Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
J'attache une importance toute particulière à la qualité de l'environnement sonore. Le bruit constitue en effet une des préoccupations majeures des Français dans leur approche des problèmes de vie quotidienne.
Avant même d'être ministre, j'avais participé aux travaux du Conseil national du bruit, instance qui formule des recommandations au plan réglementaire et qui a contribué pour une large part à l'élaboration des textes d'application de la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit.
En tant que ministre de l'environnement, je considère que la qualité de la vie, à laquelle les Français sont attachés, passe nécessairement par une meilleures prise en compte de la qualité sonore des espaces dans lesquels nous évoluons, que ce soit dans les habitations, les lieux de travail, les transports ou le lieux de loisirs.
Il me semble important que, dans ce cadre, l'ensemble des acteurs impliqués dans la mise en oeuvre d'actions visant à réduire les nuisances sonores (élus, architectes, chercheurs…) agissent ensemble.
Mais avant d'évoquer cette question, je souhaite la replacer dans un contexte plus global.
En dépit des inquiétudes manifestées par les Français sur des sujets aussi importants que l'emploi ou la sécurité, la préservation de l'environnement reste une préoccupation constante de nos concitoyens.
Ils réclament notamment des pouvoirs publics des mesures efficaces en matière d'écologie urbaine sans pour autant que celles-ci constituent une rupture avec le type de développement de notre société.
Les Français estiment aujourd'hui que la préoccupation écologique est compatible avec le développement économique et eux-mêmes, dans leur comportement, commencent à intégrer des réflexes de civisme écologique, des réflexes « d'écocitoyens ».
Quand on aborde l'environnement urbain, qui concerne 80 % de nos concitoyens, la question du bruit est toujours évoquée de manière prioritaire.
À cet égard, le secteur du bâtiment et des travaux publics est directement impliqué.
Il est en effet l'acteur de terrain qui met en oeuvre, pour les collectivités locales et les particuliers, les techniques modernes de protection contre les bruits qu'il s'agisse d'écrans routiers, de revêtements de chaussées non bruyantes ou d'isolation acoustique dans les logements, les équipements publics ou encore les entreprises.
L'entrée en vigueur au 1er janvier 1996 de la nouvelle réglementation acoustique dans le logement neuf est assurément un événement juridique majeur pour le secteur.
Dans le même esprit, je vous signale la sortie dans les jours prochains d'un arrêté relatif à la limitation du bruit dans les établissements de sports et de loisirs et qui concernent plus spécifiquement les gymnases, les piscines et les patinoires.
De même, un texte doit paraître prochainement concernant les discothèques : il comportera des dispositions qui visent à protéger non seulement les riverains mais aussi les clients, qui sont souvent des jeunes, par une limitation de la puissance sonore des installations comme cela a été fait pour les baladeurs.
Ce sont des mesures qui concernent l'environnement mais qui relèvent aussi d'une politique de santé publique.
Je souhaite le développement de ce type de réglementation pour des secteurs non couverts à ce jour par des contraintes d'isolation acoustique car c'est une démarche qui s'inscrit dans la logique du principe de prévention qui est un principe fondamental de la politique environnementale que je défends.
Je me réjouis d'ailleurs de constater que cette volonté d'action préventive est confirmée par les analyses des experts économiques qui soulignent le développement considérable du marché de l'acoustique aussi bien au plan national qu'au niveau européen.
En 1992, on évaluait le marché global européen de la lutte contre le bruit à 11 milliards de francs, l'essentiel des dépenses étant concentré dans trois pays : l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
Selon les estimations de BIPE Conseil, le chiffre d'affaires des travaux d'isolation acoustique était en 1995 de l'ordre de 2,6 milliards de francs et celui des écrans anti-bruit de 220 millions de francs.
Bien entendu, le secteur du BTP est moteur dans ce marché. Je suis donc venue vous encourager à poursuivre vos efforts d'innovation et de qualité qui répondent au souci général d'un meilleur environnement urbain et qui permettent de développer un marché de produits favorables à l'environnement.
Ce marché est aussi source de création d'emplois. Le secteur du bruit représente en effet aujourd'hui dans notre pays environ 22 000 emplois, sur les 275 000 emplois dans des secteurs liés à l'environnement.
Je sais que des efforts importants ont déjà été accomplis par les fabricants et les industriels du secteur ainsi que par les entreprises elles-mêmes qui sont chargées de la mise en oeuvre des technologies et des produits acoustiques.
Aussi, je crois que l'on peut parler aujourd'hui de l'apparition d'une véritable « culture collective » de la maîtrise du bruit dans le BTP qui devra se généraliser, certes sous l'effet des lois et des réglementations nouvelles, mais aussi pour aboutir à une coexistence plus harmonieuse avec les citadins.
Mais mon optimisme doit être tempéré par l'ampleur de la situation actuelle due à une véritable « pollution sonore urbaine.
Dans les villes, le caractère inégalitaire de l'exposition de la population au bruit est particulièrement marqué ; ce sont souvent les mêmes personnes qui subissent le bruit dû aux transports, sur les lieux de travail et à leur domicile.
Aujourd'hui, faute d'avoir anticipé ou su prévoir les conséquences du développement urbain, près d'un quart de la population française habite dans les zones d'inconfort sonore, et plus de deux millions sont exposés à des niveaux de bruit inacceptables du fait des transports.
