Texte intégral
Date : mardi 4 mars 1997
Conférence de presse sur l’hôpital
1. Notre réforme, c’est une réforme pour les personnels qui travaillent à l’hôpital et pour les malades
Un seul objectif, la qualité des soins à l’hôpital :
Évaluation de la qualité et de la sécurité des soins : le décret créant l’ANAES sera publié dans les prochains jours.
Réforme des urgences : un décret est en cours de concertation et sera publié à la fin du mois de mars.
Conférences régionales de santé : elles se réuniront dans les régions au mois d’avril et de mai pour éclairer les choix financiers des agences régionales (le décret qui précise leur organisation sera examiné par le Conseil d’État le 11 mars).
Des outils nouveaux au service de cet objectif :
Responsabilité des équipes : mise en place de centres de responsabilité pour que les équipes soignantes se prennent en main (décret en cours de publication).
Complémentarité des activités : rapprochement des moyens au sein du secteur public, et entre public et privé pour mieux répondre aux besoins des malades (décret sur les groupements de coopération sanitaire en cours de publication).
Amélioration des conditions de travail des personnels : les départs naturels qui ne seront pas remplacés ne toucheront pas le chevet du malade.
L’essentiel des textes d’application de la réforme de l’hospitalisation seront publiés à la fin du mois de mars. Nos hôpitaux doivent s’ouvrir sur leur environnement et mettre le malade au cœur de leurs préoccupations.
2. Les menaces dénoncées par certains sont disproportionnées
Il ne s’agit pas de faire des coupes sombres mais de mieux répartir les moyens là où sont les besoins :
La fin du taux directeur, c’est la fin d’un système uniforme, comptable et déresponsabilisant.
En moyenne, les budgets hospitaliers progresseront autour de l’inflation en 1997.
Des régions à forts besoins ont été renforcées : Centre, Bourgogne, Poitou-Charente, Picardie, Nord - Pas-de-Calais.
Nous compléterons les dotations initiales pour permettre aux établissements de faire face à des dépenses spécifiques en cours d’année.
L’emploi hospitalier ne sera pas menacé en 1997 et il n’y aura pas de licenciement :
Contrairement aux craintes de certains, nous avons respecté l’objectif de dépenses de 1996 tout en maintenant l’emploi à l’hôpital.
En 1997, certains établissements d’Ile-de-France vont connaître une légère baisse de leur budget (au pire – 1 % et seulement dans quelques cas) parce que leur activité a baissé, et ils pourront l’absorber par le non-renouvellement de certains départs naturels.
3. Nous allons mettre en place un dispositif d’accompagnement pour les établissements
En 1997, l’État assumera ses responsabilités en aidant les établissements à passer le cap :
L’État financera l’aide à la mobilité des personnels hospitaliers en cas de mobilité volontaire : deux projets de décret ont été transmis aux organisations syndicales pour recueillir leurs avis.
Nous aiderons en cours d’année les établissements qui auront dû faire face à une augmentation conjoncturelle de leur activité, notamment pendant l’été, et qui connaissent des difficultés budgétaires.
En 1998, nous allons mettre en place un fonds d’aide pour les établissements qui s’engagent dans une démarche contractuelle avec les agences régionales :
Un fonds sera créé pour les établissements qui s’engagent volontairement dans une démarche avec les agences.
Ce fonds sera réservé dans la loi de financement votée par le Parlement à l’automne 1997.
Nous allons prendre des mesures pour compléter ce dispositif :
Aide à la mobilité des praticiens hospitaliers (décret en cours de publication).
Aide des établissements privés participant au service public hospitalier à partir des crédits du Fonds national de l’emploi.
Ouverture au personnel hospitalier d’embauches prioritaires dans le domaine médico-social.
4. Nous sommes attentifs à la situation de certaines professions et nous souhaitons ouvrir des négociations avec les organisations syndicales
Nous allons ouvrir des négociations avec les aides-soignants pour l’intégration progressive d’une partie des primes dans le calcul des droits à la retraite.
Nous souhaitons trouver une solution rapide pour les infirmiers psychiatriques.
Nous veillerons à ce que le plan pluriannuel de résorption de l’emploi précaire soit appliqué en dépit des contraintes budgétaires.
Assises nationales hospitalo-universitaires. Brest, 18 mars 1997
Introduction – Remerciements divers – Volonté d’être présent pour ces assises, comme l’an dernier à Toulouse et quelle que soit l’actualité.
1. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous dire ma conviction que nous tiendrons ensemble le cap de la réforme, dans le dialogue et la transparence. Ce n’est pas le parti le plus confortable, mais c’est celui que dictent les nécessités de notre système hospitalier et la volonté de préserver dans de bonnes conditions l’excellence des soins, excellence qu’incarnent nos centres hospitaliers universitaires.
Cette réforme, vous le savez, repose sur trois piliers : régionalisation, complémentarité, et qualité des soins. Presque un an après l’ordonnance du 24 avril, après de nombreux textes et de nombreuses concertations, la réforme est enfin arrivée dans les régions et dans les établissements.
Tout d’abord, la régionalisation du traitement des questions hospitalières est bien avancée. La plupart des agences sont désormais opérationnelles, en avance sur le calendrier prévu. Une agence de l’hospitalisation dans chaque région, c’est l’assurance que chaque hôpital sera traité en fonction de ses spécificités par des professionnels totalement concernés. Il n’est plus possible de gérer les hôpitaux depuis Paris.
L’agence, ce n’est pas le pouvoir d’un seul homme mais au contraire celui d’une équipe : pluridisciplinaire, rassemblée dans une commission exécutive et s’appuyant sur un CROSS, dont la composition est en cours de renouvellement, pour mieux y représenter les professionnels de la région, et qui aura à se prononcer sur les orientations budgétaires.
La mission de ces agences, c’est de répartir les dotations hospitalières en fonction de l’activité des établissements. C’est la juste récompense pour les établissements qui travaillent bien et qui sont bien gérés. Or, pour un budget donné, il y a des hôpitaux qui font deux fois plus d’actes médicaux que d’autres.
Le deuxième pilier de la réforme, c’est la complémentarité entre établissements pour mieux répondre aux besoins de la population. Si on veut une médecine de qualité, il faut que les hôpitaux travaillent entre eux et, quand c’est souhaitable, avec le secteur privé. Tout le monde ne peut pas tout faire. Nous voulons offrir une gamme complète de services au sein d’un bassin de population, et en finir avec une vision nombriliste de l’hôpital. Le décret qui précise les modalités de création des groupements de coopération sanitaire a été publié ce matin. Nous avons souhaité un cadre juridique souple et attractif pour qu’un hôpital et une clinique mettent en commun des moyens au lieu de se livrer à une concurrence inutile. C’est nouveau, mais ce sera plus économique pour la population de savoir où aller en fonction de telle ou telle pathologie pour des soins de qualité. Pour ne prendre que le Finistère qui nous accueille aujourd’hui, je tiens à souligner le caractère exemplaire de certains projets de coopération : à Lorient et à Hennebont, les hôpitaux ont fusionné et ont désormais un seul conseil d’administration ; la fusion entre les hôpitaux de Quimper et de Concarneau a permis de mieux répartir les activités entre les sites ; ailleurs en Bretagne, à Lannion comme entre Saint-Malo et Dinard, la clinique et l’hôpital sont en train de s’entendre pour mieux répondre aux besoins des patients.
Le troisième pilier, c’est la qualité des soins. Oui, le fondement de la réforme, c’est la santé et non la comptabilité.
L’ambition de la qualité qui nous anime, nous allons la mettre en œuvre avec l’ANAES, dont le décret constitutif sera publié dans les prochains jours. Le Pr Matillon et son équipe sont déjà au travail pour élaborer le manuel qui servira au réseau de visiteurs indépendants qui se constitue parallèlement. Je souhaite que les premières visites interviennent dès la rentrée 1997.
La procédure d’accréditation doit permettre de fonder la qualité des services sur le respect de référentiels incontestables, et non sur de simples réputations. Elle n’a de sens que si elle s’appuie sur l’application à l’hôpital des références médicales opposables et des bonnes pratiques.
Elle participe également, avec l’usage du carnet de santé, à une politique d’amélioration du suivi médical et de la satisfaction des patients.
Nous ne moderniserons pas nos hôpitaux sous la seule contrainte financière. Nous le ferons grâce à une véritable politique de santé publique correspondant aux besoins de santé de la population. C’est pourquoi nous allons réunir à partir du mois d’avril les conférences de santé dans chaque région. Ces conférences régionales vont préparer la conférence nationale du mois de juin. J’attends avec impatience leurs propositions, notamment en matière de correction des inégalités en matière d’offre de soins.
