Interviews de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale de la recherche et de la technologie, à Europe 1 et France-Info le 2 février 1998 et dans "Le Parisien" le 4 février, sur les réactions des syndicats enseignants à la réforme du mode de gestion des personnels dans l'éducation nationale vers une plus grande déconcentration.

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Intervenant(s) : 

Média : Europe 1 - France Info - Le Parisien

Texte intégral

Europe 1 le lundi 2 février 1998

J.-P. Elkabbach : Demain, grève et manifestations de professeurs ; hier, protestation d'instituteurs dans la rue. Pour le bien de tous, vous vouliez la réforme : est-ce que vous ne récoltez pas ce que vous avez semé ? Est-ce que vous ne vous dites pas : je suis allé trop loin trop vite, trop fort ?

C. Allègre : Non, pas du tout. Chaque fois qu'on réforme on a des oppositions. Certaines sont justifiées, d'autres sont dues à la peur, d'autres sont dues au fait qu'on veut garder un pouvoir. Si l'on ne veut pas réformer, si l'on veut être populaire calmement et sans manifestations, alors on ne réforme pas. Il y a des gens qui ont fait comme cela.

J.-P. Elkabbach : Et cela ne payait pas.

C. Allègre : En tous les cas, ceux qui pensent que notre enseignement doit être adapté doivent me soutenir.

J.-P. Elkabbach : La grève de demain : votre excellente et fidèle ennemie, Mme Vuaillat, du CNES, refuse votre réforme de la gestion centrale des mutations de professeurs. Paris, ça suffit…

C. Allègre : Décentraliser.

J.-P. Elkabbach : C'est ce que vous dites : la déconcentration. Alors pourquoi tenez-vous tellement à la déconcentration ?

C. Allègre : Est-ce que vous pensez qu'il est souhaitable que pour être muté de Roubaix à Tourcoing il faille passer par Paris ? C'est complètement ridicule et cela prend du temps, cela prend de l'argent et cela donne des résultats qui sont médiocres. Alors les mêmes étaient opposés, il y a quelques années, à la déconcentration, à la décentralisation qui donnait l'entretien des lycées et des collèges aux régions. Ils protestaient contre cela. Vous voyez où on en serait si les régions n'avaient pas entretenu les lycées. C'est donc une vision qui est une vision archaïque, centralisatrice. A partir de là, on fait une propagande du mensonge.

J.-P. Elkabbach : Exemple.

C. Allègre : Par exemple, on raconte que je veux supprimer le baccalauréat.

J.-P. Elkabbach : On le lit encore dans Le Figaro ce matin.

C. Allègre : C'est absolument faux. J'ai toujours dit que je tenais au baccalauréat. Je vais même renforcer son caractère régional. On raconte que je veux régionaliser le Capes ou l'agrégation. Encore une fois, c'est faux. Je veux laisser le caractère national. On raconte que les mutations entre académies ne pourront plus se faire. Bien sûr qu'elles se feront avec un mouvement national.

J.-P. Elkabbach : Mais elles seront plus difficiles.

C. Allègre : Mais beaucoup plus faciles au contraire puisqu'il n'y aura plus qu'à traiter 30 000 personnes à l'échelon national. Et avec les mutations à l'intérieur de l'académie, les enseignants pourront aller voir dans les lycées où ils voudront aller, ils pourront discuter avec les gens, ils pourront être gérés d'une manière humaine, bref ils seront près des décisions. Il y a là un problème de principe : il y a un appareil vertical qui s'est emparé d'un certain pouvoir et qui ne veut pas perdre son pouvoir. Mais pour les enseignants, le slogan est le suivant : ces appareils verticaux ont pris le pouvoir, nous voulons le rendre aux enseignants de base.

J.-P. Elkabbach : Quand vous parlez des appareils verticaux, vous parlez des syndicats ?

C. Allègre : Des syndicats et de l'administration centrale, les deux, parce qu'il y a une collusion entre les deux par rapport à cela. On ne peut pas gérer 1,5 million de fonctionnaires de Paris. C'est le simple bon sens. Ce que nous voulons, c'est une volonté générale du Gouvernement : rapprocher les décisions des gens, rapprocher les conjoints, rapprocher la manière de gérer.

