Déclaration de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la Sécurité sociale, sur le plan de mobilisation nationale contre le SIDA ("mobiliser, prévenir et soutenir"), Paris le 3 juillet 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Hervé Gaymard - Secrétaire d'État à la santé et à la Sécurité sociale

Circonstance : Point de presse SIDA, à Paris le 3 juillet 1996

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Il y a un peu plus de 6 mois, le 13 décembre 1995, je vous réunissais pour vous présenter le Plan de mobilisation nationale contre le sida.

Aujourd’hui, 8 mois après mon installation dans ce ministère, je peux constater l’importance que revêt l’épidémie de sicla dans notre pays.

Importance en terme de drames humains, personnels et collectifs, de souffrances des personnes atteintes et de leurs proches, importance aussi de l’impact d’une épidémie sur notre système de soins, sur la relation entre les malades et les soignants, importance enfin du lien entre la prise en charge médicale et les facteurs sociaux ou encore la recherche.

Le Plan, élaboré à la demande du Premier ministre, s’appuie sur une trilogie qui manifeste bien la volonté des pouvoirs publics d’amplifier cette mobilisation qui est plus que jamais nécessaire

Mobiliser, prévenir et soutenir : je souhaite, pour chacune de ces affirmations, vous dresser un rapide bilan de faction entreprise depuis mon installation dans ce ministère.

Mais surtout, j’ai souhaité que le Professeur Jean DORMONT puisse vous présenter son 3e rapport sur la prise en charge des personnes atteintes par le VIH.

Comme le soulignait, mon prédécesseur, Élisabeth HUBERT, dans la lettre de mission qu’elle vous a adressée en novembre dernier, la prise en charge de l’infection à VIH a considérablement évolué durant ces dernières années, et je dirais même ces derniers mois. II était indispensable que nous puissions disposer d’une mise à jour de vos précédents rapports qui dataient de 1990 et de 1993.

Je profite de l’occasion qui m’est donné pour vous remercier, Monsieur le professeur, ainsi que l’ensemble des experts et des membres des 17 ateliers qui se sont réunis des dizaines de fois sans compter, ni leur temps, ni leur énergie.

Un travail considérable a été nécessaire pour parvenir à ce document très attendu qui fixera les grandes lignes de notre intervention pour les années à venir. Je sais aussi quelle a été la part des services, de la direction générale de la santé, de la direction des hôpitaux et de l’Agence du médicament, dans ce travail. Je me permets de les associer à ces remerciements.

Reprenons, si vous le voulez bien, les principaux points du Plan de mobilisation nationale. Afin de consacrer la plus grande partie de cette réunion au rapport de Monsieur Dormont, un dossier de presse complet détaille le Plan du 13 décembre dernier. Je voudrais toutefois évoquer quelques actions qui me paraissent primordiales :

Premier axe du Plan : Mobiliser en partenariat

L’implication de toutes les forces de la Nation demeure notre objectif. Je place parmi ces forces, les collectivités locales au premier rang. La mobilisation des villes et des départements est en cours. La collaboration de l’État avec celles-ci, comme nous nous y étions engagés lors du colloque de Perpignan, prend la forme de conventions de partenariat.

J’ai signé avec la mairie de Paris, la première de celles-ci le 19 mars dernier. La convention avec la ville de Marseille est en cours de négociation. Mon objectif est d’avoir signé des conventions de partenariat avec les 10 villes et départements les plus touchés par l’épidémie avant la fin de l’année.

La situation dans les établissements pénitentiaires fait l’objet de plusieurs travaux. II s’agit là, pour Jacques TOUBON et pour moi, d’une préoccupation importante. Monsieur le Professeur GENTILINI devrait nous remettre son rapport sous peu. Une circulaire est en préparation avancée entre la DGS, la direction des hôpitaux et la direction de l’administration pénitentiaire et sera signée immédiatement.

Concernant l’outre-mer, un récent rapport du Conseil national du Sida relève les difficultés qui sont les nôtres, principalement dans les départements français d’Amérique. J’évoquais devant vous, en décembre, ce sujet.

Depuis, la mobilisation est forte. Je souhaite qu’elle nous permette de rattraper ce retard. Si l’on compare le nombre de malades, ces départements disposent de moyens supérieurs à ceux de la métropole, des campagnes de communication et de prévention spécifiques ont été mises en place et un suivi particulier des mises à disposition d’antiviraux appliqué.

Ces mesures sont des signes tangibles de notre prise en compte des difficultés que relève ce rapport.

Deuxième axe du Plan : prévenir dans la solidarité

L’effort de prévention mené dans notre pays depuis plusieurs années est important. L’information de la population est globalement satisfaisante. Pour améliorer encore cette information et surtout pour qu’elle se traduise par une forte réduction des contaminations, il s’avère nécessaire de communiquer sur les situations à risques, davantage que sur les personnes on les groupes.

C’est cet axe que nous appliquons et qui se concrétisera par la campagne de l’été dont vous trouverez un descriptif dans votre dossier.

J’ai souhaité que nous utilisions des médias puissants comme la radio et la télévision et que nous disposions d’une forte présence sur le terrain par des opérations hors-médias comme la tournée Cités Rock qui touchera phis de 30 quartiers en difficultés ou le France Basket Tour présent sur 24 sites de vacances, et durant lesquels une opération de prévention du sida est menée en complément du thème musical ou sportif.

