Texte intégral
Date : 4 avril 1998
Source : PRÉSENT
Il y a quelques mois, le Grand Maître du Grand Orient, secte maçonnique secrète toute puissante dans la Ve République, affirmait à l’AFP : « Nous avons déclaré au Front national une guerre à mort. L’un de nous deux doit disparaître. »
Les poursuites et la condamnation prononcée par le Tribunal de Versailles, les appels récents à l’exclusion lancés sous les accusations calomnieuses de « racisme » et « xénophobie », à l’occasion des régionales, par les chefs des partis de la Bande des Quatre, le Premier ministre et même le Président de la République, sont des épisodes de cette bataille politique.
Leur but est clair, affaiblir, puis éliminer le Front national, seul mouvement en constante expansion, capable d’assurer l’alternative à 30 ans de politique, ruineuse et criminelle, seul capable aussi de s’opposer à la disparition programmée de la France dans l’Europe de Maastricht.
Pour des faits que je nie formellement et dont il n’a pas été apporté à l’audience aucune preuve, j’ai été condamné dans un jugement qui s’est borné à reproduire le réquisitoire du procureur aux ordres du pouvoir socialo-communiste, à trois mois de prison avec sursis, et surtout à une peine dite complémentaire de deux ans de privation des droits civiques.
Cette peine prononcée pour « violences en réunion », à partir du certificat médical de trois jours d’incapacité de travail présenté par la candidate socialiste, est tout à fait extraordinaire, hors de proportion avec les faits et en outre scandaleuse car je suis innocent. Ce sont, en effet, ces trois jours d’incapacité de travail qui correctionnalisent les faits incriminés et ouvrent la possibilité de privation des droits civiques.
Or, Madame Peulvast n’a jamais été en incapacité de travail, puisque quelques heures plus tard, elle tenait une conférence de presse à Mantes-la-Ville, et les deux jours suivants, continuait sa campagne électorale.
Les seules personnes, qui se trouvaient présentes au moment de l’incident verbal qui m’a opposé à Mme Peulvast, étaient des policiers qui ont témoigné que je ne l’avais pas agressée physiquement, et a fortiori, pas « en réunion ».
Les violences à Mantes-la-Jolie ont été le fait de contre-manifestants réunis là à l’initiative des élus de gauche et sur le conseil du sous-préfet de Mantes, pour s’opposer à la visite de commerçants que je devais faire avec ma fille, candidate du FN, arrivée en tête du premier tour. J’ai été la victime d’un véritable guet-apens politico-médiatique.
La condamnation qui vise essentiellement à me priver des mandats que m’a donné le peuple, et m’empêcher d’être candidat est une infamie politicienne. Quand une telle sanction a été appliquée à des ministres comme Tapie et Emmanuelli, leurs délits financiers avaient été commis dans l’exercice de leur fonction d’élu, ce qui n’est pas mon cas.
Il n’y a que dans les pays totalitaires que les tribunaux sont chargés d’éliminer les adversaires politiques du pouvoir. Et le réquisitoire prononcé contre le FN par Chirac, en relais de celui de Jospin, a pesé plus lourd que celui fait par le procureur, aux ordres de Mme Guigou.
Comme lors des événements récents et relatifs aux élections régionales, c’est le mouvement de millions de Français, le Front national et son chef, qui sont visés par cette manœuvre indigne.
On ne peut pas, au nom du peuple français, éliminer de la scène politique les représentants du peuple français sous un prétexte aussi fallacieux.
J’appelle le peuple de France, les Français ennemis de ces magouilles et scandales incessants, des abus et des mensonges de la classe politique, et inquiets du complot euro-maastrichien contre l’indépendance de la France et la souveraineté de la République française, à venir massivement le premier mai, avec le Front national, pour commémorer la libératrice de la France, Jeanne d’Arc, honorer le peuple des travailleurs français, témoigner pour la défense de la France et de la République française.
Un peuple qui subit l’injustice sans réagir est condamné à disparaître.
