Texte intégral
Monsieur le ministre : Je suis un peu en retard, mais la semaine est un peu chargée, notamment en séances nocturnes.
Je vous ai cherchés dans les tribunes du Sénat et de l’Assemblée, hier, je ne vous ai pas trouvés. J’étais extrêmement déçu !
Je ne sais pas par quoi commencer.
S’agissant du débat sur l’euro, à mon avis vous en savez autant que moi, sinon plus. Je ne vois pas très bien ce que je peux rajouter. Les positions du RPR ont été abondamment commentées. Il ne m’appartient pas aujourd’hui d’y revenir.
Quant au dépôt d’une motion de censure, c’est à mon avis le moins qui pouvait être fait. Tout cela montre un certain embarras par rapport au sujet. On verra bien quel est le contenu de la motion de censure en question. Je serais surpris qu’elle propose à l’Assemblée nationale de censurer le retour de la croissance, la décrue commencée du chômage ou le moral retrouvé des ménages et des patrons de PME. On verra quel contenu ils sont susceptibles de fournir.
Ce qui est un peu dommage dans tout cela – et je m’arrêterai sur ce sujet –, c’est que nous sommes au début d’une période – je le dis avec modestie parce que j’accepte volontiers l’idée qu’il y ait une part de mouvement international important dans tout cela, que ce qui a été fait par les gouvernements précédents n’était pas toujours négatif et a contribué à préparer les bases de la croissance. Je ne veux absolument pas comparer aux plumes du paon –… Ce qui est quand même très surprenant, ou plutôt très agréable, c’est que nous sommes à un moment où un début d’élan national commence à se recréer, à la fois avec le passage à l’euro, le retour de la croissance et ce que j’ai dit sur le moral des uns et des autres. Finalement, certains ont dû mal à accepter cette situation et jouent un peu contre leur camp.
Il est clair que lorsque Jacques Chirac, au hasard, aura à négocier pendant le week-end du 2 mai sur un certain nombre de sujets qui intéressent la France avec ses partenaires, il ne se trouvera pas renforcé par la situation dans laquelle l’opposition le met aujourd’hui. C’est un peu dommage pour le pays.
Sur l’euro lui-même, à mon avis, il n’y a pas grand-chose à dire de plus, tout a été dit, sauf si vous voulez que l’on y revienne, auquel cas je répondrai à certaines de vos questions, pas obligatoirement à toutes.
S’agissant du budget, j’ai indiqué la dernière fois que l’on s’est vu, ou la fois précédente, les grands chiffres du cadrage du budget 1999. Je suis un peu surpris, mais pas vraiment, du débat qui semble se construire sur le thème des dépenses publiques dont le gouvernement a décidé qu’elles augmenteraient de 1 % en volume cette année, comme s’il y avait un quelconque baromètre économique ou un quelconque morceau de théorie économique qui fasse référence à la hausse des dépenses publiques. Cela n’a aucun sens.
La seule chose qui ait un sens, c’est la part des dépenses publiques dans le PIB. Dire que l’Allemagne a plus de dépenses publiques que la France pour stigmatiser le fait que ce serait un pays plus étatique n’a pas de sens. Le PIB de l’Allemagne est plus important que celui de la France. Ce qui compte, c’est la part des dépenses publiques dans le PIB. Or, en 1998 comme en 1999, la part de la dépense publique dans le PIB décroît. On peut s’en féliciter ou au contraire trouver que c’est mal et qu’il faut que la dépense publique ré-augmente dans le PIB. Mais la réalité est celle-là, à l’inverse de ce qui s’est passé pendant la période de 1993 à 1996.
Plusieurs de vos organes ont publié des graphiques montrant la comparaison entre le taux de croissance de la dépense publique et le taux de croissance du PIB de 1993 à 1996, de 1997 à 1999, 1998 et 1999 étant prospectifs. On voit que la croissance des dépenses publiques a été de 3,5 points supérieure à celle du PIB sur l’ensemble de la période 1993 à 1996 et sera de 6 à 7 points inférieure à celle du PIB de 1997 à 1999.
Si on s’intéresse à la part que la sphère publique prend dans l’économie nationale, c’est ce critère qui est le seul à valoir quelque chose, en moyenne et en marginal, un chiffre que j’évoquais plusieurs fois devant vous, qui est l’indicateur le plus significatif, dont je ne désespère pas vous convaincre qu’il faut l’utiliser, qui est la part de la dépense publique dans l’accroissement du PIB. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de l’évoquer devant vous. Chaque année, il y a un accroissement du PIB. Quelle part la sphère publique prend-elle dans l’accroissement de la richesse nationale ? Je vous disais que ce chiffre, qui variait d’une année sur l’autre, se promenait en 55 et 60 % depuis le début des années 90, sauf l’année 1996 où il avait fait 90 %, indice de point de la TVA.
Donc, en 1996, 90 % de l’accroissement de richesse avaient été captés par la sphère publique, ce qui évidemment est très directement à mettre en liaison avec la rupture de la croissance à ce moment-là.
En 1998, ce chiffre est retombé à 40 %. Il sera entre 40 et 45 % en 1999. C’est une autre manière d’apprécier la part de la dépense publique dans le PIB en termes d’accroissement. C’est la variable la plus significative et la plus importante.
Sur le dossier du secteur public, a été publiée récemment la liste des dossiers qui ont été déposés pour la reprise du Crédit foncier. Le communiqué et les dépêches d’agences que j’ai sont simples et clairs. Une offre est déposée par le Centre national des caisses d’épargne, une offre de GEMAC, qui est la structure financière que vous connaissez et qui est Général Motors, qui est très développée, une offre américaine qui est celle de Général Electric Capital et une autre de la Poste, associée avec la Garantie mutuelle des fonctionnaires.
