Déclaration à la presse et interview de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, à RFI le 27 avril 1998 et déclaration en réponse à une question sur le veto français au projet de traité de libre échange transatlantique défendu par la Commission européenne et sur la pause obtenue par la France dans la négociation de l'Accord multilatéral sur les investissements à l'Assemblée nationale le 28.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil affaires générales des Quinze à Luxembourg le 27 avril 1998- Réunion des ministres des finances et du commerce des 29 pays de l'OCDE à Paris les 27 et 28

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

POINT DE PRESSE  (Luxembourg, 27 avril 1998)

Je vais vous parler des quelques sujets évoqués au cours de la matinée. D'abord, les relations, transatlantiques. Voici ce que j'ai dit ce matin à nos partenaires :

"La position française sur ce thème est dénuée d'ambiguïté et a été exprimée au plus haut niveau de l'Etat.

Je limiterais donc mon intervention aux trois points suivants :

1) Nous ne pouvons envisager une relance des relations transatlantiques tant que pèsera sur nos entreprises la menace de sanctions unilatérales. La présidence poursuit ses discussions avec les Américains. Nous souhaitons disposer rapidement d'informations précises, sur la base d'un texte écrit. En tout état de cause, la France ne pourrait souscrire à un compromis boiteux. Les éléments suivants, à nos yeux, essentiels :

- Les dossiers Helms-Burton et d'Amato ne peuvent être dissociés ;

- Nos entreprises doivent être mises à l'abri, pour le passé et pour l'avenir, de toute sanction de la part de l'administration américaine ;

- Le principe même des embargos secondaires doit être condamné ;

- L'autonomie de notre politique extérieure doit être préservée ;

- Les lois extraterritoriales de niveau subfédéral doivent, elles aussi, être rejetées dans leur principe.

2) S'agissant de l'évolution des relations commerciales avec les Etats-Unis, l'examen par les instances compétentes de la communication de la Commission a mis en évidence des réserves fondamentales de la part de la France, mais aussi de plusieurs autres Etats membres. Il doit être clair aujourd'hui que cette communication ne peut, en aucune façon, constituer la base d'une initiative de la Communauté. Elle ne doit donc pas figurer, sous une forme directe ou indirecte, à l'ordre du jour du prochain sommet euro-américain. Les conclusions du Conseil ne doivent pas, sur ce point, laisser subsister la moindre ambiguïté.

3) A condition que les deux premiers éléments mentionnés soient réunis, la France serait prête à contribuer au renforcement des relations euro-américaines à l'occasion du prochain sommet. Ce renforcement doit s'inscrire dans le cadre de l'agenda transatlantique approuvé à Madrid en 1995, qui contient déjà tous les éléments pertinents, y compris en matière commerciale. La réflexion peut aussi porter sur les relations politiques et le dialogue entre les sociétés civiles, de part et d'autre de l'Atlantique.

Je peux commenter cette intervention en ajoutant que le résumé de la présidence se fait assez clairement l'écho de notre position puisque, en définitive, c'est le COREPER qui est chargé de préparer les prochains sommets avec le Canada et les Etats-Unis et en particulier, d'arrêter une position de l'Union sur le volet commercial en tenant compte de l'opposition de la France aux idées de Leon Brittan à l'initiative de la Commission.