Bien sûr, je ferai appel de ce jugement de circonstance,
- qui n’a pas pris en compte les débats qui m’avaient exonéré des faits qui m’étaient reprochés,
- qui comporte de nombreuses contradictions ainsi que des erreurs matérielles manifestes sur le
déroulement des faits,
- qui néglige la règle voulant que le doute pénal bénéficie au prévenu,
- qui choisit de manière sectaire les témoignages chargeant le prévenu et rejette ceux qui peuvent lui être
favorables,
- bref, de ce jugement qui est l’illustration même des méthodes déviantes utilisées contre le Front national,
méthodes qui dénaturent la démocratie, affaiblissent la République et déshonorent la France.
Navré de décevoir ceux qui y voient une attaque, certes sournoise, mais efficace ! Les persécutions dont il est l’objet ont toujours renforcé le Front national et mobilisé de plus en plus d’électeurs français à son appui.
Date : 8 avril 1998
Source : MINUTE
Minute : Estimez-vous qu’aujourd’hui le Front national fasse l’objet d’un traitement judiciaire particulier ?
Jean-Marie Le Pen : Tout à fait. Il est évident et officiel que le garde des Sceaux, Mme Guigou, a donné des ordres au parquet pour que le Front national soit poursuivi chaque fois que cela serait possible. Partout les parquets engagent des actions ou font appel et prononcent des réquisitoires contre le FN, contre ses militants, ses dirigeants, et en toutes circonstances. Il y a un mot d’ordre judiciaire qui évidemment trouve un écho favorable dans les milieux maçonniques et au Syndicat de la magistrature, entre autres.
Minute : On a beaucoup parlé de votre condamnation pour les incidents de Mantes-la-Jolie. Mais vous aviez vous-même et votre mouvement déposé plainte contre vos agresseurs. Où en est-ce second procès ?
Jean-Marie Le Pen : Ce procès est venu il y a quelques jours et va me donner l’occasion d’engager des poursuites pour faux témoignage contre Mme Peulvast-Bergeal et contre le commandant Laurent des Renseignements généraux, qui ont fait des dépositions différentes de celles qu’ils avaient faites lors de mon procès à Versailles. Cela vient d’être plaidé et il est apparu d’une façon extrêmement claire qu’il s’agissait bien d’un guet-apens déclenché par Mme Schwob, la femme d’un conseiller général RPR, qui a averti le SCALP ou Ras-l’Front par téléphone en disant : « Le Pen vient demain. » Là-dessus, le maire communiste de Limay a été averti, a mobilisé ses conseillers municipaux et ses partisans qui, au lieu d’attendre Mme Peulvast à Limay, ce qui était prévu, se sont déplacés à l’incitation du sous-préfet, agissant sur l’ordre du préfet des Yvelines.
Ma « réception » à Mantes-la-Jolie a donc été organisée par la préfecture des Yvelines, la sous-préfecture, avec la complicité des élus socialistes et communistes. Il est à noter que dans ce procès-là, il est apparu clairement que l’effectif policier était tout à fait sous-dimensionné. La preuve : je suis allé dans un dîner
privé à Mantes quelques jours avant, il y avait 150 policiers sur le pied de guerre pour éviter les incidents. Or là, il y avait 12 policiers en civil sans leur brassard, et ce sont eux, en m’accompagnant, qui ont donné l’impression qu’il y avait le DPS (le service de protection et de sécurité du FN) ! De toute évidence, on cherchait l’incident.
