Articles de M. Alain Deleu, président de la CFTC, dans "La Vie à défendre" de juin et juillet 1996, et extraits d'une interview dans "La Montagne" reproduite dans "La Lettre confédérale CFTC" du 18 juin 1996, sur les négociations sur le temps de travail, les aides aux entreprises et la présidence des caisses de Sécurité sociale.

Prononcé le 1er juin 1996

Intervenant(s) : 

Média : La Lettre confédérale CFTC - La Montagne

Texte intégral

La Vie à Défendre - juin 1996

Les événements sociaux récents ont mis à plusieurs reprises en relief l’originalité de la CFTC : conflit de décembre, politique familiale, empli des jeunes, temps de travail, négociations et action sur le terrain…

Ils ont fait découvrir le vrai visage de la CFTC à un bon nombre de salarié, qui ont reconnu un syndicalisme plus humain, plus constructif, plus libre. Ils nous ont rejoints. C’est plus spécialement à eux que nous nous adressions aujourd’hui.

Nous leur souhaitons la bienvenue dans le syndicat de « La Vie à Défendre » ou chacun a sa place, au service des salariés et de leur famille.

Nous ne pratiquons pas un syndicalisme d’appareil où les détails de l’action seraient décidés par un état-major confédéral ou fédéral. Les syndicats bâtissent leur propre ligne de conduite en prenant en compte les attentes et les espoirs des salariés. Bien entendu vous le ferez dans l’esprit de la CFTC en vous tenant étroitement en liaison avec vos correspondants fédéraux et locaux.

En préparation du prochain congrès confédéral, fin novembre, nous diffusons d’ailleurs, par la Lettre confédérale, un guide de réflexion pour les équipes syndicales.

L’actualité sociale est intense. La préparation du budget de l’Etat a fait l’objet d’une nouvelle provocation à l’égard des fonctionnaires avec la « mauvaise graisse ». Nous avons été très clairs. Il faut aborder les questions budgétaires sous l’angle de la meilleure réponse aux besoins des services publics (écoles, hôpitaux, transports et communications, énergie, sécurité, administration du travail…), et non pas par des coupes sombres arbitraires.

Le secteur public est sous la pression à la SNCF, à France Telecom, à EDF… Nous appelons les pouvoirs publics à vraiment rechercher les évolutions nécessaires avec les personnels et non pas contre eux ou contre leur mission de service public. C’est possible, comme on vient de le faire chez les fonctionnaires avec l’accord sur la précarité.

Dans le secteur privé, la question de l’aménagement-réduction du temps de travail domine l’actualité. Notre proposition a intéressé le Président de la République et le Parlement vient d’adopter une proposition de loi sur le sujet. Une mesure législative devient indispensable compte tenu des faibles résultats des négociations de branches, mais c’est sur le terrain que les choses pourront bouger concrètement.

Nous attendions avec impatience le sommet sur l’emploi des jeunes, le 13 juin. Cela doit être une des grandes préoccupations de nos équipes syndicales.

Le Bureau confédéral a fixé les moyens concrets par lesquels les chômeurs pourront trouver dans la CFTC le moyen de se faire entendre. Nous attachons en effet beaucoup de prix à ce que de nombreux salariés, mais aussi tous ceux qui recherchent un emploi, puissent trouver leur place à la CFTC.

Tous nos vœux à chacun.

Alain Deleu

 

La Lettre confédérale CFTC - 18 juin 1996

Chômage des jeunes et temps de travail

La CFTC exprime ses attentes

Les sommets prochains sur le temps de travail et le chômage des jeunes devront faire des propositions concrètes estime Alain Deleu, le secrétaire de la CFTC, qui préconise, notamment, la semaine de quatre jours.

La CFTC demande des « avancées significatives » lors des prochains sommets sur le chômage des jeunes et sur le temps de travail, a déclaré hier le président de la CFTC Alain Deleu, jugeant ces rencontres « déterminantes sur les chances de rétablir la confiance entre le gouvernement et les salariés ».

Interrogé sur les48,6 milliards de francs de déficit prévu pour le régime général de la Sécurité sociale, il a jugé que cette aggravation montre que « tout reste à faire pour mettre en œuvre la réforme » et qu’il « ne suffit pas de changer les conseils d’administration pour que d’un coup de baguette magique les problèmes soient résolus ».

La CFTC ne demande pas « un changement de la répartition des présidences des caisses ». « Ce n’est pas une bonne chose si FO se retire de la gestion des caisses nationales », a-t-il estimé, affirmant que le premier ministre Alain Juppé a « sa part de responsabilité dans la polémique actuelle entre FO et la CFDT ».

Selon lui, la « réforme nécessaire a été mal conduite ». Il a regretté, qu’elle ait « voulu affaiblir le rôle des syndicats dans la gestion des caisses ». « Il est paradoxal qu’aujourd’hui ce soit finalement le patronat qui soit destiné à arbitrer la gestion de la Sécu », c’est-à-dire « des droits sociaux des salariés et leurs familles ».

