Texte intégral
RTL – vendredi 24 avril 1998
O. Mazerolle : L. Jospin a-t-il choisi la bonne ligne économique en disant qu’il faut à la fois réduire les déficits, mais aussi soutenir la croissance ?
N. Notat : Je crois que la croissance est maintenant là. Je crois qu’il faut parler clair sur la croissance, je crois que la croissance est bien évidemment utile, elle donne des marges de manœuvres. Il vaut mieux en avoir que de ne pas en avoir. C'est très important et cette période est une période nouvelle par rapport à ce qu'on a connu. Tout est dans la manière dont on s’en sert. Moi, je vais vous dire que j'ai quelques craintes : ce n'est pas sur la réduction du déficit public – je crois que la réduction des déficits publiés n'est pas un objectif en soi, cela se paye quand on fait des déficits. Donc, moins on en a, mieux cela est. Prenons la Sécurité sociale : j'entends dire que cela y est, en 1999, nous allons avoir l'équilibre des comptes. Eh bien, si nous ne comptons que sur la croissance pour réaliser l'équilibre de la Sécurité sociale, je crains que, dans quelques années, nous allons nous retrouver avec la même gueule de bois qui consistera à s’apercevoir que si nous n’avons pas prolongé en même temps – mais j’ai entendu L. Jospin dire qu’il fallait continuer la maîtrise des dépenses de santé, qu’il fallait continuer à moderniser à innover dans les pratiques médicales – si nous continuons tout cela je dirais même que c’est parce que la croissance est là, qu’il faut mettre un coup d’accélérateur sur les réformes, sur les changements de fond, sur les changements structurels qui garantiront notre système d’assurance maladie à terme.
O. Mazerolle : Justement, concernant les retraites, on sait que le Premier ministre est maintenant en possession de trois rapports qui lui indiquent que si rien n'est fait rapidement, on va droit à la catastrophe, et il n'en a pas parlé !
N. Notat : Il n'en a pas parlé hier. Il en avait parlé, je crois, dans son interview au Monde en annonçant une méthode.
O. Mazerolle : D’une façon très générale.
N. Notat : Oui, mais la méthode, en l’occurrence, a son importance. Rappelez-vous, on a vécu quelques moments douloureux sur la modernisation de notre système de retraite. Oui, il y a des problèmes pour la retraite en l’an 2005.
O. Mazerolle : Les rapports disent carrément : il n’y aura plus d’argent.
N. Notat : Les problèmes sont effectivement de garantir les retraites pour les salariés d'aujourd'hui. C'est de ne pas handicaper les actifs qui payeront les retraites de demain et pour qui cela deviendra·insupportable. Je crois qu'il faut ouvrir le dossier avec méthode. Moi, je partage la méthode de Jospin là-dessus : diagnostic, dialogue, un vrai, approfondi, et décision. S'il suit cette méthode-là, je crois qu'on a une chance dans ce pays, de comprendre ce qu'il faut faire à condition, comme il l'a dit, de ne pas confondre réforme du système de retraite et bouleversement du système de répartition. Il faut conforter le système de répartition et réfléchir à des conditions qui permettent peut-être de faire un troisième étage – y compris des systèmes d'épargne salariale, mais à condition qu'on ne laisse pas sur le bord de la route des gens qui n’auraient pas la possibilité de se le payer tout seuls – donc il faut que ce soit un projet collectif, un projet négocié qui engage les entreprises et tous les salariés.
O. Mazerolle : Quel est le calendrier ?
N. Notat : Je pense qu’il est, peut-être, non pas là urgent d’attendre, mais qu’il faut démarrer vite.
O. Mazerolle : Parce que 2005, c’est rapide.
N. Notat : Cela vient vite.
O. Mazerolle : Vous avez donné une interview au Nouvel Observateur, où là aussi vous avez semblé exprimer quelques craintes par rapport à l'euro. Par exemple, à la fin de la semaine on entre dans l'euro, eh bien, vous avez dit : moi j'ai peur que l'euro serve de prétexte, de bouc émissaire pour qu'on ne bouge pas trop.
N. Notat : Ce n'est pas l'euro qui me fait peur, parce que je crois que l'euro nous fait entrer dans une nouvelle étape formidable pour l'Europe. C'est la manière dont on va s'en servir. Et je dis que, pour nous, l'euro n'est pas un point d'aboutissement, ce n'est pas le couronnement de l'Europe que nous voulons. Il y a encore beaucoup de choses à faire. C'est au contraire une rampe de lancement, parce que, derrière cet euro qui va nous donner une monnaie – la monnaie c'est important pour l'Europe, pour la puissance dont a parlé Jospin hier. Mais ce n'est pas tout l'Europe, ce n'est pas qu'une puissance économique, même si c'est important. Il faut maintenant faire l'Europe politique, il faut faire une Europe qui réconcilie l’économie et la société, qui réconcilie la prospérité économique et la solidarité au sein de la société.
