Déclaration de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la Sécurité sociale, sur l'application du Plan de mobilisation nationale contre la toxicomanie, Bucy-le-Long le 10 octobre 1996.

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Intervenant(s) : 
  • Hervé Gaymard - Secrétaire d'Etat à la santé et à la Sécurité sociale

Circonstance : Visite du centre APTE (Aide et prévention des toxico-dépendances par l'entraide) à Bucy-le-Long le 10 octobre 1996

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Après cette visite, trop rapide, du centre APTE, je voudrais vous dire quelques mots.

Je souhaite tout d’abord rendre hommage à votre formidable engagement personnel, Kate.

Vous avez su, ici à Bucy-le-Long, créer un lieu d’espoir et de solidarité sans complaisance.

Lieu d’espoir, parce que des toxicomanes s’en sortent, arrivent à rompre leur dépendance sans en créer une autre. Lieu de solidarité aussi, parce que problème de drogue et abus d’alcool se côtoient et participent ensemble à un même combat.

Sans complaisance enfin, parce que votre objectif demeure la réintégration de ces personnes dans la société et que cela nécessite des efforts partagés.

De tout cela, nous devons vous remercier. En ces temps où des voix s’élèvent pour prôner telle ou telle solution miracle à la drogue, vous êtes la démonstration de la difficulté mais aussi de la réussite d’une entreprise qui privilégie l’approche de la personne humaine et de sa problématique individuelle, plutôt que celle du produit, à l’homme blessé qui se cache derrière tout toxicomane.

Cette visite est aussi pour moi l’occasion de remercier ceux qui s’impliquent et lucidement dans ces démarches que je sais particulièrement difficiles : les médecins, les pharmaciens, les travailleurs sociaux et bien évidemment les intervenants et éducateurs que vous êtes et qui demeurez toujours en première ligne face à la détresse du toxicomane.

J’ai eu l’occasion de dire aux assises de l’Association nationale des intervenants en toxicomanie, à Toulouse le 31 mai dernier, que le gouvernement entendait poursuivre et amplifier sa politique, en particulier en appliquant intégralement le Plan de mobilisation nationale contre la toxicomanie souhaité par le Premier ministre et adopté en Comité interministériel le 14 septembre 1995.

Cela impliquait en particulier qu’aucun gel budgétaire ne vienne entraver cette application. C’est ce que j’ai obtenu.

Cela nécessitait également que nous sortions du problème récurrent des avenants salariaux en faveur du personnel des centres. Nous ferons en 1996 un important effort qui devrait régler environ les deux tiers de ces retards de prise en compte par l’État d’avenants conventionnels qui laissent à la charge des centres des dépenses de personnel importantes.

L’ensemble des mesures d’application du Plan ont été arrêtées durant l’été 1996. Elles poursuivent un double objectif :
    - renforcer les capacités de prise en charge, notamment en centre de soins et en milieu hospitalier ;
    - et rendre effective la délivrance des produits de substitution dans tous les départements, notamment par la médicalisation des centres dépourvus de capacité de prescription, mais aussi par une meilleure formation des médecins et pharmaciens grâce au développement des réseaux ville-hôpital.

Ainsi, ai-je décidé cet été :
    - de la création de 100 nouvelles places d’hébergement dans 19 départements ;
    - de 26 créations et de 19 renforcements de centres pour prescriptions de méthadone dans 32 départements avec centres de soins ;
    - de 13 créations dans 13 départements dépourvus de centres ;
    - de la création de 11 nouveaux réseaux toxicomanie ville-hôpital sur 10 départements.

Dans le même temps, 61 départements seront concernés par des mesures d’amélioration de la prise en charge des patients toxicomanes à l’hôpital qui créeront 230 emplois médicaux et non médicaux et 60 établissements pénitentiaires pour une meilleure prise en charge des toxicomanes incarcérés aboutissant à la création de 34 postes de psychologues et infirmiers

Pour illustrer toutes ces mesures, j’aurais d’ailleurs l’occasion d’inaugurer demain matin, en Savoie, les nouveaux locaux de l’association Le Pélican qui gère des antennes d’accueil en Tarentaise et de nouveaux appartements thérapeutiques.

Je voudrais également vous parler de la politique de substitution.

