Article de M. Lucien Rebuffel, président de la CGPME, dans "La Volonté" de décembre 1996, sur le droit de grève et le conflit du travail des routiers, intitulé "le droit de grève ? à revoir".

Prononcé le 1er décembre 1996

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Média : LA VOLONTE

Texte intégral

Le droit de grève est inscrit dans notre Constitution. Loin de nous l’idée qu’il en soit retiré, mais il avait été spécifié qu’il s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Or ces lois n’ont jamais été promulguées. Tout au plus des arrêtés de justice ont-ils dit que ce droit ne doit pas porter atteinte à la sécurité des gens ou des biens, entraver la liberté du travail et nuire au bon fonctionnement de notre société. Sinon, appel pouvait être fait à la force publique. Par voie de réquisition ? Cette pratique est tombée en désuétude depuis des décennies.

La grève n’est plus ce qu’elle était. Elle ne se limite pas à un débrayage qui ne tirait guère à conséquence. Nos routiers, le mois dernier, ont procédé à un véritable blocus. Or plus notre société se sophistique, plus elle devient vulnérable. De nos jours, il suffit à un seul manœuvre d’abattre une manette pour couper tous les circuits électriques, de fermer une vanne pour nous priver de toute énergie. Nos usines stockent le moins possible. Dans leur système de flux tendu, de « zéro stock », la moindre rupture d’approvisionnement stoppe toute activité. Conséquence de l’action des routiers : pour se procurer des matières premières et ne pas être contraintes de mettre leur personnel en chômage technique, des firmes ont dû, à prix d’or, mettre en service de vrais ponts aériens. Les routiers ont pris notre industrie, notre commerce, notre économie en otages. N’était-ce pas là le propre d’un abus de pouvoir ? Une usurpation ? Des milliers de nos PME sont maintenant menacées de faillite. Qui va payer la facture de ce désastre ? Le contribuable, il va sans dire. Au moment où nous ne parlons que de reprise, d’une remontée de notre taux de croissance, tout ce qui compromet ce rétablissement fait mal à la nation. Il remet en cause l’avenir de notre pays.

Notre Constitution date de près d’un demi-siècle. Elle a cessé d’être adaptée à notre temps. Anachronique, elle a besoin d’être repensée. Les lois qu’il avait été prévu d’élaborer touchant l’application du droit de grève sont à coucher noir sur blanc et à faire voter. Nulle mesure n’est plus urgente que cette redéfinition. La grève des routiers est finie. Si nous savons en tirer les enseignements, nous en aurons fait bon usage. Il ne tient qu’à nous que cet avertissement ait été salutaire.