Interview de M. Ladislas Poniatowski, porte parole de l'UDF, dans "Le Figaro" du 28 novembre 1996, sur l'aide financière à la presse écrite et sur la suppression de l'abattement fiscal de 30 % pour les journalistes.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

Le Figaro : Pourquoi considérez-vous comme une priorité le combat pour la presse écrite ?

Ladislas Poniatowski : J’ai pris complètement parti pour la presse. Comme cela fait partie des sujets que j'ai toujours suivis pour mon groupe, l'UDF, j'ai choisi d'intervenir sur la presse écrite et uniquement ce domaine. Il y a urgence.

La plupart des aides à la presse sont en baisse. Certaines de ces diminutions sont bonnes, d'autres ne reflètent pas un bon choix. L'aide à la presse à l'étranger va baisser de 50 %. C'est une diminution importante, et je crois qu'elle est tout à fait justifiée. En fait, la somme maintenue est largement suffisante par rapport aux besoins.

L'autre baisse que j'ai approuvée est celle relative au téléphone. Par contre, je pense qu'il aurait mieux valu baisser moins et tenir compte des nouvelles techniques de téléphone comme les portables. Les dépenses téléphoniques n'ont plus le même coût. France Télécom a fait de gros efforts ; les prix ont baissé, il est normal qu'il y ait une réduction de l'aide. Ce sont les deux baisses que j'ai soutenues parce qu'il fallait faire des économies.

Le Figaro : Que regrettez-vous ?

Ladislas Poniatowski : La suppression de l’abattement de 30 % plafonné à 50 000 francs des journalistes. J’ai dit au ministre du Budget que, plutôt que de provoquer un vrai problème politique et psychologique en annonçant brutalement la suppression de cet abattement, il aurait fallu négocier. C’est un problème de gouvernement. On ne discute pas assez et on ne négocie pas assez avant d’annoncer une mesure.

J’ai suggéré que l’on tienne aux journalistes ce propos : « vous avez, comme tous les Français, le devoir de contribuer à essayer de réduire les déficits, notamment celui de la Sécurité sociale. Votre abattement est plafonné à 50 000 francs, faites un effort et acceptez, dans un premier temps, de descendre à 40 000 francs avant de passer à une étape suivante de 30 000 francs ».
 
Il ne s'agissait pas de supprimer brutalement cet abattement mais de demander aux journalistes de faire un effort comme les autres. Cette proposition aurait été acceptée. C’était une solution homéopathique plutôt que chirurgicale.

Le gouvernement m'a répondu que dès lors qu'il avait fait le choix de rigueur en supprimant toutes les niches fiscales, c'est-à-dire tous les abattements, il ne pouvait déroger à ses propres choix.

Le Figaro : Que pensez-vous de la création d’un fonds de compensation destiné à amortir cette mesure ?

Ladislas Poniatowski : J’ai été surpris de la création du fonds de 50 millions de francs. Il semble que les représentants des journalistes, qui l'ont, dans un premier temps, acceptée, la repoussent désormais. Trop d'incertitudes planent sur sa constitution et sa future gestion.

L'argent devait être donné, en priorité, aux journaux, afin de leur permettre de compenser la perte de salaire due à la suppression de cet abattement. Mais la réalité risque d'être toute différente. Nul ne sait comment ce fonds, qui doit tenir compte de la disparité des situations, sera géré et utilisé.  Les grands éditorialistes parisiens et le petit correspondant local de « l'Eveil Normand » à Bernay appartiennent à deux mondes différents.

Le Figaro : D’autres menaces pèsent-elles sur la presse ?

Ladislas Poniatowski : Le fonds d’aide à la presse à faible recette publicitaire est en baisse de 15 %. J’ai proposé que cette baisse soit liée à des objectifs de modernisation, de routage ou de portage. La répartition de la diminution aurait dû être fonction de l'effort que font les journaux dans ces domaines. Cette diminution aurait dû s'appliquer de manière sélective et qualitative. Ce n'est toujours pas le cas.

Les quelques augmentations sont trop insuffisantes, notamment sur le portage. Nous avons dans ce domaine 5 à 10 ans de retard sur nos voisins. Nos chiffres sont affolants. Le fait que nous augmentions cette aide d'une quinzaine de millions est bien mais insuffisant, il faudrait prendre une décision pluriannuelle.

Néanmoins, le fonds multimédia de 20 millions de francs est aussi une bonne chose. C'est un tout petit début.

Le Figaro : Comment sortir de cette spirale ?

Ladislas Poniatowski : Je propose que l'on fasse passer le prélèvement de 0,5 % sur le revenu publicitaire net des chaînes de télévision à 1,5 % pour le redistribuer à la presse écrite quotidienne d'information.

Je me suis basé sur les chiffres 95/96 de la publicité qui sont catastrophiques pour la presse. 97 sera une mauvaise année. La presse quotidienne nationale perd 10 à 15 % et la presse quotidienne régionale 5 % alors que les recettes de la télévision sont bonnes. L'évolution est dramatique. L'accueil a été négatif, mais je n'abandonne pas.

Les libéraux n'ont pas le droit de fermer les yeux. Un libéral doit veiller à ce que toutes les opinions puissent être représentées dans tous les types de presse.

Dans le domaine de l'information, nous devons veiller à ce qu'il n'y ait pas un trop grand nombre de titres qui meurent ou qui disparaissent. C'est la raison pour laquelle il faut continuer à être très vigilant sur l’évolution du marché publicitaire pour permettre à toutes les presses de vivre.