Texte intégral
Allocution à l'occasion de la conférence de presse sur le plan photo – dimanche 7 juillet 1996
Mesdames,
Messieurs,
Depuis ce jour de juin 1989 où, au prix d'une pension viagère accordée à Daguerre et au fils de Nièpce, l'État se rend propriétaire « d'une découverte aussi utile qu'inespérée afin de pouvoir en doter libéralement le monde entier », l'intérêt des pouvoirs publics pour la photographie n'a fait que croître.
Depuis les années 1970, le ministère de la culture a, pour sa part, engagé, une politique assez dynamique dans ce domaine, politique que nous envient bon nombre de pays européens.
Je citerai à titre d'exemple – et parce que nous sommes dans l'auditorium de l'école nationale de la photographie – les dispositions relatives à l'enseignement dans cette école bien sûr, mais aussi auprès des écoles d'art, de l'institut français de restauration des œuvres d'art, de l'école du Louvre et de l'école du patrimoine et même auprès d'un maître d'art que je viens de nommer pour maintenir un atelier de phototypie et d'héliogramme.
Toutefois si le rôle de l'État dans le domaine de la photographie est de première importance, son action manque trop souvent de lisibilité. Dans un paysage qui s'est considérablement modifié ses dernières années, il est devenu essentiel de remédier à la dispersion des interventions, de redéfinir les programmes, de forger de nouveaux outils et de donner un meilleur éclairage à l'ensemble des actions qui sont menées.
Cette volonté d'opérer un véritable changement passe nécessairement par une redéfinition des missions confiées aux institutions, et par une indispensable restructuration.
C'est pourquoi j'ai décidé de mettre en place un programme d'actions en faveur de la photographie, programme qui comporte les grandes orientations suivantes : la création de la galerie nationale de la photographie ; le renforcement du partenariat entre les instituions et services ; la relance du marché des œuvres photographiques ; le soutien à la création contemporaine.
Les plus grandes directions du ministère, la plupart des musées, et la bibliothèque nationale de France, s'intéressent à la photographie et développent chacun de leur côté des programmes photographiques.
Pourtant les collections nationales, d'une extrême richesse et d'une grande diversité, demeurent méconnues. La France, berceau de la photographie, ne possède paradoxalement aucun lieu pour accueillir de grandes expositions, ni même aucune institution pour coproduire et valoriser les manifestations internationales. Il est indispensable de rattraper notre retard et de remédier à cette situation.
L'ouverture d'une galerie nationale de la photographie dans un endroit prestigieux, l'hôtel de Sully, offrira au public des espaces et des services de grande qualité. Ce lieu de référence regroupera la mission du patrimoine photographique et le centre national de la photographie. Il accueillera en outre certaines expositions du département des estampes et de la photographie de la bibliothèque nationale de France qui mène déjà une politique d'enrichissement et de valorisation des collections.
L'installation sera progressive, au fur et à mesure des déménagements de la caisse nationale des monuments historiques et du service départemental de l'architecture.
La galerie nationale aura pour missions principales : de faire connaître le patrimoine photographique national ; d'apporter toute information sur la photographie – enseignement, festivals, expositions, concours, bourses, législation en vigueur – ; de permettre à des organismes français de présenter des collections ou à des associations étrangères de trouver un lieu d'exposition ; de développer, en partenariat avec le centre national du livre, une véritable politique d'aide à l'édition, en faveur de la photographie en France ; de favoriser la création contemporaine et d'apporter un soutien aux jeunes photographes.
Le regroupement des trois instances permettra une synergie des moyens et des personnels, obligera à définir des politiques complémentaires, et constituera une adresse à la fois pour les professionnels, mais aussi pour l'ensemble du public.
Il est indispensable que soit renforcé le partenariat entre les différents acteurs de la photographie. En ce sens, il est nécessaire de repenser le soutien que l'État apporte aux différents festivals et rencontres. En effet, les événements qui bénéficient d'un appui du ministère de la culture doivent être évalués afin d'éviter les aides trop ponctuelles qui ne permettent pas de mettre en place un véritable partenariat.
Il est en effet essentiel que soient soutenues en priorité de véritables co-productions assurant une circulation des expositions auprès de publics diversifiés.
Dans la même perspective, une évaluation des différents centres de photographie qui bénéficient de l'aide de l'État sera menée. Une réflexion sur les objectifs et les programmes doit s'inscrire dans les nouvelles orientations et les établissements doivent être invités à se rapprocher des institutions situées en région – centres d'art, fonds régionaux d'art contemporain, écoles d'art ...
