Interview de M. Jean-François Mancel, secrétaire général du RPR, à France 2 le 23 octobre 1996, notamment sur les amendements non retenus de l'UDF sur la partie recette du budget et le climat de mécontentement politique.

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Média : France 2

Texte intégral

G. Leclerc : L'Assemblée a adopté hier la partie recette du Budget. Peu de voix ont manqué dans la majorité mais l'amertume et la rancune se sont clairement exprimées du côté de l'UDF dont les amendements n'ont pas été retenus. Pourquoi martyriser l'UDF, d'une certaine façon ?

J.-F. Mancel : Non, je ne crois pas que l'UDF a été martyrisée, d'autant plus que le ministre des Finances et le ministre du Budget sont tous les deux UDF. Je crois simplement que le Parlement doit débattre et il est normal qu'il y ait discussion entre les députés et le Gouvernement. Si cela ne se fait pas, on dit que le Parlement est une chambre d'enregistrement et que les députés ont le petit doigt sur la couture du pantalon. A partir du moment où on débat, on dit que c'est la cacophonie ou le conflit. Je crois qu'il s'est passé ce qui se passe toujours : débat puis vote sur l'essentiel. Et sur le vote sur l'essentiel, la majorité était unie. Elle l'est toujours sur l'essentiel, cette majorité.

G. Leclerc : A ceci près que les amendements UDF n'ont pas du tout été retenus et on a entendu des gens comme G. de Robien dire qu'il y avait des tentations d'abstention ; L. Poniatowski a dit que c'était une erreur profonde et il a menacé que, dans de prochaines débats, l'UDF ne vote pas avec la majorité.

J.-F. Mancel : Je crois que cela fait partie du débat politique. A partir du moment où vous avez quelques idées d'amendement, sur le Budget par exemple, et que vous n'êtes pas suivi, vous êtes toujours un peu mécontent en disant que vous auriez bien aimé obtenir satisfaction. Donc ça rogne, ça grogne un peu et puis, quelques jours après, c'est terminé. L'essentiel, je crois, c'est que, quand on vote sur le Budget – et l'on a fait sur les recettes hier – la majorité soit unie. Elle l'a été une nouvelle fois et elle le sera toujours au service des Français.

G. Leclerc : Vous n'avez pas de crainte que cela aille plus loin cette mauvaise humeur, avec des abstentions voire des votes contre ?

J.-F. Mancel : Je crois que cela fait partie de la vie parlementaire. La vie parlementaire, c'est des coups de gueule réguliers, quasi quotidiens. Mais l'essentiel, je vous le répète, c'est que la majorité soit unie sur l'essentiel et là-dessus vous pouvez vérifier concrètement qu'elle l'est à chaque fois que c'est nécessaire.

G. Leclerc : Le contexte politique est difficile pour la majorité et le Gouvernement. Les deux derniers sondages BVA-Paris-Match et CSA-La Vie indiquent une chute sans précédent de J. Chirac et d'A. Juppé, qui sont au plus bas. Est-ce que la cote d'alerte n'est pas atteinte ?

J.-F. Mancel : Finalement, je crois que l'on traverse la période la plus dure du septennat de J. Chirac, dans la mesure où, pendant quatorze ans de présidence et dix ans de Gouvernement, les socialistes ont mis la France en panne et ils l'ont mise à genoux.

G. Leclerc : Mais depuis 1993, il y a un changement de Gouvernement !

J.-F. Mancel : Depuis 1993 certes, mais il faut du temps, hélas, et les Français sont impatients. On les comprend. Ils sont impatients parce qu'ils souffrent. En revanche, il est indispensable d'avoir le temps nécessaire au Gouvernement pour voir les réformes qu'il a mises en oeuvre se concrétise et les Français en récolter les fruits. Moi, je suis convaincu que la France est en train de se remettre debout, de se remettre en marche, et que les Français vont en tirer les résultats positifs pour eux dans leur vie quotidienne dès l'année 1997. Seulement, il faut encore un peu de temps et c'est ce que nous devons expliquer à nos concitoyens, en leur disant : « nous comprenons votre impatience, nous comprenons votre inquiétude sur l'avenir mais nous sommes en train de tout mettre en oeuvre, d'assainir le pays, de remettre en ordre ses fondations pour que, demain, vous puissiez vivre mieux ». Et je crois que ça, les Français le comprendront parce que, dès 1997, ils vont toucher les premiers résultats des efforts qu'on leur a demandés.

