Texte intégral
LE FIGARO : Que vous inspire la décision du Conseil constitutionnel ?
Philippe de VILLIERS : Le Conseil constitutionnel a, comme prévu, souligné le caractère inconstitutionnel du traité d'Amsterdam. Il n'a cependant relevé que quelques dispositions - parmi tant d'autres - contraires à la Constitution. Ces dispositions concernent toutes le transfert de la souveraineté de la France en matière de contrôle aux frontières, de droit d'asile et de la politique de l'immigration.
Mais il faut bien voir que c'est l'ensemble de la philosophie du traité d'Amsterdam qui est en contradiction avec l'esprit de nos institutions. Cette philosophie est celle d'un super État avec une formidable accélération du fédéralisme. Je citerai cinq exemples :
- Le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée sur les questions de souveraineté ;
- L'extension de la codécision avec le Parlement européen, qui relègue aux oubliettes les parlements nationaux ;
- L'abolition de la notion de frontières, et donc l'aggravation de Schengen, au moment même où les Kurdes arrivent en Italie ;
- La subordination de tout droit national, même constitutionnel, à tout droit communautaire, même dérivé ;
- Et, enfin, ce qui est passé totalement inaperçu, la possibilité de privation des droits d'un État membre.
LE FIGARO : Dans quelles conditions ?
Philippe de VILLIERS : Le traité d’Amsterdam prévoit que si un État membre viole certains principes très vaguement définis (« la liberté, la démocratie, les libertés fondamentales »), les autres États membres peuvent, après avoir constaté cette situation à l'unanimité moins la voix de l’État concerné, décider, à la majorité qualifiée, de suspendre certains des droits de cet État, y compris ses droits de vote, mais sans suspension de ses obligations. Il est évident que ce texte n'est conforme à aucun principe constitutionnel d'aucun pays européen. Car cette disposition signifie que, sur tous les sujets traités à Bruxelles, même les plus importants, même ceux faisant l'objet de décisions à l'unanimité, les droits d'un pays pourraient se trouver rayés d'un trait de plume.
LE FIGARO : Vous avez toujours été partisan d'un référendum sur le traité d'Amsterdam. La procédure référendaire est- elle mieux adaptée que la voie parlementaire ?
Philippe de VILLIERS : Bien sûr que oui : Et ceci pour deux raisons. D'abord parce que c'est la voie normale prévue par l'article 89 de la Constitution. Et puis c'est aussi le bon sens puisque le peuple français est l'autorité constituante supérieure. L'année 1998 risqua d'être, hélas, l'année du double transfert de la souveraineté nationale : la souveraineté économique et monétaire avec le choix des pays de la monnaie unique le 2 mai prochain ; et la souveraineté politique avec la ratification du traité d'Amsterdam. Ces deux actes majeurs ne peuvent en aucun cas être soustraits au débat. Sur dos questions aussi graves, c'est le peuple qui doit trancher.
LE FIGARO : êtes-vous plus favorable à un référendum sur la souveraineté ou sur l’immigration ?
Philippe de VILLIERS : La question portera forcément sur les transferts de souveraineté et, par voie de conséquence, sur la politique de l'immigration. Ce qui m'amène à lancer un appel à toute l'opposition, ainsi qu'au Président de la République. A quoi nous servirait-il de dénoncer à Paris le laxisme migratoire des lois socialistes si on accepte dans le même temps le superlaxisme migratoire du traité d'Amsterdam ?
A quoi servirait-il de débattre de la nationalité française au moment où, avec le pacte de stabilité, la monnaie unique et le traité d’Amsterdam, la nation française est appelée à disparaître dans sa souveraineté ?