Je fais une parenthèse pour dire que, contrairement à ce que l'on a pu prétendre, je n'ai pas senti du tout, et ce matin c'était extrêmement clair, que la France était isolée. Si je peux citer quelques-uns de nos partenaires, j'ai noté la position des Pays-Bas qui expliquaient leurs réticences, par rapport à l'adéquation des moyens, aux objectifs poursuivis par le commissaire Brittan. Les Pays-Bas soulignaient le risque de difficultés posé par une telle initiative pour le multilatéralisme qui devait rester le cadre privilégié et que donc, ils ne pouvaient pas appuyer, je cite : "l'initiative de la Commission, et ne souhaitaient pas que cette initiative soit à l'ordre du jour du Sommet Etats-Unis-Europe". Les Allemands ont également souligné que l'agenda transatlantique devait constituer la base de la discussion avec les Américains. Ils ont dit qu'ils voulaient exclure la culture, l'agriculture de tout processus et souhaité que, là encore, l'OMC soit le cadre d'ensemble. Les Belges ont souhaité que l'initiative soit ramenée à des proportions réalistes et que, encore une fois, l'agenda transatlantique soit la base. L'Italie a pris une position assez floue mais assez peu enthousiaste. Les Espagnols ont souhaité que l'on soit très prudent et que l'on prenne des précautions par rapport à l'initiative qui risquait de perturber l'OMC. Au total, il y a quand même eu toute une série de vives réserves qui se sont manifestées et à côté de cette réserve, notre opposition complète, résolue et réitérée. Le Conseil a pris note des progrès enregistrés sur la question des législations Helms-Burton et d'Amato. Là, les choses avancent dans le bon sens. Nous avons invité la présidence de la Commission à poursuivre une discussion avec les Américains, en vue d'un rapport au prochain COREPER.

Avons-nous atteint nos objectifs ? Comme d'habitude, commence une bataille de communication avec le commissaire en question mais les choses sont, je crois, claires, nettes et sans bavure. Il est clair, dans le résumé de la présidence que certaines délégations ont exprimé leur préoccupation. Je ne reviens pas sur la traduction de l'anglais ou du français. J'entendais que c'étaient des réserves. D'ailleurs, Robin Cook l'avait compris comme cela, mais peu importe. Il est clair aussi que la France a réitéré son opposition. Il a fallu, je l'avoue, revenir, 3, 4 ou 5 fois à la charge pour que cela soit inscrit. Mais c'est inscrit et c'est très important car, une telle initiative ne pourrait voir le jour qu'avec unanimité. Le but était de constater que la communication de la Commission ne faisait pas l'unanimité au sein du Conseil, et qu'elle ne peut donc, j'y insiste, en aucune manière, constituer la base de la préparation du prochain sommet euro-américain du 18 mai. Cela n'arrivera pas. Les conclusions de la présidence sont très claires sur ce point et la base de la discussion est, comme nous le souhaitions, le nouvel agenda transatlantique signé à Madrid en décembre 1995. Presque toutes les délégations, en fait, y ont fait référence. C'est très important. Je considère donc que, du point de vue que nous défendions, que nous avions déjà exposé lors du dernier Conseil Affaires générales, c'est une prise en compte de nos positions - je ne dirais pas une victoire, pour ne pas paraître hégémonique - qui est très importante et extrêmement claire.

Les deux autres sujets dont nous avons parlés ce matin sont tout d'abord l'Agenda 2000, avec une question importante à ce stade qui est l'organisation des travaux. La présidence a présenté une note. Un rapport sur le calendrier devra être préparé pour le Conseil européen de Cardiff. Nous y reviendrons au prochain Conseil Affaires générales. Il est important aujourd'hui de pouvoir avoir une méthode de travail avec une hiérarchisation des questions et un calendrier.

Nous avons approuvé en gros les méthodes proposées par la présidence, tant au niveau du Conseil que vis-à-vis du Parlement européen.

Il n'y a pas eu de débat de fond, quelques esquisses peut-être lancées par l'Allemagne et par les Pays-Bas auxquelles nous avons très brièvement répondu, puisqu'ils posaient la question de soldes. Il faut un examen ordonné. Cela signifiait, d'abord, un débat sur les dépenses, puis, un débat sur les recettes. J'ai rappelé qu'il ne fallait pas de précipitation, qu'il fallait notamment attendre le rapport de la Commission en octobre sur les ressources propres. J'ai rappelé aussi que nous avions déjà quelques grandes lignes d'orientation arrêtées au Conseil de Luxembourg de décembre dernier. Je rappelle pour mémoire la décision de ressources propres, le principe de la double programmation, la stabilisation de dépenses concernant les fonds structurels, le principe de la rigueur qui s'applique aux dépenses communautaires. C'est important car il doit être clair que l'on ne peut pas demander plus de rigueur budgétaire, de nouvelles dépenses pour tel ou tel pays, un mécanisme d'écrêtement et être farouchement favorable à l'élargissement. Il y a là quelques contradictions qu'il faudra lever au fur et à mesure d'une discussion dont j'ai observé que l'échéance avait tendance à reculer puisque l'on nous parle maintenant de mi-1999 comme étant un commencement, mais pas avant. Il faut tenir compte de cela dans nos réflexions.