2. La réforme se fait d’abord grâce aux hommes. C’est vrai à l’hôpital, c’est vrai aussi en ville, dans les cabinets médicaux.
C’est dire l’importance de la fonction d’enseignement qu’assurent les CHU. C’est dans les CHU que les médecins se préparent à affronter les défis de l’avenir. C’est là que se dessine ce que sera la médecine de demain.
Il s’agit bien entendu d’ouvrir l’esprit des étudiants à toutes les formes des connaissances médicales dont le rythme d’évolution continue de s’accélérer. Vous vous trouvez ainsi au contact même des jeunes dans une relation privilégiée de compagnonnage. Ensemble nous devons être attentifs au contenu de l’enseignement initial. C’est bien de lui qui dépendent la qualité de l’exercice de la médecine de demain. La mission confiée aux professeurs Étienne et Mattéi auxquels vous apportez je le sais la contribution de votre réflexion n’a pas d’autre sens.
Mais il s’agit d’apprendre aux étudiants à apprendre, d’habituer les futurs médecins qu’ils sont à rester en contact avec l’évolution du savoir et à maintenir leurs connaissances. C’est un enjeu essentiel pour le succès des réformes du système de santé que de développer une véritable pratique de la formation médicale continue. Vous y contribuez largement dans les CHU. D’abord par la formation initiale que vous donnez aux étudiants. Ensuite, vous êtes pleinement et directement impliqués dans la FMC, qu’il s’agisse de la FMC de la médecine libérale ou de la FMC hospitalière. Vos hôpitaux, vos facultés y apportent une contribution remarquée et indispensable. Et les universitaires ont un rôle important à jouer dans les nouvelles instances qui se mettent en place pour développer la FMC.
La formation initiale et continue peut dessiner en fait tous les contours de l’exercice de la médecine du XXIe siècle. Ainsi, elle doit conduire les futurs médecins à développer les liens entre la médecine de ville et l’hôpital, et aussi ceux entre les CHU et les autres centres hospitaliers, car les nouveaux besoins et les nouvelles formes de thérapie entraînent à l’évidence un fonctionnement décloisonné du système de santé. Le médecin de demain doit travailler en réseau, pour mieux servir les malades. Et il doit l’apprendre dès sa formation initiale, grâce au fonctionnement d’un CHU qui doit anticiper sur ces tendances, qui doit s’évertuer d’une certaine manière à être un « modèle ».
Il n’est de domaine dans lequel la formation initiale des médecins, qui échoit aux CHU, ne soit en quelque sorte la formation à la réforme, c’est-à-dire l’aptitude au changement et l’aptitude à utiliser les nouveaux outils dont se dote les systèmes de santé. Je pense bien sûr à tous les outils de la qualité, ceux-là même dont vous débattez aujourd’hui : références médicales, règles de bonne pratique, accréditation, dossier médical unique, etc. Je pense aussi à la formation à la gestion et à l’économie de la santé : gestion des approvisionnements médicaux, organisation des équipes, prescription des médicaments en dénomination commune internationale, etc.
En cela, les hôpitaux universitaires participent pleinement de la construction de cette médecine de demain que notre réforme de la protection sociale essaie de dessiner. Les jeunes étudiants doivent le comprendre et comprendre quel est l’objectif de ces réformes. Je souhaite qu’ils ne se laissent pas abuser par une vision extrêmement réductrice et partiale. Des jeunes de 1997 ne peuvent qu’être enthousiastes, si on leur explique bien, à l’idée de participer à cette construction.
Voilà le message que je voudrais faire passer au terme d’une semaine marquée par les manifestations d’inquiétude parmi les internes en médecine ! Voilà le message de confiance et d’entraînement que j’aimerais que vous diffusiez, vous qui êtes tous au contact de ces jeunes ! Il faut expliquer, convaincre, ne pas céder aux excès simplificateurs.
Or, bien souvent, j’ai eu le sentiment que ces manifestations étaient largement dues à de mauvaises explications qui avaient été données. On a fait croire aux internes en médecine qu’ils ne seraient plus en mesure de constituer leur clientèle et de s’installer comme leurs aînés comme médecin libéral. Que la médecine dans laquelle ils allaient s’insérer était administrée, enserrée dans des règles contraignantes. Qui s’étonne dès lors que les internes se soient inquiétés ?