O. Mazerolle : L. Jospin disait hier soir : il ne faut pas que l'euro soit un carcan, et R. Monory qui était là il y a 48 heures disait au contraire : « l'euro cela va être un gendarme qui va empêcher les hommes politiques de faire des bêtises ». C'est formidable !
N. Notat : Oui, mais voilà la manière : toutes ces petites phrases qui consistent à utiliser l'euro qui est un instrument, une monnaie. C'est comme si on vous disait : le franc, on l'a utilisé pour faire ceci ou cela. Le franc a été la monnaie de la France pendant tout un temps. L'euro sera tout simplement la monnaie de l'Europe. Il ne faut pas donner à un instrument, à la monnaie des vertus qu'elle n'a pas. C'est dans la volonté politique que l'on construira les réformes de demain, que l'on construira l'Europe de demain.
O. Mazerolle : Dans cette interview au Nouvel Observateur, vous semblez éprouver une certaine désillusion par rapport à la volonté politique. Vous dites : « eh bien voilà, l'euro à son tour pourrait être le prétexte... les hommes politiques français aiment bien saisir des prétextes. C'est consternant.
N. Notat : C'est consternant quand les hommes politiques semblent regarder l'avenir dans le rétroviseur, plutôt que d'être offensifs par rapport à l'avenir qu'il faut construire.
O. Mazerolle : Le débat sur l’euro vous a rassurée ?
N. Notat : Arrêtez, cela est d'un ridicule, c'est incompréhensible, c'est illisible. Bref, passons, ne me faites pas commenter cet épisode de notre vie politique française. Moi je regarde ce qui se passe dans d'autres pays autour de nous – que ce soit en Italie, en Allemagne : ce ne sont pas des gens qui ont vécu les mutations pour l’Europe de manière facile. L'envie de rester des Allemands, l’envie d'être italien ; cela existe partout. L'envie d'être français, cela existe aussi. Ce n'est pas pour cela que ces gens-là n'assument pas les mutations. Regardez ce vote au Bundestag, hier, regardez la manière dont les Italiens ont accueilli l'Europe comme une rampe de lancement, comme un tremplin pour que les problèmes de l'Italie soient solutionnés. Pourquoi la France ne pourrait pas moderniser ses comportements ? Pourquoi – du point de vue politique mais aussi du point de la société ? Je ne suis pas pessimiste, ni désillusionnée, je suis motivée et mobilisée parce que je ne veux pas désespérer de notre pays. Je ne veux pas désespérer du patronat français qui n’est aujourd’hui pas foutu de se mettre autour d’une table pour qu’on négocie. Or la capacité de forces sociales, la capacité du patronat à régler entre eux des problèmes qui concernent les entreprises, le chômage, l’exclusion, cela fait aussi partie de la modernisation de notre pays. Et on n’est pas meilleurs. Si vous aviez l’impression là que j’attaquais un peu les politiques, on n’est pas meilleurs qu’eux.
O. Mazerolle : Il y a un petit rayon de soleil dans la vie politique : l’accord de Nouvelle-Calédonie. Vous allez fêter cela à Nouméa.
N. Notat : Un très beau rayon de soleil. Je serai présente le 4 mai pour l’inauguration du centre J.-M. Tjibaou et je trouve que ce symbole – réussir cette inauguration avec le nouvel accord. J’ai franchement envie d'être présente à cette inauguration.
France Inter : mardi 12 mai 1998
S. Paoli : Qu’attendez-vous du monde du travail dans les dix prochaines années ? Question posée dans un sondage BVA à la demande du syndicat CFDT : 61 % des personnes interrogées répondent : des créations d’emplois et une baisse du chômage. Le principal souci des Français reste le même, l’emploi. La réduction du temps de travail à 35 heures par semaine, dont le vote définitif aura lieu jeudi, apparaît-elle comme une bonne solution pour la création d’emplois ? Réponse : oui à 67 %, 72 % des sondés considérant que cela profitera surtout aux chômeurs. La mise en place de ces 35 heures va provoquer dans les entreprises une série de négociations au cours desquelles les syndicats ont bien l’intention de montrer la force de leur implantation parmi les salariés. La CFDT ouvre la ban en organisant, aujourd’hui, au stade Charléty à Paris un rassemblement de 25 000 militants.
Ces négociations qui vont s’ouvrir, on n'en a pas vu d'aussi importantes depuis longtemps parce qu'en fait la question des 35 heures, c'est tout simplement la définition du travail en l'an 2000, de l’organisation de l’entreprise en l’an 2000 ?
N. Notat : C'est vrai que c'est, je crois, une situation assez inédite que nous nous apprêtons à vivre parce que le développement de la négociation peut être très important et très important sur des sujets centraux. C'est-à-dire : comment travaillerons-nous dans les années à venir ? Travaillerons-nous tous ? Ou le travail sera-t-il et continuera à être réservé à un nombre de gens qui laissera sur le bord de la route beaucoup trop de monde. Et enfin, ces changements seront-ils négociés, et c'est l'occasion qu’ils le soient, entre les chefs d'entreprise et entre les représentants des salariés et cesseront-ils d'être imposés ? Voilà, c'est tout l'enjeu de ces négociations.