Deux remarques là-dessus :
– la première, c’est que l’on constate, les uns et les autres, qu’il y a deux étrangers et deux Français, que parmi les Français on ne trouve aucune structure bancaire traditionnelle dont on aurait pu penser que la reprise du Crédit foncier pouvait les intéresser ;
– la seconde remarque c’est que, vous le savez mais c’est bon à préciser, la façon dont l’affaire a été organisée est que chacun fait l’offre qu’il souhaite en termes de participation majoritaire ou minoritaire, avec une latitude laissée au Gouvernement de laisser arranger des mariages. Cela ne veut pas dire, comme cela a été le cas pour le CIC et pour d’autres opérations, que les offres sont indépendantes les unes des autres. Il se pourrait très bien que l’on arrive à mettre d’accord tel repreneur ou telle autre proposition avec telle autre proposition pour faire un paquet. Ce n’est pas garanti d’avance non plus, mais ce n’est pas à exclure. Cela autoriserait certains à faire des offres minoritaires qui ne se suffisent pas à elles seules, mais qui sont susceptibles de s’associer à telle ou telle en fonction d’une négociation.
La procédure se poursuit. Elle devrait se terminer avant la fin du premier semestre. J’observe, pour le moment, que le cours du Crédit foncier a beaucoup progressé depuis la fin novembre 1997, sans doute parce que tout le monde a commencé à anticiper à ce moment-là que le processus de reprise allait se mettre en place.
Je ne suis pas absolument certain que l’évolution de ces cours, liée justement à cette perspective de reprise, reflète une modification des fondamentaux du Crédit foncier.
Là aussi, si vous avez des questions sur le Crédit foncier, j’y reviendrai autant que vous le voulez.
Il y a un sujet cette semaine qui est le Crédit lyonnais. Comme vous le savez, nous sommes dans une phase qui se termine normalement le 6 mai. C’est celle dans laquelle, à partir d’un premier tour d’horizon que la commission a fait il y a trois semaines, on essaye de trouver un accord satisfaisant sur le dossier avec Bruxelles. Conformément à tout ce qui s’est passé depuis le début, je ne souhaite pas entrer dans le détail de la négociation, car je considère qu’elle n’a pas à être rendue publique avant qu’elle soit terminée. Simplement, elle le sera à ce moment-là et chaque élément proposé par les différentes parties sera mis en avant.
Ce qui doit être clair pour tous aujourd’hui, c’est que le courant français souhaite trouver une solution, car il est normal qu’il y ait des contreparties apportées à l’aide publique versée en faveur du Crédit lyonnais. Pour autant, ces contreparties ne doivent pas mettre en cause la viabilité du Crédit lyonnais et c’est dans une certaine mesure une condition d’acceptation de l’aide par Bruxelles. La commission ne peut accepter une aide publique pour une entreprise qu’à condition que l’aide permette la viabilité de l’entreprise. Si c’est à fonds perdus et que cela ne permet pas de rendre viable l’entité ainsi aidée, ce serait une cause de rejet.
A contrario, il faut que les contreparties demandées en échange d’une aide ne mettent pas en cause la viabilité du Crédit lyonnais, sinon on serait en contradiction. Cela nous va parfaitement puisque le Gouvernement est tout à fait prêt à discuter de ces contreparties avec la commission jusqu’au moment où le sentiment serait fort que les contreparties demandées mettent en cause la viabilité du Crédit lyonnais. C’est à l’intérieur de ces limites que la négociation se poursuit et, je l’espère, qu’elle se finira correctement aux dates prévues.
Dans l’intervalle, des déclarations fortes ont ému ; j’ai fait les mises au point nécessaires. Je crois avoir compris que la commission elle-même avait fait des mises au point pour calmer les esprits et au-delà de ce mouvement d’humeur, le dossier n’est pas dans une situation très différente de ce qu’il pouvait être il y a une semaine, avant que les événements récents aient un peu d’effrayer la chronique.
Concernant SMC, l’ensemble des opérations d’audit et d’analyse auxquelles s’est livré Patrick Carel (?) depuis qu’il a été nommé montre que la seule procédure susceptible de permettre un redressement de l’entreprise est de l’adosser à partir d’une opération de gré-à-gré à quelqu’un qui voudrait en reprendre l’ensemble de l’activité. Il n’y a pas de débat de principe là-dessus, c’est mené en liaison étroite avec la commission européenne et l’adossement de ce dossier commence. Je ne pense pas qu’il y ait de difficultés particulières.
La commission européenne, l’entreprise, les salariés et l’État vont se mettre en situation de trouver par une procédure de gré-à-gré un repreneur et essayer par là même de faire que cette entreprise, qui est beaucoup plus malade que l’on aurait pu le croire, puisse se redresser. En quatre ans, on estime à 2,9 milliards les « difficultés », comme on dit, de cette maison marseillaise.
Le fonds public sur l’innovation en capital risque, dont j’avais annoncé la création auprès de la Caisse des dépôts et qui a été doté dans la loi de finances est sur pied. Il sera opérationnel la semaine prochaine. Il est donc doté de 600 millions de francs pour l’année en cours. Le président du comité d’engagement sera Henri Guillaume, qui a en matière de capital risque une grande expérience. Il a été pendant plusieurs années le président de l’ANVAR ; on aura l’occasion de reparler de ces questions d’innovation puisque le Premier ministre a confié à Claude Allègre et moi-même la mission d’organiser les assises de l’innovation le 12 mai. Par ailleurs, j’ai passé un accord avec Gordon Brown (?) pour que son ministère et le mien travaillent de façon étroite à l’analyse de la situation européenne en matière de capital risque, de financement de l’innovation, particulièrement dans les PME à la définition de ce que l’on ferait en commun. Un travail bilatéral sera mené rapidement des deux côtés. De façon opérationnelle, c’est Lord Simons du côté britannique et Christian Pierret de notre côté qui piloteront l’opération.
