Déclaration de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur l'orientation des finances publiques, au Sénat le 11 juillet 2019.

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Circonstance : Débat puis discussion en procédure accélérée d'un projet de loi au Sénat

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur l'orientation des finances publiques et la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018 (projet n° 589, rapport n° 625).

La conférence des présidents a décidé de joindre la discussion générale de ce projet de loi au débat sur l'orientation des finances publiques.

(…)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'an dernier, la discussion qui nous occupe aujourd'hui couvre à la fois le passé et l'avenir – c'est une différence avec le débat organisé à l'Assemblée nationale –, le passé, avec le projet de loi de règlement des comptes de l'année 2018, et l'avenir, avec le débat d'orientation des finances publiques. J'en suis d'autant plus heureux que les deux ne sont évidemment pas sans lien, le passé pouvant éclairer l'avenir. Le cycle budgétaire a d'ailleurs cela de rituel qu'il permet de traduire rapidement la volonté présidentielle et l'action du Gouvernement et de fournir, quelques mois après la nomination de celui-ci, un premier bilan.

Comme le prouve le projet de loi de règlement des comptes, ce bilan est favorable, puisqu'il démontre que nous avons financé nos premières mesures en faveur du pouvoir d'achat, tout en étant sérieux budgétairement et en maîtrisant la dépense publique.

Ces bons résultats ont été acquis grâce à une action déterminée du Gouvernement et des parlementaires qui ont bien voulu nous soutenir. Ils s'accompagnent d'une remise en ordre de nos comptes publics que le projet de loi de règlement met en évidence comme les deux derniers rapports de la Cour des comptes. Je note que le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a également salué cette remise en ordre ; ses remarques sur la sincérité budgétaire sont d'autant plus importantes à mes yeux qu'il avait mis cet aspect en avant pour refuser le dernier budget du quinquennat précédent – la Cour des comptes a d'ailleurs souligné combien le Sénat avait eu raison au sujet de cette insincérité budgétaire.

Notre devoir est de consolider les acquis du début du quinquennat et de poursuivre le rétablissement de nos comptes pour préserver la souveraineté budgétaire de notre pays, dont la signature est, comme vous l'aurez constaté, unanimement reconnue sur les marchés.

Je suis certain que nous pourrons progresser de concert sur cette voie de la sincérité pour financer les très importantes baisses d'impôts annoncées par le Président de la République. Je dis « de concert », car je ne doute pas que ceux qui, dans l'opposition, s'inquiètent du financement de ces baisses d'impôts seront les premiers à les voter… Chacun doit être cohérent !

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes en train de vivre un moment très particulier de notre histoire budgétaire et économique. Le 18 juin – date chère à la plupart d'entre nous –, la France a emprunté à des taux négatifs.

Avec deux années successives sous la barre des 3 % de déficit, nous avons réussi à redresser nos comptes publics et à emprunter, dans le même espace monétaire, à des taux d'intérêt inférieurs de plus de deux points à ceux de certains pays comme l'Italie. Nous le devons notamment au fait que nos comptes sont sincères et que nos efforts de réforme méritent que la France ait des taux d'intérêt extrêmement bas. C'est en tout cas ce que pensent nos créanciers, dont plus de la moitié réside hors d'Europe et qui possèdent l'équivalent de 100 % de notre richesse nationale.

Depuis deux ans, le déficit est inférieur à 3 %, ce qui n'était jamais arrivé depuis dix ans. Comme le constate définitivement le projet de loi de règlement, le déficit des administrations publiques s'élève in fine à 2,5 % contre un objectif de 2,7 % dans le dernier projet de loi de finances, soit une différence de 4 milliards d'euros. Je me permets de rappeler qu'un déficit de 2,5 % en 2018 intégrant celui du système ferroviaire – autre aspect de sincérité budgétaire –, c'est un point de moins que le déficit estimé par la Cour des comptes à l'arrivée du Gouvernement au milieu de l'année 2017 et c'est le meilleur résultat depuis 2006. C'est une amélioration de 20 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la Cour.

Comme vous pouvez le constater, ce résultat est avant tout le fruit d'une meilleure maîtrise de la dépense publique qui a décru en volume en 2018 pour la première fois, mais aussi d'une budgétisation sincère et d'hypothèses macroéconomiques prudentes, comme l'ont souligné la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. Le ratio de dépenses publiques rapportées au PIB est ainsi passé de 55 % à 54,4 % entre 2017 et 2018. Voilà plus de trente ans que cela n'était pas arrivé !