J.-P. Elkabbach : Et pourtant les syndicats n'en veulent pas : le CNES et les autres vont vous répondre demain dans la rue.

C. Allègre : Le CNES est le seul. C'est parce qu'ils défendent un pouvoir presque personnel de quelques personnes.

J.-P. Elkabbach : Vous ne finirez pas par céder sur ce plan-là ?

C. Allègre : Non, c'est une volonté générale du Gouvernement : le Premier ministre l'a rappelé à ces syndicats en question. Comment voulez-vous que le parti qui a fait la décentralisation de ce pays, dont tout le monde se félicite, ne soit pas le parti qui accompagne cela par la déconcentration ? Pourquoi décider à Paris ce qu'on peut décider à Montpellier, à Roubaix ou à Grenoble ?

J.-P. Elkabbach : Autre chose : il y a cinq mois, vous avez demandé une enquête sur l'absentéisme des enseignants que vous trouvez trop élevé. Vous aurez dans quelque temps le rapport. Est-ce que vous le rendez public ? Est-ce qu'il confirme ce que vous aviez dit ?

C. Allègre : Ce rapport n'est pas terminé d'abord. Bien sûr qu'il confirme ce que j'ai dit mais il multiplie les responsabilités. J'ai toujours dit que les responsabilités des enseignants représentaient une très faible proportion d'enseignants absents. Simplement cette faible proportion gène. Mais il y a une désorganisation : on fait qu'on fasse passer les examens tout au long de l'année, on enlève les élèves, on appelle les enseignants pour des conférences pédagogiques n'importe quand, et ainsi de suite. Il y a donc une désorganisation du service public.

J.-P. Elkabbach : Elle est due à qui ? Au ministère, c'est-à-dire à l'échelle centrale, ou aux professeurs eux-mêmes ?

C. Allègre : Encore une fois, la cause ultime de tout cela, c'est la centralisation. Si vous voulez avoir quelque chose qui marche mieux, il faut confier plus de responsabilité localement. Il faut déconcentrer.

J.-P. Elkabbach : C'est le même thème : c'est le slogan de ce matin ?

C. Allègre : Ce n'est pas un slogan, c'est la réalité.

J.-P. Elkabbach : C'est un axe de politique.

C. Allègre : Croyez-vous que si toutes les radios de France étaient gérées par un même homme elles marcheraient mieux ? Non, elles sont multiples, elles sont plurielles.

J.-P. Elkabbach : La concurrence ! C'est bien. Pour les IUT, la table ronde organisée à votre ministère, il y a quelques jours, a abouti à un compromis. Mais il y a une sorte de malaise qui demeure. Il y a des étudiants qui craignent pour leurs diplômes, ils pensent que pour vous, les IUT sont archaïques et presque inutiles ?

C. Allègre : Non, je crois que le problème des IUT est réglé, il était largement basé sur un malentendu et sur des dérives qui s'étaient produites au cours des années de règne de mon prédécesseur. Donc on a remis les pendules à l'heure et je crois que les élèves n'ont pas à se faire de souci.

J.-P. Elkabbach : Les étudiants vous attendent aussi au tournant à propos de leur statut et de leur allocation spéciale. Est-ce que ça tient ?

C. Allègre : Le statut social de l'étudiant sera discuté, je le confirme, au Parlement, au printemps. Vraisemblablement en mars, il y aura une discussion là-dessus et je peux dire que les éléments de ce statut social sont maintenant bien avancés, d'ailleurs les associations d'étudiants le savent puisqu'elles ont négocié avec nous.

J.-P. Elkabbach : Avec toutes ces difficultés à réformer l'enseignement, vous ne finirez pas comme d'autres avant vous, C. Allègre, par baisser les bras ?

C. Allègre : Je n'ai aucune intention de baisser les bras. Me voyez-vous en train de baisser les bras ? Je crois que gouverner, c'est affronter des difficultés, c'est passer à travers des difficultés. Faire le tour du monde, ce n'est pas naviguer sur une mer d'huile, c'est passer les 40èmes Rugissants. C'est un peu la même chose quand on gouverne.

