Déclarations de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le développement des variétés végétales, notamment dans le cadre de la réglementation communautaire sur les modifications génétiques dans ce secteur, Angers le 18 mai 1998.

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Circonstance : Inauguration de l'Office communautaire des variétés végétales à Angers le 18 ami 1998

Texte intégral

Discours de Louis LE PENSEC à l'Office Communautaire des Variétés Végétales à ANGERS le 18 MAI 1998

C'est un plaisir pour le ministre de l'agriculture de participer à cette conférence, qui inaugure officiellement l'installation à Angers de l'Office Communautaire des Variétés Végétales.

Je me réjouis de l'arrivée à Angers d'un office communautaire, qui est le seul que la France héberge à ce jour.

Ce résultat n'est pas dû au hasard, mais est bien le fruit d'un travail collectif.

Que soit remerciés tous ceux qui, tant au niveau local, régional et national, et intimement convaincus de l'intérêt de l'arrivée à Angers de cet office, ont oeuvré en ce sens avec une grande détermination.

Il y a, sur le fond, une légitimité certaine à ce que le premier pays semencier au niveau européen accueille l'Office Communautaire des Variétés Végétales. La France a, vous le savez, oeuvré de longue date pour la protection des obtentions végétales.

Sensibilisé par les obtenteurs à l'intérêt de développer un système de protection intellectuelle adapté aux variétés végétales, c'est dès 1957 que le Ministre des Affaires Etrangères a convoqué la première conférence diplomatique qui devait aboutir par la signature à Paris en 1961 de la première convention de l'UPOV (Union pour la Protection des Obtentions Végétales).

Nous mesurons aujourd'hui, ensemble, le chemin parcouru, jusqu'à l'installation de l'Office qui, je le constate, semble s'être fait dans d'excellentes conditions.

Une fois de plus, la ville, le Département et la Région ont fait, à cette occasion, la démonstration de leur capacité d'accueil, en facilitant l'implantation tant professionnelle que familiale du personnel de l'Office.

Et bien entendu, la douceur angevine qui est, à l'usage, un élément important de la qualité de vie, achèvera de faciliter l'acclimatation à la région.

Je souhaite qu'à son tour l'Office puisse contribuer au renforcement du pôle semence qui se consolide autour d'Angers, et qu'il puisse développer et conforter les liens avec les offices nationaux d'examen, mais aussi avec l'ensemble des acteurs techniques dont la compétence est largement reconnue au-delà de la région.

Je veux parler du GEVES, avec en particulier sa station nationale d'essai de semences, de l'INRA, du GNIS, de la station de la FNAMS, de l'Institut National de l'Horticulture.

C'est banal de le dire, mais avant de devenir un produit agricole, toute plante passe par le stade semence. C'est à partir de là que l'agriculteur va essayer de lui faire exprimer pleinement son potentiel, en veillant attentivement aux conditions agronomiques de son développement.

Ce potentiel, contenu dans les gènes de la plante, est le résultat d'un long travail de sélection et d'amélioration génétique.

On quantifie habituellement l'importance de la génétique dans la performance d'une culture en lui attribuant la moitié du progrès agronomique observé.

La génétique est donc un outil important qui a permis et permet l'évolution de l'agriculture et son adaptation à la demande du marché.

Qui peut donc douter de son rôle stratégique, pour tout pays agricole ?

La France, l'Union Européenne aujourd'hui, doit impérativement faire en sorte que les conditions permettant le développement du travail de création variétale soient réunies.

La protection intellectuelle est précisément un constituant fondamental du cadre réglementaire nécessaire au développement de variétés végétales adaptées à la politique agricole et à la demande des agriculteurs, de l'industrie et des consommateurs.

Le système UPOV a démontré son efficacité, et les progrès amenés par la nouvelle convention en date de 1991 nous semblent très importants et favorables, non seulement pour consolider le cadre de travail des obtenteurs, mais également pour l'agriculture dans son ensemble.

Je peux à ce sujet vous confirmer que le Sénat examinera dans deux jours (le 20 mai prochain) le projet de loi portant ratification, par la France, de la convention.

Cette nouvelle convention, à laquelle est conforme le droit communautaire mis en oeuvre par l'Office, apporte, je vous le disais, des progrès notables sur le droit des obtenteurs.

Je voudrais en particulier souligner la notion de « variété essentiellement dérivée ».

Grace à la mise en oeuvre de cette notion, il sera possible de mieux équilibrer le droit du sélectionneur classique et le droit des brevets.

Ainsi une variété qui se distingue d'une variété initiale par l'apport d'une modification génétique, laquelle est protégée par un brevet, est « essentiellement dérivée » de la première. Le droit de propriété peut ainsi s'exercer.

