Déclaration de M. Hervé Gaymard, secrétaire d’État à la santé et à la Sécurité sociale, sur les nouvelles institutions régionales de la santé publique issues de la réforme de la Sécurité sociale, Lyon le 13 septembre 1996.

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Intervenant(s) : 
  • Hervé Gaymard - secrétaire d'Etat à la santé et à la Sécurité sociale

Circonstance : Conférence régionale sur l'état de santé et les priorités de santé publique de la région Rhône-Alpes, le 13 septembre 1996

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour lancer les travaux de ce qui constitue l'une des dernières conférences régionales sur la santé de la population et les priorités de santé publique programmées avant que les nouvelles conférences régionales de santé prévue par l'ordonnance sur la maîtrise médicalisée ne viennent prendre le relais au début de l'année 1997. Ma présence à cette conférence régionale témoigne de la continuité de l'intérêt du gouvernement pour cette démarche, initiée par Philippe Douste-Blazy et poursuivie par Elizabeth Hubert et par moi-même.

Comme vous le savez, la finalité des conférences régionales sur la santé est de faire émerger les priorités de santé publique dans les régions tout en suscitant un processus de concertation et d'échanges entre tous les acteurs concernés.

Pourquoi s'attacher à mettre en relief, région par région, les priorités de santé publique ?

Jusqu'à présent, les choix qui ont été faits dans le domaine de la santé portaient essentiellement sur les moyens et les structures médicales : choix de lieu d'implantation d'un appareil de résonance magnétique ou d'un service de chirurgie cardio-vasculaire, choix d'installation d'un équipement plutôt que d'un autre, choix d'orientation d'un établissement vers les soins aux personnes âgées etc. ... Ces choix sont certes nécessaires mais ils ne sont pas suffisants.

En effet, s'ils permettent de gérer tant bien que mal le système de santé, et plus particulièrement le système de soins, ils ne répondent pas à une question fondamentale « Quelles orientations le système de santé doit-il prendre pour améliorer réellement l'état de santé de la population ? »

Pour répondre à cette question, et par là même pour redonner une signification forte aux activités du système de santé et pour insuffler une dynamique aux personnes qui y travaillent, il faut, à partir de l'état de santé de la population et des différents groupes qui la composent, effectuer une analyse de ce qui a été et de ce qui doit être fait au sein du système de santé en dépassant le strict cadre des activités de soins.

Tout s'est passé, jusqu'à une période récente, comme si chaque problème de santé était susceptible de recevoir la même attention et le même traitement, comme s'il n'était pas concevable d'opérer une quelconque sélection dans l'attention accordée aux multiples causes de souffrance, d'incapacités ou de décès qui peuvent frapper telle ou telle composante de la population.

Cependant, dans la réalité, ne pas formuler de priorités sanitaires est un leurre dangereux. En effet, si les choix ne sont pas clairement affichés et étayés après débat préalable largement ouvert, naît le risque que le jeu des intérêts particuliers, des influences diverses et de rapports de force variés, prime sur les améliorations possibles et nécessaires de la santé.

Laisser libre cours à la marche incontrôlée du système de santé n'apparaît pas satisfaisant. J'en veux pour preuve le récent rapport du Haut Comité de la Santé Publique sur la santé en France. Certes ce rapport a mis en évidence, l'amélioration incontestable de l'état de santé en France, mais il montre aussi la persistance voire l'aggravation de certains phénomènes, persistance ou aggravation d'autant plus inacceptables que les ressources déployées en matière de santé n'ont cessé de s'accroître et qu'il existe des solutions aux carences observées.

Ainsi la mortalité prématurée évitable par cancers broncho-pulmonaires s'est accrue progressivement et régulièrement ces dernières années et l'on connaît le rôle décisif dans leur apparition de la consommation de tabac.

Renforcer la lutte contre le tabagisme doit constituer la réponse à ce problème majeur de santé publique que constitue ce type de cancer.

La semaine dernière, le rapport du Haut Comité de la Santé Publique a été transmis à la première conférence nationale de santé.

J'ai devant cette conférence développé ma conception de la santé publique que je tiens aujourd'hui à nouveau à l'évoquer.

Je crois intimement que la santé est un bien à la fois profondément individuel et profondément collectif.

De ce point de vue elle est la garantie d'un arrimage fort de l'individu à la collectivité et c'est pourquoi nous devons tous ensemble contribuer à bâtir la politique de santé dont notre pays a besoin.

Cette politique repose sur une méthode, des institutions et bien évidemment un contenu.

Sur la méthode il importe de comprendre que nos concitoyens désirent aujourd'hui une qualité sans cesse améliorée de leur état de santé dans un domaine où les pouvoirs publics constituent certes un partenaire de premier plan mais où l'individu lui-même demeure pleinement responsable de ses choix. Il nous faut donc concilier une politique basée sur la pertinence des choix collectifs et sur le libre arbitre individuel.

Sur les institutions une adaptation apparaît clairement indispensable pour mener la politique que nous désirons entreprendre.

