Communiqués de la CFTC les 7, 8 et 12 août et article de M. Alain Deleu, président de la CFTC, dans "La Lettre confédérale" le 26 août 1996, sur les suppressions d'emplois dans la Fonction publique au budget 1997, le redéploiement des aides à l'emploi et l'affaire des "sans-papiers" de l'église Saint-Bernard.

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Média : La Lettre confédérale CFTC

Texte intégral

Communiqué

Suppression d'emplois dans la Fonction publique
Une décision qui reflète les incohérences de la politique gouvernementale

L'annonce faite par Alain Lamassoure, porte-parole du gouvernement, à la sortie du Conseil des ministres de ce jour, concernant la suppression de 6 500 à 7 000 emplois dans la Fonction publique, reflète les incohérences de la politique gouvernementale.

Cette décision va à l'encontre d'une bonne gestion de l'Etat et de la satisfaction des besoins des citoyens. Elle met en évidence l'absence de politique prévisionnelle des emplois dans le secteur public. En décidant de ne pas remplacer les départs en retraite de 6 500 à 7 000 fonctionnaires, pour répondre à des impératifs budgétaires, Alain Juppé met la charrue avant les boeufs. En toute logique, lorsque l'Etat embauche ce n'est pas uniquement pour le plaisir de dépenser l'argent des contribuables, mais parce que cela correspond à une politique et à un besoin définis à l'échelon de la Nation. Il y a et il y aura besoin d'emplois dans la Fonction publique, il faut pouvoir dès aujourd'hui les définir, et pour cela rompre avec la seule logique financière.

La CFTC déplore également que les partenaires sociaux n'aient pas été consultés : en contact, sur le terrain, avec les citoyens et les fonctionnaires, ils sont en mesure de dire ce que sont les besoins et de contribuer à la construction des services publics de demain.

Enfin, ces suppressions d'emplois contredisent deux accords signés récemment par le ministre de la Fonction publique : l'un sur la résorption de l'emploi précaire dans la Fonction publique, l'autre sur l'embauche d'un jeune contre un départ en retraite anticipée.

La raison doit l'emporter au risque d'une rentrée difficile.

Paris, le 7 août 1996


Communiqué

Projet de budget, 1997 : une rigueur qui manque d'imagination

L'objectif de stabilisation des dépenses que s'était fixé le gouvernement pour le budget 1997 ne laisse rien augurer de bon pour l'année à venir.

Aucun projet politique capable de mobiliser les Français ne semble avoir présidé à l'élaboration de ce nouveau budget de rigueur. L'imagination n'est pas au rendez-vous. Une fois de plus, la froide, l'implacable logique financière et comptable l'a emporté sur toute considération sociale. En témoigne la suppression de 6 500 à 7 000 postes dans la Fonction publique décidée sans concertation, en particulier à l'Education nationale. Le gouvernement aurait voulu casser la confiance, il n'aurait pas agi différemment.

D'autant que cette nouvelle offensive contre l'emploi se cumule avec les plans de licenciements en cours et se trouve en contradiction avec ses engagements contractuels pris avec les partenaires sociaux de la Fonction publique sur l'embauche des jeunes, et sur la résorption de la précarité dans la Fonction publique.

La maîtrise nécessaire des dépenses ne doit pas peser sur une croissance déjà bien molle sans se conjuguer avec l'incitation à l'initiative et à une prise de risque démesurée. Ceci serait conforme aux déclarations gouvernementales sur l'initiative privée.

Ainsi en est-il des coupes sombres prévues sur le logement et les infrastructures routières qui sont pourtant de nature, comme les grands chantiers, à faciliter la relance de l'économie.

Les critères de Maastricht sont-ils une fin en soi ?

Il faut que la raison l'emporte pour répondre aux inquiétudes vives des Français au risque d'une rentrée difficile.

