Texte intégral
Allocution du ministre des Affaires Etrangères, M. Hervé de Charrette (Nantes, 15 novembre 1996)
L'occasion qui m'est donnée aujourd'hui d'inaugurer, en présence de hautes personnalités locales, le nouveau bâtiment du Centre des Archives diplomatiques de Nantes est évidemment pour moi agréable à plus d'un titre. C'est l'aboutissement d'une double démarche de délocalisation et de modernisation d'un grand service de l'administration du Quai d'Orsay.
Le ministère des Affaires Étrangère a été, comme vous le savez, précurseur en ce qui concerne l'implantation, en province, de son administration centrale. Celle-ci a commencé, dès 1964, avec l'installation des premiers éléments de ce qui allait devenir le Service central d'état civil dans l'ancien Hôtel des Postes, allée Brancas, en plein centre-ville. Elle a été réalisée à l'époque avec le concours actif de la ville de Nantes qui a mis à la disposition du ministère l'Hôtel des Postes puis cédé gratuitement le terrain de Breil-Malville où sont actuellement concentrés les 9/10ème des effectifs nantais des Affaires Etrangères.
Ce mouvement s'est poursuivi sans discontinuité jusqu'en 1994 et concerne huit services relevant de six directions du Quai d'Orsay.
Aujourd'hui, le ministère emploie à Nantes plus de 900 agents, soit près de 30% de ses effectifs métropolitains. Avec une telle proportion, le Quai d'Orsay reste, de tous les départements ministériels, de loin celui qui a le plus contribué, et depuis plus de trente ans, à l'effort de délocalisation. Je ne peux pas vous cacher la fierté que ressent ce ministère d'être depuis le départ à l'origine de ce mouvement de décentralisation. Je suis heureux que cela soit à Nantes, que cela se soit produit depuis l'origine et poursuivi ailleurs en suite.
Vous pouvez d'ailleurs être convaincus de ma volonté à consolider le pôle nantais du ministère des Affaires Etrangères qui fait désormais partie intégrante du rayonnement national et international de notre grande agglomération ligérienne.
Cette réussite n'est pas le fruit du hasard et résulte d'un effort collectif qu'il faut saluer :
- effort des gouvernements qui ont toujours porté un intérêt particulier aux services nantais en leur accordant d'importants crédits de fonctionnement et d'investissements. La construction de superbes édifices à Breil 4 ou ici, aux Archives diplomatiques, en témoigne ;
- effort des personnels nantais également qui ont démontré leur dynamisme. La diversité de leurs métiers – induite par la variété des missions à remplir (offices d'état civil, comptables, informaticiens, professeurs, archivistes, imprimeurs, juristes…), leur assure une bonne intégration dans la région ;
- progrès enfin des moyens de communication et de transmission qui ont permis de réduire les distances entre Nantes et Paris, entre Nantes et notre réseau diplomatique et consulaire partout dans le monde.
Mieux que tout autre exemple, l'attrait des services nantais lors des retours en métropole des agents de chancellerie illustre cette réussite, d'autant plus que toutes les demandes ne peuvent être satisfaites. Cela est le signe de notre succès commun.
Permettez-moi également, en ce jour un peu solennel, de rendre hommage à la direction des Archives et de la Documentation. Il s'agit du service le plus ancien du ministère des Affaires Etrangères. Il a été créé en 1680 par Colbert Croissy, secrétaire d'État aux Affaires Etrangères. D'une certaine façon, c'est aussi le plus moderne car les métiers divers (archivistes, documentalistes, bibliothécaires, relieurs, restaurateurs, photographes, techniciens…) exigent certes le goût de l'histoire mais aussi celui des techniques les plus modernes de la conservation et de la reproduction : artisanat et amour du travail bien fait d'un côté, mais aussi prise en compte des progrès les plus pointus de l'autre.
C'est une direction qui mérite beaucoup d'attention qui lui est aujourd'hui accordée, et qui va pouvoir bientôt installer une partie de ses services parisiens à l'Arsenal, lieu prestigieux de la capitale ; ce sera l'occasion d'une nouvelle rencontre en tous les cas avec notre patrimoine le plus remarquable, avec les méthodes les plus modernes et avec le public, qui pourra accéder plus facilement aux documents.