Q. - Qui en parle ?

R. - C'est la présidence qui a dit que le calendrier serait plutôt la mi-99. Mais comme il y a aussi les élections au Parlement européen, on voit tout de suite que c'est au début de la présidence allemande que les choses vont se jouer. Aura-t-on à ce moment-là, une capacité à avancer ? Si oui, nous concluons à la mi-99 ; si non, on est reporté encore plus tard.
Sur la Turquie, nous allons en reparler au déjeuner. J'ai simplement manifesté ce matin que nous attachions une très grande importance à la tenue du Conseil d'association du 25 mai, à sa réussite et à ce qu'un paquet soit présenté à ce moment-là qui formerait un tout et qui permettrait de déboucher sur une amélioration des relations euro-turques. J'ai noté avec une très grande satisfaction que c'était la position de la totalité des délégations qui ont parlé au moment où je me suis exprimé avant de venir vous rejoindre, c'est-à-dire, celle de la présidence, celle de la Commission, qui a commencé à avoir des entretiens techniques à Ankara, qui a présenté sa stratégie européenne pour la Turquie que nous appuyons, et celle de la plupart des délégations. De fait, j'ai l'impression que les choses sont en train de bouger dans le bon sens. Nous allons en reparler au déjeuner durant lequel j'insisterai sur un point, bien sûr : la nécessité de mettre en œuvre nos engagements concernant la Turquie et en particulier les 375 millions d'écus d'aide financière liée à l'union douanière entrée en vigueur le 1er janvier 1996. C'est un engagement qui commence à dater puisqu'il a 27 mois. C'est une question de cohérence et de crédit. Il faut absolument que les choses soient tenues. C'est une position constante de la France. C'est une position de principe. C'est une question concrète : comment pourrions-nous relancer le dialogue euro-turc si nous ne sommes pas capables de traduire dans les faits, les engagements que nous souscrivons à Quinze ? Je note d'ailleurs que ce geste est un des aspects majeurs des propositions de la Commission en vue de sa stratégie européenne pour la Turquie. Les choses vont dans le bon sens. Nous vérifierons au déjeuner si le veto grec - puisqu'il semble que ce soit clair pour 14 pays au moins, peut-être 15 - est maintenu. Mais c'est très important dans la perspective du Conseil d'association et c'est même tout à fait essentiel.
Ce sont les 3 points sur lesquels je voulais insister.

Q. - Dans votre déclaration sur NTM, vous dites que les conclusions du Conseil ne doivent pas, sur ce point, laisser subsister la moindre ambiguïté. Nous n'avons pas la déclaration définitive du Conseil, mais pouvez-vous nous dire quelle est la partie de cette déclaration qui vous donne satisfaction sur ce point ?

R. - Les choses sont claires. De quelque façon que l'on se tourne, il n'y a pas unanimité sur cette initiative de la Commission. Notre opposition est prise en compte par la présidence et par le Conseil, les réserves d'autres également, réserves qui se sont considérablement renforcées, il faut bien le dire, par rapport à ce qui s'est produit la dernière fois. Ce ne sont tout de même pas n'importe quels Etats : les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie dans une moindre mesure. Les seuls ayant exprimé un soutien large sont le Luxembourg, la Finlande, la Suède, le Danemark, le Portugal, la Grèce qui a tout de même laissé filtrer quelques points d'interrogations. Je crois que la cause me parait entendue dans une bonne logique.

Q. - N'est-ce pas plus qu'une nuance entre le fait d'exprimer des inquiétudes spécifiques et une opposition ? La France n'est pas isolée certes, parce que les autres peuvent s'inquiéter de tel ou tel aspect, mais cela ne vous inquiète pas...

