Déclarations de M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur, en réponse à des questions sur le redéploiement des effectifs et les missions respectives de la police et de la gendarmerie en région parisienne et dans les départements à quartiers difficiles, à l'Assemblée nationale les 8 et 13 février 1996.

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Propos sur la Défense – N° 57 - 8 février 1996

Réponse du ministre de l’Intérieur à une question orale de M. Claude Bartolone, député de Seine-Saint-Denis

Commune du Pré-Saint-Gervais (police – gendarmerie)

Q. : J'aimerais ce matin attirer votre attention sur la situation du commissariat des lilas, dont relèvent les communes de Romainville, Bagnolet, les Lilas et Le Pré-Saint-Gervais. Il y a quinze jours, dans cet hémicycle, j'avais déjà appelé l'attention de votre collègue ministre de la Défense qui m'avait annoncé que dans le cadre de la loi de janvier 1995, qui prévoit le redéploiement des forces de gendarmerie, la gendarmerie du Pré-Saint-Gervais serait fermée. Il m'avait indiqué que cette décision, prise dans le cadre d'une démarche de rationalisation et de meilleure efficacité des deux unités que sont la police nationale et la gendarmerie, avait été prise en concertation avec vous.

L'actualité, depuis quelques jours illustre les difficultés que peut rencontrer le service public lorsque l'on n'a pas prêté attention à temps aux effectifs mis à sa disposition. Je pense aux problèmes auxquels a été confrontée récemment l'éducation nationale. C'est pour éviter que, dans cette circonscription de la Seine-Saint-Denis, nous rencontrions demain les mêmes difficultés en termes de sécurité que je voudrais vous entendre sur ce sujet.

Il y a quelques années, la commune du Pré-Saint-Gervais a signé avec l'État un plan local de sécurité. Elle s'était engagée à fournir un certain nombre de prestations qui étaient auparavant prises en charge par l'État : confection des canes d'identité, des passeports, amélioration de la sortie des écoles. En échange, l'État devait maintenir à un niveau respectable les effectifs de police afin que soient assurés dans de bonnes conditions l'îlotage et le travail de répression et de prévention inhérent à la police nationale.

Or, depuis l'annonce de la fermeture de la gendarmerie du Pré-Saint-Gervais, depuis que ces six gendarmes ont reçu leur fiche de mutation pour rejoindre des postes en province, en zone rurale ou dans d'autres commissariats, de la région parisienne, nous n'avons reçu aucune information sur l'évolution des effectifs du commissariat des Lilas dans les semaines à venir. J'attire d'autant plus votre attention sur ce point que ce commissariat a vu ces dernières années ses charges augmenter de manière importante.

Seine-Saint-Denis

En effet, et comme je l'ai déjà souligné, il dessert des communes à population nombreuse : Romainville, Bagnolet, Les Lilas, le Pré-Saint-Gervais. De plus, Bagnolet a vu se développer des activités qui nécessitent une présence plus importante des forces de police : une grande zone commerciale, des hôtels internationaux. Bref, une augmentation des charges de service des effectifs du commissariat des Lilas, qui ne peuvent se permettre de voir leurs collègues de la gendarmerie partir sans que leurs moyens soient renforcés.

C'est parce que je considère qu'en matière de sécurité la meilleure prévention consiste à traiter les difficultés au bon moment, que je vous ai interrogé ce matin. Je crois que, après la décision prise par le gouvernement et la représentation nationale de redéfinir les tâches de la gendarmerie, il est indispensable que vous nous donniez quelques engagements ou quelques précisions sur ce que souhaite faire l'État afin d'éviter que ce redéploiement de la gendarmerie ne s'opère au détriment de la police nationale et, plus généralement, de la sécurité dans certaines villes de la région parisienne.

Circonscription des Lilas (présence policières renforcées)

R. : Vous connaissez ma détermination à lutter plus efficacement contre l'insécurité et à tourner le dos à toute politique laxiste dans ce domaine. Les statistiques publiées il y a quelques jours montrent d'ailleurs que l'action du Gouvernement n'est pas sans effet. La présence policière dans la circonscription des Lilas s'est renforcée significativement au cours de l'année 1995 : six fonctionnaires en tenue et sept policiers auxiliaires supplémentaires y ont été affectés, portant le total des effectifs de ces corps au 1er février 1996 à respectivement 158 agents et 34 appelés. Sachant l'importance que vous attachez aux problèmes de sécurité, je puis vous assurer que, cette année encore, je poursuivrai cet effort dans plusieurs départements, notamment celui de la Seine-Saint-Denis : j'ai du reste eu l'occasion de le dire à Eric Raoult, également élu de ce département.