Non, il n’y a pas dans la convention qu’ont signée la semaine dernière les caisses et les syndicats de médecins de quota individuel ou de restriction à la croissance de l’activité d’un jeune médecin. Oui, un médecin qui s’installe peut voir ses revenus doubler d’une année sur l’autre sans que la profession dépasse pour autant l’objectif collectif de dépenses : n’est-ce pas ce qui s’est passé l’an dernier, en 1996, où les dépenses ont crû de 2,3 % et où nombre de jeunes médecins ont vu leur activité croître considérablement ?
Le reversement éventuel d’honoraires ne s’applique que si l’objectif de dépenses est dépassé et si ce dépassement excède le montant provisionné pour les revalorisations d’honoraires (1,7 milliard en 1997). Les partenaires conventionnels avaient prévu que ce reversement, qui est modulé individuellement entre les médecins, ne serait pas dû par les médecins installés depuis moins de trois ans. Cette disposition a inquiété. Par deux fois, les partenaires ont su écouter les revendications des internes et ont porté ce délai à cinq, puis à sept ans. Étant entendu qu’en tout état de cause, le reversement est calculé sur les revenus nets de charges et qu’il peut être décidé de l’imputer sur l’objectif de l’année suivante.
Je crois que les internes ont vraiment obtenu là tout ce qu’ils réclamaient et qu’ils ont eu la preuve que les partenaires conventionnels tenaient le plus grand compte de leurs positions. Ils ne sont pas eux-mêmes parties à la convention, mais ils ont pu l’influencer. Chacun veillera, j’en suis sûr, à les ternir informés de toutes les discussions à venir.
Maintenant que ce problème a été résolu, il faut, je crois, en revenir à l’essentiel. Que les jeunes médecins et les étudiants participent à construire cette médecine de demain que j’évoquais et à laquelle vos CHU participent tant.
Qu’ils y participent en particulier par le biais des activités de recherche des CHU que je n’ai pas encore évoquées, mais dont l’importance est évidemment considérable. Avec les hôpitaux, le rôle de l‘INSERM dans le développement d’une politique de recherche clinique et de santé publique ambitieuse est essentiel et la création récente de structures mixtes telles que les centres d’investigation clinique (CIC) et les instituts fédératifs de recherche (IFR) marquent une avancée très notable. Centres d’investigation et instituts fédératifs ont en particulier vocation à épauler une véritable politique régionale de site autour de pôles d’excellence dans les CHU et à orienter par la même le recrutement des hommes.
3. Après avoir souligné l’importance de la formation et de la recherche, permettez-moi maintenant de vous rassurer sur la prise en compte de la spécificité des CHU dans les arbitrages budgétaires.
J’ai conscience de l’effort qui est demandé cette année, et je sais que certains se demandent si nous n’avons pas mis « la charrue avant les bœufs ».
Bien au contraire, il nous faut mener simultanément une plus grande rigueur dans l’évolution des dépenses et l’amélioration de la qualité des soins.
Il ne s’agit pas de dépenser moins, mais de faire mieux avec le même pouvoir d’achat. Le monde hospitalier doit affronter la réalité. Nous ne sommes pas en situation de pénurie, loin de là : nous dépensons 300 milliards de francs tous les ans pour nos établissements et près de la moitié des dépenses de l’assurance maladie y sont consacrés ; nous avons le record d’Europe pour le nombre de lits de court séjour par habitant (5,6 lits pour 1 000 habitants). Si on n’est pas capable de gérer avec la masse financière que nous avons, comment font les pays qui ne sont pas aussi bien dotés et qui n’ont pas forcément des résultats sanitaires moins bons ?
Il est normal que les dotations de chaque hôpital ne progressent pas à l’identique puisque le gouvernement a souhaité corriger des inégalités entre régions surdotées et régions sous-dotées. Toutes les études le montrent, ces inégalités ne sont plus tolérables. Sait-on par exemple que le nombre de personnels soignants varie de 349 à 714 dans deux hôpitaux français qui ont un volume d’activité comparable (et qui ne sont pas des CHU !) ?
C’est vrai que l’Ile-de-France, et notamment l’Assistance publique de Paris, vont particulièrement contribuer à cet effort national. Mais cette région est dotée d’un budget hospitalier de 55 milliards de francs, soit plus de 20 % de l’enveloppe nationale. Ce rééquilibrage va bénéficier aux patients des régions voisines et contribuera à éviter que les patients habitant ces régions viennent se faire soigner dans les hôpitaux parisiens.