Hier s’est tenue – certains d’entre vous s’en sont fait l’écho et je les en remercie – la première réunion du conseil de politique économique. Cela fait partie de la réforme du ministère. Il rassemble les principaux directeurs ayant un rapport avec la stratégie macro-économique et la gestion de la politique économique, avec comme vocation de préparer au niveau français les réunions du conseil de l’euro. Ce premier conseil se tiendra en juin, le suivant en juillet, etc., et chacun se prépare. Il y a des propositions différentes de mode de fonctionnement, on en discute avec les Autrichiens qui présideront cette première opération et comme la France est très largement à l’origine de la mise en place du conseil, elle se considère comme responsable de le nourrir au moins au démarrage et de lui donner corps. Le comité de politique en question, auquel Christian Sautter a bien voulu prêter son concours, a commencé à se réunir depuis hier.
Pour finir, un point sur les réunions G7 et FMI à Washington. Je tire deux choses de celles-là.
La première, c’est que le Japon propose des éléments de redressement importants. Cependant, je constate notamment sur les marchés que la conviction n’est pas encore très forte que ces éléments sont suffisants. Il y a donc visiblement nécessité notamment pour le gouvernement japonais de mieux expliquer la façon dont il considère que les mesures qu’il évoque auront une efficacité. C’est vrai, il y a des mesures macroéconomiques, notamment les déductions fiscales dont il attend un redémarrage fort de la consommation, et c’est vrai de l’autre côté des sommes consacrées à la restructuration bancaire. Au total, ce sont des sommes considérables, 16 trillions de yens en cause, soit une cinquantaine de milliard de dollars sur plusieurs années. C’est tout à fait impressionnant.
Au regard de ces chiffres, le scepticisme qui semble continuer d’exister dans la communauté internationale ne me semble s’expliquer que parce qu’il y a besoin d’explications sur les canaux et les mécanismes par lesquels le gouvernement japonais entend intervenir.
La deuxième remarque concerne aussi bien la réunion du G7 que celle du FMI, à savoir les conséquences que les uns ou les autres essayeront de tirer de la crise asiatique. Je crois que tout le monde est d’accord sur l’idée qu’il y a un problème de transparence de l’information financière ; des efforts importants doivent donc être faits dans cette direction. Il y a un débat notamment entre les Américains et les Français sur le fait de savoir si la transparence doit se limiter aux organismes publics, notamment les banques centrales ou s’il faut, comme le réclament les Français, qu’elle s’étende à tous les organismes privés. La thèse que j’ai défendue est que la position des banques centrales est importante, mais on sait aujourd’hui, notamment dans de nombreuses crises qui se sont passées, quelle a été l’importance de la fuite des capitaux privés et si on ne met pas en place des modalités d’obligation de transparence et d’information sur les structures privées, une large part de la formation nécessaire à la surveillance du système ne sera pas disponible. Il y a un débat sur la faisabilité principalement de la partie privée. Sinon, sur ce thème de la transparence et de la surveillance, tout le monde est assez d’accord.
Mais il y a d’autres thèmes qui apparaissent. J’ai donc commis deux articles dans les journaux anglo-saxons pour faire des propositions, d’autres de mes collègues en ont également fait. Au G7 de Birmingham, des propositions concrètes pourraient commencer à être prises en compte ou d’autres qui existeront d’ici là.
Une me paraît notamment importante, qui mettra du temps à déboucher, c’est que le renforcement du FMI, nécessaire dans cette affaire, passe évidemment, c’est une thèse traditionnelle française, par le renforcement de ses moyens, mais aussi par le renforcement de sa capacité d’action en termes juridictionnels. En clair, le moment est venu de transformer le comité intérimaire comme le prévoient les statuts du fonds en un organe de décisions. Les statuts prévoient que le comité intérimaire cessera au bout d’un certain temps d’être un organe de discussions pour devenir un organe de décisions : cinquante ans après la création du fonds, il m’a semblé que nous pouvions avoir un instrument utile si, dans le comité intérieur, des décisions pouvaient être prises. Autrement, elles sont prises par le conseil d’administration du fonds qui ne regroupe pas les mêmes partenaires. Le comité intérimaire regroupe vingt-quatre pays représentant l’ensemble de la planète, notamment les pays émergeants qui y sont plus représentés que dans d’autres instances. Il est très important que les décisions soient prises à un endroit où les pays qui peuvent être concernés par l’ouverture de marchés de capitaux soient présents et le comité intérimaire est le bon endroit pour cela.
Voilà le tour d’horizon de la semaine qui vient de s’écouler.
Un intervenant : Vous disiez que le président de la République va arriver au sommet de Bruxelles affaibli alors qu’il y a une négociation difficile sur la présidence de la Banque centrale européenne pour laquelle la France a un candidat. Pouvez-vous élaborer ?
Monsieur le ministre : Je pense que le président de la République et Lionel Jospin se seraient retrouvés plus forts face à leurs partenaires si l’unanimité s’était trouvée à l’Assemblée nationale. Sur un certain nombre de points, le fait qu’il n’y ait pas unanimité était connu, puisqu’un certain nombre de structures politiques avaient annoncé depuis longtemps leur opposition. Du côté du RPR, j’ai eu le sentiment qu’il y avait une plus grande hésitation. C’est un élément nouveau qui ne renforce pas particulièrement notre main.
Un intervenant : Sur le Crédit lyonnais, vous avez parlé du 6 mai comme étant la date normale. Est-ce à dire que l’on peut jouer les prolongations ?
Monsieur le ministre : C’est un dossier sur lequel personne n’est buté. Le dernier tour de manivelle est que la commission s’étant réunie, elle a proposé un délai d’un mois pour que de nouveau un débat ait lieu. On verra où l’on en est. Personne ne va casser une négociation si l’on est sur le point d’aboutir pour des raisons de forme.