R. - Que les choses soient très claires. Dans cette affaire, je pense que beaucoup ont trouvé commode l'opposition de la France, notre capacité à opposer un veto, disons-le, pendant qu'eux exprimaient des positions un peu plus nuancées. Mais, dans le débat de ce matin, il était très clair qu'il ne s'agissait pas de préoccupations spécifiques, mais bel et bien de réserves tout à fait solides et qu'en fait, beaucoup se satisfaisaient de la façon dont nous intervenions pour mettre un terme à cette initiative, car il s'agit bien de cela. C'est le premier point. Mon sentiment est que, c'est vrai, nous exprimons une position différente, mais nous ne sommes pas isolés sur notre position. Nous sommes plus distingués par nos propos qu'isolés par notre position qui, je le crois, est très bien comprise. La deuxième chose est qu'il ne nous gêne pas que l'on dise que des Etats expriment un support large. Cela ne nous gênerait même pas que l'on dise qu'une large majorité - ce qui n'est pas le cas - exprime ce soutien. Cela ne nous gênerait pas non plus si l'on disait qu'il y en avait 14 - ce qui n'est pas du tout le cas - puisqu'en la matière, ce qu'il faut, c'est l'unanimité. A partir du moment où il est noté qu'elle n'existe pas, la cause est entendue. On peut aussi parfois, dans ce système être seul. Cela n'est pas le cas. Nous sommes à la fois très rigoureux comme opposants et en plus, nous avons réussi à trouver des alliés.

Q. - Le libellé devrait-il empêcher Leon Brittan de décrire l'esquisse du projet s'il était interrogé par la délégation américaine sur le projet lui-même ?

R. - Mon sentiment - et des éléments nous sont parvenus - est que les Américains eux-mêmes ne sont pas sur des positions extraordinairement éloignées des nôtres. En fait, des deux côtés de l'Atlantique, à l'exception de M. Brittan, de son cabinet et de quelques Etats qu'il a convaincus, on se rend compte que la bonne base, pour envisager la suite des discussions transatlantiques - et il faut qu'elles s'améliorent bien sûr - c'est le nouvel agenda transatlantique de 1995.

Q. - Où en est-on sur cet agenda ? Y a-t-il des progrès ?

R. - Je pense que cela va être la base des discussions à reprendre notamment au Sommet euroaméricain.

Q. - M. Brittan apparemment préparait une déclaration où il dit (expression en anglais). Ce n'est tout de même pas innocent.

R. - Ce n'est certes pas innocent. Il y a encore un point que nous sommes en train de discuter sur les conclusions de la présidence, c'est pour cela qu'elles ne sont pas définitives et donc pas distribuées, qui porte sur la libéralisation multilatérale et bilatérale. Le cadre multilatéral ne nous pose pas de problèmes. Cela a été dit. Sur le bilatéral, nous sommes plutôt pour un renforcement de la coopération et non pas de la libéralisation. Honnêtement, nous n'allons pas nous faire achever ou trucider pour ce mot. Encore que nous allons nous battre pour qu'il n'y soit pas. Une chose comptait aujourd'hui, c'est que l'on ait bien compris qu'une initiative comme celle-ci n'est pas raisonnable et que le Conseil ait noté l'opposition résolue, définitive, totale de la France.

Q. - (inaudible)

R. - Il faut à un moment arrêter, lorsque les choses sont déraisonnables.

Q. - Mais cette idée n'est pas morte ?

R. - Une idée n'est pas morte tant qu'elle a un concepteur. L'idée est sans doute très vivante dans la tête de M. Brittan mais l'initiative de la Commission, elle, n'est pas retenue par le Conseil.

Q. - Concernant la Turquie, dans les conclusions du Conseil de Luxembourg, dans les articles sur la stratégie pour le développement des relations avec la Turquie, on se réfère à certaines conditions essentielles. Ces conditions sont-elles toujours valables ?