Mais s’il y a un rééquilibrage entre les régions, il n’y a pas de déséquilibre entre les différentes catégories d’établissements de santé. Je connais les spécificités des CHU et je voudrais vous dire mon souci qu’il n’y ait pas d’injustice dans le traitement de ces établissements.
Entre 1986 et 1996, la dotation globale des CHU a progressé au même rythme que la moyenne des hôpitaux.
Cette année, je note que les CHU ont contribué à l’effort de réduction des inégalités dans les mêmes proportions que tous les hôpitaux, même s’il n’y a pas nécessairement de corrélation – c’est bien normal – entre le budget du CHU et celui de la région où il se trouve. Les budgets des CHU en 1997, après revalorisation salariale, sont très variés selon les régions : entre – 0,55 % pour le CHU de Toulouse et + 2,34 % pour le CHU d’Amiens. En moyenne, le taux d’évolution des budgets des CHU après revalorisation salariale est de + 0,72 %, soit un montant légèrement inférieur au taux moyen national de 0,88 %. Mais je rappelle que ce taux n’intègre pas toutes les dépenses, notamment certaines mesures nouvelles qui sont inscrites au budget des CHU en cours d’année et certaines enveloppes spécifiques comme la sécurité transfusionnelle ou les crédits sida qui touchent particulièrement les CHU. Au total, comme le gouvernement l’a annoncé, les budgets des hôpitaux et ceux des CHU augmenteront à un rythme voisin de celui de l’inflation.
Par ailleurs, le programme de médication du système d’information (PMSI) tient d’ores et déjà compte des spécificités des CHU. Un coefficient a été retenu pour tenir compte des activités d’enseignement et de recherche. S’il s’avérait que le coût supplémentaire de ces activités a été mal estimé, je souhaite que le dialogue se poursuive entre la direction des hôpitaux et les représentants des CHU.
Je rappelle également que la plupart des activités confiées principalement ou exclusivement aux CHU sont exclues de l’analyse en fonction du PMSI et sont prises en compte en tant que telles : soins ambulatoires aux détenus, centres de dépistage anonymes et gratuits, centres de pharmacovigilance, activités d’hospitalisation à domicile.
J’ai demandé aux directeurs d’agences et aux DRASS d’être très attentifs à l’explication des budgets hospitaliers. Les établissements qui connaissent une simple reconduction de leurs moyens devront trouver des économies sur tous les postes de fonctionnement. Il y a des marges de manœuvre en dehors des dépenses spécifiquement médicales : il suffit de constater les écarts d’un hôpital à l’autre sur des postes comme les cuisines, la blanchisserie ou les contrats d’entretien. En tout état de cause, je répète ici qu’il n’y aura pas de licenciements et que les postes au lit du malade ne seront pas touchés.
Je souhaite que le travail engagé pour perfectionner les critères d’analyse se poursuive dans le dialogue et la transparence. Je souhaite également que les CROSS soient désormais consultés dans la politique de répartition des budgets comme le prévoit l’ordonnance du 24 avril 1996.
Je voudrais terminer mon propos en soulignant que nous ne réussirons qu’avec la participation de tous, et que si chacun s’implique pleinement. C’est pourquoi les équipes médicales ou paramédicales qui le souhaitent pourront mettre en place des centres de responsabilité. Ces équipes pourront gérer leur propre budget en fonction de leurs besoins, au plus près des malades. Un décret et une circulaire sont en cours de publication pour préciser les conditions dans lesquelles les équipes pourront créer des centres de responsabilité et contracter avec la direction de l’hôpital. Tout cela se fera de manière facultative, avec l’accord de toutes les instances de l’établissement et dans le cadre de la politique globale définie par le budget d’établissement et la direction générale. Mais je crois que cette politique contractuelle est utile pour mobiliser toutes les énergies de l’hôpital et les faire converger vers des buts définis en commun. Elle est le pendant du contrat de l’établissement avec l’agence auquel tous les responsables du CHU, directeur général bien sûr, mais aussi président de CME et doyen ont vocation à être associés.
La participation de tous à la gestion et à la vie de l’hôpital, elle est aussi la clef de la réussite de la politique de qualité qui vous occupe lors de ces assises. Seule une mobilisation générale, ordonnée, mais aussi très décentralisée, peut, je pense, permettre d’obtenir des résultats en matière de qualité des soins, de lutte contre les infections nosocomiales ou pour mettre en œuvre les recommandations d’une visite d’accréditation.