Que ce soit clair, il faut a priori tenir dans ces délais. Il n’est pas question de rechercher volontairement une prolongation, mais ce sera peut-être le 6, le 7, le 8 ou le 9 mai.
Un intervenant : Vous dites que cela dure depuis un certain temps. Depuis cinq ans, il y a eu plusieurs plans d’aide successifs. Selon vous, le cumul du montant de l’aide de l’État au Crédit lyonnais et au CDR atteindra combien ?
Monsieur le ministre : Le premier plan date de 1995, cela fait donc trois ans, mais vous avez raison, cela fait un certain temps. Le problème du calcul de l’aide est le suivant. Il peut y avoir des différences d’appréciation de la valeur de telle ou telle chose, cela peut entraîner la différence sur l’appréciation de l’aide entre les différents experts français, ceux de la commission, les banques conseil, etc. Mais la principale différence ne vient pas de là. Selon nous, l’aide totale est de 80 milliards de francs alors qu’elle avait été fixée à 50 milliards en 1995.
D’où vient la principale divergence ? Je considère que l’on ne peut pas imputer toutes les pertes du CDR au Crédit lyonnais et considérer qu’elles sont toutes de l’aide au Crédit lyonnais. À partir du moment où a été choisie une procédure de séparation du Crédit lyonnais et du CDR, de sortir du Crédit lyonnais un certain nombre d’actifs pour les mettre dans une structure indépendante qu’est le CDR, il faut, au moment où on les sort, estimer ce que cela représente comme aide au Crédit lyonnais. On n’a peut-être pas bien calculé lorsque l’on a parlé de 50 milliards, on s’aperçoit que c’est plutôt 80 milliards, on peut changer, mais l’estimation qui compte c’est au moment où l’on a sorti les actifs car autrement, les pertes du CDR peuvent varier sans lien avec les problèmes du Crédit lyonnais.
L’idée de base est de dire que c’est une aide au Crédit lyonnais que de lui retirer des actifs qui sont perdants, cela crée une distorsion de concurrence qu’il faut compenser. C’est légitime. Mais trois ou quatre ans après, le fait que les équipes du CDR vendent bien ou pas ne change plus rien à la situation du Crédit lyonnais.
S’agissant de biens immobiliers, le fait que le marché de Paris s’écroule augmente les pertes du CDR. Au contraire, s’il explose, cela diminue ses pertes. Mais cela ne change plus rien à la situation du Crédit lyonnais qui a été réglée trois ans avant par la séparation. Cela n’a donc pas de sens de vouloir estimer presque jusqu’à la fin des temps les pertes du Crédit lyonnais en fonction des résultats du CDR.
À la limite, il n’y a pas de risque que cela se passe ainsi, mais on pourrait imaginer une situation absurde où le marché de l’immobilier se relève tellement formidablement qu’il n’y ait plus de perte du tout au CDR. Alors on dirait : ce qui a été demandé comme contrepartie au Crédit lyonnais comme cession d’actifs, il va pouvoir les racheter car la perte du CDR devient infiniment petite.
Cela montre que l’on ne peut pas logiquement estimer l’aide apportée au Crédit lyonnais en fonction de l’évolution, année après année, de la façon dont le CDR se comporte. C’est tellement vrai que si une autre voie avait été choisie, qui à mon avis aurait été meilleure, à partir du moment où l’on coupait en deux ce qui n’était pas obligatoire, mais si on avait choisi de céder au démarrage globalement le défaisance, comme cela s’est fait en Angleterre dans beaucoup d’entreprises privées, où la structure a été vendue d’un seul coup ; donc si le Gouvernement en 1995 avait décidé de ne pas garder un CDR public, mais de vendre globalement un CDR, il y aurait un repreneur privé qui serait propriétaire et la commission publique ne pourrait plus dire que c’est de l’aide publique.
Tout cela illustre le fait qu’il n’est pas totalement légitime de vouloir considérer que la perte du Crédit lyonnais fluctue dans le temps en fonction de l’activité du CDR, d’où la différence d’estimation que l’on a avec la commission. La différence entre 50 et 80 milliards, c’est qu’il est juste de reconnaître, comme la commission le dit, que l’estimation de 1995 n’était pas correcte.
Nous avons décidé avec Monsieur Von Mirt que l’on n’allait pas se battre pendant des jours là-dessus et que l’idée qu’il y avait un doublement des pertes était accepté. Cela voudrait dire 100 milliards, le chiffre ne me paraît pas juste, il pense que c’est plus, moi moins mais on arrête de se battre. On dit donc qu’il y a un doublement et à part dire de là, ce qui avait été demandé comme contrepartie dans le premier plan, c’est qu’en échange des 50 milliards de pertes, c’était 310 milliards de cessation d’actifs, le Crédit lyonnais devrait s’en séparer, notamment à l’étranger, et diminuant par là sa taille, il compensait l’avantage de concurrence que cela représentait pour lui qu’une aide publique qui lui retirait ses actifs des 50 milliards de pertes.
On est donc facilement tombé d’accord sur l’idée que si c’était le double, c’était le double, encore que cela mériterait discussion. On pourrait dire qu’il n’a pas de proportionnalité obligatoire, mais je veux bien admettre l’idée que c’est le double.
Cela mériterait discussion. On pourrait dire qu’il n’y a pas de proportionnalité obligatoire. Je veux bien admettre l’idée que ce soit le double. On pourrait dire que cela doit être proportionnel à ce qui reste dans le Crédit lyonnais. Si c’était le triple, ce ne serait pas le triple, ce serait proportionnel également. C’est donc 620 milliards. Le problème est de savoir comment le Crédit lyonnais est susceptible, en respectant le critère que j’évoquais en commençant, à savoir conserver sa viabilité sinon on est dans la contradiction par rapport au principe de la commission de céder 620 milliards. Nous avons fait une proposition, une liste. Nous sommes en discussion sur le fait de savoir si cela convient.