Un caractère génétique nouveau, qu'il soit apporté ou non par les outils modernes des biotechnologies, ceci est un autre débat, ne pourra être valorisé avec succès que dans un contexte génétique favorable, contexte que le travail de sélection a permis de rassembler au sein d'une variété végétale.

C'est ma conviction, je me réjouis donc si elle se trouve étayée par un contexte réglementaire qui va dans le même sens, et c'est, je crois, un des progrès déterminant qu'apporte la convention UPOV de 1991.

Ce contexte réglementaire, qui permet aujourd'hui la mobilisation d'acteurs économiques sur le progrès génétique, doit être conforté dans son contexte international.

La France se battra donc, à l'occasion de la révision des accords de l'OMC, pour que le certificat d'obtention végétale puisse devenir un droit de propriété intellectuelle à part entière, reconnu au même titre que les brevets ou les marques.

Nous aurons besoin pour atteindre cet objectif que les différents Etats membres et l'UPOV agissent dans ce sens et fassent preuve de leur détermination.

L'importance stratégique de la filière semence dans son ensemble repose sur deux données principales :

les semences sont une production agricole porteuse de valeur ajoutée et d'innovation, qui génère un chiffre d'affaires au niveau français supérieur à 10 milliards de francs ; le progrès génétique, dont sont porteuses les semences, est un facteur déterminant de l'évolution de l'agriculture. Dans le passé, la preuve a été faite de la capacité à fournir à l'agriculture des variétés permettant à la production d'atteindre à l'autosuffisance, ce qui dans la période après-guerre n'allait pas de soi.

Aujourd'hui, et plus encore demain, les nouvelles variétés permettront de répondre à vos demandes d'aujourd'hui, notamment celles relatives à la qualité des produits : rusticité, respect de l'environnement, diversification des marchés...

Il est donc fondamental que les pouvoirs publics, français et étrangers, se préoccupent non seulement, comme je viens de l'évoquer du contexte économique et réglementaire dans lequel évolue ce secteur, mais également veillent à favoriser son développement et son évolution.

Nous vivons précisément une époque charnière, porteuse de très nombreuses évolutions, et qui justifient une attention des pouvoirs publics.

Le développement récent des biotechnologies ouvre en effet des perspectives qui apparentent cette évolution à une révolution technologique et culturelle.

Un cadre juridique plus précis et plus clair concernant la façon de protéger l'utilisation des gènes dans les plantes, et donc les applications dans les biotechnologies, devrait très prochainement être adopté au sein de l'Union européenne.

En effet, la directive relative à la protection juridique liée aux inventions biotechnologiques vient de faire l'objet d'un accord au niveau du Conseil et du Parlement européen.

Cet accord peut être interprété comme un signal favorable au développement des biotechnologies en Europe. Et je souhaite que l'ensemble des acteurs concernés réfléchissent ensembles au cadre scientifique et contractuel le mieux à même de favoriser ce développement.

Toutefois, concernant plus spécifiquement les plantes transgéniques, il convient d'être prudent et de procéder par étape.

En France, actuellement, aucun débat de fond sur la commercialisation des plantes génétiquement modifiées n'a eu lieu et de nombreuses questions sur ce qui est acceptable par le citoyen restent posées.

Un débat sous la forme d'une conférence de consensus organisé par l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques se déroule actuellement.

Les résultats de cette conférence seront rendus publics le 22 juin prochain. Ce débat donnera aux citoyens la possibilité de prendre part aux évaluations des choix technologiques et c'est à mon avis une condition essentielle pour que les aspects éthiques, environnementaux et sociaux des nouvelles technologies soient pris en compte.

Je souhaitais profiter de l'occasion de l'inauguration de l'Office Communautaire pour dire tout l'intérêt que porte le Ministère de l'Agriculture à ce secteur.

Je souhaite à tous les participants aux colloques des travaux fructueux et vous remercie de votre attention.


Discours de Louis LE PENSEC : 18 mai 1998. SEMENCES – HORTICULTURE

Je suis heureux de terminer cette journée angevine avec les représentants de deux filières qu'il m'arrive rarement de rencontrer.

Je regrette souvent de donner l'impression, fausse bien entendu, que le Ministre de l'Agriculture n'a de préoccupation et d'attention que pour les filières des grandes cultures, de l'élevage, ou bien pour tel ou tel événement plus conjoncturel, comme les fruits et légumes par exemple, savent nous en donner l'occasion.

Aujourd'hui, en venant à Angers, j'ai tenu à souligner combien des filières spécialisées comme les vôtres ont un rôle essentiel à jouer dans l'économie agricole, et à dire haut et fort nos ambitions nationales, et même européennes, dans ces secteurs.