C’est pour saluer ce travail d’équipe, que constitue par essence la mission hospitalière, que je tenais absolument à être avec vous aujourd’hui !
Assises nationales du Centre national des professions de santé, le 21 mars 1997
Je me réjouis d’être parmi vous alors que l’actualité sanitaire et sociale toujours trépidante, me convainc toujours davantage de la nécessité d’agir.
1. Déjà le chemin parcouru depuis un an est considérable. Les règles du jeu ont été définies. Je vous en présentais les grandes lignes lors de vos assises de l’année dernière. Je constate que les engagements ont été tenus et, s’agissant plus particulièrement de la place des professions de santé dans la gestion du dispositif, je constate que les craintes de certains d’entre vous étaient infondées. Les nouvelles règles n’ont pas provoqué l’étatisation redoutée et l’État lui-même s’est engagé dans la contractualisation de ses relations avec ses partenaires. Nous pouvons même dire qu’après le temps des ordonnances et des décrets, nous vivons le temps des accords.
L’État lui-même a passé un premier accord avec la CNAM pour redéfinir ses rapports avec la branche maladie du régime général et fixer le cadre des responsabilités de chacun. Cet accord doit aboutir dans les prochaines semaines à la conclusion d’une convention d’objectifs et de gestion qui détermine les axes principaux de l’action de la Sécurité sociale et de l’État.
Les caisses d’assurance maladie, quant à elles, avec les professions de santé signent régulièrement des conventions. Ainsi, les cliniques privées, les biologistes, les ambulanciers ont conclu des accords qui ont été approuvés par les pouvoirs publics. Les médecins ont, quant à eux, signé le 28 février leurs conventions. Et je veux croire que les chirurgiens-dentistes ne manqueront l’occasion qui leur sera donnée prochainement de signer une convention particulièrement importante.
J’entends bien qu’il ne s’agit pas de signer des accords mécaniquement et que certains de ces accords sont contestés par quelques-uns d’entre vous. Je connais les critiques qui sont formulées. J’aurais gardé cependant de tenir pour négligeable la signature que d’autres – courageusement – y ont apposé. C’est après tout le jeu de la pluralité de représentation de vos professions qui conduit à cet état de fait.
Tout accord est forcément un compromis qui comporte son lot d’insatisfactions, de revendications abandonnées, d’avancées retardées. Qu’importe si l’on croit à la dynamique de l’accord.
Sur la base des relations d’échange et de confiance instaurées à l’occasion d’un accord conclu, il est possible d’envisager que l’accord lui-même évolue et prenne mieux en compte les volontés de chaque partie.
Voilà pourquoi j’invite solennellement ceux qui auront à conclure prochainement de tels accords et ceux qui s’en sont exclus momentanément à bien évaluer la force de cette vie conventionnelle. J’admets que les négociations soient désertées.
2. Rien ne justifie en effet un tel abandon. Les contraintes qui s’exercent sur notre système de santé, et plus généralement sur notre société, ne permettent pas de croire au miracle d’une nouvelle donne qui changerait les règles du jeu. L’immobilisme n’est pas de mise : nous savons tous qu’il y a davantage à faire pour dépenser mieux, diffuser les connaissances nouvelles, évaluer les pratiques, responsabiliser les patients, améliorer le dialogue au plan local entre caisses et praticiens. La réforme s’impose. Mais aucune réforme ne pourra faire abstraction de l’équilibre financier des régimes sociaux. Et cet équilibre n’est pas un objectif lointain, porté par quelques économistes distants et ignorants des besoins du pays. L’équilibre financier des régimes sociaux est la condition même de leur survie. Nous ne pouvons croire échapper à cette contrainte. J’entends parfois dire que le chômage est la cause de nos maux. Il est vrai que l’afflux de recettes provenant d’un meilleur niveau d’emploi faciliterait notre tâche à tous. Mais n’est-ce pas résoudre le problème en le croyant résolu ? Et n’est-ce pas nos déficits publics qui expliquent une partie de notre chômage.
Cette préoccupation financière n’est pas une fin en soi ; elle est subordonnée à une finalité supérieure : la préservation de notre protection sociale et du système de soins qu’elle finance.
C’est pourquoi les pouvoirs publics se sont attachés à lier étroitement rééquilibrage des comptes et meilleure prise en compte des besoins sanitaires.