A Nantes, le Centre des Archives diplomatiques a été créé en 1987. Il a pour vocation de conserver les archives rapatriées de l'étranger : archives des postes diplomatiques, consulaires, culturels et de coopération, - il sert à ce titre aux deux ministères des Affaires Etrangères et de la Coopération. Il conserve également les archives rapatriées du Maroc, de Tunisie, de Syrie et du Liban à la fin des protectorats et mandats et travaille en complémentarité du Centre des Archives d'Outre-mer d'Aix-en-Provence où sont conservées les archives de l'Algérie française et des anciennes colonies.
Il détient actuellement près de 20 kms linéaires d'archives, soit environ 200 000 cartons, liasses et volumes, en accroissement constant (entre 500 et 1 000 mètres linéaires supplémentaires chaque année).
Les documents les plus anciens datent du XVIème siècle, les plus récents datent de 1996.
Ce centre possède en effet des archives historiques, accessibles en salle de lecture, et des archives plus récentes transférées à Nantes à l'occasion des fermetures de postes, qui donnent lieu à de très nombreuses recherches administratives (plus de 4 000 en 1995).
Il détient plus de 300 fonds d'archives de postes, dont certains n'ont existé qu'au XVIIIème ou au XIXème siècle. En Espagne, par exemple, nous comptions à la fin du XIXème, outre l'ambassade, 9 consulats et 71 vice-consulats et agences consulaires ; en Chine, nous avions en 1914 une légation à Pékin, 2 consulats généraux (Shanghai et Tchentou), 6 consulats, 7 vice-consulats et 2 agences consulaires. Bref les archives de ces postes oubliés sont conservées ici. Ce centre est en quelque sorte la mémoire de notre carte diplomatique et consulaire.
Ces collections ouvertes depuis peu et apportant des informations et un éclairage différent des fonds conservés au Quai d'Orsay à Paris, intéressent les chercheurs. Ils viennent nombreux – entre 300 et 500 chaque année, dont près d'un tiers d'étrangers, représentant tous les continents.
Des étudiants et professeurs de la région (universités de Nantes, d'Angers et de Rennes II), viennent également consulter les Archives entreposées à Nantes, permettant ainsi aux universitaires de l'Ouest de développer leurs recherches et leur enseignement de l'histoire des relations internationales.
Le Centre est en développement constant, les collections s'accroissent chaque année et attirent donc un public toujours plus nombreux. Mais la place manquait, tant pour les lecteurs que pour les collections. Il était donc indispensable de lui donner de nouveaux moyens ; c'est fait aujourd'hui, tant en ce qui concerne les personnels que les locaux :
- en personnel : le centre comptait 3 agents en 1987 ; ils sont 21 aujourd'hui. Deux nouveaux postes de conservateurs du patrimoine ont été créés en juillet dernier. Je remercie à cet égard la Ville de Nantes et le Conseil général de Loire-Atlantique qui, depuis 1987, accordent chacun au Centre un agent exerçant à mi-temps ;
- en locaux : l'ancien bâtiment de l'armée, détérioré, était saturé depuis plusieurs années. Le nouveau bâtiment permettra, une fois entièrement équipé de rayonnage (1998), de tripler la capacité de stockage, qui sera de 40 kms sur les deux bâtiments, avec les équipements techniques les plus modernes (autoclaves de désinfection, centrale d'air, salle des microfilms climatisée…).
Des travaux de réhabilitation de l'ancien bâtiment seront entrepris dans quelques mois, en février 1997 pour créer une grande salle de lecture (75 places), une salle d'exposition et de nouveaux bureaux. Le Centre pourra accueillir les chercheurs, de façon plus confortable, recevoir des scolaires de la Ville de Nantes et de la Région, et organiser des expositions thématiques, mettant ainsi à la connaissance de nouveaux publics les richesses archivistes et documentaires du ministère des Affaires Etrangères qui sont tout à fait remarquables, sans doute mal connues, mais tout à fait exceptionnelles. La direction des Archives expose dans une vitrine qui se trouve dans les salons d'attente du Quai d'Orsay des documents qui sont renouvelés régulièrement en fonction de l'actualité et des visiteurs officiels que nous recevons. C'est ainsi que tous récemment le président de l'Uruguay est venu avec une délégation importante de ministres et de fonctionnaires et, à cette occasion, la Direction des Archives a fait exposer des documents sur les premières relations entre la France et l'Uruguay. Je suis pour ma part probablement l'observateur le plus assidu des trésors des Archives puisque l'on a la bonté de me les apporter en face de mon bureau et de me les changer régulièrement. Je souhaite à cet égard que le formidable patrimoine détenu à Nantes soit valorisé, accessible et connu de habitants de notre région. Je crois d'ailleurs que nous devrions avoir à l'esprit l'idée d'organiser une exposition à Nantes et à Paris. Car il existe un public passionné par les archives.