G. Leclerc : En attendant, selon ces mêmes sondages, il y 78 % de Français mécontents ! Cela ne nécessite pas quelque chose qui ressemblerait à une relance politique ?

J.-F. Mancel : Je crois que la sanction du responsable politique, c'est l'élection et l'élection, c'est en 1998. D'ici là, ce ne sont pas les sondeurs qui changent les responsables politiques. Et puis souvenez-vous : J. Chirac, en janvier 1995, s'il avait écouté les sondeurs, il aurait jeté l'éponge. Quatre mois après, il était Président de la République !

G. Leclerc : Il y a quand même les élections partielles. Gardanne : le candidat de la majorité est éliminé dès le premier tour. Maintenant, il va y avoir des élections municipales à Dreux où c'est hautement sensible, avec un risque de victoire du Front national. Tout cela n'est-il pas un peu inquiétant ?

J.-F. Mancel : Non, le RPR bat régulièrement le Front national ou le RPR bat le Front national avec l'UDF.

G. Leclerc : Cela n'a pas été le cas à Gardanne !

J.-F. Mancel : Ce n'est pas le cas à Gardanne mais je vous rappelle qu'à Nice, à Toulon, dans une série d'élections qui ont eu lieu avant, ce sont nos candidats qui ont battu le Front national. Et vous verrez qu'à Dreux, nous allons battre une nouvelle fois le Front national avec une majorité unie.

G. Leclerc : Le climat est également empoisonné par les affaires et notamment l'affaire Foll, suspendu pour six mois, alors qu'il avait pourtant le soutien du ministre J.-L. Debré. Est-ce que vous ne craignez pas cette crise entre la police et la justice ?

J.-F. Mancel : C'est, hélas, un mal un peu récurrent. Je crois qu'il faut tout faire pour qu'il ne se développe pas à nouveau. Il n'y a rien de pire dans un Etat, dans un pays comme le nôtre qu'un conflit entre la police et la justice. D'autant plus que les actions de sécurité, les actions de justice sont l'une des responsabilités essentielles de l'Etat. Je crois que, là-dessus, il y a une réflexion à mener en profondeur. Je crois que l'on n'échappera pas à une réflexion générale sur le fonctionnement de la justice en France, sur sa place, sur son rôle et bien évidemment sur les rapports qu'elle entretient avec la police.

G. Leclerc : Vous êtes vous-même concerné pour des affaires de gestion dans votre conseil général de l'Oise. Qu'est-ce que c'est, selon vus ? Un malentendu ? Avez-vous le sentiment d'être poursuivi par la justice ?

J.-F. Mancel : Non, pas par la justice mais je crois que, quand la France est confrontée à des défis aussi important que ceux que nous venons d'évoquer, il ne faut pas trop descendre dans les histoires de caniveaux. Je crois que ce sont là des problèmes qui sont sans importance et sans commune mesure avec les grands défis que notre pays doit relever.

G. Leclerc : Enfin, la modernisation de la vie politique. A. Juppé vous l'avait demandé et notamment sur la représentation des femmes. Le RPR semble toujours hostile aux quotas et on a l'impression que cela n'avance pas beaucoup pour les femmes, non ?

J.-F. Mancel : On est hostile aux quotas pour des raisons de principe qui consistent à dire qu'il ne faut pas faire des femmes une espèce de catégorie à part en donnant dans la loi un chiffre de femmes devant être présentes par exemple sur une liste aux élections régionales. En revanche, ce que nous allons faire, c'est prendre des dispositions internes au RPR – et on va le faire dès le 5 novembre – qui puissent permettre de présenter aux régionales beaucoup de femmes à ces élections et ce sera, je crois, une étape très importante pour le RPR en matière d'égalité des chances des femmes pour se faire élire aux élections. Et par ailleurs comme nous avons beaucoup de sortants hommes – on ne peut pas les chasser pour mettre des femmes à leur place – nous les incitons, et je crois que cela va assez bien marcher, à prendre des suppléantes. Et cela fera une équipe hommes-femmes lors des élections législatives de 1998, qui peut donner l'occasion d'une part aux femmes d'acquérir la notoriété nécessaire et puis d'autre part, d'apprendre le métier politique et ensuite de pouvoir être candidates à une élection cantonale, régionale et aussi à la députation.

G. Leclerc : C'est une large marche.

J.-F. Mancel : Oui, mais elle est essentielle car je crois qu'il est anormal que les femmes n'aient pas aujourd'hui la place qui devrait être la leur dans la vie politique française.