Minute : Dans certains milieux de droite, on évoque une possible interdiction du Front national, Pierre Mazeaud a même envisagé d’inclure un article « antiraciste » dans le préambule de la Constitution. Or ce dernier est désormais membre du Conseil constitutionnel…
Jean-Marie Le Pen : Les récentes nominations au Conseil constitutionnel aussi bien que celle du médiateur ont un critère commun : l’hostilité au Front national. Ce qui n’a aucune importance en l’occurrence, puisque ce n’est pas le Conseil constitutionnel qui est juge des décrets pris en Conseil des ministres, seul à pouvoir prononcer la dissolution d’un mouvement, mais le Conseil d’État. L’idée de cette dissolution, caressée par un certain nombre d’élus de droite qui souhaiteraient se débarrasser d’un concurrent redoutable (plus que par les élus de gauche, à part une idéologue comme Mme Lienemann), est une aberration. Car prétendre dissoudre comme ligue ou comme milice privée un mouvement politique qui existe depuis 25 ans et qui n’a jamais contrevenu en quoi que ce soit à la loi ou la Constitution, qui a des élus à tous les niveaux de la vie politique, montrerait que nous sommes beaucoup plus loin que nous le croyons sur le chemin de la république bananière.
Le mot « racisme » est chargé d’une force négative considérable après 50 ans de propagande antinazie, antifasciste et antiraciste, mais le Front national n’est pas raciste et il le démontre dans les faits : par exemple dans son groupe élu en Provence-Alpes-Côte-D’azur, il y a une conseillère juive, un conseiller arabe, et un conseiller noir, qui en est d’ailleurs le benjamin. Un parti raciste n’aurait pas organisé la tournée électorale de son président avec une chanteuse noire, militante du FN. La vérité, c’est que n’osant pas attaquer le nationalisme de front, ils disent : c’est du racisme ! Et pourquoi ne veulent-ils pas attaquer le nationalisme ? Parce que, voulant fondre notre identité dans l’Europe de Maastricht, ils ont peur qu’une réaction majoritaire s’organise autour de la défense de la France et de la République française. Voilà le fond du problème et c’est là où le débat est biaisé. Ces gens sont des menteurs. Avec un menteur en chef, le Président de la République !
Minute : Précisément, le Président de la République parle d’une modernisation de la vie politique…
Jean-Marie Le Pen : Le discours du Président de la République était pitoyable. Le problème n’est pas de moderniser la vie politique, mais de la moraliser et de la démocratiser. Il faut rendre la parole au peuple et respecter la volonté qu’il exprime dans le cadre des élections. Manipuler les modes de scrutin, c’est un procédé de truqueur, de mafieux : on change la règle quand on perd. C’est à échéance signer sa condamnation. Sans rémission. La IVe République, qui a appliqué exactement la même stratégie à l’égard de De Gaulle que la Ve applique à l’égard de Le Pen, a fini piteusement, comme finira la Ve.
Minute : Les derniers développements des élections régionales vous inspirent-ils des réflexions particulières ?
Jean-Marie Le Pen : Elles ont démontré d’abord la bonne santé du Front national qui continue à progresser de façon significative, malgré les persécutions de tous ordres dont il est l’objet. Elles ont démontré la stagnation de la gauche et le recul sensible de la droite, et confirmé qu’il y avait entre la gauche et la droite un pacte de partage des régions au bénéfice des candidats qui auraient la majorité relative. La droite, en particulier, a accepté, alors qu’elle avait la majorité dans 20 régions avec le Front national, de faire cadeau de ces régions à la gauche. Je pense que cela va avoir des conséquences politiques considérables sur la droite parlementaire.
Date : 14 avril 1998
Source : LE FIGARO
Le Figaro : Le bilan des régionales, pour vous, est-il bon ou mauvais ?
J.-M. Le Pen : Il est très bon, évidemment. Nous sommes le seul mouvement à avoir gagné des points : la gauche a stagné, le PC a même reculé, la droite également. Et, à la suite de l’incroyable décision d’abandonner les régions où la droite est majoritaire face à la gauche, RPR et UDF sont dans un état de désagrégation avancée. Le Front national reste l’arbitre dans presque toutes les régions. Il est évident qu’il déterminera son attitude en regard du comportement de la classe politique à son égard. Ce n’est un secret pour personne que le Front national est las d’être injurié, calomnié, diffamé et qu’il entend que ceux qui l’ont fait viennent à repentance, parce qu’il y a des règles morales de la vie politique. L’une de celles-ci, c’est l’interdiction du mensonge.
Le Figaro : Qu’entendez-vous par « mensonge » ?
