Discours de M. Robert Galley, ministre de la Coopération, à la séance d'ouverture du sommet franco - africain sur la condition féminine, Paris le 21 janvier 1981

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Circonstance : Sommet franco-africain sur la condition féminine à Paris du 21 au 23 janvier 1981

Texte intégral

Dans la société de tous les pays à haut niveau de vie et d'industrialisation, la place et le rôle de la femme dans la société sont aujourd'hui des questions de pleine actualité. Les lois, les règlements et même les mentalités ont évolué considérablement au cours des dernières années mais il nous faut admettre que cette évolution du rôle de la femme n'en est encore qu'à ses débuts, et que, dans la société du XXIe siècle, l'avenir des femmes est encore imprévisible et dépend largement, comme celui des hommes d'ailleurs, des progrès technologiques qui devraient à la fois augmenter leur disponibilité, réduire considérablement encore leur tâche matérielle et par conséquent leur permettre de consacrer à leur vie de famille comme à leur vie professionnelle une part très supérieure de leur temps.

Partiellement libérées de ses contraintes ancestrales, d'une urbanisation hâtive et le plus souvent mal conçue, de ces événements dans notre société industrielle que sont la progression des grands ensembles, les femmes sont encore dans notre société très souvent les victimes de travaux répétitifs et par conséquent inintéressants, et force est de constater que malgré les efforts du gouvernement français à l'initiative du président de la République les hommes, dans notre société industrialisée bénéficient le plus souvent d'une priorité d'emploi qui est condamnée en principe mais qui est observée tous les jours.

En règle générale, on a pu constater, et j'ai pu constater moi-même, que les Africaines en particulier, dans la grande majorité des cas, n'avaient pas pu s'affranchir, ce mot étant pris au sens large du terme, parce que le développement économique et social du continent africain est largement insuffisant et que ceci se traduit par le fait que les femmes africaines n'ont pas pu se libérer des servitudes et des contraintes que connaissaient les paysannes et ouvrières européennes du début du XIXe siècle. Entre des mariages précoces, des maternités répétées, des tâches ménagères douloureuses, les travaux agricoles qui sont traditionnellement confiés en grande partie aux femmes et toutes les nécessités ménagères, force nous est de constater que le temps et les occasions de s'instruire, de développer sa personnalité et d'accéder à un rôle social majeur digne de ses capacités lui sont souvent refusés. Il nous faut voir là beaucoup plus qu'une injustice au détriment de plus de la moitié de la population africaine, il s'agit au bout du compte d'un ensemble d'éléments qui constituent un véritable frein au développement de l'Afrique, car je considère, nous considérons, ici en France, que c'est par la femme en effet que les idées et les moeurs évoluent.

Elle est bien évidemment, nous le savons, responsable de la petite enfance de l'humanité dont les scientifiques au cours des ces dernières années nous ont marqué l'importance que ce premier âge occupait dans la création des structures mentales de l'adulte. C'est aussi parce que les femmes ont d'avantage le sens du concret et qu'elles sont traditionnellement plus proches des réalités quotidiennes qu'elles ont un rôle primordial à jouer pour prévenir les éventuels soubresauts d'une évolution nécessaire, mais très souvent beaucoup trop rapide des sociétés à la fois au plan social, technologique, plus encore au plan des moeurs.


Le ministère français de la Coopération a toujours manifesté un grand intérêt pour les questions féminines et sociales et nous avons tenté chaque fois que cela nous était possible, et que ceci nous était demandé, d'apporter des appuis diversifiés à cette question de la condition féminine. Nous l'avons fait bien souvent par le biais des subventions à des organisations non gouvernementales, voire à des associations qui aient comme objet celui que je viens de définir. Ces organismes démultiplient considérablement les moyens de notre ministère tout en s'adaptant bien mieux qu'une administration aux réalités sociologiques africaines essentiellement dans le monde rural.

Parmi ces associations, je voudrais citer tout particulièrement un travail que j'estime personnellement assez remarquable effectué par les volontaires du progrès que beaucoup connaissent ici.

Un exemple des actions les plus concrètes peut être choisi au sein des projets de l'association « Clair Logis » au Sénégal et en Côte d'Ivoire dont les activités sont orientées essentiellement vers l'alphabétisation, l'économie familiale ou la formation d'animatrices de villages. C'est également le cas de l'Institut de recherche et d'application des méthodes de développement (IRAM) qui, au Niger et au Mali, s'efforce d'intégrer progressivement les femmes au mouvement coopératif agricole en les initiant aux méthodes et aux circuits de commercialisation.

Une autre action digne d'être signalée est celle des maisons familiales d'apprentissage rural implantées dans de nombreux pays africains.

Leur objectif est d'assurer sans discrimination, dans le cadre du village, la préparation des jeunes à la vie qui les attend aussi bien sur le plan professionnel - agriculture, élevage, artisanat - que sur le plan familial - hygiène, alimentation, économie, gestion au budget familial-.

Prise en charge progressivement par le milieu lui-même sur le plan financier, la maison familiale applique une pédagogie fondée sur l'alternance : à des périodes de théorie et de pratique dispensées dans l'établissement succèdent des périodes de retour dans la famille où le jeune adolescent et la jeune adolescente mettent en pratique les conseils reçus.

Ainsi se forme peu à peu une nouvelle génération d'hommes et de femmes parfaitement intégrés dans leur milieu traditionnel certes, mais apte également à en permettre l'évolution. C'est une génération où le travail de la femme sera reconnu par tous dans toute sa dignité sans discrimination.

Un autre volet de notre effort de coopération porte plus particulièrement dans le domaine de l'information avec l'octroi de bourses de voyages permettant la participation de femmes africaines à des conférences internationales ou régionales.

Il se traduit aussi par le financement de films sur les problèmes quotidiens de la femme africaine et par la création récente d'une revue spécialisée destinée à établir un lien entre les association africaines et françaises.

Dans le domaine de la formation, qui correspond à plus du tiers de mon budget, mon département participe à des stages de recyclage et favorise le détachement de conseillères pédagogiques notamment auprès des écoles de services sociaux, d'infirmières et de sages-femmes.

Enfin, et c'est là un secteur auquel j'attache un intérêt tout particulier, le ministère de la Coopération étudie actuellement les moyens d'intégrer dans ses grands projets de développement un volet social comprenant notamment les aspects sanitaires, éducatifs et culturels, qui sont souvent oubliés bien qu'ils soient, nous le savons tous, essentiels à la réussite d'opérations véritablement utiles aux peuples.

Voilà brièvement tracées les grandes orientations du ministère de la Coopération dans le domaine féminin et social qui nous intéresse aujourd'hui.

Certes sur ces points essentiels nous en sommes encore à des balbutiements tant il est vrai que la transformation sociale est la plus difficile à maîtriser. C'est pourquoi je suis heureux de cette occasion qui nous est donnée au cours de cette réunion amicale de mieux nous connaître et de mieux appréhender vos problèmes.

La France est à votre écoute, non par démagogie et souci de la mode, mais parce que tout ce qui fait progresser les femmes africaines fait progresser leur pays respectif et tout ce qui renforce ces États va dans le sens des intérêts bien compris de mon propre pays. Je suis persuadé qu'en pratiquant une concertation sérieuse et régulière, nous apprendrons de vous ce qui pourrait vous aider dans votre action et que nous trouverons ensemble des mesures pratiques, concrètes pour améliorer notre coopération et la rendre plus conforme à vos aspirations.