Les citoyens tout d'abord doivent être mieux informés et mieux pris en charge notamment par l'apparition de nouveaux outils tel que le prochain carnet de santé.

Les professions de santé ensuite par l'intermédiaire des conférences de santé, notamment au niveau régional, seront mieux associés aux réflexions nécessaires pour dégager les priorités sanitaires.

Suite à la réforme constitutionnelle de février dernier le Parlement va devenir un acteur clé, au-delà du traditionnel vote budgétaire, par les débats sur les orientations de la politique sanitaire dont il sera le lieu d'accueil.

L'assurance maladie bien entendu par des conventions d'objectifs passées avec l'État qui autoriseront une mise en perspective de la politique de gestion du risque sera fortement impliquée.

Enfin le rôle de l'État devra se recentrer autour de 3 principales fonctions ; il s'agit :

– de la veille sanitaire qui sera renforcée notamment en matière épidémiologique ;
– de la sécurité sanitaire où l'État se doit d'organiser un dispositif de régulation et de contrôle à la mesure de l'enjeu que constitue l'obtention d'une sécurité maximale ;
– et de la définition des objectifs de santé publique par renforcement de nos moyens d'expertise administrative et professionnelle.

Ce chantier est vaste mais il a pour objectif premier d'assurer une meilleure prise en compte des demandes de nos concitoyens et de tâcher de les satisfaire.

S'agissant du contenu de la politique sanitaire à mettre en oeuvre, il me semble que le bilan de l'état de santé de la population française décrit dans le rapport du Haut Comité de la Santé Publique est une bonne base à nos réflexions communes et en particulier à celles de la conférence nationale de santé qui s'est tenue début septembre. Celle-ci va bientôt remettre ses conclusions qui pourront être source d'inspiration pour la politique à venir.

Voilà les termes qui, à mon sens, guident le débat : une demande croissante des individus à l'État, dans un domaine où pourtant l'État n'est pas seul maître, précisément parce que l'individu y demeure responsable, face à une offre de soins qui s'est accrue et continuera à s'accroître.

Mais il ne suffit pas d'identifier des priorités et de proposer des objectifs de santé au niveau national. L'examen de l'état de santé des Français fait en effet clairement apparaîtra la diversité, l'inégalité des situations selon les régions.

Pour que le choix de priorités soit pleinement efficace il convient qu'il repose sur une connaissance approfondie des diversités locales tout en prenant en compte les grandes tendances sanitaires régionales : c'est pourquoi ce choix doit être réalisé au niveau de chaque région.

S'agissant de la région Rhône-Alpes à laquelle je suis, comme vous le savez, tout particulièrement attaché je me dois de souligner qu'elle apparaît pour de nombreux indicateurs, et notamment les indicateurs sanitaires, dans la moyenne française, voire en situation plutôt favorable, avec une espérance de vie plus importante.

Les grandes tendances de l'état de santé de la population Rhône-alpine rejoignent ainsi celles de la France entière avec, comme au niveau national, un poids important de la mortalité prématurée évitable. Je crois, à ce sujet, que l'un des objectifs de la présente conférence sera de dresser un tableau précis des grandes pathologies évitables de cette région et de suggérer des pistes afin de le combattre.

Si la région Rhône-Alpes ne semble pas présenter de surmortalité par rapport à la France entière dans les pathologies considérées comme fortement liées à l'usage de tabac et d'alcool, un large champ d'action reste cependant ouvert pour initier des mesures préventives vis à vis du tabagisme et de l'alcoolisme afin d'obtenir une diminution de la mortalité prématurée évitable.

Je voudrais insister, à présent, devant vous sur la cohérence de la réforme de la sécurité sociale engagée par le Gouvernement quant au rôle de la région.

Concernant la planification sanitaire, celle-ci, renforcée notamment par la loi de 1991, a clairement choisi cet échelon. Ce choix est justifié, car il faut planifier et réguler le système de santé à un niveau suffisamment large pour pouvoir réaliser des rééquilibrages et des politiques amples tout en préservant une proximité et une adaptabilité au terrain, qui sont des gages d'efficacité :

La première génération de schémas régionaux d'organisation sanitaire (les SROS) est clairement un succès, même si ces schémas mériteront d'être retravaillés avant de devenir opposables, selon les termes de l'ordonnance d'avril 1996.

Les comités régionaux d'organisation sanitaire et sociale, les CROSS, se sont eux aussi imposés dans le fonctionnement administratif. Leurs pouvoirs sont renforcés par les réformes en cours, notamment parce que les CROSS devront se prononcer sur les orientations de l'allocation des ressources entre les établissements de santé. Par ailleurs, nous préparons un décret qui rénovera la composition de ces CROSS afin de leur conférer la meilleure légitimité.

Les observatoires régionaux de la santé se sont développés, parfois inégalement, et ont pu produire d'excellents travaux.

Du côté des services de l'État, l'organisation des DRASS a elle aussi consacré la pertinence du niveau régional, notamment pour la planification sanitaire.

Mais, malgré ces avancées, le niveau régional garde aujourd'hui des moyens limités, et apparaît pris en étau entre un niveau local de gestion et un niveau national qui intervient dans beaucoup trop d'affaires particulières.

Il en découle une mauvaise adéquation de l'offre de soins aux besoins de la population.

Ainsi, les décisions concernant les établissements de santé sont prises souvent, pour les établissements sous dotation, au niveau départemental, voire communal, sans considération des autres établissements, et, pour ce qui concerne le secteur conventionné, par des CRAM dont les circonscriptions ne correspondent pas toujours aux régions administratives.

En matière ambulatoire, la gestion est largement nationale, les seules politiques locales étant le fait des caisses de sécurité sociale et de leurs contrôles médicaux, dont les ressorts géographiques départementaux ou infra-départementaux, n'assurent ni une vision assez large ni une coordination avec les établissements de santé.

Nous avons voulu bâtir avec Jacques Barrot et Alain Juppé, les bases d'une véritable politique de santé et d'une politique d'offre de soins dans le cadre cohérent de la région.

La création des conférences régionales de santé en est la première pierre. En effet, il faut d'abord une analyse de la situation et des besoins. Sans épidémiologie, sans analyse objective, sans constat démographique, sans prise en compte des voies de communication et des infrastructures de soins existantes, on ne peut pas bâtir une politique régionale de santé. Que la population d'un département soit plus vieille que celle d'un autre, dont la population croît, que certains cantons soient éloignés de plus de 100 kilomètres d'un scanner, que la densité médicale soit plus importante dans certaines parties de la région que dans d'autres, tout cela vous avez besoin, nous avons besoin de le savoir de manière incontestable pour prendre au niveau régional les bonnes décisions.

Les services de l'État – DRASS et DDASS – vont bien entendu être très attentifs aux résultats des travaux des conférences régionales et en tenir compte dans leurs décisions, j'y veillerai.

Je tiens à cette occasion à saluer M. Stéphane Paul, DRASS de la région Rhône-Alpes, qui a organisé cette conférence et je voudrais dire toute l'importance que Jacques Barrot et moi-même accordons au rôle que les directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales jouent dans la politique sanitaire en France, rôle que nous sommes déterminés à renforcer dans le cadre de l'évolution des services déconcentrés du ministère.

Nous avons institué, par ailleurs, un nouvel utilisateur privilégié des orientations données par les conférences : c'est l'agence régionale de l'hospitalisation. Les directeurs en ont été nommés la semaine dernière et je salue M. Michel Pelissier qui est en charge de la mise en place de l'agence régionale de l'hospitalisation Rhône-Alpes. Les agences seront constituées dans le trimestre qui vient sur la base d'une convention type dont le texte est presque près, et en fonction du contexte de chaque région : il faut que les structures mêmes de l'agence s'adaptent à la région. Les agences auront pour mission de piloter le tissu hospitalier régional, à la fois public et privé.

Elles devront mettre en cohérence par une politique contractuelle et négociée les orientations sanitaires régionales d'une part et les projets et les financements de chaque établissement de santé d'autre part. Elles devront, la loi le dit, respecter les orientations de la conférence régionale de santé à laquelle elles devront faire rapport chaque année.

On a dit : « plutôt que des agences de l'hospitalisation, vous auriez dû faire des agences régionales de santé, c'est de l'hospitalo-centrisme ». Je suis sensible à la nécessité de développer les relations entre la médecine de ville et l'hôpital. Le développement des réseaux de soins, que nous promouvons, doit en particulier les faciliter : je prendrais l'exemple de Grenoble où il existe un intéressant projet d'accueil des urgences pédiatriques qui fait coopérer l'hôpital et les médecins de ville.

Mais je voudrais insister sur le fait que, pour les soins ambulatoires aussi, nous développons les structures régionales.

C'est pourquoi l'année 1997 verra la création des unions régionales de caisses d'assurances maladies – les URCAM – qui auront pour fonction de mieux coordonner l'action de toutes les caisses d'assurance-maladie de la région, d'assurer un interlocuteur unique aux unions régionales de médecins, qui se confortent dans toutes les régions, et de coordonner différentes politiques de gestion du risque, de prévention – j'y tiens beaucoup – et de contrôle médical.

Les URCAM devront tenir compte étroitement des orientations de la conférence régionale de santé et avoir des liens multiples avec les agences régionales de l'hospitalisation. Le directeur de l'URCAM sera ainsi membre de droit de la commission exécutive de l'agence. Le directeur de l'agence assistera aux réunions de l'URCAM. La mise en place de ces deux institutions est un grand progrès et nous verrons bien comment dans quelques années ces structures évoluent.

En définitive, je tiens à souligner à nouveau combien la conférence régionale sur l'état de santé de la population et les priorités de santé publique de la région Rhône-Alpes et les futures conférences régionales de santé constituent des éléments importants du dispositif que Je ministre du travail et des affaires sociales et moi-même entendons mettre en place à l'occasion de la réforme en cours de la protection sociale.

C'est pourquoi je souhaite à cette conférence qui représente un élément essentiel de cette politique un plein succès.