Texte intégral
C. Barbier.- N. Sarkozy défendra aujourd'hui à Bruxelles la politique française envers les Roms. L'image du pays n'est-elle pas en train de se désagréger dans un tel degré qu'il faudrait cesser les expulsions massives de Roms ?
On est quand même à front renversé dans cette affaire. La France est le premier pays de terre d'asile d'Europe ! C'est le deuxième au monde, et on vient se faire prendre des leçons par une commissaire européenne qui compare la politique, tout simplement d'application du droit, de la loi nationale et européenne, à ce qui s'est passé au moment de la Seconde Guerre mondiale ?
Elle a exprimé ses regrets. Est-ce que N. Sarkozy ne doit pas aussi s'excuser pour avoir dit : « vous n'avez qu'à accueillir des Roms au Luxembourg » ?
Le temps va être à l'apaisement, on va rentrer dans une séquence diplomatique. En tout cas, moi, responsable politique français, qui entend une commissaire européenne insulter la France, alors que ce n'est pas un échec français sur l'affaire des Roms, c'est un échec européen, depuis les élargissements de 2004 et de 2007, et que c'est un échec européen et que c'est à la Commission d'appréhender avec la Roumanie, et de voir quels sont les dispositifs budgétaires, financiers, légaux, d'application des traités, pour faire en sorte que l'on n'ait plus la question des Roms, et par extension, la question des gens, qui sont des gens du voyage, où les lois sont appliquées. Et je rappelle qu'aucune décision prise par le Gouvernement français, n'a été prise sans une autorisation de la justice. Donc il faut...
La circulaire était quand même d'une grande maladresse. Elle donnait l'impression qu'on abandonnait notre tradition...
Elle aussi a été retirée. Madame Reding retire ses propos infamant, cette circulaire qui pouvait être mal interprétée a été retirée. On est sur le chemin traditionnel de l'application du droit, c'est le respect de l'état de droit. Et je vais même aller plus loin : j'ai tendance à penser que ne pas respecter le droit dans un pays comme le nôtre, c'est abimer, dans les deux sens du terme, notre pacte républicain. C'est-à-dire prendre le risque de l'égratigner en profondeur et peut-être même de le faire échouer.
La réforme des retraites, elle, a été votée hier. Pourquoi ce passage en force de la majorité ? Vous pouviez redonner encore 24 heures de débats aux socialistes.
On peut même donner deux jours, dix jours... C'est hallucinant. Je ne suis pas sûr d'ailleurs que le groupe socialiste ait donné une bonne image de lui-même. Et je crois comprendre que monsieur Ayrault avait même une idée supplémentaire au moment du vote, c'est-à-dire de tourner le dos à la présidence. Il y a une part de théâtre, dans un hémicycle, il y a une part de flibusterie de la part de l'opposition, et puis il y a une part de responsabilité. Qu'est-ce que l'on retiendra de ce dossier des retraites ? C'est que le gouvernement de F. Fillon, sous l'impulsion de N. Sarkozy, a adapté démographiquement, une réponse démographique et un projet démographique, et que la gauche, elle, s'est crispée dans sa probité candide, dans un dogme d'il y a trente ans, totalement dépassé par les évolutions démographiques.
F. Fillon a surtout brillé par son absence hier. Est-ce qu'il laisse filer les affaires, maintenant qu'il sait qu'il va être remanié ?
Je ne crois pas. Ce n'est pas le sentiment que j'ai. Je suis aux réunions d'arbitrages à ses côtés quasiment tous les jours, il est très impliqué. Simplement, il y a une organisation, il y a un ministre du Travail, ils ont été là, jour et nuit, et G. Tron et E. Woerth, c'est bien normal. Enfin, je ne vois pas le problème.
Vous évoquez les arbitrages dans la préparation du budget 2011. C. Lagarde a tout donné, hier, dans Le Figaro. A quoi sert le ministre du Budget ? Avez-vous été court-circuité ?
C. Lagarde s'occupe de l'Economie et de l'Emploi et de...
Ah ben elle s'est un peu occupée du Budget hier ! Elle a parlé...
... et de l'Industrie. Elle ne me demande pas l'autorisation pour parler du budget, je ne lui demande pas l'autorisation pour parler d'économie. Elle a remis dans sa voix tout ce qui était déjà sorti, on n'a plus beaucoup d'arbitrages, les derniers arbitrages ont été rendus. Notre objectif commun, c'est d'avoir 40 milliards d'économies.
Ce coup de rabot sur les niches fiscales, dit G. Carrez, le rapporteur du Budget, n'est qu'un coup de "lime à ongles". Que lui répondez-vous ?
Je lui ai déjà répondu. J'ai quand même plutôt l'impression d'être un charpentier et menuisier, qui est en train de bâtir une maison solide pour réduire nos déficits, que d'une manucure qui va couper les vieilles peaux d'un fakir.
Est-ce que, à l'inverse, vous n'êtes pas en train de casser la reprise économique, en supprimant des niches fiscales qui incitaient à investir ?