S. Paoli : Vous avez vu que le sondage est intéressant parce qu'il en dit long sur l'état d'esprit des salariés. Ce qu'ils mettent d'abord en avant, c'est l'inquiétude. C'est toujours la question du travail et du chômage.
N. Notat : Bien sûr, on les comprend, quand on sait ce que produit ce chômage sur des gens qui en sont victimes durablement. Le problème du chômage, c'est qu'on ne reste pas seulement au chômage pendant six mois ou sept – ce qui serait supportable – c'est que des gens s'y s'enferment, c'est que des gens perdent avec cela leur logement, c'est que des gens souffrent, c'est que, derrière, des familles entières n'ont plus de repère et ont l'impression de ne plus exister dans cette société. Cela est intolérable pour ceux qui le vivent mais c'est aussi intolérable pour ceux qui ont peur de le vivre demain également et qui, du même coup, je dirais, sont paralysés pour bouger, sont paralysés pour innover, sont paralysés pour avancer dans la vie future. Donc, je crois qu’il faut sortir de cette situation. Il n’y a pas de fatalité à cela et la réduction de la durée du travail après tout ce qu’on en a dit, ce n’est pas une horreur, ce n’est pas une erreur économique, la réduction de la durée du travail peut être le levier qui permet de faire évoluer les choses positivement pour les entreprises, pour les salariés, et pour les chômeurs.
S. Paoli : Mais c'est vraiment un enjeu politique au sens le plus large du mot : comment on va vivre ensemble dans la cité ? Puisque c'est la forme de l'entreprise, c'est le temps consacré au travail. Quand on interroge les Français, il y a une réponse très importante qui est relative aux patrons et au rôle que les patrons vont jouer. Ils disent tous : si les patrons ne rentrent pas vraiment dans les négociations, on n’y arrivera jamais.
N. Notat : Ils ont compris, bien sûr. C'est l'entreprise qui crée de l'emploi, c’est l’entreprise qui crée des richesses. Cela, les salariés le savent bien. On ne créera pas de l’emploi sans des entreprises performantes, sans des entreprises, et donc des chefs d'entreprises, qui acceptent de jouer le jeu de cette préoccupation et de cette priorité de l'emploi. Il ne s'agit pas d’affirmer la priorité de l’emploi contre le développement de l’entreprise. Ce serait vraiment un contresens. II s'agit de rendre conciliables, de rendre compatibles des changements dans l'organisation du travail qui permettent d'ailleurs aux salariés de s'y retrouver eux aussi, parce que les changements qu'ils vivent aujourd'hui sont souvent imposés. Ce sont des heures supplémentaires en plus, c'est du temps partiel imposé, ce sont des heures supplémentaires parfois non payées, c'est la précarité. De tout cela c'est l'occasion, je dirais, de mettre un peu d'ordre, de revaloriser les choses et à partir de ce moment-là, ce n'est qu'autour de la table, dans la confrontation des questions qui concernent les entreprises avec ce qui préoccupe les salariés directement dans leur vie de travail, mais aussi de ceux qui ne sont pas encore dans l'entreprise, que nous parviendrons à des compromis positifs, à des compromis dynamiques qui véritablement, je crois, permettront de montrer qu’il y a un sens qui véritablement indique un recul du chômage.
S. Paoli : Il y a un risque qu'on se trompe de bataille et qu'on se batte plus, par exemple, sur les heures supplémentaires, que sur la question des 35 heures ?
N. Notat : Oui, il y a un risque et ce n'est pas le moindre des paradoxes parce qu'une bonne partie du patronat, qui a combattu, comme tout le monde le sait, le principe de la réduction de la durée du travail, aujourd'hui certains ont des comportements un peu zélés, c'est-à-dire qu'ils ont presque l'intention de demander aux syndicats de négocier avant l’heure la baisse de la durée légale. Vous savez que celle-là n'interviendra qu'au 1er janvier de l’an 2000. Or, cela est une manière de ne pas faire ce dont on vient de parler, c’est-à-dire de ne pas négocier tous les enjeux du changement de l'organisation et la réduction de la durée du travail qui permet avec des aides de l'État de créer des emplois, ils feraient une croix sur toute cette période, sur tout cet enjeu fondamental, sur tout ce moment très important pour anticiper la réduction légale, mais comment ? En demandant des heures supplémentaires en plus. C'est-à-dire que pour, par exemple, entre 35 et 39 heures, les salariés fassent quatre heures supplémentaires. C'est-à-dire qu'en fait la réduction de la durée du travail serait inscrite dans le code du travail dans un accord, mais les gens continueraient à faire le même nombre d'heures et seraient payés en heures supplémentaires entre 35 et 39 heures. Alors, de cela, il faut le savoir la CFDT n'en voudra pas, elle ne sera pas partie prenante de ces accords.
