Texte intégral
Le Monde : Le Front national vient de susciter la création d’un FN-pénitentiaire, d’une fédération de syndicats de fonctionnaires, et annonce la création prochaine d’un FN-routiers. Pourquoi cette frénésie syndicale ?
Bruno Mégret : Pour une raison fondamentale : le syndicalisme officiel, tel qu’il existe actuellement, n’est plus légitime. Les syndicats prétendument représentatifs n’assurent plus leurs fonctions au service des salariés. Ils ont tendance à détourner leur colère, à exploiter leurs problèmes et servent de supplétifs, aussi bien au pouvoir qu’au patronat. Ils ne dénoncent pas de danger majeur du mondialisme. Ils ne posent pas, non plus, les vraies questions, comme celle de la défense de l’exclusivité nationale dans les emplois publics.
Il est des secteurs où notre engagement social prendra d’autres formes. Je viens, par exemple, d’aller apporter le soutien du Front national aux salariés de Moulinex menacés de licenciements massifs à cause du mondialisme (Le Monde daté 20-21 octobre). Cette démarche va se généraliser, car le mondialisme est aujourd’hui la cause majeure de régression sociale. Or le FN est le seul à le combattre. Il est, à ce titre, le principal mouvement social.
Je voudrais saisir cette occasion pour dire que nous sommes très critiques à l’égard du grand patronat – à l’exception de quelques noms, comme Jacques Calvet –, qui joue le jeu du mondialisme au risque d’aller à l’encontre des intérêts de la nation et de jeter des millions de Français dans la misère. Je mets ces patrons en garde : dans les années 60, ils ont eu recours à la main-d’œuvre immigrée, ce qui a eu des conséquences dramatiques sur la société française, mais aussi sur leurs propres entreprises en retardant la modernisation de leurs outils de production ; de la même manière, la voie mondialiste dans laquelle ils s’engagent sans réserve va produire dans l’avenir, pour notre pays, des difficultés considérables, dont ils seront eux aussi victimes.
Le Monde : Le Front national s’est fait discret sur le mouvement de la fonction publique du 17 octobre…
Bruno Mégret : Nous soutenons les salariés du secteur public car celui-ci est aujourd’hui gravement menacé, mais nous ne soutenons pas les syndicats qui organisent les grèves.
Le Monde : Le FN défendant le service public, voilà qui est nouveau…
Bruno Mégret : Oui, mais il n’y a, en cela, rien d’étonnant, car nous savons qu’en France l’État est la colonne vertébrale de la nation, et les agents de l’État, qui sont à son service, jouent donc un rôle essentiel. Il est dès lors normal que le Front national, qui défend la nation, défende les services publics et leurs agents.
Le Monde : Tout le service public ?
Bruno Mégret : Nous considérons qu’il faut dégager l’État des secteurs de l’économie de marché : l’État n’a pas à produire de voitures, ni à jouer les banquiers ou les assureurs ; mais il convient de maintenir sous le contrôle de la puissance publique les grands services essentiels au fonctionnement de la nation, à sa sécurité, c’est-à-dire la production d’énergie, les transports publics, les entreprises de communication et de télécommunications, et le secteur de l’armement.
Le Monde : Il n’y a pas si longtemps, vous qualifiez les fonctionnaires de privilégiés et demandez des « dégraissages »…
Bruno Mégret : Les fonctionnaires sont privilégiés dans la mesure où ils ont une garantie de l’emploi, mais, avec le mondialisme, c’est la dérégulation qui est prévue et, avec elle, la privatisation, qui peut conduire à une régression sociale. Certes, il faut réduire les dépenses publiques : il est donc nécessaire d’introduire dans la fonction publique et dans les entreprises publiques le critère de l’efficacité. Le statut des fonctionnaires sera d’autant mieux préservé, leur rémunération sera d’autant mieux défendue que la fonction publique cessera d’être pléthorique. Il vaut mieux moins de fonctionnaires, bien formés, bien rémunérés et bien considérés, qu’une multitude de fonctionnaires prolétarisés et méprisés. »