J.-M. Le Pen : Le tabou, c’est la mise à l’écart du FN ou le fait de décompter ses scrutins. C’est une agression intolérable contre les millions d’électeurs qu’il représente, c’est un déséquilibre de la vie publique, c’est une anomalie juridique qu’il faut éradiquer. Le mensonge, c’est, par exemple, le slogan « Raciste, xénophobe et antisémite ». Les seuls griefs qui sont articulés contre le Front et qui nourrissent ou sont censés nourrir la vindicte populaire, ou, en tous les cas, la peur, la méfiance ou l’hostilité, ce sont des mots non seulement vides de sens mais contraires à la réalité des écrits des discours et des faits. Le FN devrait être éventuellement affronté sur le terrain de son programme, de ses critiques, de ses discours, comme un parti politique ordinaire.
Le Figaro : Si l’on se fie à ces régionales, les forces de droite modérée, dans leur grande majorité, continuent à vous rejeter violemment…
J.-M. Le Pen : Vous voulez dire les états-majors… Mais ce n’est pas tellement de chefs que nous avons besoin, c’est d’électeurs ! Encore que nous ne soyons pas hostiles à nous voir rejoindre par des personnalités françaises…
Le Figaro : Il y a tout de même une résistance puisque les élus qui ont accepté vos voix ont eux-mêmes été exclus…
J.-M. Le Pen : Oui, mais c’est aux prochaines élections qu’il va y avoir le châtiment, car les électeurs RPR et UDF sont fous de rage, pour la plupart d’entre eux, de l’abandon, gracieusement fait, des régions où la gauche était minoritaire. Ils y voient une trahison.
Le Figaro : Les sondages indiquent plutôt le contraire…
J.-M. Le Pen : Je crois que l’opinion est intoxiquée par les campagnes de diabolisation qui ont été menées contre le FN. Mais tout cela étant éminemment virtuel, éminemment fantasmatique, quand la réalité s’impose, les mentalités changent quelquefois en l’espace de quelques minutes.
Le Figaro : Souhaitez-vous un rapprochement avec ceux des responsables de la droite qui le voudraient, ou attendez-vous la disparition de la droite à votre profit ?
J.-M. Le Pen : On confond deux plans, le plan politique et le plan électoral. Le plan électoral suppose des accords, généralement sur une plate-forme commune préalable. Il y a donc bien communauté entre ceux qui acceptent ou recherchent un accord électoral avec la droite nationale et ceux qui ne l’acceptent pas. Comme dans tous les scrutins à deux tours, ces accords supposent qu’au premier tour on choisit et qu’au deuxième on écarte. Qu’est-ce qu’un accord électoral ? Je te tends la main pour sortir de l’eau, tu me la tends pour monter à l’échelle. Cela ne veut pas dire qu’on va se marier, ni même dîner ensemble ce soir.
Le Figaro : Que répondez-vous à ceux qui disent que les valeurs du RPR et de l’UDF sont aux antipodes de celles du FN et rendent tout rapprochement impossible ?
J.-M. Le Pen : Quelles sont leurs valeurs ? J’ai énoncé clairement les nôtres : le Décalogue, les valeurs platoniciennes du beau, du bon et du vrai, les valeurs démocratiques de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les grandes valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité, mais aussi de famille, de patrie, de travail, d’honneur, de dévouement, de sacrifice, d’effort, de solidarité, etc. J’y ajoute la droiture, la fidélité, le patriotisme… Quelles sont les leurs ? Et en quoi notre système de valeurs interdit-il de façon absolue un accord électoral ? De qui les gens du RPR et de l’UDF se sentent-ils plus proches ? Des socialo-communistes, ou du Front national ? Quand il y a dilemme, il faut choisir. Qu’ils disent à leurs électeurs : nous, nous préférons les socialo-communistes au Front national. Et en disant pourquoi. A ce moment-là, ils essaieront de retrouver leurs électeurs avec une loupe…
Le Figaro : On peut vous poser la même question : aujourd’hui considérez-vous que la droite parlementaire est moins mauvaise que la gauche, ou pas ? Le slogan « Ni droite ni gauche, Français » reste-t-il valable ?
