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Le FIGARO. - L'Europe est-elle capable de fédérer un système audiovisuel européen ?
Catherine TRAUTMANN. - C'est une question de volonté politique. En affirmant qu'une politique audiovisuelle européenne forte est une nécessité, on crée les conditions de sa construction. C'est ce que j'ai fait la semaine dernière en concluant les Assises de l'audiovisuel qui se sont tenues à Birmingham. J'estime que c'est une nécessité pour que l'Union européenne affronte en position de force les négociations de libéralisation des échanges dans lesquelles elle est impliquée aujourd'hui de manière quasi permanente. Dans moins de deux semaines se tient la réunion des ministres qui négocient l'AMI, dans quelques mois débute le prochain round des négociations commerciales multilatérales dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce (OMC 2000), sans parler du NTM (New Transatlantic Market) : autant de tribunes où l'Europe doit pou voir parler de manière univoque sur l'audiovisuel. C'est aussi une nécessité pour que les politiques nationales conduites par les gouvernements dans ce domaine puis sent continuer à jouer leur rôle, à la fois en termes industriels et culturels.
Je me suis réjouie d'entendre récemment la quasi-totalité des ministres européens de la Culture insister sur la priorité à donner à la dimension culturelle et sociale, dans notre réflexion sur les évolutions technologiques dos secteurs de l'audiovisuel et des télécommunications.
Les Assises de Birmingham ont été un tournant quant à la capacité de l'Union européenne de se doter d'une politique audiovisuelle forte.
Une communauté de vues s'est dégagée sur des sujets qui, jusqu'à récemment, cristallisaient des oppositions radicales : qu'il s'agisse du sou tien automatique à la distribution mis en place l'année dernière dans le cadre de Média II ou encore du vaste dossier de la convergence sur lequel s'est dégagé un consensus en faveur d'une réglementation destinée aux nouveaux services, Birmingham a permis d'ébaucher une plate-forme de négociations tout à fait satisfaisante et prometteuse pour avancer vers une véritable politique audio. visuelle européenne.
Il faut avouer que l'attaque frontale de M. Murdoch, le premier jour des Assises contre toute politique publique en faveur du secteur de l'audiovisuel, et sa dénonciation de la concurrence déloyale infligée par la BBC au secteur télévisuel privé, a créé un électrochoc.
J'ajouterai encore un sujet d’optimisme : le passage à l'euro va être un vecteur de stabilisation des économies européennes. Il représentera un avantage concurrentiel permet tant d'accueillir des investissements dans un secteur qui connaît un développement rapide mais comporte des risques importants.
Le FIGARO - Quelles initiatives comptez-vous prendre pour relancer la politique européenne pour concrétiser les acquis de Birmingham ?
Catherine TRAUTMANN. - J'ai été invitée par Chris Smith, mon homologue britannique, à conclure les Assises de Birmingham. Cela m'a permis de faire des propositions concrètes à partir desquelles la Commission doit maintenant travailler. Parmi ces propositions, il y a celle d'un programme cadre pour l'audiovisuel qui permettrait de pérenniser et de renforcer l'action communautaire dans le secteur de l'audiovisuel. Je vous rappelle que le budget du programme audiovisuel représente 0,06 % du budget de l'Union. Comment peut-on parler de priorité à un tel niveau de financement ? Il faut que la Commission européenne prenne ses responsabilités, qu'elle se donne les moyens de soutenir un secteur dont on sait qu'il est fortement : créateur d'emplois et qu'il est un enjeu social majeur.
Je tiens aussi à rappeler que c'est au nom de la concurrence que je rejette la consolidation d'une position dominante de l'industrie américaine. Cette concurrence est la condition sine qua non de l'expression de courants culturels variés, creuset du pluralisme.
Le FIGARO- Que comptez-vous faire pour faciliter la distribution des films et des ouvres européennes sur le marché ?
Catherine TRAUTMANN.- J'ai défendu des idées simples dont l'axe central est de favoriser la création d'un marché européen des œuvres européennes : paradoxalement, tous les pays européens ont, certes dans des proportions variées, une offre de programmes similaire nationales et américaines. La place des œuvres européennes non nationales reste très faible. Nous devons à pré sent encourager, à tout prix, la présence des œuvres européennes non nationales sur les différents marchés européens - à la télévision comme dans les salles de cinéma. Je crois fondamentalement que l'Europe passe par une meilleure connaissance mutuelle des pays qui la constituent, et l'audiovisuel doit être un vecteur privilégié de cette connaissance.