Ainsi les Archives pourront-elles poursuivre leur double mission :
- aider à la définition de notre politique étrangère et à la bonne marche des services ;
- être un instrument de diffusion culturelle et scientifique.
Le Centre contribuera donc mieux encore à l'éclat culturel et patrimonial de ce ministère, mais également à celui de la Ville de Nantes et de la Région des Pays de la Loire, ville et région traditionnellement ouvertes sur le monde, vers le grand large.
Les Archives diplomatiques peuvent ici, mieux qu'ailleurs sans doute, nous aider à trouver quelques fondements solides pour la construction du monde futur, d'un XXIème siècle où il sera, dans notre « village planétaire », plus que jamais essentiel de préserver notre passé, une garantie de notre identité et de notre cohésion nationale.
Propos liminaires du ministre des Affaires Etrangères, M. Hervé de Charrette, devant la presse locale et régionale (Nantes, 15 novembre 1996)
Vous avez sans doute entendu ce que j'ai dit lors de mon discours.
L'essentiel à retenir ce sont deux ou trois choses très simples. D'abord, le ministère des Affaires Etrangères est le seul ministère dont le tiers des effectifs se voit décentralisé en province. Ce n'est pas parce qu'il y aurait une structure particulière qui lui permettrait de le faire alors que d'autres ne seraient pas dans cette situation. Pas du tout. C'est parce que nous l'avons fait et les autres ne l'ont pas fait. Voilà la différence. Et je salue d'autant plus cet effort remarquable qui a maintenant plus de 30 ans, 32 ans exactement. Ce n'est pas mon oeuvre. C'est l'oeuvre de cette maison, de ceux qui l'ont dirigée successivement et des personnels, dont je veux saluer à ce moment la contribution parce que c'est eux qui l'ont acceptée et qui l'ont endossée comme une bonne idée. Ils s'en portent bien puisque maintenant les personnels viennent volontiers ici et ceux qui sont ici sont heureux de l'être parce qu'ils apprécient de se trouver dans une grande ville de province dont je ne vanterai pas les charmes devant vous car vous les connaissez. Ils la voient, ils la connaissent et ils en pratiquent les avantages : plus d'espace, des conditions de vie différentes, plus agréables et finalement au bénéfice des agents. Donc, c'est finalement une opération très remarquable.
Je le redis, il n'y a pas d'administration française qui ne pourrait pas en faire autant. J'ai été dans d'autres ministères dans ma vie professionnelle. Chacun pense que quitter Paris serait un drame politique et humain, je crois que c'est une profonde erreur. Et nous prouvons, nous, en pratique que des services importants, peuvent être très bien gérés en province pour le plus grand bénéfice à la fois de l'administration et des personnels qui l'acceptent (que peut-on rêver de mieux) et naturellement pour la ville qui les accueillent, car pour la Ville de Nantes, la présence de nos services – 900 personnes – c'est évidemment un élément extraordinaire important. Il y a peu d'entreprises à Nantes qui aient 900 personnes. Et donc, je dirai, un des gros employeurs de la Villes de Nantes… C'est aussi excellent pour la ville et le département qui les accueillent.
Ensuite, nous avons eu le plaisir d'admirer une partie du service des Archives du Quai d'Orsay. C'est à la fois très fascinant de voir ce qu'est une vieille administration régalienne française parce que c'est l'histoire qui défile devant nos yeux. On l'admire, on contemple les documents anciens, impressionnants par leur ancienneté et parfois aussi très beaux comme l'étaient les documents administratifs d'autrefois. Ils reflètent ce qu'a été l'histoire de la diplomatie française, ses implantations, les évènements qui l'ont marquée et qui sont les évènements de l'histoire de France.
De ce point de vue, le service des Archives a pour nous une très grande importance car il nous permet de conserver des documents dont la portée historique et l'intérêt sont évidemment extrêmement grands. Beaucoup d'historiens, d'universitaires, de chercheurs viennent ici en grand nombre pour consulter l'histoire de la diplomatie française. Ce qui est évidemment extraordinairement intéressant. Si vous travaillez sur un sujet de l'histoire il y a beaucoup de chance que vous soyez amené à consulter les archives de la diplomatie française. J'ajoute que cela a un effet secondaire assez positif. Plusieurs universités de la région en ont subi les effets positifs. Ce n'est pas par hasard si nous constatons qu'un tiers de nos visiteurs et de nos chercheurs qui viennent travailler sur nos archives sont originaire de la région et généralement des universités de notre région.