S. Paoli : Vous avez dit, l'autre jour, que vous estimiez que le CNPF était un peu en état d'apesanteur, cela a bougé depuis ou pas ?
N. Notat : Non, je n'ai pas l'impression que cela ait encore bougé. Mais je ne désespère pas.
S. Paoli : Même pas après les propositions faites hier ? Le CNPF qui s’engage à former 400 000 jeunes. Remarquez, cela ne fait que 40 000 ou 50 000 de plus qu’en 1997.
N. Notat : C'est heureusement une petite progression qu'il est tout à fait nécessaire d'avoir. Mais je dirais que c'est la tendance normale, il n'y a rien d'exceptionnel dans cette évolution.
S. Paoli : Sur les enjeux qui sont des enjeux de société – on est largement au-delà de la simple négociation des 35 heures, c'est vraiment la façon dont nous allons tous travailler bientôt – le fait que vous formiez à la CFDT un certain nombre de personnes. D'ailleurs combien seront-ils tous ceux que vous allez former pour la négociation dans les entreprises ?
N. Notat : Sur l'année 1998, nous espérons avoir formé 6 000 négociateurs tout simplement parce que nous estimons que les enjeux sont très importants, qu'il faut des négociateurs qui maîtrisent la complexité de tous les sujets, et qu'on arrive à armes égales avec les patrons autour de la table de négociation.
S. Paoli : Le travail a été fait en amont, les salariés comprennent justement ce dont il s'agit et où cela peut les conduire ?
N. Notat : Vous savez à la CFDT nous n'arrivons pas avec rien dans la musette, nous arrivons avec beaucoup d'expérience, avec des enseignements que nous avons tirés de 2 000 accords qui ont existé grâce à la loi de Robien qui, déjà, permettait la réduction de la durée du travail vers 35 ou 32 heures. Et ces accords-là, dont nous sommes signataires à 70 % nous ont montré combien il était important, possible de mettre en œuvre, d’aller dans le sens que j’ai indiqué tout à l’heure. C’est-à-dire des changements dans l’organisation du travail, oui, pas à n’importe pas quel prix, pas avec de la précarité en plus, mais peut-être au contraire de la précarité en moins, avec des changements d’horaires possibles pour les salariés, mais à condition que les salariés s’y retrouvent dans une meilleure qualité de vie, qu’ils puissent prendre le temps, se libérer au moment où cela les arrange et puis surtout une visibilité, une dynamique, un espoir qui se crée parce qu’en même temps que cela se passe dans l’entreprise, eh bien d’autres personnes y rentrent et le plus important, c’est enfin que celles qui désespéraient d’entrer, de trouver du travail, vont enfin en avoir. Voilà l’enjeu de ces négociations, à une échelle bien sûr plus importante. L’enjeu, maintenant, c’est que le mouvement qui a été amorcé s’amplifie, qu’il devienne irréversible.
S. Paoli : Il est dans tous les sens l'enjeu, puisqu'il l'est aussi pour vous, pour les syndicats en général. C'est la question de la représentativité des syndicats parmi les salariés qui va se poser aussi à travers cette négociation. Vous avez vu que la CGT, qui était contre, en fait autant que vous maintenant.
N. Notat : C'est bien. Tant mieux si on se retrouve sur ces sujets. On ne sera pas trop à se serrer les coudes pour obtenir les évolutions que nous souhaitons. Oui, c'est un enjeu pour les syndicats parce que, simplement, des changements comme cela, on ne les fait pas sans avoir les salariés avec nous, sans connaitre ce à quoi ils aspirent dans l'organisation de leur temps, sans connaître vraiment leurs conditions de travail telles qu'elles sont aujourd'hui. Donc en clair, on ne peut pas parler en leur nom si nous ne savons pas les écouter, si nous ne sommes pas en lien permanent, si nous ne les associons pas aux objectifs de la négociation. Et cela, c'est formidable parce que c'est une occasion en or pour que les négociateurs, les délégués syndicaux refassent devant les salariés la preuve de leur utilité, la preuve de l'efficacité de l'action syndicale.
S. Paoli : La grande machine européenne est en route, on commence de frapper les pièces à Pessac, quid des 35 heures dans un espace européen ? Parce qu'il y a peut-être une monnaie, mais il n’y a toujours pas d'espace politique européen, il n’y a pas de grand système de régulation ?
N. Notat : Peut-être que maintenant que l'euro va être là et que les controverses sur l'euro vont peut-être enfin s'arrêter, il sera temps de penser à d'autres grandes choses pour l'Europe. La monnaie en était une, l'union économique en est une…
S. Paoli : Il fallait commencer par là à votre avis ?
N. Notat : Vous savez, on peut en débattre à l’infini, mais, en tout cas, on a commencé comme cela. Il fallait avancer dans un sens, c’est celui-ci qui a été choisi. Il est effectivement maintenant urgent de penser une Europe politique, une Europe plus démocratique, une Europe où les citoyens se retrouvent. La réforme institutionnelle est tout à fait importante et fondamentale. Il faut la faire rapidement dans la foulée de la réforme économique et monétaire. Et puis effectivement, il faudra que cette Europe soit une Europe qui rassemble les gens et pas qui en exclue. Ce sera une Europe qui permette à tous d’espérer d’être des citoyens qui ont le sentiment d’être partie prenante de cette Europe en construction et donc de trouver leur place dans chacun de nos pays, mais donc dans l’Europe de demain.