J.-P. Elkabbach : D. Voynet a confirmé l'arrêt définitif de Superphénix. Il y a une réunion autour du Premier ministre aujourd'hui qui confirmera probablement cette décision. Mais est-ce qu'elle n'est pas plus politique que scientifique, avec toutes ses conséquences ?

C. Allègre : Non, je crois que Superphénix a été une gigantesque erreur et ensuite un gâchis financier considérable. On n'aurait jamais dû prendre cette décision au départ et d'ailleurs, les scientifiques étaient contre. On l'a fait, au contraire, pour des raisons de prestige et je pense qu'on a, en même temps, mis en péril la filière du surrégénérateur en faisant cela prématurément. La décision du Gouvernement est scientifiquement une décision sage qui aurait du être prise bien plus tôt.

J.-P. Elkabbach : L'arrêt va durer combien d’années ?

C. Allègre : C'est ça qui est en discussion, mais le moins de temps possible.

J.-P. Elkabbach : Dernière question, de caractère politique : le RPR, sans changer de nom, change sous P. Séguin…

C. Allègre : Vous croyez ? Moi, je trouve qu'on veut faire du neuf avec du vieux. C'est toujours du vieux.

J.-P. Elkabbach : C'est quoi le vieux ? P. Séguin, J. Chirac, c'est vieux ?

C. Allègre : On n'a même pas été capable de changer le nom. J'ai cru même qu'on allait revenir au RPF, que j'allais me rajeunir de quelques années et qu'on allait revenir au RPF. Quel manque d’imagination ! Pas être capable de trouver un nom nouveau pour une organisation.

J.-P. Elkabbach : Oui mais le projet est nouveau !

C. Allègre : Le projet est toujours le même : un coup vers le centre-droit, un coup vers le centre-gauche, un coup vers l'extrême droite, un coup vers la démagogie. C'est toujours la même chose. Il n'y a rien dans ce projet parce que il n'y a pas d'idées. Il suffit de voir comment le RPR nous traite à l'Assemblée. Il n'y a pas d'idées, il y a des aboiements, on fait du bruit. Mais je vais vous dire une chose : en physique, il y a une règle, le bruit n'a jamais fait la lumière.

France Info le lundi 2 février 1998

P. Boyer : Manif des instituteurs hier, grève dans le secondaire demain : vous avez mangé votre pain blanc ?

C. Allègre : Si on veut être ministre de l’Education nationale et faire bouger les choses, il faut être prêt à assumer des grèves. Ça fait partie du métier. Je ne parle ni de pain blanc, ni de pain noir. Quand on gouverne, chaque fois qu'on veut changer quelque chose on, a des oppositions. Je ne suis ni étonné, ni surpris par ces réactions.

P. Boyer : C'est l'image que vous voulez donner : un ministre réformateur confronté à des syndicats conservateurs ?

C. Allègre : Ce n'est pas l'image que je veux donner. C'est la réalité. D'ailleurs, il ne faut pas dire : les syndicats. C'est une simplification. La plupart des syndicats enseignants sont prêts à bouger. Il y a un syndicat, celui de l'enseignement secondaire, qui est extraordinairement statique avec des idées qui ne sont pas des idées de ce temps. Car ce que nous voulons c'est que les décisions soient plus proches des gens. C'est déconcentrer pour que les décisions soient au niveau des académies, pour que la gestion des personnels soit humaine et non pas faite par un ordinateur. Evidemment, en faisant cela, on enlève du pouvoir à des appareils verticaux, qu'ils soient administratifs ou syndicaux. Et il y a une résistance, mais l'avenir est là. Le pouvoir a été confisqué par des structures centrales. Moi, je veux le rendre aux gens qui sont prêts du terrain, aux professeurs qui font leur enseignement de base tous les jours, sans être nécessairement des apparatchiks quelconques.

P. Boyer : Dans le quotidien de l'école, R. Fauroux prône la discrimination...

C. Allègre : Vous avez vu les syndicats, ils sont contre R. Fauroux, ils sont contre toute proposition.

P. Boyer : Vous voulez un même programme pour tous selon l'école républicaine, ou un système un peu différent selon les endroits ?