J.-M. Le Pen : Il reste vrai. Ce slogan - qui n’est en effet qu’un slogan - part d’un constat : c’est que la gauche institutionnelle - y compris les communistes - et la droite ont fait depuis vingt-cinq ans la même politique, à des nuances près ; que ces politiques ont toutes les deux échoué et que le salut ne peut venir que d’une politique alternative. On ne peut, bien sûr, pas l’attendre de la gauche, puisque la politique menée correspond à son programme, mais pas non plus de la droite qui en est incapable, prise dans ses contradictions et dans ses échecs. Cette politique alternative ne peut donc s’articuler qu’autour du Front national, moteur et chef de file d’une nouvelle politique.
Le Figaro : Vous avez relancé l’offensive, lors de votre dernier conseil national, contre Maastricht. Croyez-
vous encore possible d’empêcher la mise en place de l’euro ?
J.-M. Le Pen : Bien sûr. L’euro va nous amener à une ruine aggravée, va diminuer la liberté, l’égalité, la fraternité ; il va, en tant que monnaie unique, conduire à un budget unique, et donc, à une politique unique. C’est donc la fin de l’indépendance de la France, de sa souveraineté et, donc, de la République française. Normalement, s’il y avait un projet politique fédéraliste, il devrait précéder la monnaie unique. Or, de toute évidence, on se sert de la monnaie unique pour forcer les institutions vers le fédéralisme, et par
conséquent vers l’abdication de l’indépendance française. L’euro, c’est Sedan. Dans ces conditions, le Front national, après les régionales, passe à l’étape suivante de la bataille, qui peut le conduire à obtenir la majorité aux élections européennes. Il y a une majorité de Français hostiles à l’euromondialisme et à l’euro, et nous n’avons pas de concurrent sérieux sur le thème de l’hostilité à Maastricht et à Amsterdam. Évidemment, comme je l’ai dit, on sortira du placard à balais le vicomte et M. Pasqua. M. Hue aura à nous expliquer qu’il est contre Maastricht et contre l’Europe, alors que ses ministres au Gouvernement sont solidaires de la politique qui est menée. Le FN va donc être seul sur le terrain. Il a vocation majoritaire.
Le Figaro : Il est question de changer le mode de scrutin…
J.-M. Le Pen : Oui, mais les modes de scrutin sont des mécanismes qu’on ne peut pas manipuler sans risques. C’est une arme boomerang. Par exemple, à l’élection européenne, si nous faisons 50 %, nous
aurons la moitié des sièges à la proportionnelle, alors qu’au scrutin majoritaire nous en aurions peut-être la totalité…
Le Figaro : Votre condamnation risque de vous empêcher de conduire une liste à ces élections…
J.-M. Le Pen : L’affaire de Mantes-la-Jolie et la décision du tribunal sont politiques, puisque le jugement a adopté totalement le point de vue du parquet, qui, on le sait, est le point de vue du garde des Sceaux et du Gouvernement. Et cela sans discussion, sans tenir compte des trente heures de débat d’audience. Il n’est pas sûr du tout que les deux autres niveaux de jugement et de réformation - la cour d’appel et la Cour de cassation - soient de cet avis. Je ne sais pas ce que seront les délais. Mais je dois vous dire que cela ne m’inquiète pas, car je proposerai et je ferai adopter par nos instances une solution qui sera sinon aussi bonne, en tous les cas presque aussi bonne - ou peut-être même meilleure après tout - que celle de la conduite de la liste par Jean-Marie Le Pen. Vous pensez bien que nous n’allons pas nous laisser piéger comme des enfants par la décision des trois Parques de Versailles. Ce ne sont pas elles qui vont changer l’avenir politique de la France. D’autant plus que cette affaire de Mantes-la-Jolie est un guet-apens.
Le Figaro : Que voulez-vous dire ?