Emission polémique du 17 mai 1998 diffusée sur France 2
Michèle Cotta : Bonjour. Pas une semaine ne se passe sans que l’on prenne la mort d’un ou de plusieurs jeunes dans les banlieues. Des jeunes gens tués par d’autres jeunes gens qui ont souvent le même âge qu’eux au cours de bagarres de clans, de bandes qui paraissent incompréhensibles à la majorité d’entre nous. Au-delà des conditions de vie, du chômage, cette nouvelle criminalité pose un problème, celui de la délinquance des mineurs, celui aussi des armes, des armes qui circulent trop facilement. Nous y reviendrons dans la deuxième partie de cette émission. L’invitée de la première partie, c’est Nicole NOTAT, la secrétaire générale de la CFDT que nous allons interroger avec Laurent MAUDUIT du Monde. Alors Nicole NOTAT, bonjour.
Nicole Notat : Bonjour.
Michèle Cotta : À Charléty, la semaine dernière, au cours de la mobilisation et du meeting sur les 35 heures, vous avez dit, je vous cite, soyez révolutionnaire, fabriquez le possible, le possible qui change le présent et fabrique l'avenir. Alors est-ce que c'est la fin de votre période réformiste ? Est-ce que vous voilà révolutionnaire ou est-ce que c'était un clin d'œil à mai 68 ?
Nicole Notat : C'est un clin d'œil à mai 68 mais c'est un clin d'œil qui a du sens, c'est un clin d'œil qui dit qu'aujourd'hui, le possible tel qu'il est, nous ne l'acceptons pas. Il faut le changer. Il faut le fabriquer, c'est-à-dire qu'il faut que nous soyons tous les acteurs de changements que nous voulons mais pas n'importe lesquels, ceux qui changent en profondeur la société et qui nous promettent une société pour demain au nom d'un idéal plus humaniste, plus solidaire, plus juste.
Michèle Cotta : Les 35 heures, ça fait partie de l'idéal plus juste ? Et les 35 heures, c'est votre combat ?
Nicole Notat : Les 35 heures, c'est un moyen, ce n'est pas un objectif en soi mais je crois que c'est le moyen aujourd'hui qui permet à côté d'autres moyens, le retour de la croissance, l'augmentation des richesses, le développement de l'activité – mais les 35 heures peuvent y contribuer aussi – de mettre tout simplement un terme à ce développement du chômage, de la précarité, de l'exclusion dans une société qui, quand même, continue à produire des richesses. Donc, ce paradoxe, cette distorsion, elle n’est pas une fatalité. Et nous, nous disons, oui il y a là un moyen. Nous allons nous en occuper. Nous nous en sommes déjà occupés et vous avez vu à Charléty cette force, ce rassemblement de la CFDT dans les starting-blocks pour démarrer de nouvelles négociations.
Laurent Mauduit : On arrive à la fin du travail parlementaire et les 35 heures auront bientôt force de loi. Et j’ai un peu le sentiment quand on vous écoute depuis deux mois ou trois mois que, quoi que vous disiez, vous n’avez jamais été totalement enthousiaste. Vous avez toujours eu des réserves sur les 35 heures. D’abord, vous avez été pour la loi Robien. Maintenant, vous dites pour les 32 heures. On vous a toujours sentie un peu critique.
Nicole Notat : Vraiment, c'est la première fois que j’entends cette remarque parce que, franchement, s'il y a un thème dont personne ne peut douter qu'il appartient à la CFDT depuis longtemps, c'est le thème de la réduction de la durée du travail. Mais la réduction de la durée du travail, de la même façon qu'au moment du passage des 40 heures aux 39 heures, nous avons à la CFDT dit notre désaccord sur le passage qui était un passage imposé, unilatéral, standardisé. Eh bien, nous avons dit et affirmé et nous continuons à le dire qu'il y a une bonne manière de réduire le temps de travail et il y en a une mauvaise. La bonne, c'est celle qui permet de le réduire par la négociation, c’est celle qui permet de profiter de la réduction pour changer l'organisation du travail en réduisant la précarité, en modifiant les horaires autant pour le besoin de l'entreprise que pour les salariés et surtout pour les chômeurs. Cette logique, elle était dans… de ROBIEN. Cette logique elle est dans AUBRY avant l'an 2000. C'est ça, le grand message de Charléty, négocier avant l'an 2000 car si nous ne faisons rien avant, uniquement la réduction légale standardisée, imposée, je l'ai dit, je le redis, ce sera une funeste illusion et pour les salariés et pour l'emploi.