Ce matin, en ouvrant le colloque de l'Office Communautaire des Variétés Végétales, c'est précisément cette dimension européenne de l'organisation du secteur des semences, de son cadre réglementaire, dont vous avez souligné l'importance, Monsieur le Président LLAURENS, que j'ai tenu à affirmer.

Au moment où des débats de société traversent nos opinions publiques, je pense bien entendu à la question des OGM, il importe de rappeler le rôle de la filière semences, et de nous entendre pour afficher nos ambitions.

Je ne reviendrai pas sur les débats de ce colloque, et voudrais simplement vous dire que pour le Ministre de l'Agriculture c'est d'une filière à part entière qu'il s'agit lorsqu'on parle de semences.

Réduire ce secteur à celui d'un intrant parmi d'autres au sein des productions végétales, est un non-sens technique, économique et stratégique.

Lorsqu'on est, vous le rappeliez à juste titre, le premier producteur européen de semences et le 3ème exportateur mondial, lorsque nos performances en matière de recherche et de qualité sont internationalement reconnues et enviées, lorsqu'on contribue pour près d'un milliard de francs à la balance commerciale, on est un secteur à part entière.

Et si l'on regarde, comme tout Gouvernement doit le faire, 20 ou 30 ans devant nous, qui peut dire s'il ne sera pas plus important pour un pays comme le nôtre d'être présent et compétitif sur les marchés internationaux dans un secteur comme le vôtre plutôt que sur des produits agricoles de base ?

J'ai récemment eu l'occasion de dire ma conviction que l'avenir de nos exploitations se situait d'abord sur les produits à valeur ajoutée : cela concerne bien sur votre filière.

Mais je sais que vous êtes convaincus, et depuis longtemps, de cette réalité.

L'organisation de votre filière, solide et ancienne, a fait la preuve de son efficacité.

Elle est enviée en Europe, à la fois par des résultats techniques et économiques qu'elle a apportés, et par la capacité de coordination de toutes les composantes du secteur que vous avez su mettre en place.

En amont, le superbe outil scientifique que représente la SNES que j'ai trop rapidement visité à l'instant, est le symbole de l'efficacité que représente une coopération fructueuse entre l'Etat et la recherche publique d'une part, la profession et les entreprises d'autre part.

Le GEVES, ses 7 stations expérimentales, ses 260 salariés, c'est, je prends à mon compte votre image, Monsieur le Président LEFORT, le « bras séculier » de votre filière pour l'évaluation des variétés nouvelles, la crédibilité de notre système de certification de semences, l'efficacité enfin, en partenariat avec le GNIS, de notre système de contrôle.

Récemment, lors des assises de l'innovation, le Premier Ministre a eu l'occasion d'affirmer la priorité que le Gouvernement entendait donner à la recherche dans le secteur des sciences du vivant : vous êtes bien entendu au coeur de ce débat, et d'ailleurs les premières consultations ont eu lieu sur l'orientation de la recherche génomique dans le secteur de la production végétale.

Ce sera un axe fort de nos travaux.

Vous avez insisté sur le rôle des transferts de technologies entre la recherche publique et votre filière.

Je crois que la procédure des contrats de branche, qui a été un des éléments essentiels dans l'amélioration de la compétitivité de plusieurs secteurs semenciers français, a fait la preuve de son efficacité.

Il faut naturellement prendre en compte les évolutions en cours dans la recherche sur l'amélioration des plantes, et 3 priorités semblent pouvoir se dégager : la connaissance du génome dont je vous parlais à l'instant, les ressources génétiques et la technologie des semences.

Quant à la protection juridique des inventions biotechnologiques, vous savez que le Parlement européen vient d'adopter une directive, qui clarifie le nécessaire équilibre entre les deux systèmes juridiques que sont le certificat d'obtention, applicable aux variétés végétales et le brevet.

Cette clarification, je crois, était nécessaire et urgente.

D'autres dossiers importants concernent votre filière : je ne peux ici les traiter sur le fond, mais je souhaite vous avoir convaincu de ma détermination à les prendre en compte.

Je suis d'ailleurs tout-à-fait conscient que c'est pour moi une obligation si je veux mettre en oeuvre la politique agricole que j'ambitionne pour notre pays.

Vous avez à juste titre souligné l'efficacité avec laquelle le secteur des semences s'est acquitté des objectifs fixés voici un ½ siècle, à savoir faire augmenter les rendements moyens pour assurer notre indépendance alimentaire et répondre à nos ambitions à l'exportation.

Aujourd'hui, cette course à la productivité n'est plus l'objectif que nous nous fixons.