Il est donc urgent d'enrayer ce processus et de mettre en place les moyens d'une politique d'aménagement plus respectueuse de l'environnement, de la qualité de la vie et des aspirations légitimes des populations situées au voisinage des grandes sources de bruit.
À cet égard la loi relative à la lutte contre le bruit représente un bon outil d'intervention pour mettre en place un véritable droit à la protection, grâce aux moyens préventifs qu'elle prévoit.
Dans le même esprit il m'était apparu indispensable de compléter le dispositif législatif environnemental par le projet de la loi sur l'air, qui présente des objectifs de prévention analogues à ceux de la loi sur le bruit. En effet, la pollution atmosphérique et les nuisances sonores au voisinage des grandes voies routières présentent actuellement des dangers certains pour la santé des populations riveraines.
Or, il n'y a plus d'obstacles techniques ou financiers à la réalisation de logements ou d'équipements publics présentant des qualités d'insonorisation satisfaisantes pour les habitants ou pour les usagers des bâtiments publics. Les obligations juridiques mises en place apporteront une garantie quant à la qualité acoustique des constructions, qualité qui a été trop souvent négligée dans les années passées.
En ce qui concerne les infrastructures de transports, les techniques modernes permettent de prévoir le bruit engendré par les aménagements routiers ou ferroviaires et de le maîtriser à niveau compatible avec les objectifs de santé publique qui sont au coeur de la protection de l'environnement.
Il est toutefois exact que, dans certain cas, cet objectif de protection peut imposer des aménagements coûteux, en particulier quand il s'agit de rattraper les erreurs du passé. Nous devons être conscients que ces investissements sont le prix à payer aujourd'hui si l'on veut assurer demain une protection satisfaisante des populations.
Le coût social du bruit, est de l'ordre de cent milliards de francs chaque année, dont 25 milliards au titre des troubles de santé, payés en arrêts de travail, médicaments, hospitalisations. Il est toujours plus coûteux de renvoyer à plus tard les investissements anti-bruit.
Afin de protéger les populations, il faut mettre en place les moyens nécessaires pour prévenir des urbanisations inadaptées ou des constructions mal conçues. L'arrêté relatif au recensement et au classement des voies bruyantes, qui a été publié le 28 juin dernier, devraient permettre d'éviter les erreurs d'appréciation des années passées, en apportant dans les documents d'urbanisme les éléments d'information et des obligations suffisantes pour garantir aux futurs riverains les niveaux de protection qu'ils sont en droit d'attendre. Ces dispositions vont dans le sens d'une information toujours plus large, à laquelle je suis, de manière générale, très attachée.
Le développement des transports impose aussi la modification et l'extension des grandes infrastructures. L'État doit être attentif là aussi à ne pas aggraver les conditions de vie des populations avoisinantes et il doit, le cas échéant, en profiter pour améliorer la situation des riverains.
Je souhaite que ce processus, adopté pour les routes, se développe aussi au voisinage des aéroports pour le transport aérien, dont le développement peut inspirer des craintes et une inquiétude légitime pour les populations riveraines.
Ainsi pour l'extension de Roissy, le Gouvernement a-t-il voulu éviter que le développement nécessaire de l'aéroport ne se fasse du détriment de la qualité de vie des populations riveraines et s'est donné comme objectif de maîtriser les nuisances sonores à leur niveau actuel et si possible de les réduire.
Pour cela, il a été décidé de mettre au point un contrat de maîtrise des nuisances sonores qui est un véritable engagement des différents acteurs concernés de concourir à la réalisation de cet objectif.
En complément de ce contrat, il a été prévu de créer une institution indépendante qui sera chargée d'en assurer le suivi et de garantir la transparence de l'information relative aux nuisances sonores. Cette institution sera assistée d'un conseil scientifique qui l'aidera à définir les modalités d'évaluation des nuisances et à diligenter les expertises nécessaires.
Je souhaite que cette approche globale qui se met en place autour de Roissy – à savoir la maîtrise de l'urbanisation par la révision du plan d'exposition au bruit, la maîtrise des nuisances sonores, l'aide aux riverains pour effectuer les travaux d'isolation acoustique et enfin la répartition plus équitable des retombées économiques et fiscales du fonctionnement de l'aéroport – soit étendu progressivement à l'ensemble des grands aérodromes.
Cet effort pour le développement à venir doit aussi s'accompagner d'une vaste action de rattrapage à l'égard des populations qui n'ont pas bénéficié d'un traitement identique.
Elle a déjà démarré pour six grands aéroports avec l'instauration de l'aide aux riverains alimentée par le produit de la taxe d'atténuation des nuisances sonores. L'action de rattrapage fait également l'objet d'une réflexion pour les infrastructures de transports terrestres.
La mise en oeuvre de l'ensemble de ces dispositions permettre alors de constater que le développement durable et aménagement ne pas incompatibles.
Car, je n'oublie pas que la protection de l'environnement c'est avant tout un objectif de protection de l'homme. À ce titre, prévenir les nuisances qui présentent un danger plus ou moins important pour la santé des populations me semble une priorité à laquelle, en tant que ministre de l'environnement, je suis très attachée.