R. - Ces positions sont toujours valables. Tous les textes qui ont été formulés, depuis quelques années, sont valables en la matière mais il y a un texte surtout qui est valable - et c'est celui dont on doit discuter - c'est la partie financière de l'Accord d'association. Je crois que l'on ne peut pas envisager un développement à nouveau harmonieux, positif de la relation euro-turque sans que les engagements pris par l'Union européenne soient tenus. Il y a des conditions, des critères, ce qui fait que nous n'avons jamais dit que la Turquie était un candidat, au même titre que les autres, nous avons toujours mis des conditions à l'adhésion de la Turquie. Nous ne souhaitions pas avant le Sommet de Luxembourg que la Turquie soit traitée comme les onze pays qui sont actuellement candidats. Nous voulions qu'elle soit partie prenante à la Conférence européenne. Cela reste valable, mais il n'empêche que nous ne pouvons pas rester dans une situation de blocage vis-à-vis de la Turquie. Il est très important qu'il y ait une levée des obstacles, que nous ne comprenons pas, par rapport à l'aide financière de la Turquie.

Q. - Les choses bougent-elles ? Est-ce plus positif ?

R. - Je n'ai pas pu assister puisque je devais vous rendre compte de nos entretiens de la matinée. J'ai noté que la Commission avançait, que des contacts étaient pris avec Ankara. C'est positif et j'ai noté que la plupart des délégations qui se sont exprimées avaient pris une position positive. C'est nouveau.

Q. - C'est nouveau pour la Commission, pas pour la Grèce ?

R. - Pour tous les Etats, y compris les Allemands, par exemple. La Grèce ne s'est pas encore exprimée dans ce débat.

Q. - Y a-t-il encore un délai pour aller jusqu'au 25 mai ?

R. - Nous allons en parler au déjeuner. Ce point de l'aide financière n'a pas été évoqué ce matin.

Q. - Vous revoit-on après le déjeuner ?

R. - Peut-être.

Q. - Sur le Moyen-Orient, que pensez-vous de l'initiative de M. Blair ? Il a travaillé pour lui, pas pour l'Europe ?

R. - Cet après-midi la présidence va présenter des éléments sur la tournée proche-orientale de Tony Blair, ainsi que sur les rencontres prévues à Londres avec MM. Arafat, Netanyahou et Mme Albright. Je suis moins définitif que vous sur un point : je crois que l'engagement de Tony Blair sur ce dossier est à la fois, un engagement personnel, national, mais aussi européen. J'y insiste - vous l'avez noté dans la couverture de presse - il faut aussi savoir que M. Moratinos était associé à cette tournée. C'est une initiative que nous saluons. Il ne faut pas toujours tomber dans cette sorte de polémique, de débat qui a pu avoir son fondement à d'autres moments sur la façon dont la présidence britannique exerce son rôle. Au sujet du Proche-Orient, les choses vont tout à fait dans un bon sens, en tout cas, ce rôle est positif. Il est important que l'Europe, notamment par le biais de la présidence, joue son rôle politique et fasse des efforts pour dépasser le blocage du processus de paix.
C'est très délicat, très difficile, et nous ne ferons pas les délicats et les difficiles justement en disant que le seul résultat de cette tournée, c'est la venue à Londres de MM. Netanyahou et Arafat. Je crois au contraire qu'il est positif qu'ils aient accepté tous les deux de se rendre à Londres le 4 mai.
Il ne s'agit pas simplement d'offrir l'hospitalité. Il faut que l'Europe soit en mesure de faire de cette rencontre un succès. Cela ne dépend pas que de nous, mais il parait utile et nécessaire de réaffirmer avec force notre position. A savoir que la relance du processus de paix impose la prise en compte des besoins de sécurité de l'Etat d'Israël - tout le monde est d'accord sur ce point - mais également la prise en compte des besoins d'exister des Palestiniens. On ne peut pas empiler indéfiniment concession sur concession au détriment de la même partie. Sur ce point, la position de l'Union est réaliste et équitable et elle sera confirmée tout à l'heure.