Par contre, nos ambitions en matière de qualité des produits, de préservation de l'environnement et des ressources naturelles sont les priorités du moment : je suis sûr que la filière semence toute entière saura relever ces nouveaux défis.

Quant à la filière horticole, c'est la première fois que j'ai l'occasion de m'exprimer à son sujet.

Le faire à Angers est bien entendu plus qu'un symbole, tant cette région s'identifie désormais comme pôle de compétence en matière horticole.

Compétence des entreprises d'abord, et celles que j'ai pu visiter aujourd'hui en est un témoignage remarquable, à la fois par les résultats économiques qu'elles obtiennent et par l'ambition qu'elles ont pour leur avenir.

J'étais convaincu que la technicité, la performance commerciale n'étaient pas réservées aux grands secteurs de l'agriculture française, et vous en faites ici la démonstration.

Aussi, je voudrais vous dire, Monsieur le Président Velé que je suis très sensible aux arguments que vous avez soulignés concernant le rôle de votre filière en matière d'emploi.

C'est une des raisons pour lesquelles je suis bien décidé à faire en sorte que les soutiens publics nécessaires à votre filière puissent progressivement être reconstitués.

Convenez avec moi, qu'en termes de crédibilité professionnelle collective, une partie de la profession horticole ne nous a pas aidé à trouver les arguments convaincants pour justifier ce soutien.

Mais j'ai cru comprendre que cette page était définitivement tournée.

Une nouvelle interprofession, Valhor, vient d'être reconnue.

Je souhaite que très rapidement elle soit en mesure de mobiliser les ressources professionnelles indispensables pour justifier un soutien public, et donc la mise en oeuvre des actions de promotion que vous appelez, comme nous d'ailleurs, de vos voeux.

Et en dehors de ces actions de promotion, je prends acte avec satisfaction de votre volonté de renforcer les programmes de recherche et de consolider les structures d'expérimentation.

Je me réjouis tout particulièrement de votre soutien à ASTREDHOR, car je sais que, notamment dans votre région, il vous a fallu convaincre pour maintenir ce cap.

Il aurait été tout de même paradoxal que la première région horticole française, celle où nous avons choisi d'installer l'Institut National de 1'Horticulture, reste à l'écart d'une dynamique de progrès.

Nous avons soutenu ASTREDHOR dès sa création, j'allais dire avant même sa création, car notre conviction, pour l'horticulture comme pour toutes les filières agricoles, est qu'il n'y a pas d'avenir sans recherche et sans expérimentation.

Les soutiens publics, dans ce domaine, ont donc été maintenus, et le resteront.

Il faudra peut-être améliorer encore la coordination et la diffusion des résultats.

J'ai donc demandé une expertise, identique à celle décidée pour les stations expérimentales du secteur fruits et légumes sur les axes de travail du réseau ASTREDHOR, et sur la coordination technique qui les complètent.

En tout état de cause, je félicite tous ceux qui se sont battus pour maintenir un outil d'expérimentation dans votre filière, vous-même, Monsieur le Président Velé, mais aussi M. Brunet, président de l'ASTREDHOR, et ceux qui vous ont soutenus.

Vous avez également évoqué vos besoins en matière d'aides à l'investissement dans les outils de production.

Je ne suis pas opposé, à partir d'une expertise qu'il conviendra de faire établir par l'ONIFLHOR, sur le ciblage de ce type de soutien, à revoir les modalités d'attribution de ces soutiens.

Nous les réservons pour l'instant aux jeunes agriculteurs : faut-il élargir cette cible ?

Pourquoi pas en 1999, dès lors que des critères ambitieux en matière d'organisations technique et commerciale seront liés aux projets d'investissement.

Je demanderai au Directeur de l'ONIFLHOR de me faire des propositions sur ce sujet.

Monsieur le Président, je n'ai nullement la prétention aujourd'hui de vous présenter un panorama détaillé de nos ambitions en matière de politique horticole.

Mais en venant ici à votre rencontre, je souhaitais simplement vous dire que votre filière, les emplois qu'elle génère, le déficit de la balance commerciale dont elle a des difficultés à enrayer l'accroissement, ne laissent pas indifférent le Ministre de l'Agriculture.

Vous m'avez rassuré sur la démarche de reconstitution de vos professions.

Si vous menez ce travail à son terme, nous serons trouvés les moyens d'accompagner le développement des entreprises, et je m'y emploierai.

Merci en tout cas de votre accueil et des informations que vous m'avez transmises, aussi bien dans le secteur des semences que dans celui de l'horticulture.

Je pars convaincu que ces filières sont, en Anjou, des pôles d'excellence sur lesquels le développement régional peut incontestablement s'appuyer.