Texte intégral
C. Boulloud : Comment réagissez-vous à la montée du prix de l'essence à la pompe ?
Y. Galland : Nous avons eu des variations du cours du baril de pétrole depuis le début de l'année. Nous avons eu hier 23 dollars, nous étions à 17 au début de l'année. Quand vous avez des hausses du cours du pétrole, il est inévitable – et les Français le savent bien – qu'il y ait des hausses à la pompe. Mais en général, naturellement, il y a un décalage parce qu'il y a des stocks. Les hausses auxquelles nous assistons depuis deux jours – car ce sont celles-ci dont vous parlez – sont des hausses d'anticipation ou de précaution qui sont faites par un certain nombre de pompistes. Je sais que des grandes surfaces ont prévu d'avoir des hausses modérées de l'ordre de 5 à 7 centimes et je crois que c'est la même chose pour les indépendants.
C. Boulloud : Mais pensez-vous que la crise qui se produit en Irak les conduits naturellement à cette augmentation, ne faut-il pas vaincre l'inquiétude ?
Y. Galland : Il y a peut-être eu une inquiétude alors qu'il n'y a aucune raison de l'avoir. Les événements d'Irak ont déclenché une baisse de 1 dollar du prix du baril. Je vous signale d'ailleurs que les produits raffinés à Rotterdam ont baissé aujourd'hui de 2 %. Nous ne sommes pas du tout dans une situation de crise et de tension. Et donc, je suis absolument convaincu que nous allons revenir à une situation normale. S'il y a une hausse du prix du baril comme ça se passe sur le plan mondial, elle sera répercutée à la pompe. Il y a quelquefois aussi des baisses du prix du baril qui sont répercutées à la pompe. Et je crois qu'il ne faut certainement pas que le consommateur s'affole, il n'y a aucun risque sur les stocks et la disponibilité des produits pétroliers, et il n'y a pas de risque non plus sur des mouvements considérables à la pompe.
C. Boulloud : Les prix du carburant étant libres est-ce que ça n'est pas cela qui encourage les écarts importants entre stations ?
Y. Galland : Les prix du carburant sont libres et je m'en félicite. J'ai fait voter une loi sur la loyauté dans les relations commerciales il y a quelques semaines, dont on a beaucoup parlé. Il y a eu des amendements carburant qui ont été déposés. Certains souhaitaient revenir à un encadrement des prix, c'était revenir 20 ans en arrière sur une économie administrée dans ce pays et ça n'est jamais au bénéfice du consommateur. Alors, aujourd'hui, nous sommes dans une liberté de prix sur lequel il y a une assez forte disparité des prix entre différents réseaux sur lequel les consommateurs peuvent comparer – ils ont intérêt à comparer. Je vous signale d'ailleurs que la comparaison est obligatoire sur les autoroutes et qu'on doit vous signaler 50 ou 100 kilomètres à l'avance quels sont les différents prix que vous pourrez trouver. Je pense donc que ceci est une situation tout à fait normale. J'ajoute une chose, que vous allez peut-être trouver paradoxale, on ne peut pas vouloir une chose et son contraire : vouloir maintenir le tissu rural, le réseau des petites stations-service que nous avons dans nos campagnes et, en même temps, vouloir avoir des prix très bas à la pompe et très cassés dans les hypermarchés. Et s'il y avait aujourd'hui un petit relèvement des prix des hypermarchés qui se fasse de façon volontaire, responsable et réfléchi de la part des grandes surfaces, par rapport à ces détaillants, je trouverais que ça n'est pas malsain du tout, et les Français le comprendrait parfaitement.
C. Boulloud : Alain Juppé envisage une hausse des taxes carburants dans son projet de loi de finances 97, faut-il s'attendre à une fiscalité plus forte sur le diesel ?
Y. Galland : Le Premier ministre annoncera le projet de loi de finances et la réforme fiscale dans les 48 heures lui-même. En ce qui concerne la taxe sur les produits pétroliers, vous le savez, une enquête a été menée sur la hausse depuis 25 ans. Et on s'aperçoit que depuis 25 ans finalement, le pétrole est un des produits qui a le moins augmenté dans le budget des ménages. Donc, je crois que là, nous sommes dans une sensibilité très forte en général, sur le prix d'augmentation du pétrole et on s'aperçoit quand on le regarde sur une longue période de temps : ce n'est pas le pétrole qui augmente le plus. Le Premier ministre annoncera, en ce qui concerne la fiscalité sur les carburants, ce qui sera fait. Mais je peux rassurer les Français, nous sommes dans une diminution de la pression fiscale générale qui est annoncée et sur laquelle les annonces que fera le Premier ministre seront des annonces positives. L'année 1997 sera une année de décélération fiscale. Tout le monde le sait, et les efforts du gouvernement portent là-dessus. J'ajoute une dernière chose. J'entendais tout à l'heure les propositions de M. Emmanuelli qui proposait de revenir à 35 heures payées 40. Permettez-moi de vous dire que vraiment les leçons de l'expérience ne servent à rien. Je me souviens qu'en 1981, c'est déjà une promesse qui avait été faite, le gouvernement précédent s'était arrêté à 39 heures en s'apercevant de la perte de compétitivité de nos entreprises en voulant leur imposer une diminution du temps de travail et un maintien des salaires. Eh bien, comme ministre du Commerce extérieur, je dis que c'est irresponsable et que c'est dommage qu'autant d'années après : rien compris, rien appris.