Sous le chapeau d’un film événement, qui sera diffusé à partir du 20 juillet sur toutes les chaînes de télévision, près de 700 messages radios traiteront de manière ciblée des différentes situations à risques.

Comme je m’y étais engagé, j’ai signé le 7 juin dernier le décret instituant une aide de l’État à des matériels de prévention, du type des trousses pour les toxicomanes.

La circulaire étendant, à l’exemple de celle de Paris, les équipes mobiles d’information et de prévention du sida (EMIPS) à tous les départements de France est diffusée.

Enfin, la mise à disposition gratuite de préservatifs pour les populations les plus vulnérables a été renforcée par la mise en place des 1 400 points de distribution comme je l’annonçais le 13 décembre dernier.

Vous pouvez le constater, les pouvoirs publics mettent en place des réponses variées et soutenues pour limiter autant que faire se peut les contaminations dans notre pays.

II convient, je crois, de maintenir cette pression afin de responsabiliser nos concitoyens au moment on de réels espoirs se dessinent.

Troisième axe du plan : Soutenir par une prise en charge globale et participative

Je serais assez rapide sur ce point, puisque le rapport du Professeur DORMONT passe en revue la totalité des aspects que nous pourrions évoquer.

Deux circulaires importantes ont été signées : l’une sur les appartements thérapeutiques, l’autre sur le maintien à domicile des malades du sida. Elles sont entrées en application sans délai.

Concernant le maintien à domicile des malades du sida, lions trouverez à disposition le rapport spécifique du Professeur SERENI sur ce sujet et une fiche de résumé dans votre dossier

Le Professeur SERENI n’a pu être parmi nous aujourd’hui mais je voudrais le remercier pour son travail qui nous permet de mieux appréhender un secteur primordial de la prise en charge des personnes atteintes, secteur que les nouvelles thérapies ne pourront que renforcer.

Je voudrais également vous dire combien ces derniers mois ont été difficiles mais au combien importants. En effet, l’annonce des bons résultats des études menées sur les antiprotéases a provoqué un formidable espoir pour les malades. La courte période d’incertitude sur la disponibilité de ces produits a nécessité de notre part une mobilisation sans précédent

Celle-ci a porté ses fruits. Aujourd’hui près de 10 000 de nos concitoyens bénéficient d’un traitement par antiprotéase. Mon rôle n’est pas de m’en satisfaire. Cela répond à des prescriptions médicales m’incombait de permettre et de faciliter. Je souhaite simplement relever que la mise à disposition des antiprotéases en France a été rapide, large et qu’elle rendu inutile le débat sur le tirage au sort.

Comme le Premier ministre s’y était engagé, aucun obstacle financier n’est venu freiner ou limiter ces prescriptions. Les services hospitaliers, les associations de malades et les médecins des CISIH ont joué un rôle déterminant dans ce dossier Qu’ils en soient remerciés. II nous reste maintenant à étudier de cette les résultats de cette politique avec la prudence et le recul nécessaires.

La prochaine conférence mondiale sur le sida de Vancouver, qui s’ouvre dimanche, nous en donnera l’occasion. Je m’y rends et j’aurais l’occasion, en ouvrant la première séance plénière de rappeler nos préoccupations et nos espoirs.

Cette conférence, vous le savez, n’a plus lieu que tous les 2 ans. Celle de Vancouver, placée sous le signe de l’espoir, revêt une importance exceptionnelle. En effet depuis la conférence de Yokohama en 1994, les stratégies thérapeutiques ont été bouleversées par l’introduction du calcul de la charge virale, par la mise en place des bithérapies et des trithérapies, par l’arrivée des antiprotéases.

II m’a semblé important que je puisse constater ces progrès et faire connaître la position d’un pays qui a su les intégrer.

J’entends également par ma présence manifester ma solidarité avec tous ceux qui luttent chaque jour contre l’épidémie : les professionnels, les acteurs associatifs et les personnes atteintes elles-mêmes.

Enfin, vous trouverez également, à disposition, la seconde partie de l’étude prospective « Sida 2010 » réalisée en collaboration avec l’ANRS et qui propose plusieurs scénarios d’évolution de l’épidémie en France, nous permettant ainsi de préparer les stratégies de lutte pour les années à venir.

Ce besoin d’anticiper sera une des leçons que nous retiendrons de l’épidémie de sida. Par cette étude, les pouvoirs publics disposent des éléments qui leur permettront de décider. Mais cet exercice est délicat et concevoir un scénario du futur n’est pas sans risque. Aussi vous demanderais-je de bien vouloir considérer ce document comme un travail de réflexion manipuler avec précautions. Une note méthodologique vous y aidera

En 1996, l’effort de la Nation face au sida dépassera nettement les 5 milliards de francs. II répond à des besoins croissants qui s’expliquent par l’entrée dans la maladie de nombreuses personnes séropositives contaminées durant les années 80 à 90.

C’est dire si les recommandations du groupe d’experts que vous avez présidé, Monsieur le professeur sont importantes. Je vous propose de nous les faire connaître.