Michèle Cotta : Combien d'accords vous attendez, d'accords spontanés en quelque sorte vous attendez avant l'an 2000 ?
Nicole Notat : Aucun accord n'est pas spontané. Il faut pousser les gens à se mettre autour de la table de négociation. Je pense – on a vu que ça existait, ça va exister à nouveau – le plus possible, le plus possible pour amplifier le mouvement.
Michèle Cotta : C’est quoi, le plus possible ? 25 000 ? 5 000 ?
Nicole Notat : Ah non, j'espère que c'est plus près de 25 000 que de 5 000. Mais en tous les cas, amplifier le mouvement qui a été amorcé pour le rendre irréversible.
Laurent Mauduit : Mais est-ce que vous pensez qu'il y aura à coup sûr une vague importante de créations d'emplois ou est-ce qu'on risque d'avoir de tels gains de productivité… qu’on pourrait avoir des gains de productivité mais pas d’emploi ? C’est une de vos inquiétudes pour l’avenir ?
Nicole Notat : Non mais là, vous êtes dans un logique comme s’il n’existait que l’article 1er de la loi, comme si on réduisait le temps de travail et puis qu’on comptait sur les gains de productivité, tout ça. Il va y en avoir. Donc, je pense que les entreprises ne vont pas cracher dessus d'ailleurs. Si la réduction du travail permet une meilleure compétitivité, un développement de nouvelles activités dans l'entreprise, ils vont prendre. Mais pour le moment, ce qu’il s’agit de faire, c’est de profiter des changements de l’organisation du travail, articuler avec sa réduction et qui, avec l’investissement financier – car c’est un investissement, les aides de l’État, ce n’est pas une subvention qu’on donne gentiment comme ça pour faire une mauvaise pilule – avec cet investissement, la création d’emploi sera plus importante et ce ne sera pas des emplois artificiels si ça correspond à de nouvelles activités au développement de l’entreprise.
Michèle Cotta : Quand vous dites « les 35 heures, c’est aussi une occasion de changer nos pratiques entre salariés », est-ce que ça veut dire que, vous, vous attendez des 35 heures une certaine annualisation, une certaine flexibilité ? De temps en temps, vous dites « la flexibilité, ce n’est pas tabou ». Alors est-ce qu’à l’occasion des 35 heures la flexibilité est tabou ou non ?
Nicole Notat : Vous savez, la flexibilité aujourd’hui, elle se déroule sous nos yeux, en tous les cas, dans toutes les entreprises à la seule décision des chefs d’entreprise. Vous savez, les temps partiels imposés, les contrats précaires, les heures supplémentaires qui augmentent, c'est aujourd’hui que les salariés connaissent ça. Donc, oui, on veut aller négocier les changements de l'organisation du travail sans tabou à partir du moment où ils sont justifiés, où ils sont compréhensibles pour les salariés. Et dans les accords qui sont là, il y a des négociateurs et des salariés qui entérinent des changements d'horaire qui se comptabilisent sur l'année maintenant. Ça ne doit donc pas être l'horreur.
Laurent Mauduit : Alors il y a un autre projet de loi qui touche bientôt à son terme, c'est la loi sur les exclusions. Est-ce que vous trouvez que le Parlement a fait un bon travail ? Et est-ce que cette loi, vous vous reconnaissez en elle ?
Nicole Notat : Oui, il y a des éléments tout à fait importants. En tous les cas, les sujets, je dirais, pour compenser les dégâts de l'exclusion mais surtout aussi pour prévenir l'exclusion sont traités dans la loi. Maintenant, une loi n'a jamais magiquement comme ça changé la réalité des choses. Donc, là encore, il va falloir s'y mettre tous et aller vers le droit au travail, aller vers le droit au logement, aller vers toute cette situation qui, aujourd'hui, fabrique de l'exclusion en France pour, progressivement, passer à la prévention de cette exclusion. C'est le vrai débat et la vraie question.
Michèle Cotta : Nicole NOTAT, quid de la représentation des chômeurs au conseil d'administration de l’UNEDIC ? Je crois que Martine AUBRY vous a écrit en vous demandant de préparer en tant que présidente de l'UNEDIC puisque c'est votre rôle aussi d'étudier la représentation des chômeurs.
Nicole Notat : Non, Martine AUBRY ne m'a pas demandé d'étudier la représentation des chômeurs au sein des instances de gestion de l'UNEDIC. Elle ne m'a absolument pas demandé cela.
Michèle Cotta : Dans des comités parallèles.
Nicole Notat : Et en tous les cas, elle m'a toujours dit qu'elle n'était elle-même pas en accord avec cette idée. Donc, je pense qu'elle ne change pas de position. Je ne crois pas que c'est son genre.
Michèle Cotta : C'est vous qui avez reçu la lettre, vous devez le savoir.
