Interview de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, à France 2 le 15 juin 1998, sur les mesures prises contre les violences provoquées par les hooligans anglais à l'occasion de la Coupe du monde de football, le problème de la billetterie, la diffusion des matchs de football sur écrans géants, et la disparition du navigateur Eric Tabarly.

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Circonstance : Violences occasionnées à Marseille par des hooligans anglais les 13 et 14 juin 1998 à l'occasion de la Coupe du monde de football en France du 10 juin au 12 juillet 1998

Média : Emission Les Quatre Vérités - France 2 - Télévision

Texte intégral

F. Laborde : Dans les émeutes de Marseille, les hooligans sont mise en cause, mais peut-être aussi les patrons de café, qui n’auraient pas fermé leurs rideaux assez tôt, ou la programmation du match de lundi qui ne serait pas très heureuse.

M.-G. Buffet : « On peut, bien sûr, trouver des raisons. Mais je crois que, plus profondément, ces évènements montrent que le problème des hooligans n’est pas réglé. C’est dommage parce que depuis le début de la Coupe, il y avait un public formidable, avec des supporters de différentes équipes qui se rencontraient. J’ai assisté à deux matchs où vraiment il y avait la joie du sport. Là, ce sont des évènements qui gâchent un peu la fête. Je souhaite que des mesures très rapides soient prises et qu’on applique les mesures d’urgence que l’on avait décidées, c’est-à-dire que ceux qui sont fauteurs de trouble passent au tribunal dans la journée, et qu’on expulse ceux qui ne respectent pas la tranquillité et la convivialité du sport. »

F. Laborde : Vous avez eu le préfet ce matin ?

M.-G. Buffet : « Le ministère est en contact avec le préfet, qui m’a précisé qu’il y aurait des forces de sécurité renforcées pour le match de cet après-midi, et que les mesures de passage au tribunal et d’expulsion seraient prises très rapidement. »

F. Laborde : Cela veut dire qu’il y aura des effectifs supplémentaires envoyés à Marseille dans la journée ?

M.-G. Buffet : « Je pense qu’on va assurer la sécurité autour du stade pour que le sport reprenne sa place. »

F. Laborde : Comment cela s’explique ? Est-ce que les Britanniques n’ont pas suffisamment encadré leurs hooligans ou averti l’opinion publique britannique ?

M.-G. Buffet : « Il y a une campagne assez importante menée par le gouvernement de Grande-Bretagne. Je me rappelle un peu le mot d’ordre qui était présent, c’était : sans billet, on ne va pas en France. Mais cela n’a pas suffi. »

F. Laborde : Et puis la presse britannique n’a pas vraiment joué ce jeu-là ?

M.-G. Buffet : « Depuis quelques mois, il y a eu beaucoup d’articles dans la presse britannique concernant une mauvaise organisation de la Coupe, etc., mais c’était plus lié à la billetterie. Cela a peut-être créé aussi un climat, Mais j’ai entendu le ministre anglais, M. Banks, que je connais bien, qui a condamné très fermement ces actes de violence ce matin. »

F. Laborde : La coopération entre la police française et la police britannique est importante en la matière ?

M.-G. Buffet : « Elle est réelle, et ce depuis plusieurs mois. »

F. Laborde : Vous évoquez la billetterie, c’est un autre sujet de polémique. Que va-t-il se passer ? Vous avez eu des informations sur les raisons qui font que des gens ayant commandé des billets qui ne les ont pas eus ?

M.-G. Buffet : « Je crois qu’il y a le problème des tours opérateurs, et puis il y a de véritables escrocs qui profitent de cette Coupe du monde pour se faire de l’argent. Il ne faut pas hésiter, pour ceux qui sont concernés, à porter plainte pour qu’il y ait des suites policières et judiciaires, pour que ces individus soient condamnés. »

F. Laborde : C’est le conseil que vous donnez à tous les supporters étrangers ?

M.-G. Buffet : « Tout à fait, il faut qu’ils portent plainte pour qu’on puisse donner toutes les suites nécessaires. »

F. Laborde : Certains se sont montrés particulièrement civiques, comme les Japonais à Toulouse.

M.-G. Buffet : « Ils ont eu une attitude formidable. Un écran géant a été mis à leur disposition et la fête a été belle. Je les remercie vraiment. »

F. Laborde : Ces écrans géants sont présents dans les zones urbaines dites sensibles, comment cela se passe ?

M.-G. Buffet : « Très bien. Vous savez qu’on avait obtenu la gratuité des droits de transmission dans les 800 quartiers de zone urbaine sensibles. Plus d’une centaine de villes se sont inscrites. Moi-même, j’ai été voir plusieurs écrans géants. Cela se passe bien. Il y a de la convivialité, de la musique. C’est formidable de regarder un match ensemble, c’est mieux que de le regarder tout seul devant sa télé. Le soir du premier match de la France, les plages du Prado à Marseille étaient pleines de monde devant les écrans, c’est la fête. »

F. Laborde : Vous suivez le Forum du monde, ouvert aux associations. En quoi cela consiste ?

M.-G. Buffet : « On a pensé qu’au pied du Stade de France, il était nécessaire d’avoir un espace où des personnalités sportives et non sportives, des associations puissent venir débattre de tous les thèmes liés au sport et à la société. Samedi soir, il y avait un débat sur sport et racisme, on aura un débat sur sport Nord-Sud. Et puis moi-même, je participerai à un débat sur la place des femmes dans le sport. »

F. Laborde : Justement, la place des femmes, on a beaucoup dit que les femmes ne s’intéressent pas au foot. Vous avez suivi deux matchs. Vous avez vibré ?

M.-G. Buffet : « Oui, parce que c’était d’abord de très beaux matchs, et puis il faut sentir l’ambiance dans les stades. J’avoue qu’à Marseille, nous avons fait la holà avec le public, c’était assez extraordinaire. »

F. Laborde : C’était votre première expérience de match dans un stade ?

M.-G. Buffet : « Non, j’avais déjà assisté à beaucoup de matchs dans les stades. Mais il y a une ambiance particulière. Ce ne sont pas les mêmes rapports du public aux matchs. C’est autre chose. »

F. Laborde : Autre actualité, la disparition d’E. Tabarly.

M.-G. Buffet : « Je crois qu’E. Tabarly est l’homme qui a donné toute cette visibilité à la voile, qui a fait que cela devienne un sport populaire. C’était un personnage très aimé des Français, avec sa réserve, avec son attitude tout à fait droite. J’ai beaucoup de peine. »

F. Laborde : Certains demandent des funérailles nationales. Vous allez étudier la question ?

M.-G. Buffet : « D’abord il faut attendre, penser à sa famille. Mais je crois, en effet, qu’il faudra lui rendre l’hommage à la mesure de ce qu’il a apporté à notre pays. »