Texte intégral
Date : 28 mai 1998
Source : LE PARISIEN
Le Parisien
60 000 emplois jeunes ont été créés à ce jour. Comment comptez-vous atteindre l’objectif de 150 000 d’ici à la fin de l’année ?
Martine Aubry. – Il faut bien comprendre la logique de ce projet. Il repose sur la création d’activités nouvelles destinées à répondre à des besoins nouveaux non satisfaits aujourd’hui : ce sont des emplois de services aux personnes (enfants, personnes âgées, handicapées…) qui améliorent la sécurité, notre qualité de vie, l’environnement ou facilitent l’accès de tous à la culture. Ainsi, les associations, les collectivités locales ont travaillé avec les services de l’Etat pour construire des projets. La montée au puissance du dispositif a été progressive, elle donne aujourd’hui sa pleine mesure.
Soixante mille jeunes sont déjà embauchés mais 40 000 autres emplois sont décidés. La mobilisation ne cesse de se renforcer sur le terrain. Tout laisse à penser aujourd’hui qu’au rythme actuel, nous atteindrons notre objectif de 150 000 emplois d’ici à la fin de l’année.
Le Parisien
Trois quarts des emplois jeunes ont été créés dans l’Éducation nationale. Est-ce le bon équilibre ?
Martine Aubry. – L’Éducation nationale a commencé ses recrutements dès la rentrée scolaire. Elle a créé aujourd’hui 34 000 postes d’aides éducateurs dans les écoles et les collèges. J’entends souvent dire autour de moi combien ils ont su, en quelques mois, par leur dynamisme, leur sérieux et souvent leur fraîcheur, se rendre indispensables à leur établissement.
Le Parisien
Pourquoi seulement 10 000 emplois jeunes dans les collectivités locales ?
Martine Aubry. – Les collectivités locales ne sont pas toutes engagées dans notre programme. Il reste beaucoup à faire. Cependant, dans tous les départements, des communes embauchent des emplois jeunes et leur nombre ne cesse de croître. Et les collectivités participent souvent au cofinancement de projets à l’initiative d’associations.
Date : jeudi 4 juin 1998
Source : LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ
Le Dauphiné libéré
Vous venez aujourd’hui à Grenoble pour observer sur le terrain la mise en œuvre de votre loi sur les emplois-jeunes. Quel bilan dressez-vous à ce jour ?
Martine Aubry. – Aujourd’hui 65 000 jeunes ont trouvé un emploi grâce à ce programme et 40 000 emplois supplémentaires sont déjà signés. Huit mois après le vote de la loi, il s’agit d’un résultat fort encourageant, conforme à nos prévisions (ndlr : 150 000 fin 1998), et d’autant plus remarquable que ce dispositif vise d’abord à répondre à des besoins non satisfaits dans la société pour lesquels chacun des emplois a été conçu à partir d’un projet répondant aux besoins locaux d’une commune, d’un quartier ou d’associations…
D’ailleurs, nous constatons que les créations d’emplois les plus nombreuses visent précisément à développer les services aux personnes – garde des enfants, soutien scolaire, aide aux personnes âgées… - à améliorer la qualité de la vie et de l’environnement, la sécurité, l’éducation, là où les besoins les plus criants existent.
Je suis convaincue qu’il existe partout en France des gisements d’emplois importants auxquels nous pouvons répondre grâce à la mobilisation, à l’imagination des élus, de l’ensemble des collectivités locales, des associations et des citoyens eux-mêmes, comme le montrent les projets élaborés dans ce département, en particulier dans l’agglomération grenobloise.
A l’image de l’ensemble de la politique économique et sociale du Gouvernement, ce programme emplois-jeunes vise, depuis un an, à retrouver une croissance plus riche en emplois, à tourner le dos à la fatalité du chômage et ainsi redonner l’espoir à nos concitoyens, notamment aux jeunes qui ont des difficultés à s’insérer sur le marché du travail. Les premiers effets de cette politique sont bien là, puisque 150 000 hommes et femmes ont quitté le chômage depuis un an.
Le Dauphiné libéré
On vous prête le souhait de revenir sur la mise sous conditions de ressources des allocations familiales. Le Premier ministre est-il prêt à vous suivre sur ce point ?
Martine Aubry. – Quand nous sommes arrivés au Gouvernement, le déficit de la branche famille était de 12 milliards de francs. Pour le combler, nous avons pris des mesures de solidarité, notamment en soumettant l’octroi des allocations familiales à des conditions de ressources.
La volonté de solidarité qui nous animait a été bien comprise mais les associations familiales et les syndicats ont critiqué les modalités de cette mesure. Ils ont souhaité que la solidarité s’exerce par le biais de la fiscalité plutôt qu’à travers des restrictions portant sur l’accès aux allocations familiales.
Nous nous étions engagés envers eux et devant le Parlement à ouvrir ce débat. C’est désormais chose faite. Une large concertation s’est engagée depuis plus d’un mois et le Premier ministre indiquera, le 12 juin, lors de la Conférence de la Famille, les décisions du Gouvernement.
Mais notre attention à l’égard des familles ne doit pas se limiter, quelle que soit l’importance de ces questions, aux aides financières. La famille est le lieu où l’enfant se construit affectivement, mais également où il fait ses premières expériences de la solidarité, du respect de l’autre, de la vie en commun. La famille prépare à la vie adule et constitue un maillon essentiel de la cohésion sociale.
C’est dans cet esprit que nous préparons cette Conférence de la famille… Le rôle des parents est irremplaçable, il doit être revalorisé. Il faut notamment que chaque institution en contact avec les enfants, et particulièrement l’école, associe les parents dans l’analyse des difficultés éventuelles des enfants, et vise à conforter les parents dans leur rôle éducatif. Il convient bien sûr d’aider et d’accompagner les parents qui n’arrivent pas à remplir leurs responsabilités.
Le Dauphiné libéré
Vous avez exprimé votre inquiétude face à la dérive des dépenses de médecine de ville. N’est-il pas urgent de lancer une réforme totale de la Sécurité sociale ?
Martine Aubry. – D’abord, je constate que pour la première fois cette année, les comptes de la Sécurité sociale ont été conformes aux prévisions du Gouvernement. Pour autant, les difficultés demeurent, et la récente dérive des dépenses de santé confirme la fragilité de la situation. Comme je l’ai dit, dès mon arrivée, la véritable réforme structurelle de la Sécurité sociale sera celle qui partira à la fois des malades et des préoccupations des professionnels. Pour que la maîtrise des dépenses réussisse, il faut accroître la responsabilité individuelle et collective des médecins. Il faut mettre en place les outils indispensables qui n’existent pas aujourd’hui : le partage des informations sur les dépenses, l’informatisation des médecins… Mais tout cela ne peut se faire sans le dialogue avec la communauté médicale bien sûr, mais aussi avec les élus et les Français. C’est l’objet des États généraux de la santé que nous venons de lancer et pour lesquels chaque citoyen sera consulté à la rentrée prochaine.