Q. - La position de l'Union est-elle vraiment défendue par sa présidence ?

R. - Ne faisons pas de mauvais procès en la matière au Royaume-Uni.

Q. - Sur la Turquie, (inaudible)...

R. - Non, simplement, je pense que c'est la volonté de développer désormais de façon positive le dialogue euro-turc et notamment de respecter pleinement toutes les clauses de l'Accord d'association. Si on fait cela, on pourra renverser ce qui s'est produit à Luxembourg et après, c'est-à-dire un traitement un peu sévère vis-à-vis de la Turquie, et une réaction tout à fait excessive de la Turquie à ce traitement. Il s'agit d'entrer dans un processus qui reparte dans le bon sens.

ENTRETIEN  AVEC "RFI" (Luxembourg, 27 avril 1998)

Q. - (inaudible)

R. - Nous avions un objectif aujourd'hui qui était de faire en sorte que l'on prenne acte d'une façon claire et définitive au niveau du Conseil de l'Union européenne que la France était opposée à toute initiative de la Commission en la matière, aux initiatives dites "Brittan", (le NTM). Il a fallu batailler. Mais nous avons noté que plusieurs pays, et pas des moindres, l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie, avaient des réticences ou des réserves par rapport à ce projet et que la France y était opposée. Or, comme il faut l'unanimité, l'opposition de la France signifie, en clair, que cette initiative de la Commission, que nous avons jugée tout à fait intempestive, ne pourra pas être inscrite à l'ordre du jour du prochain Sommet euro-américain qui se tiendra à Londres le 18 mai. C'est ce que nous voulions. Notre objectif est donc atteint.

Q. - Aviez-vous reconnu que des réticences étaient exprimées de la part des Américains concernant ce projet ?

R. - Je crois qu'à un certain moment, il faut arrêter de s'entêter. La Commission avait son idée. Elle est soutenue par quelques Etats qu'il ne faut pas négliger. Beaucoup en fait, expriment des réserves. Les Américains eux-mêmes pensent comme nous : ce n'est pas sur la base de cette initiative nouvelle de libéralisation tous azimuts qu'il faut développer les relations transatlantiques, mais sur la base de ce que l'on a appelé le nouvel agenda transatlantique qui été formulé en 1995 et qui était beaucoup plus raisonnable, beaucoup mieux calibré, beaucoup plus prudent. Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de dire ce matin que, pour nous, il y avait une condition qui était que nous ne pouvions pas tolérer les lois extraterritoriales américaines comme la loi Helms-Burton et la loi d'Amato qui visent à sanctionner nos entreprises pour avoir outrepassé des règles que les Américains considéreraient comme bonnes pour le commerce international. Cela a été aussi pris en compte ce matin. J'ai eu le sentiment sincèrement que les positions françaises avaient fait de gros progrès au sein du Conseil Affaires générales.

Q. - Sur le Kosovo, que peut-on attendre de la réunion du Groupe de contact qui se tiendra mercredi ?

R. - La question est prématurée. Je crois que cette réunion est très importante. Sur ce dossier, nous avons un accord clair entre nous à savoir que le dialogue doit s'engager immédiatement, sans condition ; ensuite, qu'il ne faut pas préjuger du futur statut du Kosovo. Aucune solution en la matière ne doit être exclue. Enfin, nous pensons que la menace de nouvelles sanctions, que nous n'écartons pas, n'est, à notre sens, dissuasive, que si elle est assortie de la perspective de mesures d'incitation positive vis-à-vis de l'ex-Yougoslavie. Il faut, à la fois, manier très clairement la possibilité dissuasive de sanctions, mais aussi, en contrepartie d'avancées toujours possibles, laisser ouverte la porte à de nouveaux progrès dans les relations avec l'Union européenne. C'est la position de la France et je crois qu'elle est tout à fait bien comprise au sein du Groupe de contact. Elle devra se renouveler lors de la prochaine réunion.

Q. - Vous n'allez pas dans le sens des Américains qui semblent demander un renforcement des sanctions à l'encontre de Belgrade ?

R. - Je pense que nous sommes prêts à envisager des sanctions. Elles ne sont pas à écarter, mais encore une fois, nous pensons qu'il faut, peut-être, être un tout petit peu plus subtil si nous voulons faire évoluer les Yougoslaves et surtout si nous voulons faire évoluer le dossier du Kosovo. Mais notre attitude est d'une extrême fermeté, tout en insistant sur la capacité à retrouver des marges de dialogue car c'est toujours mieux lorsque les choses s'arrangent par le dialogue, surtout dans cette région du monde, qui a connu des évolutions très dramatiques au cours de ces derniers mois et de ces dernières années.

