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Laïd Sammari : Quelle est la raison de votre déplacement en Lorraine ?
Elisabeth Guigou : C'est une région qui a particulièrement été touchée par les intempéries. Il est donc important qu'un membre du gouvernement soit présent en Lorraine où des dégâts considérables ont été constatés sur de nombreux bâtiments et dans les forêts. Personnellement, j'ai donc décidé d'aller visiter des établissements pénitentiaires. Je commence aujourd'hui avec la maison d'arrêt de Nancy et le centre de détention de Toul. Ces établissements figurent parmi ceux qui ont subi le plus de dégradations.
Laïd Sammari : Avez-vous fait le bilan des dégâts pour l'ensemble des prisons françaises ?
Elisabeth Guigou : Sur 190 sites, 89 ont été touchés à des degrés divers. Quatorze établissements ont particulièrement souffert, c'est-à-dire dont le toit où le mur d'enceinte ont été partiellement arrachés.
Laïd Sammari : Avez-vous chiffré les dégâts sur le plan financier ?
Elisabeth Guigou : On a commencé mais on est en train d'affiner tout ça. Les dégâts pourraient se chiffrer à environ 35 millions de francs.
Laïd Sammari : Les conséquences de ces intempéries ont-elles perturbé la vie pénitentiaire ?
Elisabeth Guigou : Oui, quand même, mais ces perturbations ont été maîtrisées. À Toul par exemple où la toiture a été endommagé et où la cheminée du bâtiment est tombée, il a fallu évacuer le premier étage et redéployer les détenus dans le reste du centre de détention. Tout s'est bien déroulé car le personnel s'est fortement mobilisé. Vingt-cinq détenus ont même participé aux réparations d'urgence.
Laïd Sammari : En raison de ces événements exceptionnels, ne pourrait-on pas anticiper des libérations qui doivent intervenir dans le cadre du décret de grâce présidentielle pris la semaine dernière ?
Elisabeth Guigou : Non, car en matière pénitentiaire, je crois qu'il faut respecter les règles posées par la loi.
Laïd Sammari : Quel est le bilan des dégâts dans les établissements de justice ?
Elisabeth Guigou : Beaucoup de tribunaux ont été touchés. Environ 70 établissements ont souffert dont les juridictions du Limousin ou le tribunal de Rochefort, par exemple, qui a dû être fermé.
Laïd Sammari : Comment expliquez-vous que l'on ait peu parlé, jusqu'à aujourd'hui, des dégâts occasionnés aux tribunaux et aux prisons ?
Elisabeth Guigou : D'une façon générale, et je le déplore, on parle moins de ce qui se passe dans les prisons qu'ailleurs. Ensuite, c'est vrai que l'attention a déjà été attirée par la marée noire puis par les gens qui ont été brutalement affectés par les intempéries.
Laïd Sammari : Hier, le chef de l'État a souhaité que la France réponde aux conséquences de la tempête par un élan du coeur. Partagez-vous ce souhait qui ne coûte pas cher ?
Elisabeth Guigou : Je n'ai pas d'appréciations ni de commentaires à faire sur ce qu'a dit le Président de la République.
Laïd Sammari : Concernant la marée noire, estimez-vous que le traitement judiciaire apporté est à la hauteur du drame ?
Elisabeth Guigou : Toutes les responsabilités judiciaires seront recherchées. Vous qui êtes un bon connaisseur des affaires de justice, vous savez comme moi que cela prend du temps car il faut évaluer les choses sérieusement. La justice a déjà commencé à travailler sur les responsabilités, tant civiles que pénales. Les parquets concernés m'ont déjà adressé plusieurs rapports et tout sera fait pour que les plaintes des justiciables soient traitées sérieusement et rapidement.
Laïd Sammari : Seriez-vous favorable à ce que des détenus condamnés pour des petites infractions participent à la lutte contre la marée noire en échange de remises de peines ?
Elisabeth Guigou : Il existe des règles sur le travail des détenus qu'il convient de respecter. Il faudrait d'abord que les détenus soient volontaires et qu'ils soient rémunérés dans le cas où ils fourniraient un travail. En tenant compte de ces règles, je ne suis pas opposée à ce que les détenus participent aux travaux.
Laïd Sammari : Personnellement, comment vivez-vous ces drames ?
Elisabeth Guigou : Comme beaucoup de Français j'ai été choquée par l'ampleur de ces drames et d'abord par le nombre de victimes. Je ressens beaucoup de compassion pour les personnes, qui sans avoir été blessées, sont aujourd'hui sans électricité, sans chauffage et les pieds dans l'eau dans des maisons inondées. Ce sont des conditions terribles de vie quotidienne surtout dans des périodes de fêtes où l'on aimerait que tout le monde puisse se réjouir. Il faut que les responsables publics manifestent leur sollicitude et montrent qu'ils prennent leur part. C'est très réconfortant de voir la mobilisation de tous et la solidarité dont les gens peuvent faire preuve spontanément avec beaucoup de coeur vis-à-vis de ceux qui sont dans la détresse. Cela montre que l'on n'est pas dans une société aussi égoïste que ça.