Je l'ai déjà dit, la richesse du patrimoine photographique français est considérable mais il reste trop méconnu à la fois des français et des étrangers. J'attache une grande importance à la présentation des collections photographiques de l'État.
C'est pourquoi, chaque institution disposant de collections anciennes, modernes ou contemporaines présentera pendant une même période une partie de son fonds : le musée national d'art moderne, le musée d'Orsay, le fonds national d'art contemporain, la bibliothèque nationale de France, la direction du patrimoine, l'école nationale supérieur des beaux-arts, les arts et, métiers, le musée de l'armée sont les partenaires tout désignés. Mais un partenariat sera établi avec d'autres établissements comme le musée Niepce, les musées de Nice, Strasbourg, Bordeaux.
Cet événement national, j'en suis persuadé, connaîtra un grand retentissement et sera l'occasion pour le public d'une grande découverte de son patrimoine
J'ai décidé de lancer une campagne d'inventaire, de protection et de restauration du patrimoine photographique national en région. Il s'agit là d'une opération de grande envergure et dont je n'ai pas besoin de souligner l'importance.
Cette opération qui devrait durer cinq ans sera menée sous l'autorité conjointe des directions du patrimoine, des musées de France, et du livre et de la lecture. Elle concernera les fonds photographiques publics et privés, les fonds des musées et ceux des bibliothèques.
Il faut bien le reconnaître, le marché de la photographie contemporaine est mal portant et les professionnels de la photographie ne sont pas très bien traités.
J'ai donc demandé à mes services de réaliser une étude sur les publics de la photographie afin de mieux pouvoir définir les intérêts et les attentes, et de pouvoir mieux orienter la formation.
En outre et afin d'améliorer la gestion des droits photographiques, une mission de conseil a été constituée. Elle a pour but d'aider les auteurs photographes à mettre en place une structure efficace pour la gestion de leurs droits.
Afin de soutenir la profession, mon ministère, en collaboration étroite avec le ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, s'est engagé dans une étude des réformes qu'il conviendra de proposer.
Je souhaite, par ailleurs, que soit organisé à Paris un salon annuel international de la photographie. Ce salon qui sera le résultat d'une étroite association entre les galeries photographiques, les professionnels et les artistes aura pour objectif de contribuer à la création d'un marché français de la photographie.
Je voudrais vous dire enfin que s'il existe bien une aide à la jeune création à travers les allocations d'ateliers, les appuis pour une première exposition, ou les bourses, en revanche une politique ambitieuse d'aide à la production, à l'édition et surtout une volonté de diffusion font défaut. Il faut donc mettre en place un certain nombre d'actions qui permettront de modifier le paysage et de faire naître le sentiment qu'il existe bien une création contemporaine en France.
Dans ce but, le centre national de la photographie, à travers son nouveau directeur Régis Durand, se voit confier la mission de soutenir la nouvelle création par le biais d'une programmation continue en faveur des jeunes créateurs dont il expose les œuvres et en assure la publication.
Le soutien à la création passe nécessairement par la diffusion d'une meilleure information. La galerie nationale de la photographie sera donc chargée de mettre en place un véritable centre de documentation conçu comme un espace de réflexion et de rencontres. Il s'agira d'un service culturel proposant des conférences et des rencontres entre les artistes et le public.
Mon ministère va renforcer son action sur le plan international et proposer la signature de conventions, notamment avec l'association française d'action artistique, mais aussi le ministère de la coopération, afin de valoriser la photographie française. Ces conventions permettront à la création française d'être présente dans des manifestations internationales.
Je tiens particulièrement à la création au centre national du livre d'un fonds Visages du Monde destiné à aider les éditeurs qui souhaitent publier des ouvrages présentant le travail conjoint d'un photographe et d'un écrivain sur une ville ou un lieu spécifique.
Le passage au troisième millénaire fera l'objet d'un programme de commandes publiques adressées à une vingtaine de photographes et portant sur la France. Cette commande donnera lieu à une grande exposition dans le cadre des activités prévues pour le passage au vingt et unième siècle.
L'ouverture d'une biennale de la jeune création permettra de faire connaître les jeunes photographes. En leur offrant un espace d'exposition et les tirages photographiques, mon ministère assurera ainsi leur promotion et favorisera les rencontres entre artistes et professionnels de toute nationalité.
