Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Les événements liés à la guerre d’Algérie ont profondément marqué la nation. Ils ont déchiré des familles et provoqué de véritables drames de conscience.
Je peux comprendre – et je comprends – que des femmes et des hommes qui ont personnellement souffert durant cette période se résignent mal au geste d’apaisement voulu par le chef de l’État et souhaité par le pays.
Je peux comprendre – et je comprends – que des députés, parce qu’ils ont vécu intensément cette période, n’aient pas, dans un premier mouvement, accepté certains aspects du texte proposé par le gouvernement.
Je ne leur demande ni de renoncer à leurs sentiments ni d’aller contre leur conscience.
Mais vingt ans ont passé. Une nouvelle génération de Français a pris sa place dans notre longue histoire. Pour nombre d’entre eux, la guerre d’Algérie n’évoque que les pages de leurs manuels d’histoire ou quelques images d’une émission de télévision.
Pourtant ces événements étaient graves. Ils ont même été dramatiques. Et de toutes les images qui en restent, l’une des plus insupportables est sans doute celle de soldats et d’officiers qui se sont dressés contre la République.
Entre, d’une part, le respect de la discipline et la loyauté vis-à-vis de l’État républicain, qui est la règle absolue, et, d’autre part l’idée qu’ils se faisaient du sens de l’honneur, certains ont fait le choix de se rebeller.
Là est la faute : justement sanctionnée.
Vingt années se sont depuis écoulées. Et au fil de ces années, bien des pas ont été effectués dans la voie du pardon.
Les coupables ont été amnistiés, ils ont retrouvé leurs décorations. Il n’y a d’ailleurs pas, en l’occurrence, réparation d’un préjudice qui n’existe pas. C’est pourquoi nous ne permettons qu’une révision de carrière et non une reconstitution. Il s’agit d’un texte à la fois limité dans sa portée et complémentaire des mesures déjà prises depuis 1962. Il s’agit d’un texte qui répond à la demande formulée par beaucoup depuis des années.
Songez-y, Mesdames et Messieurs les députés : un peuple est toujours plus fort lorsqu’il parvient à surmonter ses divisions et à réinsérer les citoyens égarés.
Nous ne sommes pas là pour diviser à nouveau. Nous sommes là pour réconcilier et rassembler.
Le pardon n’est pas l’oubli. Il n’implique aucune approbation des faits qui, hier, ont provoqué les condamnations. Mais la société française doit aider à l’apaisement des esprits, elle doit aider à refermer les plaies.
C’est le rôle du gouvernement.
C’est l’engagement qui avait été pris devant le pays, lors du dernier scrutin présidentiel.
Cet engagement doit donc être tenu. Il le sera.
Il ne peut cependant y avoir de demi-mesure dans le pardon. Il n’existe pas de pardon mesuré, négocié, surtout lorsqu’il émane de la plus haute autorité de l’État. Quant à la graduation des responsabilités, elle a déjà été effectuée par la justice lors des condamnations. Respectons l’autorité de la chose jugée et ne réintroduisons plus de différence entre les grades de ceux qui, à un moment de leur vie et de notre histoire, ont basculé ensemble dans l’aventure et l’illégalité.
En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, le texte qui vous est soumis pose deux problèmes fondamentaux :
D’abord le respect des engagements pris devant le pays. C’est l’honneur de la démocratie.
Ensuite la nécessité de la réconciliation nationale.
N’oublions pas qu’en Algérie il n’y avait pas seulement des soldats et des officiers. Il y avait aussi un million des nôtres, un million de Français. Souvenez-vous des sentiments que la plupart d’entre eux éprouvaient à l’époque. Ils sont aujourd’hui intégrés au sein de notre société. Respectons leur passé. Respectons les sentiments qui sont aujourd’hui les leurs.
C’est pour cette double raison que le Conseil des ministres m’a autorisé, cet après-midi, à engager la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi relatif au règlement de certaines situations résultant des événements d’Afrique du Nord, de la guerre d’Indochine ou de la Seconde Guerre mondiale.
En conséquence, et conformément à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’engage la responsabilité du gouvernement.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie.