Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à TF1 le 14 novembre 1999, sur la défense de la souveraineté nationale, la préparation des prochaines échéances électorales, l'affaire Strauss-Kahn et le PACS.

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Média : Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

Ruth Elkrief. - Bonsoir à tous et merci d’être fidèles à « 19 : 00 dimanche ». Ce soir, Charles Pasqua est notre invité. Il prépare avec Philippe de Villiers le congrès fondateur du RPF, le Rassemblement pour la France. Quel sera son programme, qui peut y adhérer, à quoi servira ce nouveau parti ? Nous en parlerons avec Charles Pasqua qui commentera à cette occasion un premier reportage sur l’hémorragie des élus du Mouvement national républicain de Bruno Mégret. Nous évoquerons aussi le regard que peut porter l’opposition aujourd’hui sur les problèmes de société à travers un portrait de Philippe Meynard, un conseiller municipal du PACS. Enfin, « 19 : 00 dimanche » vous dira tout sur le nouveau couple royal jordanien, symbole de modernité. A l’occasion de leur visite officielle en France demain, le roi Abdallah et son épouse Rania ont accepté de partager avec notre équipe un moment de leur vie familiale. Mais tout de suite, c’est notre premier rendez-vous, « Les gens de la semaine », préparé par Gille Bouleau.

Agenda de la semaine

Ruth Elkrief. - Voilà. Merci Charles Pasqua d'être avec nous. On découvrait ces images ensemble ; je vous ai vu sourire sur le duo de la cohabitation. Vous êtes le président du RPF, le Rassemblement pour la France, qui va organiser son congrès fondateur la semaine prochaine. Vous aviez créé la surprise aux Européennes avec plus de 13 % de score. Je vais évidemment parler avec vous de ce parti mais un mot d'actualité car vous avez été ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Il y a 27 morts dans ces inondations catastrophiques dans le sud de la France. J'ai envie de dire tout simplement : c'est la faute à qui ? Quand on sait par exemple que Dominique Voynet, la ministre de l'environnement, a dit : parfois, les élus locaux oublient certaines règles et on se retrouve dans certaines difficultés. On oublie par exemple les règles de constructibilité sur des terrains difficiles… après des catastrophes, on oublie.

Charles Pasqua. - Au lendemain d'une catastrophe comme celle-là, je crois qu'il ne faut pas se laisser aller à la polémique ni à la recherche de boucs-émissaires. La première des choses, il faut adresser un message de sympathie aux victimes et à leur famille et puis il faut surtout un mot également de reconnaissance - le Président de la République l’a fait, le ministre de l'intérieur aussi - envers les sauveteurs. Il faut que maintenant le gouvernement prenne un certain nombre de mesures. Il ne suffit pas de déclarer l'état de catastrophe naturelle parce que tout ça sera très long ; il faut débloquer tout de suite des fonds importants pour rétablir les voies de communication, mais enfin je pense que Jean-Pierre Chevènement sait tout cela aussi bien que moi ; il faut convaincre le gouvernement de débloquer ces fonds très vite. Pour le reste, il est certain que la tendance non seulement dans cette région mais dans beaucoup d'autres, c'est de considérer que les risques sont limités ; lorsqu'on parle de crise centenaire ou cinquantenaire… malheureusement, les éléments décident par eux-mêmes quand ils se déchaînent. Alors je crois que le moment venu, il faudra certainement réfléchir à tous ces problèmes.

Ruth Elkrief. - Alors on le sait, votre carte d'identité politique est souverainiste et dans la charte du RDF, le Rassemblement pour la France, vous dites : il faut rendre à la France sa souveraineté et aux Français leur fierté nationale. Évidemment il y a ce débat sur le bœuf, l'embargo du bœuf et là-dessus, le gouvernement français résiste…

Charles Pasqua. - Ça, c'est un bel exemple…

Ruth Elkrief. - Alors peut-être qu’on prend des risques… on va peut-être être sanctionné par la commission de Bruxelles. Alors vous êtes satisfaits, vous Charles Pasqua, le souverainiste. Vous dites au gouvernement et au Président de la République : bravo, c'est comme ça qu'il faut faire ?

Charles Pasqua. - Oui, tout à fait. Je dis non seulement « c'est comme ça qu'il faut faire » mais je dis aussi aux Français que c'est un bel exemple. Lorsqu'on est confronté d'une part à une logique commerciale qui est celle des Britanniques qui veulent vendre leurs produits et que dans le même temps le gouvernement français, lui, a des responsabilités propres qui sont celles des précautions en matière sanitaire et de défense de la santé publique, que fait le gouvernement français dans ce cas ? Est-ce qu'il s'en remet à la commission de Bruxelles ? Non. Parce que c'est la vie des gens qui est en cause, il décide par lui-même et il dit : je n'accepte pas tant qu’un certains nombre de conditions ne seront pas réunies. La souveraineté nationale, c'est le pouvoir de dire non.

Ruth Elkrief. - Et ce n'est pas le risque d'être isolé, ça ne vous inquiète pas par exemple si la semaine prochaine, les Belges considèrent que notre fromage n'est pas assez sain, les Anglais disent déjà qu'ils ne veulent plus notre Beaujolais. Ce n'est pas risqué cette façon de voir ?

Charles Pasqua. - Mais le problème n'est pas là. Y a-t-il un risque pour la santé publique, oui ou non ? Le gouvernement français répond oui. S’il y a un risque pour la santé publique, nous ne devons pas l’assumer. Nous devons prendre au contraire les mesures nécessaires pour garantir la santé des Français. Je pense que Monsieur Jospin se souvient d'une autre affaire et des propos qui avaient été tenus à l'époque : responsable mais pas coupable.

Ruth Elkrief. - Vous parlez de l'affaire du sang contaminé…

Charles Pasqua. - Il vaut mieux prendre les dispositions nécessaires.

Ruth Elkrief. - Mais Charles Pasqua, on a l'impression que vous, vous avez envie de résister par principe. Par principe, résister à la commission de Bruxelles, par principe résister à l'Organisation mondiale du commerce qui se réunit donc à Seattle ; et vous dites « il ne faut pas y participer, on va se faire avoir ». Est-ce que ce n'est pas un peu paranoïaque ?

Charles Pasqua. - Non, non, non, je n'ai pas dit « il ne faut pas y participer »…

Ruth Elkrief. - Si, vous avez signé une tribune dans Le Monde pour dire : il ne faut pas aller aux négociations de l'Organisation mondiale du commerce.

Charles Pasqua. - Mais pourquoi ? J'ai expliqué pourquoi ; autrement si on se contente de dire que j'ai conseillé au Premier ministre ou au Président de la République de prendre leurs cliques et leurs claques dès l’ouverture et de s'en aller, on va dire que effectivement « il est un peu parano ». Ce n'est pas ça du tout. Je veux dire par-là que l'Organisation mondiale du commerce se réunit à la demande et sur les suggestions de qui ?

Ruth Elkrief. - Des Américains.

Charles Pasqua. - Des Américains et de Bill Clinton. Avec un ordre du jour fixé par qui ? Par Bill Clinton. J'ai dit au Parlement européen, j'ai lu… j'ai comparé les deux textes, le texte de la commission et le texte de Bill Clinton. Ce sont exactement les mêmes textes. Alors ce que je constate, c'est un certain nombre de choses. Premièrement ce qu'on a appelé le GATT, c'est-à-dire les accords de Marrakech, pour le moment il n'y a aucun bilan. On nous dit : mais le développement du commerce mondial, le développement du libre-échangisme a permis le décollement d'un certain nombre de pays et une bonne répartition de la richesse. Totalement faux. Les pays pauvres ont perdu 50 % de leurs possibilités et les pays riches ont augmenté les leurs.

Ruth Elkrief. - Oui, Charles Pasqua, mais nous, on est où, les Français là ? On en a profité ou pas ?

Charles Pasqua. - Oui, on est dans les pays riches. Oui et alors ?! Et vous croyez que ça va durer ?! Vous croyez qu'on peut conduire une politique… mais la France, dans son ensemble, en ont profité ; mais est-ce que les Français en ont profité ? Quelle est la situation actuelle de la France ? Si on regarde et si on compare ce qui peut être comparé, à l'heure actuelle, nous constatons que la précarité augmente. Il n'y a jamais eu autant de précarité dans ce pays. Un Français sur quatre n'a pas de situation définitive et vit dans un état de précarité ; soit il est au chômage, soit il est en contrat à durée déterminée…

Ruth Elkrief. - Charles Pasqua, vous êtes d'accord sur le fait que le chômage baisse et que le moral des Français s'améliore et ce malgré peut-être cette Europe qui progresse et qui vous inquiète.

Charles Pasqua. - Non, non, je ne suis pas inquiet…

Ruth Elkrief. - Est-ce que vous ne jouez pas un peu les Cassandre là-dessus ?

Charles Pasqua. - Pas du tout. Je ne suis pas du tout inquiet par cette Europe qui progresse. Ce n'est pas l'Europe qui progresse, ce sont les échanges internationaux. L'Europe n’y est pas pour grand-chose. La réalité, c'est que de même que l'écart s’accroît entre les pays riches et les pays pauvres, dans notre pays, les inégalités se creusent également.

Ruth Elkrief. - Et ça, c'est de la faute de la mondialisation pour vous.

Charles Pasqua. - Je crois qu'en tout les cas, c'est le résultat du libre-échangisme qu'on laisse développer sans aucun contrôle.

Ruth Elkrief. - Je le disais, les Européennes, ça vous a dopé, votre liste a créé la surprise. Il y en a d'autres au contraire qui ont vécu une terrible épreuve, c'est le cas du Mouvement national de Bruno Mégret créé en janvier 99 et qui a obtenu 3,26 % aux Européennes. Alors depuis cette déroute, les élus et certains cadres sont saisis par le doute. Regarder ce reportage dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur réalisé par Philippe Levasseur et Stéphane Lebrun.

Philippe Levasseur. - Cet hôtel de ville devait être le tremplin de sa carrière politique. Depuis, la déroute des Européennes a terrassé les ambitions nationales de Bruno Mégret. Vitrolles, terre offerte à son épouse, est aujourd'hui son ultime havre de paix. En recueillant moins de 5% des suffrages aux élections Européennes, Bruno Mégret a été privé du remboursement de ses frais de campagne. Rigueur oblige, le siège du parti n'héberge plus que cinq salariés. Le leader du MNR peine à faire passer son message pour la présentation à la presse de sa campagne contre l'immigration ; seuls trois journalistes répondent à l'appel. Bruno Mégret doit ordonner aux membres de son équipe de combler les places vides.

Très concrètement, combien de journalistes étaient assis dans la salle ?

Séverine Souville, attachée de presse du MNR. - Très concrètement, il y en avait huit.

Philippe Levasseur. - De Paris à Marseille, l'équilibre des comptes alimente toutes les conversations. 2 millions de francs manquent dans les caisses et les cadres n’en finissent pas de solliciter le porte-monnaie des militants. Le président du MNR a perdu son indemnité de député européen. Diplômé des Ponts-et-Chaussées, il attend un poste de fonctionnaire au ministère de l’équipement, sous la tutelle du communiste Jean-Claude Gayssot. À mi-temps, il mène sa nouvelle campagne : Bruno Mégret brigue la mairie de Marseille en 2001. Sentant le bateau tanguer, six élus du parti parmi lesquels son premier trésorier, ont rendu leur carte. Ancien du FN aujourd'hui dissidents du MNR, tous cherchent de nouveaux alliés. Jean-Christian Tarelli a choisi de se tourner vers le Rassemblement pour la France.

Jean-Christian Tarelli, premier adjoint à la mairie de Marignane, dissident du MNR. - On ne m'a jamais fermé la porte parce que je venais du FN ou du MN et on m'a dit même qu'on souhaitait recruter des gens comme moi qui étaient porteurs d'un message de droite… de droite disons intransigeante.

Philippe Levasseur. - À défaut de nationaliste, il a trouvé en Charles Pasqua un authentique défenseur de la souveraineté nationale.

Jean-Christian Tarelli. - Être nationaliste, c'est quelque chose qui disons produit un mauvais effet ou confère une étiquette qui n'est pas respectable. Soyons sérieux, le souverainisme, ça veut dire strictement la même chose…

Philippe Levasseur. - En quittant les bancs du MNR, Jean-Christian Tarelli bouleverse la donne au conseil régional. Sans lui, les mégrétistes ne sont plus assez nombreux pour constituer un groupe politique. Ce 29 octobre octobre à l'hôtel de région, le MNR perd son bureau, trois employés et 500 000 francs par an de frais de fonctionnement. Dans l'hémicycle, Jean-Christian Tarelli s’apprête à quitter les rangs de l’extrême-droite. Ses anciens amis du Front national tentent une ultime approche. A la faveur de ces scissions, les frontières à droite se font plus floues. En rejoignant le Rassemblement pour la France, Jean-Christian Tarelli est le premier à franchir le Rubicon. Les autres transfuges de l’extrême-droite n’attendent qu'un signe pour s'engager eux aussi dans de nouvelles alliances.

Ruth Elkrief. - Alors Charles Pasqua, vous leur dites à ces gens du MNR ou du Front national : venez chez nous, le RPF, ça peut servir aussi à recycler l’extrême-droite ?

Charles Pasqua. - Je crois d'abord que quand on est un rassemblement, il faut être ouvert, premièrement ; deuxièmement, si les gens veulent venir chez nous, il faut qu'ils s'engagent sur nos principes et pas sur ceux qu'ils ont pu soutenir ou défendre autrefois. Nous sommes un mouvement qui est profondément attaché non seulement à la souveraineté nationale mais aux valeurs de la République. Donc il faut que les choses soient claires.

Ruth Elkrief. - Mais comment vous vérifiez ça ? Vous leur dites : vous laissez vos idées extrémistes au vestiaire avant d'entrer chez nous ? Comment ça se passe ?

Charles Pasqua. - En ce qui nous concerne, je dirais que nous ne sommes pas tellement intéressés par accueillir des élus. Voilà. Je crois que notre message s'adresse aux citoyens beaucoup plus qu'aux élus et notamment à ceux qui cherchent des canots de sauvetage. Voilà. C'est leur problème.

Ruth Elkrief. - Vous les découragez alors ?

Charles Pasqua. - Je ne les décourage pas ; s'ils sont sincères, nous verrons bien ; mais il faudrait d'abord qu'ils apportent la preuve de leur…

Ruth Elkrief. - De leur mise à jour idéologique.

Charles Pasqua. - Exactement.

Ruth Elkrief. - Il ne va pas y avoir un problème de cohérence idéologique justement ? Parce que je vois, votre candidat pour l'élection législative dans le 20e arrondissement de Paris, c'est Jean-Louis Arajol. Alors lui, c'est un ancien syndicaliste policier et il était de gauche. Donc il vient de la gauche et aujourd'hui il est pasquaïen, il est RPF… Ça ne va pas être l'auberge espagnole, le RPF ? Tout le monde va venir de tous les côtés… Enfin, ça ne vous fait pas peur, ça ?

Charles Pasqua. - Non, pas du tout. D'abord parce que je pense que, peut-être suis-je prétentieux, mais je crois que je suis capable de fédérer tout ça. Deuxièmement, vous savez, si vous aviez connu le mouvement gaulliste autrefois, quand vous aviez d'un côté Michel Debré et de l’autre Capitan, vous croyez que ce n'était pas épique quelquefois ?!

Ruth Elkrief. - C'est vous, de Gaulle alors…

Charles Pasqua. - Non, pas du tout.

Ruth Elkrief. - Charles Pasqua, vous êtes le gaullisme ?

Charles Pasqua. - Non, je dis simplement que nous devons être capable d'accueillir des gens de gauche qui sont réellement attachés à la souveraineté nationale même si la grande majorité de nos sympathisants et de nos électeurs sont des gens de droite ; mais la vocation du rassemblement, c'est d’être ouvert, c'est d'être large et donc c'est accueillir tous ceux qui se reconnaissent en nous. Ce n'est pas moi qui me reconnaît en eux ; ce sont eux qui se reconnaissent en nous. Quant à Arajol, je trouve qu'il est très bien, moi. C'est vrai qu'il est un syndicaliste, c'est vrai qu'il a eu un parcours de militant syndicaliste et même de militant politique de gauche ; eh bien tant mieux ! Il a trouvé son chemin de Damas, je trouve ça parfait ! Donc nous présentons Arajol à Paris ; il va y avoir une élection cantonale à Bordeaux puisqu'il paraît qu'à Bordeaux, tous les partis politiques sont décidés à ne pas aller à la bataille sous leurs couleurs ; nous, nous allons présenter quelqu'un. Nous allons présenter un professeur de médecine qui s'appelle Alain Haudebert qui sera candidat aux cantonales au cœur de Bordeaux.

Ruth Elkrief. - Je reviens un instant sur cette élection législative à Paris. Votre objectif, c'est quoi ? C'est de devancer le candidat de l'opposition officielle finalement, c'est d’être devant et de vous substituer à l'opposition en quelque sorte.

Charles Pasqua. - Si on le peut, oui, mais il y a un premier objectif ; nous sommes un mouvement politique nouveau, jeune, il faut nous affirmer et pour cela, chaque fois que cela est possible, il nous faut aller à la bataille sous nos couleurs. Je n'ai pas créé un parti politique, moi ; nous avons créé un rassemblement et nous avons créé un rassemblement, ce n'est pas pour avoir un strapontin dans une salle où se réunissent les partis de l’opposition, ça c'est leur problème, ce n'est pas le mien ; autrement j'étais dans un parti, je n'avais qu’à y rester ; ce n'est pas ça notre ambition.

Ruth Elkrief. - Vous n'allez pas y retourner par hasard ?

Charles Pasqua. - Certainement pas. Notre ambition, c'est réellement incarner l'alternance ou plutôt l'alternative parce que de toute manière, ces messieurs sont pratiquement d'accord sur tout ; d'ailleurs il n'y a de débat sur rien au Parlement.

Ruth Elkrief. - Ça veut dire que le RPF pourrait prendre la place du RPR - vous m'avez expliqué que finalement c'était vous un petit peu le dernier gaulliste - et vous, vous pourriez prendre la place de Jacques Chirac, c'est ça ? C'est-à-dire être candidat à la présidentielle et aller jusqu'au bout ?

Charles Pasqua . - Candidat à la présidentielle, nous verrons bien. Mais pour le moment, il s’agit pour nous de nous implanter, de nous développer, d’accueillir toutes celles et tous ceux qui veulent nous rejoindre - nous avons créé un espoir dans le pays, c’est indiscutable - il y a un courant de sympathie, eh bien tout ça doit s’organiser. Et pour que ça s’organise, il faut bien que tout le monde soit conscient que notre ambition, ce n’est pas d’entrer dans un tas de négociations, de combines politiciennes. Ça ne nous intéresse pas, nous irons à la bataille, sous nos couleurs.

Ruth Elkrief. - Vous irez aux municipales à Paris contre Jean Tiberi ?

Charles Pasqua. - Nous irons aux élections municipales partout sous nos couleurs.

Ruth Elkrief. - Donc vous aurez un candidat contre Jean Tiberi aussi.

Charles Pasqua. - Nous aurons un candidat, pas forcément contre Jean Tiberi, nous aurons un candidat…

Ruth Elkrief. - Si c’est lui qui est candidat.

Charles Pasqua. - Nous verrons bien.

Ruth Elkrief. - Vous avez dit sur l’élection au RPR que celui qui tire les ficelles, le véritable président du RPR, c’est à l’Elysée qu’il se trouve ; ça veut dire que vous pensez que Jean-Paul Delevoye ou Michèle Alliot-Marie qui a l’air d’avoir la cote, ils n’ont pas d’autonomie, ils n’ont pas d’existence propre ?

Charles Pasqua. - C'est un secret de Polichinelle ! Je ne doute pas du tout de leur souhait de disposer d'une certaine autonomie mais ils n'auront pas plus d’autonomie qu’en en a eu Seguin, c'est une des raisons pour lesquelles il est parti. Moi je suis parti bien avant pour des raisons de fond et pas seulement pour des raisons tactiques. Je suis parti lorsque j'ai vu les dirigeants du mouvement gaulliste, mouvement dont la défense de la souveraineté nationale devrait être la priorité, sur le traité d’Amsterdam, c'est à dire sur de nouveaux abandons de souveraineté… accepter cela sans que le peuple français soit consulté. Pour moi, ça, c'était inacceptable.

Ruth Elkrief. - On va se retrouver dans un instant, Charles Pasqua, bien sûr, pour parler du reste des questions, des questions de société et de ce qu’est le RPF. À tout de suite.

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Ruth Elkrief. - On se retrouve, Charles Pasqua, merci d'être sur ce plateau. On parlait à l'instant des raisons qui vous ont poussé à quitter le RPR, vous disiez des raisons de fond, mais il n'y a pas aussi des raisons personnelles à un moment donné ? On dit que vous avez été peut-être un petit peu blessé parfois que Jacques Chirac ne vous montre pas autant de considération que vous le méritiez ? Est-ce qu'il n'y a pas des blessures personnelles derrière des actes politiques aussi ?

Charles Pasqua. - Pas du tout, pas du tout. J'ai toujours de l'amitié pour Jacques Chirac, il en a pour moi, le problème n'est pas là. C'est une question de fond. Comment peut-on accepter quand on a fait ce que j'ai fait - je n'ai rien fait d'extraordinaire mais enfin j'ai fait quand même un certain nombre de choses - je me suis engagé très jeune dans la guerre derrière le général De Gaulle et j'ai toujours été fidèle aux principes qu'il incarnait. Comment pourrais-je accepter que le mouvement que j'ai contribué à recréer avec Jacques Chirac, sur des problèmes essentiels comme celui de la souveraineté nationale, décide un abandon et de surcroît sans consulter les Français.

Ruth Elkrief. - Donc si Jacques Chirac avait décidé de vous demander plus de conseils, ça n'aurait rien changé.

Charles Pasqua. - Non, rien du tout. Mais je l'ai vu auparavant, je l'ai vu ! Nous nous sommes entretenus, je lui ai écrit, on s'est parlé par téléphone etc.

Ruth Elkrief. - Et maintenant, vous lui parlez ?

Charles Pasqua. - Oui, bien sûr. Je lui ai dit que de toute façon, s'il n'y avait pas de référendum, je m'arrangerai pour que les élections européennes soient un référendum. Ce que j'ai fait. Et aujourd'hui je vous dis ceci, comme ça je prends date à l’avance : l'année prochaine, il y aura une première échéance, la CIG, c'est à dire la conférence inter-gouvernementale sur l'organisation de l’Europe ; et dans le même temps, il y a le débat qui s'engage à Seattle pour l’OMC.

Ruth Elkrief. - L'Organisation mondiale du commerce

Charles Pasqua. - Oui. Naturellement, une fois de plus, la gauche et la droite n'ont pas l'intention d'informer les Français. Il n'y aura aucun débat, ni au Parlement ni ailleurs. Et bien l'année prochaine, je ferai le tour de France pour organiser un débat pour dire aux Français ce qui se passe.

Ruth Elkrief. - Et vous demandez un référendum ou vous demandez une consultation d'une façon ou d'une autre ?

Charles Pasqua. - Bien entendu. Comment pourrait-on imaginer une nouvelle fois une organisation de l'Europe dans le dos des citoyens ? Tout ça est une affaire de technocrates et de politiciens. Non, ça concerne les Français.

Ruth Elkrief. - Parlons de la justice parce qu’évidemment il y a le climat des affaires qui a dégradé, on l'a vu aussi, la cohabitation. Votre charte dit : il faut lutter contre la désastreuse dérive du pouvoir judiciaire. Charles Pasqua, ça veut dire que vous seriez d'accord avec Jean-Pierre Chevènement qui était notre invité la semaine dernière et qui disait : Dominique Strauss-Kahn n'aurait pas dû démissionner parce que c'était céder à la pression médiatique et judiciaire ?

Charles Pasqua. - Attendez, ne mélangeons pas tout. Il y a le problème de la justice et de la volonté d’un certain nombre de juges de transformer l'autorité judiciaire en pouvoir judiciaire. C'est-à-dire au travers d'un certain nombre de décisions, en définitive, peser sur l’avis des Français et mettre en cause les décisions du suffrage universel. Ça ce n'est pas acceptable, premièrement.

Ruth Elkrief. - Donc vous pensez que Dominique Strauss-Kahn n'aurait pas dû démissionner pour ne pas céder à cela ?

Charles Pasqua. - Attendez, attendez, ne personnalisons pas. Premièrement, je crois que pour lutter contre cela, moi je suis assez d'avis de promouvoir une réforme de simple qui consiste à confier l'instruction au procureur de la République et qu'il y ait donc ensuite un débat contradictoire et qu'il y ait un juge qui intervienne à l'issue de ce débat qui lui aura permis de se faire une opinion en fonction de ce débat contradictoire et il décidera à ce moment-là, après ce débat. Alors qu'à l'heure actuelle, le juge instruit, se fait une opinion et décide. C'est un peu excessif.

Ruth Elkrief. - Charles Pasqua, vous n'avez pas répondu sur la démission…

Charles Pasqua. - Oui, alors Dominique Strauss-Kahn, c'est une décision personnelle, il n'y a que lui…

Ruth Elkrief. - Vous auriez fait pareil ?

Charles Pasqua. - Je ne sais pas. Il n'y a que lui qui sait pourquoi il a démissionné, donc personne ne peut répondre à sa place. Mais si vous me demandez si je suis content qu'il ait quitté le gouvernement, je vous réponds oui.

Ruth Elkrief. - Ça c'est de la politique politicienne, vous permettez !

Charles Pasqua. - Non, ce n'est pas de la politique politicienne, c'est parce que je reproche à ce gouvernement… vous savez, moi je suis assez clair dans mes démarches et dans mes attitudes ; je reproche à ce gouvernement un certain nombre d'abandons et notamment ce qu'ils ont fait dans le domaine de l'aérospatiale où on a bradé un outil qui représentait 20 ans d'efforts de notre peuple, avec une avance technologique considérable, on l'a finalement remis à MATRA et ensuite on l'a cédé aux Allemands.

Ruth Elkrief. - Donc par exemple pour revenir en un mot aux affaires et à la justice, vous ne diriez pas que Jean Tiberi qui est mis en examen devrait suivre l'exemple de Dominique Strauss-Kahn, puisque c'est ce qui se dit, c’est ce qu'on lit.

Charles Pasqua. - Ça, chacun se déterminent en fonction de ce qu'il pense lui même. Non, non, chacun doit se déterminer. Il ne suffit pas d' être mis en examen pour être coupable. Maintenant, nous avons franchi une nouvelle étape, c'est-à-dire qu'on se sent coupable avant même d'être mis en examen. Bon, je crois qu'il faut les choses soient claires : il faut que puisque de toute façon la présomption d'innocence a été remplacée par la présomption de culpabilité, que le secret de l'instruction s'est transformé en publicité de l'instruction, il faut modifier les structures et procédures.

Ruth Elkrief. - Vous n'avez pas répondu sur les cas précis qui sont plus compliqués.

Charles Pasqua. - Chacun se détermine comme il l’entend.

Ruth Elkrief. - Charles Pasqua, je voudrais revenir justement sur une affaire, c'était l’affaire du conseil général de l'Essonne. Il y a eu le procès, Xavier Dugoin s'est exprimé et à ce moment-là, il y a eu deux collaborateurs - vous êtes président du conseil général des Hauts-de-Seine - et deux de vos collaborateurs ont été condamnés pour avoir occupé des emplois fictifs au conseil général de l’Essonne.

Charles Pasqua. - Attendez, attendez, premièrement un n'est pas mon collaborateur…

Ruth Elkrief. - Bruno Telenne alias Basile de Koch écrivait vos discours…

Charles Pasqua. - Oui, avant de partir dans l’Essonne.

Ruth Elkrief. - Tout à fait.

Charles Pasqua. - Quand il est parti dans l'Essonne, par essence même il ne travaillait plus pour moi.

Ruth Elkrief. - Donc vous ne saviez pas ?

Charles Pasqua. - Il a cessé de travailler pour moi, il est parti dans l'Essonne comme il aurait pu partir ailleurs. Point final.

Ruth Elkrief. - Parce que Xavier Dugoin parle de système croisé de financement entre collectivités RPR, la mairie de Paris et le conseil général de l'Essonne et alors… j’allais vous poser la question, est-ce que c'est aussi un système de financement croisé conseil général des Hauts-de-Seine, conseil général de l’Essonne ?

Charles Pasqua. - La réponse est non. Niet en russe ou no en anglais, comme vous voulez.

Ruth Elkrief. - Vous n'êtes au courant de rien.

Charles Pasqua. - Au courant de quoi ?

Ruth Elkrief. - Eh bien quand ils vont occuper ces emplois fictifs, vous ne savez rien.

Charles Pasqua. - Non. Quelqu'un travaille à mon cabinet. Il décide de me quitter ou je décide de m'en séparer ; il est libre d'aller où il veut. On connaît ses qualités, il a travaillé aussi pour Giscard, il a travaillé pour Barre, il a travaillé pour un certain nombre de gens, il a travaillé pour « PONIA », il a travaillé pour moi, ça ne veut pas dire pour autant qu'il était condamné à être mon bras droit jusqu'à la fin de ses jours !

Ruth Elkrief. - Mais Charles Pasqua…

Charles Pasqua. - Quant à l'autre, il n'est pas mon collaborateur, il est vice-président du conseil général et il était président du comité de soutien à Jacques Chirac, donc il ne travaillait pas particulièrement pour moi ou alors c'est que vraiment il y a des choses qui m’échappent.

Ruth Elkrief. - Charles Pasqua, vous connaissez la vie politique par cœur depuis des années, vous connaissez un certain nombre de fonctionnements. Vous ne saviez pas ce qui se passait dans ce domaine-là ?

Charles Pasqua. - Dans le département de l’Essonne ?

Ruth Elkrief. - Oui.

Charles Pasqua. - Je n'avais aucune raison de le savoir. Moi, je ne me fie pas trop aux « on dit »… tout ça ne veut rien dire. Là, c'est une affaire qui est traitée par la justice, eh bien quelle la traite.

Ruth Elkrief. - Et quand on parle des emplois fictifs mairie de Paris - RPR, ça non plus vous n’êtes pas au courant ?

Charles Pasqua. - Premièrement je n'avais pas à l'être étant donné que je n'ai pas occupé de fonction au RPR de 1979 à 1997, bon, et que je ne me suis jamais occupée ni de finances ni d’organisation de ce type, donc je n'avais pas à l'être. Voilà.

Ruth Elkrief. - Même en tant que responsable politique, vous ne saviez pas ce qui se passait.

Charles Pasqua. - La direction d'un parti politique, ce n'est pas un soviet… non, chacun a des responsabilités, il y a des directeurs administratifs, il y a… bon, c'est leur boulot, il y a un secrétaire général…

Ruth Elkrief. -Parlons des questions de société parce que vous avez dans votre charte aussi, vous prenez des positions sur la société ; le PACS a été validé par le conseil constitutionnel cette semaine…

Charles Pasqua. - Oui, ça ne m'a pas échappé.

Ruth Elkrief. - Et c'est plutôt un camouflet pour l'opposition qui avait bataillé sur cette question. Ça veut dire qu'à droite, on ne comprend rien à ces questions-là ?

Charles Pasqua. - Moi je ne raisonne pas du tout comme ça parce que je considère que le PACS comme un certain nombre d'autres sujets, touche directement à la conscience de chacun. Je ne suis pas certain qu'il soit indispensable de légiférer pour régler ces problèmes. En tous les cas, on aurait pu les régler différemment. Quant à moi, compte tenu de ce que je suis, compte tenu de ma vie, chacun comprendra que je n'étais pas favorable au PACS et je ne le suis pas davantage aujourd’hui.

Ruth Elkrief. - Mais vous dites : il ne faut pas être politiquement correct. Votre charte, c'est : soyez politiquement incorrect. Mais en ce qui concerne les questions de société, vous êtes très très prévisible, c'est mariage, famille, patrie.

Charles Pasqua. - Je crois que le mariage est un des éléments fondamentaux de la société et de la nation. Je comprends très bien que des jeunes aient une autre attitude. Ce que je constate d'ailleurs, c'est que dans les attendus, dans les « considérant » du conseil constitutionnel, si on les lit très attentivement, il ressort de ces « considérant » que le PACS en réalité est un substitut du mariage puisque notamment pour les couples homosexuels, on exige une vie de couple. Donc les choses sont claires.

Ruth Elkrief. - Mais vous ne craignez pas d'être déconnecté d'une partie de la société quand vous avez ce discours ?

Charles Pasqua. - Mais pourquoi voulez-vous que je change d'avis parce que la mode a changé ? Moi je ne change pas d’avis ! Je me déterminé en fonction de ce que je crois. Et voilà, c'est tout. Que d'autres pensent différemment, c'est leur problème, ce n'est pas le mien. Mais je vous dis, je ne donne de leçon à personne ; il s'agit d'organiser sa vie, c'est un problème de vie individuel, chacun fait comme il le veut. Moi j'avais trouvé que sur ce problème soulevé par le PACS, le texte du Sénat était bien meilleur. Il permettait de résoudre les problèmes matériels sans se lancer dans ce système qui d'ailleurs, je le crois, donnera moins de satisfaction qu'ils n’imaginent, à ceux qui se préparent à l’utiliser.

Ruth Elkrief. - Alors on va regarder un reportage tout de suite sur Philippe Meynard qui est un jeune conseiller municipal UDF et qui a révéler son homosexualité en pleine discussion du PACS. Il était d'ailleurs parmi les jeunes UDF qui ont mené une fronde anti-Boutin. Regardez ce reportage de Claire Auberger.

Claire Auberger. - De son village du Sud-Ouest aux plateaux de télévision parisiens, Philippe Meynard aura mis à peine deux mois à sortir de l’anonymat. Il faut dire qu'à 29 ans, cet élu UDF est l’un des rares hommes politiques et surtout le premier à droite à oser assumer publiquement son homosexualité. Mais à quelques minutes de l'antenne, un fax envoyé par sa mairie se charge de lui rappeler les enjeux de sa révélation. Trois pages véhémentes d'une habitante de Barsac, sa commune, qui l'accuse d'agir par opportunisme politique.

Ça vous blesse ?

Philippe Meynard, adjoint au maire UDF de Barsac, Gironde. - Oui, ça me blesse, ça m’émeut même parce que je ne suis pas ce qu'il y a écrit… Au point où on en est aujourd'hui, de toute façon, je considère qu'il n'y a rien à perdre et que la ligne que j'ai choisi d’honnêteté et de franchise depuis le début, il faut là continuer.

Claire Auberger. - Et comme en août dans son parti, Philippe Meynard en profite pour dénoncer l'homophobie ambiante.

Vous n'avez pas peur de votre retour ?

Philippe Meynard. - Un petit peu, mais je suis convaincu que les choses se tasseront. Je l’espère.

Claire Auberger. - Barsac en Gironde est un village de 2 000 habitants, connu jusque-là pour ses seuls vignobles de Sauternes. Revenu de vacances, Philippe Meynard a retrouvé son bureau de second adjoint chargé de la vie associative. Chaque jour, dans son courrier, une quinzaine de lettres d'encouragement mais dans les couloirs…

Josette Beziade, habitante de Barsac. - Tu fais ce que tu veux, ta vie privée je m'en fous, je m'en contrefous, il n'y a qu'une seule chose que je te reproche et ça, je te le dirais en face ; mais là devant, je n'ai rien n'a dire…

Philippe Meynard. - C'était pour le mariage ?

Josette Beziade. - Exactement. Ça, ça m'a franchement dérangée.

Philippe Meynard. - D'accord. Pourquoi ?

Josette Beziade. - Pourquoi ? Parce que tu n'avais pas à le faire. Tu étais comme ça, tu étais comme ça…

Philippe Meynard. - Mais est-ce que tu peux comprendre il y a des gens à un moment dans leur vie qui n'acceptent pas forcément leur différence ?

Josette Beziade. - Je suis tolérante, je suis très tolérante, j'ai travaillé 30 ans en maison de retraite et il faut être tolérant avec les vieillards et accepter beaucoup de choses…

Philippe Meynard. - Tu ne crois pas qu’être tolérant, c'est aussi essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête de quelqu'un à un moment donné.

Josette Beziade. - Alors continue !

Philippe Meynard. - J'agis de façon honnête ; alors tu ne vas pas me reprocher…

Josette Beziade. - Je reproche qu'on n'en parle un peu trop, c'est tout, ça commence à bien faire.

Philippe Meynard. - D’accord… eh bien ce n'est pas fini.

Claire Auberger. - Ça complique un peu les choses au conseil municipal ?

Françoise Mussotte, maire sans étiquette de Barsac. - Non, parce que je pense que tout le monde a été très clair ; et c'était une affaire qui était classée, dont on ne parlait plus. Je ne sais pas ce qu'en pense Philippe.

Claire Auberger. - On se demandait si l'ambiance n'était pas un peu tendue à la mairie depuis que vous aviez révélé publiquement votre homosexualité ?

Philippe Meynard. - Je ne sais pas ce que Madame le maire vous a dit…

Françoise Mussotte. - Moi j'ai dit que non, qu'on avait discuté clairement et que maintenant les choses, pour nous, elles sont terminées. C'est une affaire classée. Je le redis.

Philippe Meynard. - Si Madame le maire dit ça, considérons que c'est la vérité.

Claire Auberger. - Vous aller où ce matin ?

Philippe Meynard. - Alors j'ai un rendez-vous au conseil régional d'Aquitaine avec Jean-Charles Parris qui est cadre de l'UDF et c'est bien parce qu'il n'y a pas eu de position vraiment officielle vis-à-vis de moi depuis le mois d’août, donc à travers Jean-Charles, je pense que je pourrais avoir quelques éléments sur ce qui se passe et ce qui se dit à Paris.

Jean-Charles Parris. - Il est certain qu'aujourd'hui, nous avons dans notre plate-forme nationale, à intégrer des problèmes que Philippe formule, qui sont vrais et auxquels nous n'étions pas forcément sensibilisés.

Philippe Meynard. - Ou bien on accepte d'en discuter ou bien on persiste à laisser des gens sur la touche, qu'ils soient homosexuels, toxicomanes, femmes seules avec des enfants, érémistes, tout… notre société aujourd'hui a des problèmes et on veut les étouffer. Et bien je crois que ce n'est pas la solution si on veut faire avancer les choses.

Jean-Charles Parris. - Je crois que tu aurais plus ta place pour participer à l'évolution d'une société moderne à Paris qu’à Barsac.

Monique Meynard, mère de Philippe Meynard. - Je ne suis pas d'accord, parce que si tu pars, c'est peut-être leur donner un peu raison.

Philippe Meynard. - Je me fous de leur donner raison ou pas raison. Ce qui est important, c'est mon état psychologique et le fait que je sois bien dans ma peau. S’ils ne l'ont pas compris, eh bien tant pis. Ma vie ne s'arrête pas là.

Claire Auberger. - D'ici la fin du mois, Philippe Meynard devrait rencontrer les instances dirigeantes de l'UDF pour envisager son avenir politique ailleurs qu’à Barsac.

Ruth Elkrief. - Un commentaire, Charles Pasqua ?

Charles Pasqua. - Un commentaire… je répète ce que je disais tout à l’heure.

Ruth Elkrief. - Vous vous sentez plus proche de Christine Boutin qui militait contre le PACS que de Philippe Meynard qui dit « il faut se rapprocher d'un certain nombre de populations, il ne faut pas les oublier »…

Charles Pasqua. - Je trouve que les comparaisons qu'il fait entre les homosexuels, les érémistes, les femmes seules etc. Ce n'est pas tout à fait sur le même plan. Je veux dire que lui a fait un choix personnel sur lequel personne n'a à porter de jugement, ça le concerne, évidemment à partir du moment où il est un homme politique engagé, il a quand même d'autres responsabilités, il a des responsabilités publiques. Alors ce que je ne comprends pas très bien, c'est la nécessité qu'il a éprouvé de donner le maximum de publicité à tout cela…

Ruth Elkrief. - Pour faire bouger les choses.

Charles Pasqua. - Oh ! Pour faire bouger les choses ! Pour faire parler lui !

Ruth Elkrief. - Christine Boutin, vous voudriez la récupérer au RPF ?

Charles Pasqua. - Vous savez, tous ceux qui veulent venir, sont les bienvenus. Mais pour les parlementaires, c'est très difficile, parce qu'ils sont habitués à la vie de garnison, alors ils ont donc la cantine, ils ont le confort et tout d'un coup, moi je leur dis : sortez de la forteresse, il faut se battre, venez dans la plaine.

Ruth Elkrief. - Vous êtes déçu parce qu'ils ne viennent pas beaucoup.

Charles Pasqua. - C'est un peu plus compliqué. Non, je ne suis pas déçu. Ce que je pense, c’est que nous aurons davantage de parlementaires mais après les élections à venir.

Ruth Elkrief. - Un mot sur la politique étrangère parce qu'il y a une actualité évidemment en Tchétchénie depuis plusieurs semaines maintenant, il y a plusieurs milliers de morts en Tchétchénie. Vous, vous connaissez bien la Russie, vous êtes ami du général Lebed. Vous étiez contre l'intervention européenne occidentale, enfin de l'OTAN au Kosovo ; vous trouvez que c'est bien que personne n'aille se mêler des affaires des Russes aujourd'hui j’imagine.

Charles Pasqua. - Non, je ne trouve pas que c'est bien ; en tous les cas, je trouve que ce que font les Russes, ce n'est pas bien, c'est clair. Et d'autre part, je considère que bombarder des populations civiles sans défense, ce n'est pas un brevet d'attitude démocratique et de tolérance à la fin du XXe siècle.

Ruth Elkrief. - Alors qu'est-ce qu'il faut faire ?

Charles Pasqua. - Je crois donc que toutes les démarches qui peuvent être faites, probablement, les Russes étant ce qu'ils sont - ils sont assez susceptibles, ce qui est normal, sur les problèmes… Ils considèrent que la Tchétchénie est partie intégrante de la Fédération de Russie, ce qui est vrai ; je constate simplement que le général Lebed, lui, avait traité l’affaire différemment puisqu'il était allé mettre un terme à l’intervention militaire et qu'il avait négocié. Je crois qu'en réalité, l'opération de Tchétchénie est conduite pour d'autres motifs. Ce sont des motifs de politique intérieure à l'approche des élections.

Ruth Elkrief. - Qu'est-ce que doivent faire les démocraties ?