Cet effort va se marquer notamment par le développement de l'îlotage opérationnel : je sais que c'était aussi une de vos préoccupations. Les structures appropriées sont déjà en place dans la commune du Pré-Saint-Gervais, qui dépend de la circonscription des Lilas. Celle-ci bénéficie d'un dispositif d'îlotage qui comprend deux gardiens de la paix et huit policiers auxiliaires. Un gardien de la paix supplémentaire sera affecté aux Lilas dans les jours qui viennent. Comme vous le voyez, il n'y a pas désengagement de l'Etat au Pré-Saint-Gervais.

Délinquance (diminution)

Le ministère de l'Intérieur n'en a pas la moindre volonté. Tout au contraire, nous avons le souci, que naturellement vous partagez, de toujours mieux moderniser nos méthodes et de nous adapter sans arrêt à l'évolution de la délinquance, de la criminalité et de l'insécurité.

J'ai, en outre, la volonté de renforcer les moyens de la police dans ces départements sensibles. Du reste, si l'on examine très tranquillement, très sereinement, les résultats enregistrés dans la circonscription concernée, on constate, par rapport à 1995, une baisse de plus de 10 % de la délinquance générale et de 15,5 % des délits de voie publique. Mais ce n'est pas encore suffisant et il faut continuer.

Quant aux problèmes des rapports entre la police et la gendarmerie dans ce secteur, je peux vous affirmer que la compétence essentiellement judiciaire de la gendarmerie sera mieux assurée par son regroupement à Pantin. Les gendarmes continueront naturellement à couvrir la commune du Pré-Saint-Gervais qui est de leur ressort territorial.

Je viens de vous démontrer qu'il n'y a rien dans notre politique qui témoigne d'un recul de la présence de l'État dans ce département. J'ai au contraire, la volonté, là comme dans d'autres départements de la région parisienne, de chercher à mieux adapter nos moyens et notre matériel aux défis de l'insécurité. Enfin, comparer terme à terme les missions et les effectifs de la police et de la gendarmerie n'a pas grand sens. La première a une vocation de sécurité générale, la seconde de police judiciaire.

Voilà les précisions que je voulais vous apporter. Je sais que nous avons au moins une chose en commun : la volonté de faire en sorte que, chaque jour, grâce à l'action de la police, l'insécurité recule. Je puis vous assurer, et je sais que sur ce point j'aurai votre soutien, qu'en 1996 nous poursuivrons les efforts entrepris en 1995.

 

Propos sur la Défense – N° 57 - 13 février 1996

Réponse du ministre de l'Intérieur à une question orale de M. Daniel Arata, députe de l'Aude (Assemblée nationale)

Sécurité (redéploiement des forces)

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Intérieur et concerne la redistribution des compétences entre les services de police et de gendarmerie dans les zones littorales et urbaines. Des rumeurs persistantes et souvent malintentionnées attribuent à une volonté politique de renforcer la sécurité dans les quartiers urbains difficiles et les zones franches, le projet d'échelonner, sur plusieurs mois, la fermeture de 143 commissariats situés dans des villes moyennes – entre 10 000 et 25 000 habitants – de la France métropolitaine. De telles rumeurs ont pu faire douter de la volonté du gouvernement d'apporter à la population de ces villes des réponses aux aspirations en matière de sécurité. Pouvez-vous, monsieur le ministre éclairer l'Assemblée sur ce qu'il en est vraiment ?

R. : Je n'ai aucun projet de fermeture de commissariat, que ce soit à Limoux, à Castelnaudary ou ailleurs en France. Vous pouvez donc être rassuré ! En 1994, le précédent gouvernement a demandé un rapport afin d'étudier d'éventuels transferts de compétences entre la gendarmerie nationale et la police nationale. Ce rapport a été déposé en février 1995, et nous ne lui avons pas donné de suite.

Ce qui est exact, c'est qu'à la demande du Premier ministre, nous faisons un effort considérable pour que des renforts de police soient affectés aux départements à quartiers difficiles. Dès 1995, nous leur avons ainsi affecté mille policiers supplémentaires. Et dans les quatre ans qui viennent, conformément aux instructions du Premier ministre, quatre mille policiers supplémentaires seront affectés dans les départements où il existe des zones difficiles. Mais cela se fera, je le répète, sans la fermeture de commissariats !