Mais, je vais aller un peu plus loin puisque vous m’interrogez. On est aussi d’accord sur l’idée qu’il faut sortir de cette histoire. Je considère que ce dossier n’est pas un de ceux qui ont été les mieux gérés par la majorité précédente et qu’il est temps d’en sortir.
En sortir est évidemment faire, comme cela avait été évoqué au début de la procédure par des échanges de courriers, que le Crédit lyonnais finisse par changer d’actionnaire et à être privatisé, ce qui d’ailleurs – vous le savez, on en a tous l’expérience – est une des pratiques les plus courantes en matière d’aide. C’est ce que nous vivons sur l’affaire du CIC et du GAN, par exemple. Aide, d’accord, mais aide pour solde de tout compte et, pour être sûr que l’on n’y revient pas et qu’il n’y a plus d’aide publique, passage au secteur privé.
De ce point de vue, le Gouvernement a accepté cette idée. La question qui se pose est de savoir comment cela se passe. De nouveau, on retombe sur la même discussion. Le Gouvernement est prêt à s’engager sur cette sortie du secteur public du Crédit lyonnais, comme cela se passe pour le GAN et le CIC, toujours pour les mêmes raisons à vrai dire (aide publique), mais dans deux conditions qui sont :
– d’une part de pouvoir le faire de manière qui rapporte le plus aux contribuables français, c’est-à-dire que le contribuable qui a aidé le Crédit lyonnais s’y retrouve le plus possible ; personne n’espère que cela puisse compenser totalement. Plus le Crédit lyonnais rapporte à l’État, plus cela compense l’effort demandé aux contribuables français pour aider le Crédit lyonnais ;
– d’autre part, il faut qu’il s’agisse de modalités qui permettent d’assurer la survie du Crédit lyonnais et que ce ne soit pas une vente par appartements de différentes activités du Crédit lyonnais. Cela nous conduit à proposer une procédure qui s’étalerait sur l’année 1999, à partir des comptes de l’année 1998, qui serait une procédure probablement de mise sur le marché par OPV, qui nous paraît celle qui utilisant au mieux le redressement commercial et financier qui était celui du Crédit lyonnais au cours de ces dernières années, qui valorise le plus cette entreprise.
Là-dessus, il y a aussi un débat puisque, comme vous le savez, la proposition de la Commission est de procéder à une vente de gré-à-gré. Or, on ne peut pas annoncer aujourd’hui que l’on fera un gré-à-gré dans un an ; cela entraîne la déliquescence du Crédit lyonnais. Si on fait un gré-à-gré, il faut le faire tout de suite. Si on le fait tout de suite, pour le coup, patrimonialement l’État français y perd beaucoup, donc le contribuable également. Je pense qu’il faut que nous attendions le résultat des comptes 1998 pour le faire dans les conditions financières les meilleures.
L’idée maintenant est simple. On est d’accord sur beaucoup de choses : grosso modo le montant des contreparties, grosso modo l’idée que le Crédit lyonnais doit sortir du secteur public, encore que vous savez que la Commission n’a pas de pouvoir pour l’imposer. Le traité de Rome ne l’autorise pas. Cela fait partie d’un paquet. Très bien ! Il faut définir les modalités de ce paquet.
Ce qui est sûr, dans cette affaire, c’est qu’il n’y a pas de thermomètre pour mesurer exactement si les contreparties qui sont sur la table compensent exactement ou pas l’aide publique. Ce qui est sûr, c’est que le Crédit lyonnais, qui était une des premières banques européennes en 1992, sera loin après la vingtième place, les cessions une fois faites. Ce n’est donc plus le même Crédit lyonnais. Il y a bien eu le changement, légitime du point de vue de la concurrence, qui est que, compte tenu de l’importance de l’aide publique, il faut changer sa nature pour que cela n’entraîne pas des distorsions de concurrence insupportables. Personne ne peut contester que cela ait eu lieu ou que ce soit inscrit dans le plan tel qu’on l’a proposé.
Mais il y a des limites à cela. Notamment, le fait que la Commission ne puisse pas imposer la privatisation n’est pas en débat puisque l’on peut tomber d’accord. À tout le moins, je revendique le fait qu’elle ne peut pas imposer la modalité de privatisation. Le Gouvernement entend conserver la liberté en la matière, de façon à préserver au maximum les intérêts du contribuable français et des salariés du Lyonnais.
J’ai été plus long que je l’avais prévu sur ce sujet, mais enfin.
Monsieur Milesi : À Bruxelles, on dit que procéder par OPV consiste à faire en sorte que le Crédit lyonnais reste français et ne puisse pas être racheté par l’étranger.
Monsieur le ministre : Je ne sais pas ce que cela veut dire, parce que tout le monde peut acheter des actions sur une OPV. De plus, je ne vois pas en quoi cela concerne Bruxelles. Si l’on tient cette thèse, Monsieur Milesi, cela signifie que le problème de Bruxelles est de dire : il faut que le Crédit lyonnais soit racheté par un étranger. Il me semble que Bruxelles outrepasse ses conditions de départ. Sa mission est de veiller à ce que les règles de concurrence soient respectées et que, lorsqu’il y a aide publique, il y a contrepartie. Cela ne peut pas théoriquement aller jusqu’à la demande de privatisation. Je ne discute pas cela.
Après, le fait de savoir si le repreneur sera français, étranger, pour partie, totalement, si ce sera dans le public ou pas, ce n’est pas le débat. Sur une opération que nous vivons, qui sert d’exemple de ce point de vue, à savoir celle du GAN et du CIC, la question ne s’est pas posée. Bruxelles n’a pas dit : « Je veux que ce soit comme ci » ou « Je veux que ce soit comme cela ».