La mise sur le marché de la buprénorphine (Subutex) en début d’année connaît un très fort développement. En quelques mois, plus de 20 000 toxicomanes sont substitués à l’aide de ce nouveau produit.

La méthadone concerne près de 5 000 toxicomanes. Elle est dorénavant disponible en pharmacie sur prescription médicale renouvelée en ville.

Ces produits ne constituent évidemment pas la réponse idéale, et encore moins unique à la toxicomanie, mais ils permettent de faire face aux situations les plus graves et les plus dangereuses en terme, en autres, de contamination infectieuse. Je pense au sida et aux hépatites.

La France rattrape ainsi progressivement, dans ce domaine, un très important retard.

Enfin, je voudrais vous dire un mot du budget dont disposera en 1997 mon ministère et qu’il consacrera à la toxicomanie.

Dans le contexte financier que vous connaissez, nous avons obtenu une augmentation très sensible de ce budget.

Pour les seuls aspects sanitaires, les crédits s’élevaient en 1996 à 639 millions de francs. Ils seront de 694 millions de francs en 1997, en augmentation de 8,6 %.

Le domaine social connaîtra quant à lui une augmentation de 12 % passant de 50 à plus de 56 millions de francs. Ce budget permet de financer, entre autres, les « sleep in » et les « boutiques ».

Ces éléments doivent vous confirmer, et concrétiser, l’engagement du gouvernement à opposer à la toxicomanie une réponse globale à la hauteur du problème que ce fléau pose à la société.

En effet, la réponse à la toxicomanie doit être globale : prévention, soins et insertion, lutte contre le trafic.

C’est une condition sine qua non de l’efficacité de cette réponse.

La mise en place et le rattachement direct de la nouvelle mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, présidée par Françoise de Veyrinas et dirigée par Hervé Mecheri, au Premier ministre, en est une illustration parlante.

La mission prépare actuellement le nouveau Plan triennal qui confirmera tous ces points et fixera pour la période 1997-2000, le cadre de la lutte contre le sida en France.

Ce nouveau Plan devra tenir compte des évolutions nécessaires et adaptations auxquelles nous allons devoir faire face :

Pour ma part, j’en relève trois :

Ces dernières années, les modes de consommation ont beaucoup évolué. De nouveaux produits apparaissent et de nouvelles formes de consommation. Au hasard, je citerais le crack et l’ecstasy, l’utilisation isolée ou en association de médicaments, et l’usage chez les jeunes en particulier, du cannabis et de l’alcool à des fins de défonce.

Nous devons répondre à ces données en nous impliquant davantage dans les domaines de la prévention, dans les « raves » entre autres et dans l’organisation de soins adaptés, dans la sensibilisation des acteurs de santé aux prescriptions de médicaments psychotropes.

Les troubles psychologiques et/ou psychiatriques des toxicomanes constituent, à mon sens un problème insuffisamment pris en compte. La mise sous traitement de substitution démasque la pathologie sous-jacente qui doit alors être prise en charge de manière spécifique.

Dans ce cadre, nous devrons soutenir et généraliser l’implication des secteurs psychiatriques. J’ai engagé ce processus dès cette année en renforçant leurs moyens pour 11 millions de francs.

Enfin, il me semble indispensable de mener une réflexion sur l’hébergement et l’évolution nécessaire des types de solutions proposées en fonction des modifications du profil des toxicomanes et de leurs pratiques ainsi que celles des traitements.

Je crois que la poursuite de l’augmentation des capacités d’hébergement est nécessaire, couplée avec une réflexion sur la nature du mode d’hébergement.

Des problèmes tels que la pertinence de l’accès aux centres résidentiels des toxicomanes sous substitution, la prise en charge communautaire dans le cadre de communautés thérapeutiques et l’articulation à mettre en œuvre entre les structures spécialisées d’hébergement et celles de réinsertion et de réadaptation sociale doivent trouver rapidement des réponses.

Voici en quelques mots les réflexions que je voulais vous faire partager.

Après avoir reconnu le toxicomane comme un patient non spécifique, il nous faut reconnaître sa responsabilité, sa citoyenneté, son intégration sociale et économique à un moment où l’exclusion frappe des pans entiers de la société.

Ce que vous faites au quotidien, vos collaborateurs et vous-même Kate.

Pour tout cela à nouveau un grand bravo.

Je vous remercie.