Texte intégral
Les Échos - 20 septembre 1996
Les Échos : Partagez-vous l’appréciation très positive de M. Mancel sur le budget ?
Michel Péricard : Oui. L’assainissement des finances de l’État se poursuit. Bien sûr, il reste des déficits. J’entends certains dire qu’il aurait fallu aller plus loin dans la voie de la réduction. Mais je préfère aujourd’hui que le Parlement vote une réduction de l’impôt, d’autant que c’est la première fois. Toujours est-il que le mal a cessé de s’aggraver. Nous ne sommes pas guéris, mais nous entrons en convalescence.
Les Échos : La vertu du Gouvernement ne tient-elle pas pour une part au souci de respecter les critères de Maastricht ?
Michel Péricard : Maastricht ou pas, le budget serait sensiblement le même. Assainir les finances publiques est à la fois une obligation absolue et une question de bon sens. On ne peut pas éternellement dépenser plus que l’on ne gagne. Maastricht pollue le débat budgétaire, car il crée des arrière-pensées inutiles chez les uns ou les autres.
Les Échos : La recherche d’économies n’a pas épargné l’emploi au moment où pourtant le chômage continue à progresser…
Michel Péricard : Quand j’entends François Hollande dire que la dépense publique est bonne pour l’emploi, je m’interroge sur le sérieux de son propos. Si nous voulons aujourd’hui créer des emplois, il faut tailler dans les secteurs excédentaires et faire la chasse aux dépenses improductives, pour alléger les charges des ménages et des entreprises. Par exemple, je m’interroge sérieusement sur l’utilité de tous les comités Théodule, les observatoires, créés souvent à la demande des parlementaires et mis en place uniquement parce qu’on ne sait pas conclure un débat.
Les Échos : Est-ce que la groupe RPR demandera des assouplissements ?
Michel Péricard : Assouplissements n’est pas le mot qui convient, des adaptations sans doute. Mais je suis sûr que celles-ci ne remettront pas en cause l’économie générale du budget. Le Gouvernement propose un budget, le rôle des parlementaires n’est pas d’augmenter ou de réduire les dépenses. Sa responsabilité est de l’adapter sans le dénaturer. Je parle pour le RPR, mais j’ai l’impression de l’UDF est dans la même disposition d’esprit.
Les Échos : Les députés risquent toutefois d’être sensibles aux pressions des professions qui bénéficient jusqu’ici d’avantages fiscaux qui seront progressivement supprimés…
Michel Péricard : Certes, il y a des points sensibles, comme dans tout budget, mais qui n’ont aucune raison de provoquer une crise.
Les Échos : Vous avez publié avant l’été un rapport sur les aides à l’emploi avec Hervé Novelli. Êtes-vous satisfait aujourd’hui de ce qu’en a retenu le Gouvernement ?
Michel Péricard : Oui et non. Notre rapport était destiné à faire des suggestions pour mieux utiliser l’argent. Le Gouvernement a pris quelques mesures, mais il n’a pas eu le temps, compte tenu du calendrier, d’aller au bout de la réflexion possible. Je vous rappelle que le rapport a été déposé mi-juillet et que le ministre n’a matériellement pas pu tirer toutes les conséquences de nos propositions.
Les Échos : Partagez-vous l’appréciation de René Monory, selon lequel la majorité perdra les élections si le nombre des chômeurs ne baisse pas de 400 000 d’ici à la fin de 1997 ?
Michel Péricard : René Monory a raison. Le président du Sénat l’avait d’ailleurs dit au Premier ministre lors du dernier déjeuner de la majorité à Matignon. Mais je pense qu’on y arrivera.
RTL - jeudi 26 septembre 1996
M. Cotta : Vous êtes préoccupé par les informations qui nous arrivent d’Israël ce matin ?
M. Péricard : Comment ne pas l’être ? On le craignait et on le prévoyait un peu, le processus de paix est quand même sérieusement menacé. Évidemment, rien n’est jamais irréversible mais on a l’impression que les ultras des deux côtés n’attendaient que cela et que, finalement, ils se sentent aujourd’hui libres, si j’ose dire, libérés et autorisés en tout cas à pouvoir reprendre l’Intifada. Non, c’est extrêmement préoccupant, j’espère que les grandes nations vont user de leur influence.
M. Cotta : Vous souhaitez que la France intervienne auprès de M. Netanyahou ?
M. Péricard : Bien sûr.
M. Cotta : Le Premier ministre A. Juppé a décidé de solliciter un vote de confiance mardi prochain à l’Assemblée nationale. Est-ce que c’est une façon de dire à sa majorité, RPR ou UDF : soutenez-moi sinon je fais un malheur ?