Enfin, le ministère de la culture, dont le serveur internet a obtenu le Web d'or au Québec, présentera chaque mois, sur ce serveur, un dossier de dix photographes qui auront été sélectionnés dans tous les secteurs : mode, architecture, journalisme.
Comme vous pouvez le constater, ce programme est très ambitieux, mais il manifeste ma volonté de faire en sorte que la photographie qui est un art majeur, puisse trouver sur l'ensemble du territoire national, mais aussi sur la scène internationale, un retentissement qui témoigne de la qualité de nos artistes.
J'ajouterai qu'à travers ce programme la photographie apparaît dans toute la complexité de ses fonctions ; œuvre de création, outil de communication, objet de mémoire et – nous venons de le constater au travers des expositions des rencontres – source d'interrogation de l'homme sur lui-même et sur le monde.
Allocution à l'occasion des rencontres internationales de la topographique – dimanche 7 juillet 1996
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
De tous côtés, j'entends dire qu'Arles est une ville exceptionnelle. S'il est un domaine dans lequel Arles justifie cette renommée d'excellence, c'est bien celui de la photographie.
Il y a plus de vingt ans, trois amis quelque peu visionnaires – Jean-Maurice Rouquette, Michel Tournier et Lucien Clergue – souhaitent réconcilier la photographie avec l'histoire, avec la littérature et avec elle-même : ils inventent les Rencontres internationales de la photographie.
Depuis lors, cette manifestation a permis de révéler des talents méconnus – Ansel Adams et André Kertesz y ont été portés en triomphe – et de découvrir de jeunes photographes, tels Hervé Guibert, Bernard Faucon ou Joan Fontcuberta.
Les soirées y ont associé le passé et le présent : la cour de l'archevêché a accueilli Gene Smith, le théâtre antique, David Hockney. De nombreux jeunes ont pu travailler avec ceux de leurs aînés qui leur prodiguaient avis et conseils dans le cadre des stages.
Des questions de fond relatives à l'enseignement et au rôle des musées dans le domaine de la photographie y ont été débattues.
Tant de créativité, tant de problèmes en suspens ont incité les pouvoirs publics – le ministère de la culture, en particulier – à prendre en compte cette discipline.
Au fil du temps, notamment avec la création de l'École nationale de la photographie, devenue grâce à son directeur Alain Desvergnes l'institution de référence en matière pédagogique, le ministère de la Culture a engagé une politique ambitieuse, en faveur du patrimoine et de la création photographique.
Dans ce domaine, l'une de mes préoccupations constantes concerne l'aide que le ministère peut apporter aux structures culturelles en région.
Ainsi, comme je m'y étais engagé lors de ma visite en Arles l'an dernier, j'ai souhaité accroître le concours financier du ministère aux Rencontres internationales de la photographie, afin de permettre à cette institution de développer un programme dans cette ville, en-dehors de la manifestation estivale.
Les Arlésiens et ceux d'entre vous qui sont curieux de photographie ont pu voir, ou vont ainsi découvrir, les œuvres d'Arnaud Claass, de Gabriele Basilico ou les photographies extraites des collections du Fonds national d'art contemporain sur le thème du jouet.
Aujourd'hui, nous sommes rassemblés pour voir comment, à la fin de ce siècle, la photographie et les photographes appréhendent le monde. Images de fiction, propositions virtuelles, vraies photographies de fausses réalités élaborées autour de la pensée emblématique de Roland Barthes, de celle de Vilem Flusser ou de Jorge Luis Borges.
Je tiens à remercier Sophie Calle, Orlan ou Cindy Sherman qui ont accepté de confronter le masque et le miroir, David Boeno, Daniel Canogar et Steven Pippin qui, en une alchimie optique nous font découvrir La Corne de la Licorne.
Je souhaite féliciter Nancy Burson et Christophe Meatyard qui présentent pour la première fois en France deux rétrospectives magistrales.
Je ne peux citer ici tous les photographes qui ont accepté de participer à ce programme. Je mentionnerai donc, la commande publique que mon ministère a offerte aux Corsino, qui témoigne de ma volonté constante d'aider les jeunes artistes.
Permettez-moi, Monsieur Millet, Monsieur Fontcuberta, de vous adresser mes plus chaleureuses félicitations pour ce programme riche en découvertes qui souligne la rigueur de votre pensée et place les Rencontres internationales de la photographie au premier rang des manifestations photographiques internationales.