Nicole Notat : Oui, oui, non, je vous le dis. Non, moi je crois que, là-dessus, il ne faut pas aller dans des polémiques ou dans des petites polémiques stériles. Tous les chômeurs qui se regrouperont pour parler haut et fort, pour redresser la tête, pour entrer dans un mouvement qui consiste à participer à la lutte contre l’exclusion, à retrouver le chemin de l’insertion et à le retrouver dans des conditions qui leur donnent surtout la dignité, la reconnaissance sociale, c'est de cela dont ils souffrent, alors par le travail, par le logement.
Laurent Mauduit : Ce n’est pas une manière habile de justifier une fin de non-recevoir pour la représentation ?
Nicole Notat : Non, mais c'est clair. Écoutez, les règles, la loi aujourd'hui… nous sommes dans un organisme de gestion paritaire. Donc, le paritarisme, c'est des patrons en nombre et puis, en face, le même nombre de confédérations. Or, la loi dit les organisations représentatives sont ce qu'elles sont aujourd'hui. Si le gouvernement veut décider d'autres choses et accroître la représentativité ou la représentation, c’est à lui de le faire. Mais je ne crois pas que c'est le chemin qu'il a pris dernièrement.
Michèle Cotta : C’est-à-dire ?
Nicole Notat : Je ne sais pas, après un peu de confusion, un amendement de Monsieur LE GARREC qui voulait imposer les chômeurs au conseil d'administration de l'UNEDIC, finalement, tous les groupes, l'unanimité au Parlement a dit « non, non, nous nous sommes fourvoyés, ce n'est pas ça, le chemin » ce qui ne veut pas dire que les associations de chômeurs n’ont pas droit à exister, n’ont pas droit à faire entendre lorsqu’ils existent la parole des chômeurs en parallèle à celle d’organisations syndicales. Vous savez, il y a beaucoup à faire. Ce n’est pas dans la compétition et dans la concurrence qu’il faut se situer.
Laurent Mauduit : J'aimerais vous interroger sur vos relations avec le CNPF. Vous aviez des bonnes relations les années antérieures avec l'ancien président du CNPF, Monsieur GANDOIS. Il y a eu une phase de crispation assez forte le 10 octobre. Et j'aimerais savoir quelles sont vos relations avec Monsieur SEILLIERE qui lui a succédé ? Est-ce que vous pensez qu'après une phase de crispation du patronat le dialogue social pourra être fructueux ?
Nicole Notat : Je ne sais toujours pas le dire.
Laurent Mauduit : Est-ce qu'il traîne des pieds ?
Michèle Cotta : Vous l'avez vu quand même, vous l'avez vu en tête-à-tête.
Nicole Notat : Je l'ai vu deux fois, oui à deux reprises. Bon, j'ai trouvé un homme qui était à l'écoute mais j’ai trouvé un homme qui était me semble-t-il tout à fait enfermé dans cette histoire des 35 heures les refusant sur le principe mais ayant quand même conscience que la loi était là, qu’il allait donc falloir la mettre en place. Pour le reste, j’ai l’impression que ce traumatisme des 35 heures a paralysé d’autres thèmes de réflexion… une capacité à penser le rôle du CNPF, à penser les terrains sur lesquels le dialogue social devrait se développer. J’ai dit que ce n’était pas encore une catastrophe si ça devait bientôt s’arrêter. Ça le deviendrait si ça le continuait.
Michèle Cotta : Et lorsque Ernest-Antoine SEILLIERE dit qu’il a découvert un monde nouveau en recevant discrètement les dirigeants syndicaux, à votre avis, c’est quoi « le monde nouveau » ? Il vous a trouvé plus convenable que ce qu’il pensait ?
Nicole Notat : Non, je crois qu’il ne connaissait pas du tout les interlocuteurs syndicaux.
Michèle Cotta : Vous lui avez fait bonne impression.
Nicole Notat : Oui mais je ne dois pas être la seule à l'entendre et tant mieux. Je crois que la méconnaissance du terrain social qui était le sien tout simplement parce que ce n’était pas l’activité principale sur lequel il fonctionnait au CNPF fait qu’il découvre. Alors j’espère, il faut prendre le temps de la découverte, de la connaissance et puis après, il faut quand même trancher, il faut faire des propositions aux interlocuteurs sociaux.
Laurent Mauduit : Quel jugement portez-vous sur la façon dont le gouvernement gère le dossier de la Sécurité sociale ? Est-ce seulement la continuité du plan JUPPÉ ou est-ce que vous sentez une patte particulière ?
Michèle Cotta : Et on a l'impression qu'effectivement, suivant le cas, le gouvernement se réclame de la loi JUPPÉ ou la condamne.
Nicole Notat : Oui, c’est un peu étonnant. Et je me demande autant de mois après la décision qui a consisté à réformer en profondeur la Sécurité sociale, qu’est-ce qui motive encore ces petites polémiques que je trouve un peu stériles pour savoir si le plan JUPPÉ était bon, si ce que l’on fait maintenant appartient ou n’appartient pas au plan JUPPÉ.
Laurent Mauduit : C’est la continuité ?