Charles Pasqua. - Mais les démocraties, grands dispensateurs de conseil en matière de droits de l’homme etc., qu'est-ce qu'elles attendent pour prodiguer des conseils à la Russie ? Elles n'ont qu'à y aller !

Ruth Elkrief. - Militairement alors ? De quelle façon ?

Charles Pasqua. - Pas militairement. Mais les responsables gouvernementaux, qu'est-ce qu'ils fabriquent ? Ils sont toujours disposés à donner des conseils à tout le monde. Et un certain nombre de responsables humanitaires, là, qu'est-ce qu'ils font ?

Ruth Elkrief. - Ils ne peuvent pas entrer, les Russes ne veulent pas pour le moment.

Charles Pasqua. - Écoutez… si, ils ont accepté l'aide humanitaire. Alors qu'ils y aillent ! En tous les cas, c'est en manifestant l'intérêt que l'on porte à cette affaire que l'on peut espérer mettre un terme à cette intervention militaire et surtout aux atrocités qu'elle entraîne, la guerre ce n'est jamais très plaisant.

Ruth Elkrief. - Un mot sur le Maroc, parce qu'on va parler de la Jordanie pour finir. Vous connaissez aussi bien le Maroc, vous connaissiez bien le ministre de l’intérieur, Driss Basri (ph), qui a été limogé par le nouveau roi Mohammed VI. Vous trouvez que c'était la bonne décision à prendre ?

Charles Pasqua. - Vous attendez de moi maintenant que je juge ce que fait le nouveau roi du Maroc, non ! Je connais aussi bien le nouveau roi du Maroc, je connais Mohammed VI et j’ai pour lui beaucoup d'estime. Je n'étais pas de ceux qui pensaient qu'il ne ferait pas un bon souverain. Je crois au contraire que c'est un très bon souverain et en tous les cas les mesures qu'il a prises, je ne parle pas de celle-là, c'est une mesure individuelle, mais les mesures qu’il a prises par ailleurs, montrent qu'il est capable d'assumer les responsabilités d'un monarque moderne.

Ruth Elkrief. - Merci beaucoup Charles Pasqua. Nous allons maintenant parler d'un autre roi qui apporte un souffle nouveau ; le roi Abdallah de Jordanie. Depuis qu'il a succédé à son père, Hussein, il multiplie les initiatives pour rénover son pays. Et un de ses atouts maîtres, c'est sa femme, la reine Rania. Elle est belle, active et moderne ; à l’occasion de leur visite officielle en France qui commence demain, les souverains jordaniens ont bien voulu recevoir notre envoyé spécial, Bertrand Aguirre.

Bertrand Aguirre. - Le 10 juin 1993, Rania Ayassine, roturière jordanienne de 23 ans, devient par les liens du mariage Rania Al Abdallah, princesse de Jordanie.

Sa majesté Rania Al Abdallah. - Le moment où nous étions dans la voiture restera pour nous extraordinaire. Nous avions vraiment l'impression que la foule partageait notre joie, que chacun était heureux pour nous.

Bertrand Aguirre. - Aujourd’hui, Rania Al Abdallah a 29 ans ; elle est la plus jeune souveraine du monde. Sa jeunesse, sa personnalité contribuent largement à l'image de modernité que le couple royal construit jour après jour dans un pays où le protocole et les usages ont souvent force de loi.

Sa majesté Abdallah II. - J’ai toujours été moi-même et j'espère que ma nouvelle fonction ne changera pas ma manière d’être. Je pense avoir toujours été près des gens ; j'espère que ma fonction de roi ne me fera pas de tourner la tête, ne me rendra pas trop « officiel ». Dans mon pays, 60 à 70 % de la population est plus jeune que moi ; je pense donc que nous devons être jeunes, être modernes pour rester en contact avec le pays.

Bertrand Aguirre. - Roi moderne, Abdallah II conduit lui-même sa berline blindée. Le couple excelle dans l'exercice de charme. Toute la famille royale est là ; le clan est réuni. Le roi salue sa mère, Mona Gardner, première épouse britannique du roi Hussein.

Sa majesté Abdallah II. - Nous devons attendre encore un petit peu, les bougies ne sont pas encore arrivées. Nous avons une tradition avec le gâteau d'anniversaire, attendez, vous allez voir ce qui ce passe.

Sa majesté Rania. - Notre plus grand défi, c'est de trouver l'équilibre entre notre vie publique et notre vie privée. Notre fille a trois ans, notre fils, cinq et à cet âge-là, c'est très important que nous soyons près d’eux. Et malgré le changement de situation, c'est vrai nous sommes très pris, mais nous sommes restés les mêmes. Nous les aimons toujours autant.

Bertrand Aguirre. - Intronisé en février dernier, Abdallah II a hérité d'un royaume patriarcal. Lorsqu'il assiste au discours de politique générale des sénateurs jordaniens, il écoute assis sur son trône des hommes et des femmes qui ont tous été nommés par lui ou par son père. Et quand le roi pense à certaines réformes, ses yeux se tournent vers son jeune cousin du Maroc.

Sa majesté Abdallah II. - Avec le nouveau roi du Maroc, le nouvel émir du Barhein et moi-même, nous sommes cette année trois nouveaux dirigeants dans la région. Je crois que nous pouvons devenir les symboles d’espoir, les symboles d'une approche moderne pour réussir à transformer nos pays dans les prochains mois.

Bertrand Aguirre. - Éduque dans les meilleurs collège anglais, le roi Abdallah II multiplie ses visites dans le sud en terre bédouine. Avant de moderniser le pays, il doit séduire ses plus fidèles sujets, ceux qui ont toujours soutenu le royaume hachémite. Le couple fonctionne en tandem ; pendant que le roi sillonne le désert, la reine occupe avec élégance le terrain social à travers sa fondation au service des femmes et des enfants démunis. En moins de neuf mois, la Jordanie s'est sans doute trouvé la plus talentueuse ambassadrice de son histoire.

Ruth Elkrief. - Voilà, je vous laisse avec le journal de Claire Chazal. La semaine prochaine, un de mes invités sera Bertrand Picard qui a fait le tour du monde en ballon il y a quelques mois, vous vous en souvenez. A la semaine prochaine. FIN