Honnêtement, il faut que chacun garde raison dans cette affaire. On peut concevoir qu’il y ait une logique, même si ce ne sont pas les pouvoirs de la Commission, à dire, pour mettre un terme à cette affaire, qu’il faut que cela sorte du secteur public. Sinon, on aura toujours ce débat de savoir à combien est l’aide, si cela recommence ou pas. Soit ! Mais, dans ces conditions, on le fait, un engagement est pris et il sera respecté. Les modalités ne peuvent pas être défavorables au Trésor public français, à savoir aux contribuables, et aux salariés par démantèlement, d’autant que ce n’est pas simplement l’intérêt du trésor français et des contribuables français qui est en cause, ce qui est déjà suffisant, mais le fait que, plus le Crédit lyonnais est vendu cher, plus cela réduit l’aide publique.
Dans la logique même de la Commission, plus le Crédit lyonnais est cher, et donc plus l’État se rembourse sur sa vente, moins il y a eu d’aide. Comme l’objectif naturel de départ de la Commission est d’essayer de minimiser l’aide, il est logique d’aller dans cette direction aussi.
Quelle que soit la manière dont on le prend, personne n’a une quelconque forme d’intérêt, sauf un éventuel repreneur, actionnaire, à un Crédit lyonnais qui serait bradé. C’est la position que l’on défend.
De toute façon, la loi française, dans une telle opération, garantit la transparence et l’équilibre entre Français et étrangers. Si la Commission veut dire : « Nous décidons que le Crédit lyonnais doit être privatisé, qu’il doit être comme cela et que ce doit être un étranger qui le reprend », elle le dit, mais on sort des limites du débat.
Un intervenant : Quel est le montant des cessions d’actifs déjà réalisées ?
Monsieur le ministre : Je n’en sais rien. Le premier plan devait faire 310 milliards dans des cessions d’actifs avant fin 1998. On n’est pas à 310 milliards, soyons clairs. Mais, pour le savoir vraiment, il faut attendre fin 1998, puisque c’était la période. De toute façon, on n’y sera pas. Le plan n’a pas été totalement rempli. C’est pour cela que nous sommes de nouveau en débat. Je ne dis pas que le plan, tel qu’il avait été conçu et mis en œuvre par mes prédécesseurs, a été réalisé.
Je ne peux malheureusement pas vous dire où l’on en est aujourd’hui, mais jeudi prochain j’aurai ce chiffre. Il est clair que l’on n’est pas à la totalité de ce qui avait été annoncé.
Un intervenant : Que se passe-t-il si, le 6 mai, on ne parvient pas à un accord et si la Commission interdit les aides ?
Monsieur le ministre : Vous voulez dire : « si elle rend une décision négative » ? Elle rend une décision négative.
Un intervenant : Que se passe-t-il ?
Monsieur le ministre : Nous nous élèverons contre cette décision négative devant la Cour de justice de Luxembourg.
Un intervenant : Cela n’entraîne pas de conséquences concrètes et immédiates pour le Crédit lyonnais ?
Monsieur le ministre : Cela peut entraîner des situations difficiles. Il est souhaitable que chacun réfléchisse bien dans cette affaire aux responsabilités qu’il prend. Une décision négative sur des hauts fourneaux ou sur une fabrique de chaussures, ce n’est pas exactement la même chose qu’une décision négative sur un organisme financier de la taille du Crédit lyonnais.
Un intervenant : À quelle hauteur le Crédit lyonnais (inaudible) ?
Monsieur le ministre : Dans son principe, s’il y a des décisions négatives sur l’aide, c’est sur l’ensemble de l’aide. C’est 100 milliards, si c’est 100 milliards. 130 milliards si c’est 130 milliards. Si c’est une décision négative partielle, on dit sur combien. Tout cela n’a pas beaucoup de sens, dans une certaine mesure.
Un intervenant : Cela reviendrait à mettre en faillite le Crédit lyonnais comme on l’a pensé à un moment donné.
Monsieur le ministre : Non, cela ne peut pas mettre en faillite le Crédit lyonnais. Il est bon que vous me posiez la question pour que les choses soient bien claires. Les clients du Crédit lyonnais sont garantis par l’État, qui est son actionnaire. Cela conduirait quand même à une situation très difficilement extricable, d’autant que la Commission nous a fait savoir que, bien sûr, l’État devrait donner sa garantie formelle au Crédit lyonnais, mais que ce serait de nouveau considéré comme une aide. Cela paraît être une situation peu raisonnable. C’est pour cette raison qu’il faut trouver une solution.
Un intervenant : Qu’est-ce qui prouve que l’OPV rapporterait plus qu’une procédure de gré-à-gré ?
Monsieur le ministre : Je n’en sais rien. On peut se poser la question. Vous avez raison de le faire. Une cession qui interviendra à partir du printemps 1999 rapportera plus qu’aujourd’hui parce que l’on aura les résultats de 1998, dont j’anticipe qu’ils sont bons. Je veux garder la liberté du mode de mise sur le marché à cette période. Cela peut être une OPV ou un gré-à-gré.
Vous avez eu l’impression que je disais que cela ne devait pas être un gré-à-gré. Non ! Je veux garder la possibilité que ce soit une OPV. Je ne veux pas accepter l’idée que ce soit obligatoirement un gré-à-gré. À l’arrivée, peut-être que cela en sera un.
En fonction des critères que j’ai fixés, il faudra voir ce qui paraît le plus intéressant. Il y a un problème de délai. Il faut les résultats 1998. Les résultats de 1997 ne sont pas mauvais, mais les résultats de 1998 montreront la tendance. Par ailleurs, le Gouvernement français entend garder, si l’on tombe d’accord sur le reste, la liberté du mode. Cela peut être un gré-à-gré.
Un intervenant : La cession d’actifs est-elle un point difficile avec Bruxelles ?