Cela veut dire que la présence de nos archives ici a conduit un certain nombre d'universitaires et de chercheurs à s'orienter dans cette direction puisqu'ils avaient sous la main un outil de travail d'une qualité exceptionnelle. Enfin, vous pourrez constater que l'administration, une fois n'est pas coutume, ne s'intéresse pas seulement à l'actualité, qui est sa vocation première, mais elle s'intéresse aussi à la conservation des documents qui ont une portée qui les dépasse par ce que sont des documents d'archives, donc des documents d'histoire. Ce ne sont plus seulement des matériaux du ministère des Affaires Etrangères, ce sont des matériaux qui deviennent le patrimoine de la nation et qui à ce titre méritent notre soin et notre attention. C'est ce que nous faisons et vous pouvez constater que nous le faisons bien parce qu'il y a ici beaucoup de métiers qui s'expriment de façon très remarquable autour de la conservation de nos archives et de leur restauration. Métier traditionnel et métier très moderne. Les deux à la fois, parce que ce sont les uns et les autres qui concourent à faire en sorte que les documents anciens soient restaurés, conservés, répertoriés, étudiés et finalement mis à la disposition de tous ceux que cela intéresse. Voilà pourquoi, nous passons quelques moments à inaugurer ce nouveau bâtiment très remarquable à la fois par son architecture, par l'effort qu'on fait à la fois l'architecte et les équipes du ministère, dirigés par le directeur général de l'Administration, M. Lott, pour faire en sorte qu'un bâtiment ancien de la Ville de Nantes reste en vie, devienne un bâtiment moderne, disponible pour les activités de notre temps.
Je tenais à saluer au passage le travail qui a avait été accompli à cet égard dans cette maison. Enfin, la direction des Archives, vous avez pu le constater, n'est pas un service lointain, travaillant dans l'ombre et la poussière, mais au contraire un service moderne. Cela prouve que le Quai d'Orsay lui-même est attentif à tout ce qui le concerne, attentif à faire en sorte que cette histoire qui se créée au jour le jour se garde et se conserve et soit vraiment à la disposition de tous ceux que cela intéresse. Voilà pourquoi j'ai été très heureux aujourd'hui de passer ces quelques moments à inaugurer ces très beaux bâtiments, très fonctionnels, des archives nantaises du ministère des Affaires Etrangères.
Tout ceci a suscité quelques questions dans vos esprits. Je suis à votre disposition.
Q. : Sur la situation au Kivu et l'envoi d'une force internationale ?
R. : Vous savez, la principale réaction que je vais avoir est très simple. Elle s'exprime en un mot : enfin ! Cela fait 15 jours que le drame s'est noué. Il est probablement, je le crains, l'un des plus grands drames de l'époque contemporaine. 1 200 000 personnes, femmes, enfants, familles jetés sur les chemins boueux de l'Afrique centrale d'aujourd'hui, en cette saison des pluies, sans nourriture, sans médicaments, sans assistance. Réfugiés depuis 2 ans, aujourd'hui fuyards, désemparés. Voilà 15 jours que la France, la première, a tenté de provoquer l'indignation et un sursaut de la communauté internationale. Nous avons immédiatement dit que nous souhaitions une intervention par la création d'une force militaire de sécurisation pour permettre le retour des réfugiés ainsi que le retour des organisations humanitaires et pour tendre une main secourable à ces malheureux. Et il est vrai que cela a pris du temps. Mais je suis heureux, oui d'une certaine façon je le suis, qu'enfin soient réunis les éléments qui vont permettre, dans les toutes prochaines heures au Conseil de sécurité de l'ONU, de prendre la décision de l'envoi de cette force, qui est plus urgente que jamais. Elle était urgente il y a 10 jours. Elle devient urgentissime. J'espère que dans les jours qui viennent, les premiers éléments de troupes internationales seront sur le terrain. Je voudrais dire aussi que c'est un devoir de l'ensemble de la communauté internationale. Dès le départ, la France a dit qu'il ne pouvait pas y avoir d'intervention unilatérale. Nous étions prêts à y aller, nous étions demandeurs, mais nous avons pensé depuis le départ qu'il fallait une intervention des Africains d'abord, car ils sont les premiers informés, et donc l'OUA, des Européens ensuite : je crois qu'ils ont des devoirs dans la communauté internationale car les Européens croient à des valeurs qui s'expriment non seulement à l'intérieur de nos frontières mais également dans le rôle que nous voulons jouer dans le monde. Et, enfin, des Américains, parce que les Américains aussi occupent une place dans le monde qui leur crée aussi des devoirs.
