de ne pas brutalement bouleverser les équilibres et de laisser le temps aux adaptations nécessaires.

Vous m'avez aussi indiqué, monsieur le président, votre souhait de voir baisser le taux de rémunération des plans d'épargne logement.

Je constate comme vous que ceux-ci ont enregistré une collecte importante, qui s'explique en grande partie par des transferts opérés depuis le livret A. L'encours de dépôts a ainsi augmenté de plus de 110 milliards de francs depuis le début de l'année. Notre préoccupation est maintenant de mobiliser cette épargne en faveur du logement.

La troisième question est celle du statut de certains établissements, en particulier les caisses d'épargne et les réseaux mutualistes.

En ce qui concerne le secteur mutualiste, je crois que le statut actuel est bon même s'il appelle un effort d'imagination pour organiser une forme de responsabilité devant les sociétaires. Les sociétaires des mutuelles doivent se sentir investis, en termes de contrôle, d'une mission comparable à celle des actionnaires des sociétés commerciales.

Concernant les caisses d'épargne, la réflexion est d'ores et déjà engagée sur leur adaptation tant au sein du réseau lui-même que par les pouvoirs publics. Mon souci est qu'elles agissent dans la clarté comptable et financière et qu'elles interviennent dans le domaine bancaire et financier en intégrant davantage la contrainte de rentabilité.

Nous devons enfin nous interroger sur le décret de 1937 qui régit l'organisation du travail des banques AFB et qui n'est à l'évidence plus adapté.

Ce texte est défavorable à l'emploi, source de distorsions de concurrence, et ne répond plus aux attentes des consommateurs qui ont des exigences légitimes quant à l'ouverture des guichets, le samedi matin par exemple. J'ajoute que ce décret n'est plus adapté aux exigences du monde moderne avec le développement de la banque électronique qui permet de s'affranchir pour une part de ces règles.


Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs, quelles sont mes convictions et mes engagements pour l'avenir de votre secteur.

Il n'est pas de véritable rétablissement sans une reprise de l'activité saine et durable. Je suis persuadé que les trois dernières années de ce siècle se traduiront par une croissance vigoureuse de l'économie française. Nous constatons déjà l'amorce de ce mouvement.

C'est une chance pour les banques françaises mais c'est aussi un défi. Les besoins de financement de notre économie sont immenses. Si votre secteur réussit son adaptation, il en sera le pourvoyeur principal. Dans le cas contraire, les banques françaises ne seront qu'un acteur parmi d'autres, à côté des banques étrangères et des financements désintermédiés.

Je suis confiant en votre capacité à réagir. Soyez en tout cas persuadé que vous serez encouragés et soutenus par la puissance publique dans cette tâche difficile.

Les voies d'un retour des banques françaises sur les chemins de la prospérité sont tracées. Notre responsabilité sur ce point est collective. C'est à vous d'adapter vos modes de gestion aux exigences de votre environnement ; c'est au gouvernement qu'il revient de façonner le cadre d'un épanouissement équitable et sans entrave de l'ensemble du secteur.

La France a bien tous les atouts pour réussir. Il faut nous extraire de nos interrogations trop souvent nostalgiques et aller de l'avant. Nous avons besoin de banques ardentes et prospères, aptes à répondre aux attentes financières de tous ceux qui investissent, capables de mobiliser les ressources, notamment l'épargne, dans les meilleures conditions de sécurité et de rentabilité.

Je me suis efforcé devant vous de dessiner notre horizon. Chacun doit prendre sa place et assurer sa mission avec confiance et détermination. Ensemble, nous tenons le cap de la croissance et de l'emploi.