C. Allègre : L'école républicaine c'est l'école de l'égalité. Or, l'égalité c'est le contraire de l'uniformité, c'est la diversité. Il faut arriver au même résultat par des voies différentes. Donc, il n'est pas question de donner des diplômes différents ou des validation différentes suivant qu'on soit dans tel ou tel quartier. Mais les voies pour y parvenir peuvent être différentes. De la même manière qu'un enseignant qui enseigne dans une ZEP ou une zone difficile doit avoir - il a déjà des avantages ! -des horaires différents, des modes de traitement différents, des promotions différentes que celui qui travaille dans un beau quartier. C'est ça l'égalité républicaine. Ça n'est pas le contraire.

P. Boyer : Est-ce qu'il enseignera toujours la Princesse de Clèves ?

C. Allègre : Je pense que ce n'est pas au ministre de décider ce genre de choses. Le ministre a à fixer des buts à l'enseignement. Je crois beaucoup plus à l'enseignant de base ; c'est à lui de choisir les textes qui seront bons pour l’élève ; c'est à lui de moduler ces textes, de les adapter par rapport à sa classe.

P. Boyer : Est-ce qu'il n'y a pas une perte de confiance entre les enseignants et les parents d'élèves qui demandent de plus en plus à l'école, et se retournent facilement contre elle dès que quelque chose ne va pas ?

C. Allègre : Il faut que les enseignants et les parents d'élèves dialoguent, parce qu'ils sont tous les deux des éléments essentiels de l'éducation des enfants. Je veux remettre l'enfant au centre du système éducatif, c'est lui qui est au centre du système éducatif. Les enseignants, dans leur grande majorité, font très bien leur travail. Je ne cesse de le répéter. Il y a un certain nombre de dysfonctionnements, c'est vrai. C'est un métier difficile, c'est un métier qui est sous tension actuellement pour des tas de raisons…

P. Boyer : On leur demande trop, peut-être ? Et pas seulement d'enseigner.

C. Allègre : On leur demande trop, parce que la société étant déréglée, on espère que les enseignants vont à eux seuls rattraper toutes les divergences de la société. Raison de plus pour leur faire confiance. Cela veut dire : arrêter la centralisation ; arrêter les circulaires qui les ligotent ; leur permettre de libérer leur imagination et leurs talents.

P. Boyer : Vous ne craignez pas un climat de chasse aux sorcières autour des accusations de pédophilie qui s’accumulent ?

C. Allègre : Nous avons bien fait, avec S. Royal, de dénoncer ce qui se passait. Maintenant, il n'y pas de chasse aux sorcières. Chacun fait son métier. C'est-à-dire que la police fait son métier, la justice fait son métier. On ne cache pas les cas.

LE PARISIEN - 4 février 1998

Le Parisien — Une fois de plus, les enseignants sont dans la rue, qu'on pensez-vous ? !

Claude Allègre — Cette grève n'a pas d'objet réel. Elle est fondée sur des rumeurs mensongères. On ne peut pas annoncer aux enseignants que je vais supprimer le Bac, c'est faux. Que je vais supprimer le Capes, c'est faux. Que je vais confier les recrutements aux chefs d'établissement, c'est faux. Que je vais supprimer les classes préparatoires aux grandes écoles, c'est faux.

On a été jusqu'à raconter que j'allais supprimer les grandes écoles, ce qui est non seulement faux mais idiot. On dit même que j'ai l'intention : de supprimer les options au lycée, alors que c'est moi qui les ai créées auprès de Lionel Jospin ! Est-ce que vous croyez que je vais les supprimer ? En fait, il y a un syndicat, le Snes, qui veut garder un certain pouvoir.

Le Parisien — Les enseignants réclament une meilleure reconnaissance de votre part ?

Claude Allègre — Encore une fausse rumeur. Je passé mon temps à dire que le métier d'enseignant est le plus beau du monde. Mes parents étaient enseignants. Moi-même, mon frère, ma fille sommes enseignants.

Le Parisien — Mais vous lancez une enquête sur l’absentéisme ?