J.-M. Le Pen : Nous en avons fait la preuve à l’occasion du deuxième procès, celui que nous avons fait en diffamation envers le sous-préfet de Mantes et Mme Peulvast. Au cours de ce procès, on s’est aperçu beaucoup plus clairement que ma venue dans cette circonscription pour soutenir ma fille avait donné lieu à
une véritable embuscade : il est apparu que c’était une militante RPR qui avait prévenu Ras l’Front, lequel avait averti le maire communiste de Limay, lequel avait battu le branle avec l’accord du sous-préfet de Mantes. Autre preuve plus pertinente encore : huit jours avant, alors que je venais à un dîner privé à Mantes, il y avait 150 CRS en tenue pour protéger ce dîner. Huit jours après, alors que me rendais en campagne sur les marchés, alors qu’il y avait une contre-manifestation organisée par les élus de gauche avec l’appui des organisations activistes - Ras l’Front, Scalp, etc. -, il n’y avait que 12 policiers en civil et une section en uniforme à cinq cents mètres de là. Le sous-préfet avait dit que j’avais jeté à terre Mme Peulvast et que l’avais piétinée. Or les débats ont montré qu’il n’y avait pas une seule preuve que j’ai touché Mme Peulvast. Les deux policiers présents ont dit le contraire. J’ai donc poursuivi le sous-préfet. Mme Peulvast s’est fait donner un certificat d’interruption de travail de trois jours. Or c’est ce certificat qui a permis ma citation en correctionnelle, et qui a donc ouvert la possibilité de l’inéligibilité. Mais ce certificat ne correspondait pas à la réalité puisque, le jour même, Mme Peulvast tenait une conférence de presse et, les jours suivants, elle faisait campagne normalement, sans problème. Permettez-moi de vous faire remarquer, d’autre part - parce que cela fut peu porté à la connaissance de nos concitoyens -, que nous avons, de notre côté, été constamment agressés, depuis plusieurs mois, singulièrement pendant la campagne électorale, que nous avons eu des blessés, certains sérieusement. Pendant les élections dans les conseils régionaux, ceux-ci ont été envahis par des militants de Ras l’Front, du Scalp, etc., qui ont bousculé, voire battu des conseillers régionaux. Et je vous rappelle la mésaventure arrivée à M. Alain Bayrou, qui n’est pas des nôtres, mais s’était rendu coupable de souhaiter à un rapprochement de la droite RPR-UDF avec nous : il a eu la jambe cassée à coups de barre de fer, dans le conseil général des Hautes-Alpes, qu’il préside.
Le Figaro : Revenons aux européennes. Qui conduirait la liste à votre place si vous ne le pouvez pas vous-même ? Bruno Mégret ?
J.-M. Le Pen : Nous n’avons rien décidé. Cela ne nous pose pas de problème, puisque, de toute façon, c’est Le Pen qui fera campagne. Cette liste sera celle du Front national, dont le président est Jean-Marie Le Pen. En toute hypothèse. Mes adversaires politiques, même judiciaires, n’ont pas la possibilité de me retirer mon poste de président du Front national. Alors, évidemment, ils peuvent espérer empêcher les citoyens français de choisir librement leurs candidats. Mais ce n’est pas moi dont ils violeront les droits. Ce sont des millions de Français qui peuvent avoir des mouvements de mauvaise humeur.
Le Figaro : Pensez-vous que l’avenir du Front national est assuré de toute façon ?
J.-M. Le Pen : De toute façon. Je ne m’inquiète pas. Ceux qui pourront et qui devront prendre ma succession ont vécu avec moi les difficultés de la persécution, ils savent donc qu’il y a un certain nombre de conditions fondamentales à remplir pour le maintien et le développement du mouvement national, et aucun d’eux, j’en suis sûr, ne se prêtera à une opération qui pourrait aboutir à affaiblir ou à diviser le mouvement. Imaginons que je disparaisse - je peux être victime d’un terroriste, d’un infarctus ou d’un accident d’avion. Nos statuts ont prévu cela. Il y aura un congrès, des élections et un nouveau président.