Alain Deleu a observé par ailleurs, sur LCI, que « la cause principale » du déficit est « le ralentissement de l’activité économique, donc des recettes ». « Il faut prendre l’assiette de la CSG et transférer sur une CSG élargie – et déduite des revenus pour l’impôt – au moins deux points de cotisation d’assurance maladie », a-t-il dit.

La semaine de quatre jours.

Lors du sommet sur les jeunes prévu jeudi et celui sur le temps de travail le 3 juillet, il s’agit de « prendre des mesures » et non de « créer de nouveaux groupes de réflexion », a-t-il déclaré.

Alain Deleu préconise notamment d’« accélérer l’évolution vers la semaine de quatre jours » pour « aider à la création d’emplois ».

« On va savoir si le gouvernement a compris que l’action pour l’emploi ne se résumait pas à l’allègement des charges des entreprises », a-t-il indiqué, soulignant qu’un rapport du Conseil supérieur de l’emploi, des revenus et des coûts (CSERC) vient de montrer que ces aides « n’ont pas d’effet significatif ».

Pour le président de la CFTC, « il faut que les aides publiques aillent aux salariés » en cas de réduction du temps de travail pour compenser la perte de salaire.

« Si le patronat ne joue pas le jeu de la négociation pour l’emploi, il faudra une mesure de caractère législatif », a-t-il insisté.

En ce qui concerne le secteur public, il a jugé que les manifestations de salariés servent à la fois à « soutenir » le gouvernement « face à la pression libérale » en Europe et à « contester sa politique », invitant les responsables français à « agir au cas par cas » en tenant compte de la « situation propre à chaque secteur ».

 

La Vie à Défendre - juillet 1996

Avec la réunion du 8 juillet sur le temps de travail, les partenaires sociaux et le gouvernement ont fait le tour des thèmes de discussion décidés le 21 décembre dernier. On se souvient que ce « sommet », organisé sur une proposition de la CFTC, visait à sortir « par le haut » de la crise qui secouait le pays depuis trois semaines. Sur chaque dossiers (la politique familiale, l’emploi des jeunes et le temps de travail) il faudra se revoir pour donner des conclusions concrètes aux travaux engagés, car rien n’est gagné.

Le déficit de confiance chez les salariés est considérable car la priorité affichée à l’emploi est contredite par les faits.

Les négociations sur le temps de travail, décidées le 31 octobre 1995 visent à faire d l’aménagement et de la réduction du temps de travail un moyen de créer des emplois. 80 % des branches se sont lancées, mais les premiers résultats sont décevants. Le patronat répugne à concrétiser cette volonté nationale et tire les négociations vers la seule flexibilité. Le CNPF et le gouvernement l’ont en partie admis en s’engageant à corriger la tendance d’ici la fin de l’année, mais cela sera très difficile.

Le patronat a accepté de négocier sur les difficultés constatées, les heures supplémentaires abusives par exemple. Le gouvernement va intervenir auprès des branches récalcitrantes et s’attaquer à l’usage abusif du temps partiel dans certaines branches.

Il est temps car les dérapages se multiplient. Le recours systématique au temps partiel non choisi, aux heures complémentaires ou aléatoires, le fractionnement excessif de la journée de travail, demande une révision des « règles du jeu ».

La préparation du budget 1997 met en cause les aides publiques à l’emploi. Il serait inacceptable qu’au nom de l’efficacité on en vienne à réduire l’effort de la Nation pour que chacun ait sa place dans la vie économique. En revanche la forme doit être revue.

Les aides généralisées et systématiques sont coûteuses et peu efficaces. Les baisses de charges doivent aller aux accords avant des effets concrets sur l’emploi, tout en garantissant le pouvoir d’achat des salariés. La « loi de Robien », votée en juin, qui finance la réduction du temps de travail pour créer des emplois ou éviter des licenciements doit être saisie comme une chance. Mais elle doit aussi être bien ajustée dans son application car les aides ne sauraient se prolonger si les engagements sur l’emploi ne sont pas tenus.

Nous avons proposé une négociation interprofessionnelle pour l’encadrement, dont les conditions d’emploi se sont souvent fortement dégradées. Nous avançons une proposition forte : le droit pour tous à une année sabbatique.

Le temps de travail et la politique de l’emploi seront des thèmes centraux pour notre prochain congrès. Nous y exprimerons ce besoin d’avoir davantage de temps pour vivre : plus de temps pour les nôtres, plus d’emploi pour les autres, c’est possible.

Il y faudra une détermination forte, mais sur des propositions constructives, et de bon sens. Que ce temps de vacances vous prépare à retrouver en pleine forme votre équipe syndicale, pour de nouvelles conquêtes CFTC.

Alain Deleu