Claude Allègre — Il y a une table ronde, appelée zéro défaut, qui a demandé aux inspecteurs généraux de faire une enquête. 12 % des cours ne sont pas assurés. Je veux savoir à quoi c'est dû. Quelle est la cause ? Une partie de la faute revient surtout à l'administration, et pas seulement aux enseignants. L'administration fait passer des examens ou convoque les professeurs sur le temps scolaire. Elle prévoit mal le remplacement des femmes enceintes car, paraît-il, ces congés ne sont pas annonces assez à l'avance. Tout cela engendre des dysfonctionnements, alors que l'absentéisme propre aux enseignants. est finalement faible. Exemple, sur l'académie de Versailles : 50 % des absences sont dues à seulement 2 % des enseignants. Mais je veux que l'on atteigne zéro défaut. Car quand 1 % d'enseignants n'assurent pas leurs cours, c'est tout de suite cent cinquante mille élèves qui en pâtissent.

Le Parisien — Quelle solution préconisez-vous ?

Claude Allègre — Tout ça vient d'une trop grande centralisation de l'administration et d'une certaine désorganisation sur le terrain Regardez, dans le primaire, les remplacements vont plutôt bien, alors que ça va mal dans le secondaire. Pourquoi ? Parce que le primaire est décentralisé et organisé académie par académie. Au contraire, les trois cent mille enseignants du secondaire sont gérés d'ici, de ce ministère. Résultat : quand vous êtes nommé quelque part, vous êtes payé six mois après. Il faut aller vers la déconcentration mais deux syndicats y sont opposés (NDLR : le Snes et le Snalc).

Le Parisien — Sans la confiance des profs comment comptez-vous réformer ?

Claude Allègre — J'ai semble-t-il, la confiance de 60 a 70 % des enseignants si j'en juge par la mobilisation d'aujourd'hui. C'est plus important que les 30 % qui font grève. Si ça gêne certains appareils syndicaux, ou l'administration centrale qui perd une partie de son pouvoir, ce n'est pas ça qui m'arrêtera, Il y a une nécessité absolue de réformer l'enseignement car on laisse trop d'enfants sur le bord de la route. Tous les ans cent mille jeunes sont éjectés du système éducatif sans rien, sans le moindre diplôme. En même temps, le nombre d'enfants de familles modestes qui entrent à Polytechnique, à l'ENA, à l'Ecole normale supérieure, etc. à décru en valeur absolue alors que, dans le même temps, on a réussi à faire augmenter considérablement le nombre d’étudiants. Autrement dit, c'est un système qui sélectionne de plus en plus. Et moi, je ne veux pas le laisser comme ça. Je veux réellement faire émerger l'égalité des chances pour tous, C'est-à-dire l'école républicaine.

Le Parisien — Comment faire ?

Claude Allègre — Une des solutions est d'aller vers la diversité : admettre qu'on n'a pas besoin d'être bon en mathématique obligatoirement pour être sélectionné. Il y a des gens qui sont bons en musique, en dessin, en écriture ou en histoire. Chaque talent doit être reconnu. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Vous avez une filière noble qui est la filière S avec les maths, tout le reste est éliminé.

Le Parisien — On a parfois l'impression que vous soignez davantage votre image auprès des parents que des enseignants...

Claude Allègre — Il faut réconcilier les enseignants et les parents. C'est un de mes objectifs essentiels. Cela veut dire ne pas organiser des conseils de classe à 14 heures sinon les parents peuvent difficilement y assister, c'est aussi trouver assez de temps pour parler entre eux. Et cela implique des modifications dans la manière de travailler. Mais de la part des parents, cela signifie aussi un meilleur soutien aux enseignants, qui font un métier qui est très difficile. Depuis vingt ans, on a passé trop de temps à parler de quantitatif, de revalorisation des salaires. Et pas assez de qualitatif. Or aujourd'hui, l'enseignement est le plus gros budget de l’Etat, on est bloqué à ce niveau-là, on ne l'augmentera pas indéfiniment sinon il va manger tout le budget de l’Etat. Il faut donc qu'on travaille sur le qualitatif. Et là, certains syndicats, comme la FEN et le SGEN-CFDT, comprennent et soutiennent ce que l'on fait, mais d'autres ont du mal à passer des revendications quantitatives à des revendications qualitatives. Mais je ne suis pas inquiet : je ne connais personne dans ce pays qui arrive à réformer sans provoquer quelques vagues.