Monsieur le ministre : C’est le problème de la viabilité. Il ne faut pas que les cessions demandées mettent en cause la viabilité d’une banque comme le Crédit lyonnais. Par exemple, il y a de grands clients industriels au Crédit lyonnais. Ils ont besoin que le Crédit lyonnais garde une présence dans les grandes places internationales, sinon il ne peut pas les garder. Cela met en cause sa viabilité. Cela ne veut pas dire qu’ils doivent garder partout la même importance. Des endroits peuvent être cédés ou réduits. On voit mal que le Crédit lyonnais puisse être considéré comme viable en n’ayant rien à Londres. Cela n’a pas de sens.
Sur d’autres sujets, avez-vous des questions à poser ?
Un intervenant : Êtes-vous inquiet de la situation du MATIF ? Il y a eu quelques campagnes de presse parlant de la situation de ce marché, qui faisait la fierté de la place de Paris. En termes de financement de l’économie, notamment, est-ce-que la France et les OAT restent une référence internationale ?
Monsieur le ministre : Je suis moins inquiet que la presse, parce que ce que j’ai vu la tombe à un moment très particulier, qui est le moment où il y a eu le changement de technique de cotation, etc. Quand on regarde – je suppose que vous le ferez – l’évolution du MATIF et de ses concurrents, DTB à Francfort et Life à Londres depuis le début de l’année, on voit que le développement massif du DTB s’est fait principalement aux dépends du Life et non du MATIF. Les fluctuations importantes du MATIF sur quelques jours sont principalement liées à des causes très conjoncturelles (le passage à la cotation électronique, etc.)
Première partie de la réponse sur l’aspect conjoncturel : je ne suis pas inquiet outre mesure. Sur l’aspect structurel : il est clair que nous avons une concurrence forte du DTB, avec une différence quand même : le contrat sous-jacent du DTB est le même que celui du Life, le Bund allemand, ce qui n’est pas le cas du MATIF. Il reste donc une spécificité importante du MATIF à Paris. Depuis les mouvements qui existent depuis le début de l’année, renforcés par l’aspect conjoncturel – encore une fois, on s’explique de façon un peu différente –, des mesures sont prises par le trésor, notamment avec les SVT pour consolider cela. Il n’y a pas de problème particulier à attendre, sur le MATIF, au-delà du mouvement spécifique qu’il y a eu à cause du changement technique, qui a posé pas mal de problèmes (grèves, etc.).
Mais si on veut répondre très honnêtement et structurellement à votre question, la partie sur ces marchés-là est loin d’être gagnée. C’est à la fois une fierté et une préoccupation. Ce sont les deux à la fois.
Un intervenant : (inaudible.)
Monsieur le ministre : Non. Le problème, c’est que chacun fait évidemment ce qu’il veut. Il faut que la place de Paris voit l’intérêt qu’elle a ou non à avoir un marché structurant comme le MATIF sur place. C’est évidemment à elle de voir. Il y a eu une évolution très sensible des tarifs puisque la transaction, qui était de 6 francs, est passée à 1,70 franc. Il y a beaucoup d’éléments sur lesquels cela a bougé et cela doit encore bouger. C’est à cela que je pensais en disant que les acteurs devaient se concerter sur le fonctionnement de cette affaire pour en faire un marché compétitif. C’est un enjeu important.
Un intervenant : Vous avez parlé des discussions difficiles ce week-end ?
Monsieur le ministre : Auxquelles pensez-vous ?
Un intervenant : Je pensais à Monsieur Trichet.
Monsieur le ministre : Le week-end prochain ?
Un intervenant : Oui.
Pouvez-vous expliquer quelles sont les raisons de ces difficultés ? Y a-t-il une différence qui se cache derrière les personnes dans la conception de la politique monétaire ? C’est la question principale.
Monsieur le ministre : La difficulté est simple : il y a deux candidats pour un seul poste. C’est la situation démocratique dans les tous les pays depuis longtemps. Il y a parfois des élections. Quand il y a plusieurs candidats, ce n’est jamais facile.
Un intervenant : On n’a jamais compris quelle est la différence, aux yeux du Gouvernement français, entre ces deux candidats, à part que l’un est Français.
Monsieur le ministre : S’il n’y avait pas de différence, je ne vois pas pourquoi quelqu’un s’opposerait à cc que ce soit Monsieur Trichet.
Un intervenant : Quelle est la différence ?
Monsieur le ministre : Le président de la République, qui a lancé ce débat au mois d’octobre, a été clair. Il a dit deux choses. Il a dit : « C’est aux chefs d’État et de gouvernement de choisir, et non à l’amicale des gouverneurs » et « Un accord tacite a existé, signifiant que, puisque le siège serait à Francfort, le premier gouverneur serait français. Le président de la République dit : « Il est légitime qu’on le mette en œuvre. Ce sont les chefs d’État et de gouvernement qui vont choisir et non les gouverneurs. Je demande que l’on respecte cette affaire ». On en est là. Sinon, les qualités personnelles de Monsieur Disenberg et de Monsieur Trichet ne sont pas en cause, vous avez raison. Elles sont équivalentes.
Un intervenant : Cette démarche n’est-elle pas intervenue un peu tardivement ?
Monsieur le ministre : Il est intéressant que vous me posiez cette question. Elle est intervenue, à mon avis, immédiatement au moment où l’opinion en générale, celle de la presse, a pris conscience de ce que, en effet, on allait passer à l’euro à la date dite. Six mois plus tôt, il y avait encore un tel débat sur : « Cela va-t-il se faire ? La France remplira-t-elle les critères ? Cela ne va-t-il pas être reporté ? » que cela aurait paru intemporel de se poser cette question.
Dans l’été 1997 et à la rentrée 1997, s’est tellement cristallisée l’idée qu’en effet la France remplirait les critères, qu’en effet l’euro serait en place à la bonne date, que c’est devenu le bon moment pour parler de ces questions.