M. Péricard : Non ! Ce n’est pas la première fois qu’A. Juppé demande un vote de confiance et on pourrait même se dire : à quoi cela sert-il, puisque, de toute façon, il est assuré de l’obtenir ? Mais non, je crois qu’il a raison parce que ça n’est pas le résultat du vote qui va être considéré mais tous ceux qui vont voter. Il ne suffit pas, et je crois qu’il faut maintenant tordre le cou à toutes les petites phrases et à toutes les volontés de se démarquer, de faire un coup médiatique comme l’ont dit…
M. Cotta : Je ne sais à qui vous pensez, là ?
M. Péricard : Moi ? À quelques-uns qui se sont singularisés.
M. Cotta : Vous voulez dire C. Pasqua ?
M. Péricard : Oui, puis derrière E. Garnier, qui est un garçon remarquable, qui a l’excuse d’être malade, mais qui a utilisé des propos…
M. Cotta : Il est malade provisoirement en revanche il dénonce hier, d’une manière durable, le Premier ministre qui, par maladresse, dit-il, entraîne le pays vers d’irréparables erreurs.
M. Péricard : Oui mais nous le connaissons bien, il est très isolé dans le groupe, c’est un esprit fort, intelligent, original. Mais dans ce cas-là, il n’a pas eu raison de dire ça, je ne peux que condamner ses propos.
M. Cotta : Tout de même, on a l’impression que les députés vont voter, effectivement, pour le Gouvernement pour ne pas créer de crise. Mais quelques heures plus tard, ils sont prêts à le critiquer à nouveau ?
M. Péricard : Je ne sais pas. Je crois qu’effectivement, les esprits évoluent. Et moi je répète – et je ne suis pas le seul – aux députés : « nous sommes élus nous avons été élus, nous sommes dans la majorité pour soutenir le Gouvernement, même si c’est difficile. Les électeurs attendent cela de nous ». À vouloir imiter nos adversaires, le seul risque qui existe, c’est qu’on les préfère à ceux qui pratiquent ce petit jeu.
M. Cotta : Vous pensez qu’il y a une ligne jaune, comme l’a dit P. Stéfanini, secrétaire général adjoint de Rueil ?
M. Péricard : Absolument.
M. Cotta : Et cette ligne jaune, C. Pasqua l’a-t-il franchie ? E. Garnier oui, vous venez de le dire, mais les autres ?
M. Péricard : Je pense que C. Pasqua l’a franchie aussi et d’ailleurs, au déjeuner de la majorité auquel il assistait, A. Juppé le lui a dit avec beaucoup de sérénité et d’amitié mais il le lui a dit. Et je crois qu’il a eu raison de le lui dire.
M. Cotta : Mais vous, est-ce que vous n’incarnez pas l’indiscipline à vous tout seul puisqu’avant les journées parlementaires, vous avez dit que vous n’étiez d’accord ni avec la loi Toubon ni avec la proposition de modification du scrutin législatif. J’espère que vous ne franchissez pas la ligne jaune, mais quand même !?
M. Péricard : Non, je suis profondément d’accord avec J. Toubon sur ce qu’il veut faire et je comprends ce qu’il veut faire. Si la méthode, je m’interroge et je ne vais d’ailleurs pas m’interroger longtemps pour être logique avec moi-même. Je pense que, pour l’extrême-droite, c’est le silence qui est mortel et que toute bonne intention, et c’est une bonne intention – je ne suis pas, par ailleurs, un spécialiste du droit – est détournée grâce au diabolisme de celui qui récupère tout. Quant à la loi électorale, ça n’est pas un sujet de dogme et on peut quand même avoir là-dessus quelque avis et en parler.
M. Cotta : Vous êtes hostile à la représentation proportionnelle, même un tout petit peu de représentation proportionnelle ?
M. Péricard : Il faut aborder ce problème avec sérénité. Moderniser la vie politique, comme le demande A. Juppé, ça consiste à permettre aux conseils régionaux de fonctionner, je n’insiste pas. Ça suppose que les femmes aient une place supérieure à ce qu’elles ont aujourd’hui. Ça suppose aussi peut-être qu’on regarde la représentation des minorités. Mais le scrutin majoritaire est l’essence même de la Ve République. Et surtout, il ne faut pas que, voulant faire une bonne manière en quelque sorte aux minorités, cela se retourne contre nous et qu’on nous accuse de je ne sais trop quelle manœuvre. Avouez que nous serions perdants sur tous les points.