ACCORD MULTILATERAL SUR L'INVESTISSEMENT
REPONSE A UNE QUESTION D'ACTUALITE A L'ASSEMBLEE NATIONALE (Paris, 28 avril 1998)

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Monsieur le Député.
Je vous rassure tout de suite par une réponse claire, nette, précise, sans ambages. Les choses sont évidentes : le projet de M. Brittan est écarté. Mais, je veux tout de même revenir sur les circonstances dans lesquelles nous, la France, l'avons obtenu.

Cette initiative de M. Brittan était inacceptable de deux points de vue. D'abord, comme vous l'avez souligné, sur la méthode. C'était une initiative de la Commission, ou plutôt d'un commissaire qui est assez coutumier du fait, qui n'avait pour cela aucun mandat du Conseil et qui agissait, donc, en son nom propre. Et puis, c'était aussi peu acceptable sur le fond.

Sur le fond, le nouveau Traité transatlantique aurait abouti à une sorte de directoire euro américain qui aurait, comme vous l'avez souligné, empêché les discussions commerciales de se dérouler dans leur cadre naturel, qui est le cadre multilatéral, celui de l'OMC, Organisation mondiale du commerce.

J'ajoute que nous étions dans une situation où nous aurions difficilement pu éviter que des questions très sensibles, comme les questions culturelles, comme la question des services, comme la question de l'agriculture, soient introduites dans ce nouveau Traité. Et puis, il y a la question que vous avez posée des lois extraterritoriales, des lois Helms-Burton, lois d'Amato, certaines lois subfédérales comme celle de l'Etat du Massachusetts, qui font peser sur nos entreprises la menace de sanctions unilatérales des Etats-Unis alors même que des transactions se dérouleraient complètement en dehors des frontières.

Pour toutes ces raisons, nous nous sommes opposés, avec une très grande fermeté, à l'initiative de M. Brittan. Le président de la République l'a fait à plusieurs reprises. Le Premier ministre l'a fait. Je l'ai redit hier au nom du gouvernement lors du Conseil Affaires générales et notre position a finalement été entendue.

Les conclusions du Conseil Affaires générales d'hier sont, en effet, extrêmement claires. D'une part, elles disent que les relations transatlantiques doivent se dérouler, non pas sur la base de cette initiative de M. Brittan, mais sur la base de l'agenda transatlantique de 1995, que nous avions accepté ; d'autre part, le Conseil Affaires générales a pris acte du fait qu'il y avait une opposition formelle de la France, donc un veto, et des réserves fortes d'autres pays, je pense, par exemple, aux Pays-Bas, à l'Espagne ou à l'Allemagne.

Donc, cette initiative de M. Brittan ne verra pas le jour. Nous, nous y sommes opposés. Cela n'a pas été facile, mais, je crois que nous avons obtenu là une conclusion qui était tout à fait conforme à ce que nous souhaitions.

J'ajoute, dans un autre domaine, mais qui est proche de celui-ci, que nous avons également obtenu, dans le cadre de la réunion ministérielle de l'OCDE, Dominique Strauss-Kahn, Jacques Dondoux et moi-même, que s'agissant de l'AMI, les discussions soient suspendues pour six mois, qu'il y ait une pause et, donc, nos conditions extrêmement fortes soient examinées. Tout cela veut dire une chose, Monsieur le Député, c'est que nous avons une conception très claire et très ferme des relations transatlantiques. Nous devons envisager qu'elles se développent, bien sûr, mais dans un cadre qui soit harmonieux, équilibré, qui ne porte pas atteinte à l'intérêt européen, lequel suppose la pérennité des politiques communes se déploient et, au sein de cet intérêt européen, l'intérêt national. C'est pourquoi cette double décision sur le NTM et sur l'AMI marque, je crois, un succès pour les positions françaises et elle est extrêmement importante.