L’instauration des conférences de santé, la création du carnet de santé, l’amélioration du dispositif d’élaboration des références – médicales aujourd’hui, professionnelles demain – sont des outils de la qualité. De façon générale, l’étroite imbrication entre l’amélioration de la qualité des soins et la maîtrise de la dépense conduit à mettre l’accent sur les procédures d’évaluation.
Voilà pourquoi l’ANAES va développer une politique de qualité, non seulement à l’hôpital mais aussi pour la médecine de ville. La procédure d’accréditation des services qu’elle mettra en œuvre n’a de sens que si elle s’appuie sur le respect des bonnes pratiques cliniques et sur le respect des RMO dans les consultations externes.
Le décret qui va préciser son organisation et son fonctionnement sera publié dès la semaine prochaine. Nous souhaitons que les candidatures présentées par l’ensemble des professions de santé soient à la hauteur des enjeux pour notre système de soins. Comme le gouvernement l’a annoncé, cette agence sera totalement indépendante et devra fonctionner en étroite collaboration avec l’ensemble des acteurs de la santé.
Le lien entre qualité et maîtrise justifie l’appel au concours des professionnels pour la réussite de la réforme. Ce concours emprunte la voie des conventions. Cet esprit conventionnel doit également souffler sur les relations entre vous.
3. Je le disais devant vous l’année dernière : « vos professions doivent être à l’écoute les unes des autres afin que des rapports de coopération ne se dégradent jamais en lien de subordination ».
Il n’appartient pas à l’État de tout organiser. Il s’exposerait à la critique d’étatisation que certains d’entre vous savent bien formuler. Vous avez vous-même montré la voie en créant ce Centre national des professions de santé. En lui confiant le soin de désigner lui-même ses représentants à la conférence nationale de santé, je témoigne du rôle que j’espère lui voir jouer pour assurer des relations harmonieuses entre vous et plus spécifiquement entre professions prescriptrices et professions prescrites.
Le niveau de la formation et la qualité d’exercice des professions prescrites autorisent à envisager désormais une redéfinition des responsabilités de chacun. Les règles actuelles de la nomenclature qui confèrent au médecin le pouvoir de prescrire en qualité et en quantité peuvent évoluer dans le sens d’une délégation au praticien prescrit de la décision de préciser les moyens nécessaires au résultat qui lui est indiqué.
Une telle évolution doit bien sûr éviter deux écueils : le premier, c’est la dilution des responsabilités ou l’apparition de conflits entre prescripteur et prescrit sur la définition de la frontière de leurs interventions respectives. Le malade ne pourrait qu’en pâtir. Le deuxième, c’est une diversité de pratiques qui nuirait à la bonne gestion de nos finances sociales.
Les références professionnelles applicables à chaque activité médicale ou paramédicale constituent une réponse intéressante au problème posé. J’invite caisses d’assurances maladie et organisations syndicales à travailler activement sur ce chantier.
Sur le terrain, le travail en réseau des professionnels est aussi une exigence qu’il doit être possible de mieux satisfaire et qui contribuera à une coordination plus étroite des interventions de chaque exercice, médical ou paramédical. Vous le savez, avec pragmatisme, nous avons choisi la voie de l’expérimentation afin de relayer et donner de l’ampleur aux premiers essais tentés au plan local. Je souhaite que des projets d’expérience soient soumis en grand nombre à l’agrément des pouvoirs publics et que l’on exploite au mieux les dérogations à la législation offertes par l’ordonnance du 24 avril 1996.
Enfin, les relations financières entre professions doivent respecter les intérêts légitimes de chaque partie. L’État y veillera pour sa part, mais, si l’on veut éviter les pièges de l’économie administrée, il importe que les professions inventent elles-mêmes les mécanismes qui garantissent que les engagements des uns ne soient pas supportés par les autres et qui évitent une subordination économique contraire aux principes de notre médecine libérale. C’est une question difficile qu’il faut aborder à la fois avec prudence et résolution.
Là encore, le CNPS est l’instance idéale pour y élaborer les propositions nécessaires dans un climat d’association où chacun, médecins, directeurs de laboratoires, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmières, masseurs kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, pédicures-podologues, audioprothésistes participent à une œuvre commune. C’est le sens de l’attachement que je lui porte et dont je voulais témoigner à l’occasion de vos assises nationales 1997.