Et cette responsabilité collective de la communauté internationale doit s'exercer sous la responsabilité et la décision des Nations unies qui a été constituée il y a cinquante ans pour cela, c'est-à-dire, pour traiter des grands problèmes des hommes sur cette planète. Je me réjouis que cela soit le cas maintenant. J'espère que l'on sera vite sur le terrain car, je le répète, les heures comptent.
Q. : Est-ce que le mouvement de délocalisation peut continuer sur Nantes ?
R. : On ne pourra pas naturellement installer les consulats et les ambassades à Nantes. Il y a forcément une limite. Aujourd'hui, pour le ministère des Affaires Etrangères on a fait, je crois, tout ce qui était possible. Aujourd'hui restent à Paris les directions, d'ailleurs à effectifs peu nombreux, qui travaillent directement avec le ministre sur une base quotidienne, par exemple la direction d'Afrique, puisque vous venez de parler du Zaïre. Mais, pour ce qui concerne au ministère des Affaires Etrangères, nous avons fait la plénitude de ce que nous pouvions faire mais nous continuerons à aller dans cette direction avec détermination. Pour le reste, pour d'autres ministères, je le répète, beaucoup de choses sont possibles et, s'agissant du ministère de la Coopération, certainement des progrès sont possibles, je ne pourrais pas désigner du doigt quels pourraient être les progrès à accomplir. Cela dit, je crois que le ministère des Affaires Etrangères étant maintenant installé à Nantes, je dirais que nous avons donné en quelque sorte une vocation à être le lieu d'accueil des services de l'État ayant un rapport avec la politique étrangère de la France.
Q. : Au sujet du rôle des soldats français dans les jours à venir ?
R. : Le contingent français fera partie de la force internationale dont le Conseil de sécurité va décider dans les prochaines heures la création. Des discussions se poursuivent actuellement entre militaires, et vous savez que ce sont les Canadiens qui vont diriger cette force. Ces discussions se déroulent donc en étroite coordination avec nos amis canadiens. Elles devront déterminer la répartition des tâches entre les différents contingents impliqués.
Q. : Les soldats français vont être exposés. On sait que les rebelles tutsis ne voient pas d'un bon oeil cette opération de sécurisation. Est-ce que l'on a des craintes à avoir ?
R. : Non, je crois que les dispositions que nous prendrons sont des dispositions qui se conformeront à la Charte des Nations unies. L'ensemble des forces qui seront là interviendront sous ce que l'on appelle le chapitre VII de l'ONU, c'est-à-dire qu'il auront le droit, en effet, de mener toutes les actions nécessaires à leur propre sécurité. Encore une fois, on n'envoie pas des militaires désarmés. On a vu cela dans le passé à Sarajevo. On ne va certainement pas refaire cela. Cette force disposera des moyens d'armement nécessaires à sa sécurité et à la sécurité de toutes les actions qu'elle entreprendra.
Q. : Faut-il désarmer les parties de chaque côté ?
R. : Cette force n'a pas pour mission de traiter les problèmes politiques. Car il y a des problèmes politiques, évidement. C'est la raison pour laquelle nous disons qu'il faut faire de l'humanitaire et c'est ce que va faire cette force avec des moyens de sécurité nécessaires et en même temps qu'il faut traiter le problème politique de la région.
Il est urgent que se réunisse la Conférence des Grands lacs, dans la région, de façon à ce que sous l'égide des Nations unies, les pays de la région traitent des problèmes politiques, de sorte que les causes du mal soient traitées ; il ne suffit pas de guérir les symptômes de la maladie.
Q. : Ne pas désarmer, ne pas riposter. Ce n'est pas évident comme tâche pour les militaires. Comment assurer la sécurité sans avoir les moyens de désarmer les belligérants ?
R. : Je répète que la force de sécurisation n'a pas pour mission de traiter les problèmes politiques, qui ont provoqué la situation actuelle.
Q. : Est-ce que la communauté internationale a été lente à réagir à votre avis ?
R. : J'ai exprimé plus d'une fois une certaine impatience. Cela fait maintenant quinze jours que ce drame, qui concerne 1 200 000 personnes, s'est noué. C'est probablement l'un des plus grands drames de notre époque. Je crois en effet que tous jour qui passe est un jour de trop.