Nicole Notat : Bien sûr que c’est la continuité. Et puis, écoutez, la continuité, elle vient même de plus loin. La CSG, la première CSG qui voulait un financement plus juste de la Sécurité sociale, c'est ROCARD qui l'a créée. Je me souviens de Claude EVIN qui, je vais vous dire, aurait voulu la faire cette réforme JUPPÉ. Le paradoxe, c’est qu'il ne l'a pas pu déjà parce que les médecins n’en voulaient pas mais aussi parce que la droite n'en voulait pas. Alors, c'est comme ça en politique en France. La droite est arrivée, c'était JUPPÉ en l'occurrence, boom, voilà qu'il fait la réforme qu'il avait refusée quelques années avant. Tant mieux ! Et aujourd'hui, Martine AUBRY hérite d'une situation où les fondations d'une réforme, d'une réforme en profondeur sont là. C'est à elle de l'amplifier, de lui donner l'élan, de lui donner du souffle…
Laurent Mauduit : Ce qu’elle fait ?
Nicole Notat : Ce qu'elle a l'attention de faire bien évidemment. Mais qu'elle parle de l’avenir et que maintenant, ce qui est derrière nous est derrière nous. Vous savez, la Sécurité sociale me semble mériter mieux que ces petites polémiqués parce qu'il y a encore beaucoup à faire.
Laurent Mauduit : Un petit mot sur l’avenir, vous pensez qu’ils vont parvenir dans les délais annoncés à arriver à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale ?
Nicole Notat : Normalement, là, la croissance aide beaucoup. Vous savez que, la croissance aidant, les recettes de la Sécurité sociale rentrent davantage et donc, mécaniquement, le déficit peut se réduire. Mais là, je dis attention parce que ça, ce sont des causes liées à un bon moment où l’économie va mieux mais ça ne change pas les causes à l’intérieur des systèmes de protection sociale qu’il faut continuer à faire changer pour que la Sécurité sociale ne produise pas de gâchis, que la Sécurité sociale dans ses modes de gestion utilise le mieux possible, écoutez, nos cotisations. Nos cotisations, nous avons envie qu'elles soient gérées du mieux possible pour garantir tout à la fois une très bonne santé à tous, égalité d'accès aux soins, mais aussi une bonne gestion, de nouvelles pratiques médicales, moins d'exclus de la santé. Voilà tout ce qu'il reste à faire. Et que dire du dossier de la famille et des retraites qu'il va falloir ouvrir.
Michèle Cotta : Alors si vous voulez, on en reparlera de la famille et des retraites mais un petit détour par l'Europe. Vous êtes donc tout à fait européenne, mais quand les instances de Bruxelles attaquent les 35 heures, attaquent la politique du gouvernement français sur les 35 heures, quand le commissaire européen à la Concurrence réprimande les dirigeants du Crédit Lyonnais, quel est votre sentiment ?
Nicole Cotta : Mon sentiment est que, sur les 35 heures, on n'a pas fini d'entendre des controverses, on n'a pas fini d'entendre des gens qui sont pour, qui sont contre, qui se battent. Maintenant, place à la démonstration, place à la réalité, ça existe, ça marche, on l'a démontré en France. On en reparlera, preuve à l'appui. Sur le Crédit Lyonnais, je dirais, ce n'est quand même pas tout à fait la même chose. Écoutez, il faut quand même se dire qu'on a assisté avec cette affaire à la plus grande gabegie économique de notre histoire contemporaine. Alors c'est vrai, VAN MIERT, il a fait un petit peu de provocation à mon avis inutile par rapport à une institution qui n'avait pas besoin de ça. Mais il ne faut pas non plus aller faire porter des responsabilités sur Bruxelles alors que les responsabilités sont quand même bien françaises. Alors aujourd’hui, les salariés, eh bien, les salariés, ils n’ont pas envie d'être des victimes. Ils ne sont pas responsables. Ils ont envie de se faire entendre pour qu'à la fois ce plan de redressement parce que, malheureusement, il n'y a pas d'alternative à ça, il faut le faire mais il faut le faire dans un grand dialogue, il faut le faire dans une grande concertation qui concilie à la fois, je crois, le développement de l'entreprise – ça va être un peu la quadrature du cercle mais c'est pourtant bien ça qu'il va falloir réussir à faire – en même temps que l'emploi ne soit pas une nouvelle foi sacrifié.
Michèle Cotta : Petit-être dernière question, vous êtes opposée aux grèves pendant le Mondial. Est-ce que vous craignez qu'en matière de transport les routiers barrent les routes, la SNCF s’arrête, les avions soient à terre ?
Nicole Notat : Écoutez, le Mondial, c'est une grande fête. Il me semble que tous les salariés de quelque secteur que ce soit ont envie de participer à la fête. Or, laisser penser qu'on pourrait prendre les supporters de la Coupe du monde et les amateurs de foot en otages ce jour-là, non, je crois que c'est d'abord hors de portée et puis c'est vraiment un contresens et une contre-performance pour des gens qui veulent mener le syndicalisme de l'avenir.
Michèle Cotta : Nicole Notat, merci.