Je ne crois pas. Je crois que justement tout l'objectif est de profiter de ces bonnes nouvelles, importantes, sur le front de l'emploi, sur le front des recettes, sur le front des réformes également, qui ont permis d'avoir quelques milliards devant nous, qui nous ont permis aussi d'éviter de prendre des mesures trop difficiles, trop rigoureuses. Le budget il est équilibré, il est juste, il a un sens politique. Le sens politique, c'est que l'on épargne les publics les plus fragiles, et l'autre sens politique, c'est qu'on évite de basculer dans des plans trop récessifs, trop durs, et qui nous permet d'éviter de casser, en effet, la croissance. On sera à 1,5, peut-être même, peut-être même un peu plus. J'ai déjà annoncé, mardi dernier, que nous aurions un niveau de déficit en dessous de 8. Est-ce qu'on tombe à 7,9, est-ce que l'on tombe à 7,8 ? C'est vraiment atteignable. Cela veut dire que vraiment, nous sommes dans une sortie de crise.
Les niches fiscales favorisant l'Outre-Mer : vous avez été ministre de l'Outre-Mer, est-ce qu'elles seront préservées ?
J'ai été ministre de l'Outre-Mer pendant deux ans et j'en ai retiré une conviction, c'est que s'il n'y a pas de dispositif dérogatoire au droit commun en matière fiscale, il n'y a pas de perspective d'économies. Il y a eu la crise guadeloupéenne, N. Sarkozy a pris des engagements très forts de ne pas déstabiliser ces territoires, qui lorsqu'une crise mondiale impacte, les impacte encore beaucoup plus, y compris socialement. Donc ceux qui voulaient "supprimer" - entre guillemets - les niches fiscales de l'Outre-Mer, avant l'été, n'auront pas de réponse positive du Gouvernement. Nous préservons le dispositif de défiscalisation, qui passe sous le rabot de 10 %. C'est un effort collectif, avec une préservation d'un outil efficace pour ces territoires.
Et pour l'intéressement en entreprise ? Le Gouvernement, l'année dernière, a incité les entreprises à s'engager dans cette voie, et là, vous allez casser les reins en supprimant la niche fiscale ?
On est obligé de faire des choix. Comme disait Gide, "choisir, c'est renoncer", on ne renonce ni à l'intéressement ni à la participation, mais on a besoin de trouver 40 milliards. 40 milliards, ça ne s'est jamais fait. 10 milliards de réductions de niche, ça ne s'est jamais fait. Réduire de 2 points le déficit, ça ne s'est jamais fait. Notre conviction, et ma conviction, c'est que réduire les déficits de manière drastique, c'est un élément de relance de la confiance. C'est ça qui va redonner de l'énergie collective à notre pays.
Il y a une belle niche fiscale, c'est le bouclier fiscal. Est-ce que vous êtes pour conditionner le bouclier à l'investissement des plus riches dans les PME ?
On n'est pas pour ouvrir le débat autour du grand soir fiscal, ni sur le bouclier ni sur l'ISF. Il y aura des tentations, naturellement, pendant le débat parlementaire. Moi, je suis pour une stabilité fiscale, je pense qu'à l'échelle d'une législature, il faut conserver ces outils. Maintenant, s'il y a un débat sur le bouclier, il doit y avoir un débat sur l'ISF. Est-ce que ça ne risque pas d'être un marché de dupes ? C'est le sens du travail que l'on est en train de mener avec nos amis Allemands. Vous connaissez l'idée de la convergence fiscale...
Ça va nous permettre de supprimer le bouclier fiscal et l'ISF en même temps ?
Il ne peut pas y avoir de suppression de bouclier, s'il n'y a pas de suppression de l'ISF. On n'est pas prêts pour cette loi de finances. Le débat est vertueux, il avancera au fur et à mesure où on se rapprochera de l'élection présidentielle. Mais ce ne sera pas que ça, ce sera aussi la fixation d'un taux d'une tranche d'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu. C'est ça le grand soir fiscal. Je crois qu'il faut attendre encore quelques mois.
C. Lagarde ne se sent pas capable de diriger le Gouvernement. Et vous ? Votre nom revient régulièrement...
Je ne rentre pas dans ces spéculations, ni dans un sens ni dans l'autre. Je trouve que l'on a un excellent Premier ministre, et puis...
Vous ne vous sentez pas incapable quand même ?
...Et c'est le président de la République qui est maître du jeu et du temps. Moi, j'ai 40 milliards à trouver, on les a trouvés et on les présentera.
Si le directeur général de la Police nationale, F. Péchenard, est bien intervenu, comme le dit Le Parisien, pour éviter des ennuis judiciaires à son fils, ne doit-il pas démissionner ?
Ça, c'est quand même aller bien vite en besogne. F. Péchenard est un immense policier, c'est quelqu'un qui a rendu des services considérables à un certain nombre de...
Ça vaut autorisation d'intervenir ?
Ça vaut d'abord vérification. Et entre les uns et les autres, j'ai tendance à accorder une pleine confiance à F. Péchenard.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 septembre 2010