Interview de M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation, à RTL le 25 juillet 1996, sur la maladie de la vache folle, les risques de transmission, les mesures préventives et les aides à la filière bovine.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J. Esnous : P. Vasseur, je vous ai demandé d'être l'invité de ce journal de 18 heures pour faire le point sur la maladie de la vache folle et puis aussi le cas de la viande de mouton. Je vous avoue que le consommateur que je suis n'y comprend plus rien, et je ne dois pas être le seul dans ce cas. Est-ce qu'on peut, dites-le nous franchement, oui ou non manger sans risques aujourd'hui un bifteck et des côtes de mouton, par exemple ?

P. Vasseur : Sans aucun risque. Déjà le bifteck, il faut savoir une chose qu'on a un peu oublié depuis le début de la crise, c'est que même si jamais vous mangiez du bifteck de vache folle, ce qui ne peut pas être le cas aujourd'hui – dans aucun cas – vous ne courriez aucun danger. Les scientifiques sont formels là-dessus : depuis dix ans, toutes les expériences qui ont été faites à partir de muscles de vaches contaminées n'ont eu aucun effet. Alors, comme les précautions qui ont été prises sont des précautions qui éliminent toute bête contaminée éventuellement des troupeaux, il n'y a strictement aucun danger.

J. Esnous : Et le mouton, alors ? Parce que maintenant, on s'inquiète sur le mouton ?

P. Vasseur : Sur le mouton, nous avons eu une théorie scientifique qui nous a été transmise en France par notamment le comité du Professeur Dormont, disant qu'il pouvait y avoir un risque sur certaines parties du mouton. Il nous a été demandé de ne pas mettre dans les farines animales les cervelles et la moelle épinière des ruminants.

J. Esnous : C'est pour cela que vous l'aviez interdit il y a un mois ?

P. Vasseur : C'est pour cela que j'avais interdit il y a un mois la commercialisation ; à partir du moment où on ne les met pas dans la farine pour les animaux, on ne va pas les donner aux consommateurs. Mais j'ai pris cette mesure à titre tout à fait conservatoire et j'ai demandé au comité du Professeur Dormont de me dire à partir de quel âge il fallait considérer que l'animal était un ruminant, et que donc il pouvait y avoir danger. La réponse a été très claire. La réponse a été de dire : il n'y pas de danger pour les animaux qui sont âgés de moins de douze mois, lorsqu'il s'agit d'ovins, et il n'y a pas de danger pour les animaux âgés de moins de six mois, lorsqu'il s'agit de bovins.

J. Esnous : Comment le consommateur va se repérer entre la cervelle d'agneau de moins d'un an, etc. ?

P. Vasseur : Attendez, ça c'est notre travail. Il faut déjà savoir une chose : c'est qu'en France, ce que nous mangeons, c'est exceptionnellement du mouton. Dans la très grande majorité des cas, c'est de l'agneau. Ce sont des bêtes qui sont âgés de moins d'un an. Pour les veaux, on sait pertinemment à quel âge on abat les veaux. Ça c'est notre problème. Il est tout à fait facile de vérifier. Pour l'agneau de moins de six mois, on vérifie au poids ; pour l'agneau de plus d'un an, on vérifie à la dentition.

J. Esnous : Et là, les contrôles sont tout à fait strictes ?

P. Vasseur : On a tout à fait les moyens. Écoutez, vu les mesures que nous prenons ! Quelquefois, on nous accuse même de prendre trop de contrôles et de mesures. Donc, de ce point de vue-là, nous avons des contrôles qui sont extrêmement strictes, et par conséquent, nous appliquons avec une rigueur totale les recommandations qui sont faites par les scientifiques. Mais lorsque nous avons un avis scientifique et que cet avis est incomplet. Bien entendu, nous demandons des compléments d'information. C'est ce que nous avons fait dans cette affaire. Et je vous signale d'ailleurs que nous avons donné le ton à l'Europe dans ce domaine, puisque la semaine prochaine, à notre demande, un comité d'experts se réunira au niveau européen pour harmoniser les règles sur l'ensemble du territoire européen.

J. Esnous : Et là, les affirmations des scientifiques sont certaines ? On ne risque pas d'avoir une mauvaise surprise dans un mois ?

P. Vasseur : Les scientifiques, et c'est tout à fait légitime, lorsqu'ils ont des certitudes, nous donnent leurs certitudes, et vous pouvez être certains qu'à partir de ce moment-là, elles sont verrouillées, elles sont bétonnées, elles sont vérifiées. Et quand les scientifiques nous font part de doutes, et en l'occurrence, il ne s'agit que de doutes, pour les moutons plus âgés, il ne s'agit pas de certitudes, il ne s'agit que de doutes, à partir de ce moment-là, eux-mêmes prennent des précautions et nous suivons les précautions prises par les scientifiques. Quand un scientifique vous dit : il y a une certitude, vous pouvez être certains que, compte tenu des précautions qu'ils sont amenés à prendre, aujourd'hui, c'est que le risque est tout fait nul.

J. Esnous : Le Premier ministre J. Major a dit qu'il continuera à manger de la viande de mouton. Vous dites la même chose ?

P. Vasseur : Moi je ne suis pas un bon exemple. On m'accusera d'être juge et partie. Mais j'aime trop la viande pour m'en priver, et comme je sais les précautions qui sont prises et je peux les vérifier tous les jours, je mange de la viande non seulement de bon appétit, mais également sans aucune arrière-pensée.

J. Esnous : Cela dit, P. Vasseur, il y a quand même un contexte de suspicion générale dans la population. Est-ce que les mesures que vous avez prises avec vos collègues européens de l'agriculture, à Bruxelles, pour soutenir les cours, ne risquent pas d'être un coup d'épée dans l'eau ?

P. Vasseur : Vous avez tout à fait raison de souligner que les mesures que nous avons prises risquent d'être insuffisantes si jamais il n'y a pas, chez le consommateur, le retour à une attitude qui soit une attitude plus conforme à ce que je souhaite. Bien évidemment, si jamais le consommateur continue à ne pas manger de viande bovine et éventuellement à ne pas manger de mouton, nous allons au-devant d'une très grande catastrophe économique et sociale. Bien entendu, je peux comprendre, quand il y a un danger réel ; quand toutes les garanties sont apportées, quelquefois je me pose un certain nombre de questions. Mais qu'est-ce que vous voulez ? Je pense que le consommateur a raison d'être exigeant, il a raison de nous demander de prendre toutes les précautions. Simplement, quand nous prenons ces précautions et quand nous répondons aux exigences, je crois que les choses devraient rentrer dans l'ordre.

J. Esnous : J. Chirac vous a nommément demandé, hier, d'accélérer le versement des aides aux éleveurs. Vous vous y engagez ? Ça va être fait dès le mois d'août ?

P. Vasseur : Je vais même vous dire une chose : c'est que, d'une part, j'ai fait accélérer le paiement des aides aux éleveurs et, d'autre part., certaines aides, ce que l'on appelle le complément pour les bovins mâles, ça représente globalement 750 millions de francs, eh bien ! Cette prime sera versée avant samedi prochain. Les éleveurs verront leurs comptes crédités avant samedi prochain.