Paris, le 8 août 1996


Communiqué

Une nouvelle donne en faveur de l'emploi

Dès juillet 1995, nous avons mis en garde le gouvernement sur les effets pervers du contrat initiative emploi qui, tel qu'il était alors défini, s'inscrivait dans une logique de baisse du coût de travail et créait une trop grande distorsion par rapport aux autres mesures d'aide, notamment en faveur des jeunes (APEJ). En mai 1996, de la Commission d'enquête chargée d'évaluer l'efficacité des aides à l'emploi, nous avons renouvelé nos craintes : « s'il est nécessaire de maintenir une mesure à l'égard des chômeurs de longue durée, écrivions-nous alors, il faut l'ajuster de façon à éviter des effets d'aubaine, comme c'est très souvent le cas ». Aujourd'hui, le gouvernement réoriente les CIE en direction des publics prioritaires, notamment les chômeurs de très longue durée. Mais ce revirement est davantage dicté par des considérations d'ordre financier que social.

Supprimer les aides pour l'emploi qui se révèlent inefficaces est une chose, ne rien tenter en contrepartie pour résoudre le problème du chômage, notamment celui des jeunes, serait catastrophique. Nous proposons donc de renforcer l'action en faveur de l'emploi des jeunes, notamment par le transfert des sommes versées pour l'APEJ, à l'action paritaire d'intervention pour l'emploi.

En transférant l'inscription des demandeurs d'emploi de l'ANPE vers les ASSEDIC, les partenaires sociaux ont tenu à ce que les agences pour l'emploi se recentrent sur leur mission prioritaire : servir d'intermédiaire entre les entreprises et les demandeurs d'emploi. Le temps est venu pour le gouvernement d'impulser cette politique qui présente l'avantage de ne rien coûter.

Paris, le 12 août 1996


La lettre confédérale CFTC : 26 août 1996

Le regard limpide d'un enfant

Tout se passe comme prévu.

Ignorant la pause estivale, les mauvaises nouvelles ont continué de tomber. Parmi les dernières en date, figurent le maintien du plan social à l'Aérospatiale (bien que le carnet de commandes retrouve une vigueur inconnue depuis cinq ans), le dépôt de bilan de Bally France (chaussures) et des réductions d'effectifs chez Pechiney. Le gouvernement cherche à réconforter son électorat en annonçant une baisse de l'impôt sur le revenu, qui intéressera ceux qui le payent, mais il gardera la hausse provisoire de deux points de TVA décidée en 1995, qui touche tout le monde. Jean Arthuis se livre à un exercice budgétaire d'autant plus périlleux qu'il ambitionne dans le même temps un freinage sensible du déficit public.

De leur côté, les habitués de la météorologie sociale cultivent leur fonds de commerce en pronostiquant un automne chaud.

La CFTC sera, elle aussi, fidèle à elle-même, en se portant au premier rang de l'action partout où l'emploi, les conditions de travail ou le juste salaire seront en cause. Elle le sera toujours de manière constructive, ce qui n'interdit pas la fermeté, bien au contraire. La préparation du Congrès confédéral du 20 au 23 novembre est une période propice à la réflexion sur l'organisation du travail. Quand les uns désespèrent de trouver un emploi, les autres croulent sous une charge de travail qui ne cesse de s'alourdir.

Ce qui est imprévu, c'est la tournure qu'a prise l'épreuve de force entre le gouvernement et les 300 Africains irréguliers qui sont allés de Saint-Amboise à Saint-Bernard pour être reconnus. Jean-Louis Debré a la loi pour lui. Mais le regard limpide d'un enfant aura toujours le dessus dans le coeur des hommes. Heureusement. La justice interpelle le droit. Tout ceux qui se mobilisent aujourd'hui pour les petits Français aux parents interdits devront s'en souvenir chaque fois qu'un conflit s'établira entre les valeurs humaines fondamentales et la loi commune.

Alain Deleu, Président
Le 21 août 1996