Avec le recul, on peut poser la question que vous posez. Dans la chronologie, c’est venu à un moment… Je n’ai pas à juger de la stratégie du président de la République, mais cela pouvait difficilement venir plus tôt.
Il y a d’autres préoccupations avant l’été.
Un intervenant : Derrière cette divergence sur l’amicale des gouverneurs d’un côté et les chefs d’État de l’autre, n’y a-t-il pas une différence profonde dans la politique monétaire ?
Monsieur le ministre : Vous disiez tout à l’heure le contraire.
Un intervenant : Je vous pose la question.
Monsieur le ministre : Je ne le crois pas. Les deux sont tout à fait qualifiés pour mener la politique monétaire que définit le traité et que peuvent souhaiter les États.
Un intervenant : Peut-on imaginer que la décision ne soit pas prise le 2 mai ?
Monsieur le ministre : Je pense que ce n’est pas souhaitable. On peut tout imaginer formellement. Je ne pense pas que ce soit souhaitable. Je pense même qu’il serait souhaitable qu’elle soit prise avant le 2 mai.
Un intervenant : Est-ce probable ?
Monsieur le ministre : Il faut l’espérer.
Un intervenant : (Inaudible).
Monsieur le ministre : Je défends, à la suite du président de la République, le candidat français. J’envisage Trichet pour huit ans.
Il est toujours désagréable de choisir entre deux candidats. Quand on en privilégie un, cela veut dire que l’on dénigre l’autre. Je ne dénigre pas du tout la candidature de Monsieur Disenberg. La France a présenté un candidat, je le soutiens.
Un intervenant : Et un troisième homme ?
Monsieur le ministre : Il y en a déjà deux, cela suffit comme cela !
Il faut espérer qu’il y aura un accord.
Un intervenant : Peut-on imaginer une limite d’âge pour le président de la Banque centrale européenne ?
Monsieur le ministre : C’est une idée intéressante que vous pourriez peut-être rendre publique !
Un intervenant : Qu’en pensez-vous ?
Monsieur le ministre : Les modalités techniques d’un accord peuvent être variées. La pratique de la limite d’âge est courante en France. Elle ne l’est pas dans d’autres pays qui la trouvent bizarre. Si cela ne plaît pas, cela ne plaît pas. Il faut trouver un arrangement.
Un intervenant : (Inaudible).
Monsieur le ministre : Je crois savoir que le président de la République a dit la même chose. Il l’a dit moins fort, mais sa voix a plus de puissance !
Un intervenant : Vous qui connaissez les deux hommes à titre personnel, qu’est-ce qui les distingue ?
Monsieur le ministre : Il y a un Français et un Néerlandais, il y a un conservateur et un social-démocrate, il y a deux gouverneurs de banques centrales.
Un intervenant : Votre cœur ne penche pas pour le social-démocrate ?
Monsieur le ministre : Vous n’aviez droit qu’à une seule question sur ce sujet personnel !
Un intervenant : (Inaudible)
Monsieur le ministre : Nous avons mené – c’est un long débat, je vais essayer de faire court – pendant de nombreuses années des politiques de convergence économique. Nous sommes assez prêts en termes de phase du cycle, mais pas exactement au même endroit. À partir du moment où une politique monétaire va s’exercer de façon uniforme sur l’ensemble de la zone, la différenciation entre les pays doit se faire par la politique budgétaire. La différence de politique budgétaire dans les pays vient compenser l’avance ou le retard par rapport à la moyenne des différents pays dans le cycle.
Cela va être compliqué sur le plan statistique, sur le plan de l’échange d’informations. C’est tout le problème de l’euro, définir où est le poids moyen des pays de la zone, voir ceux qui sont en avance, ceux qui sont en retard dans le cycle – la France et l’Allemagne sont plutôt en retard par rapport à d’autres pays, comme l’Irlande, qui sont pas mal en avance sur le cycle – et de voir comment la pratique budgétaire peut conduire à compenser ces écarts.
Il y a d’autres outils budgétaires, mais l’outil majeur de régulation, dans l’équilibre monétaire budgétaire, puisque la politique monétaire sera la même pour tous, pis, sera…
Comment fait-on ? On n’en est pas encore là. Il faut que l’analyse soit menée concrètement sur la situation actuelle, l’importance des écarts. C’est tout le travail de « l’euroiste ». Sur le plan de principe, c’est bien ce genre de raisonnement.
Monsieur Milesi : Je n’ai pas bien compris…
Monsieur le ministre : Cela m’étonnerait !
Monsieur Milesi : J’ai l’impression que l’on vend la Marseillaise de crédit dans le cadre du secteur public. On ne peut pas la redresser ?
Monsieur le ministre : Ce n’est pas que l’on ne peut pas la redresser, mais il faut sans doute qu’elle ne vive pas seule. C’est une structure qui a été développée par Monsieur Casale à l’origine, dans des conditions compliquées, sur lesquelles je ne veux pas revenir. C’est une structure qui n’a pas exactement l’équilibre, la forme en termes d’agences, de corps central, d’informatique, etc. que devrait avoir une banque de cette taille pour être viable. Il faut qu’elle soit adossée à un partenaire plus gros. Le secteur public seul ne sait pas faire. Il faut un partenaire plus vaste et trouver cette solution.
Un intervenant : Pourrait-on envisager une association entre... (inaudible) ?
Monsieur le ministre : Tout est envisageable.
Un intervenant : Je voudrais poser une question sur la plainte portée par l’AFB-FFSA à Bruxelles contre la Poste. Songez-vous à une solution particulière, à séparer dans les comptes les services postaux et les produits financiers ?
Monsieur le ministre : Non. Une plainte a été déposée. Elle suivra son cours normalement. Je n’ai pas de commentaires à faire là-dessus.