Dans les faits, les résultats sont là, et ce quels que soient les acteurs de la dépense publique.

À l'échelon de l'État, le Gouvernement a strictement tenu, monsieur le rapporteur général, l'objectif de dépenses qu'il s'était fixé en loi de finances initiale, soit 425,4 milliards d'euros, en dépit d'une révision à la hausse à la fois de la charge de la dette et de notre contribution au budget européen.

Sur la norme de dépenses pilotables, c'est-à-dire ce qui est « à la main » des ministères, l'État a même dépensé 1,4 milliard d'euros de moins que l'objectif voté dans le budget pour 2018, ce qui explique en partie l'amélioration du déficit public.

Ces évolutions sont clairement en rupture avec les années passées, au cours desquelles la charge de la dette comme le budget européen étaient quasi systématiquement révisés à la baisse, ce qui facilitait l'exercice de bouclage du budget dans un contexte de dépassement budgétaire.

Dans la sphère sociale, l'objectif d'évolution des dépenses de l'assurance maladie a été respecté et la maîtrise des dépenses de santé a rendu possible, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, le redéploiement de plus de 300 millions d'euros en faveur de l'hôpital. De fait, le redressement des comptes de la sécurité sociale s'est consolidé malgré le ralentissement conjoncturel du second semestre 2018 qui a pesé sur les recettes du régime général. Cela démontre qu'il est possible de tenir les comptes sociaux, désormais proches de l'équilibre – situation que la sécurité sociale n'a pas connue depuis 2001 –, tout en finançant les mesures de pouvoir d'achat en faveur des actifs.

Dans les collectivités territoriales, mesdames, messieurs les sénateurs, force est de constater que la contractualisation, tant décriée, était conforme à la Constitution et qu'elle a bien fonctionné. Les chiffres figurent dans le bilan détaillé demandé par le Parlement au Gouvernement en application de la dernière loi de programmation des finances publiques : en moyenne, les collectivités locales entrant dans le champ de cette contractualisation ont connu une diminution de leurs dépenses de fonctionnement bien supérieure à l'objectif de Cahors. Les plus grosses d'entre elles, environ 320, ont effectivement tenu leurs dépenses de fonctionnement, tout en investissant comme elles ne l'avaient jamais fait, même en tenant compte du cycle électoral.

Vous constaterez aussi que les autres collectivités sont restées proches de l'objectif national, si bien qu'en moyenne les résultats de l'année 2018 sont globalement favorables – l'évolution des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des collectivités a nettement ralenti et a été contenue à 0,3 %. L'investissement public est reparti à la hausse et la Cour des comptes a eu raison de souligner que la politique du Gouvernement a permis aux collectivités de s'engager de nouveau sur la voie de l'investissement.

Au-delà de la qualité des résultats budgétaires eux-mêmes, ce projet de loi de règlement témoigne également d'une gestion budgétaire plus apaisée et plus respectueuse de l'autorisation parlementaire. Sous le gouvernement précédent, le gel atteignait 8 % contre 3 % dorénavant ; le ministre de l'économie et des finances et moi-même proposerons de reconduire ce taux. Pour la première fois depuis l'application de la loi organique relative aux finances publiques, le Gouvernement n'a présenté aucun décret d'avance.

Pour autant, si nous devons nous réjouir de ces résultats, nous ne saurions nous en contenter, tant les défis qui nous attendent sont nombreux. Je vous rappelle en effet que nous aurons, en 2019, le déficit le plus élevé de l'Union européenne avec l'Italie et que la France devra continuer à fournir des efforts pour pouvoir être respectée dans le concert des nations compte tenu du déficit moyen constaté dans l'Union européenne.

Malgré ces bons résultats, la dette, que nous avons réussi à stabiliser – cela n'était pas arrivé depuis fort longtemps –, ne sera pas réduite de cinq points d'ici à 2022. Cependant, elle baissera bien d'ici à la fin du quinquennat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le message que nous aimerions vous délivrer à l'occasion de ce débat est triple : pragmatisme, détermination et constance.

Pragmatisme, car nous souhaitons maintenir les efforts budgétaires pour atteindre 2,1 % de déficit public, soit une baisse de 1,3 % en deux ans. Nous financerons l'intégralité des mesures annoncées par le Président de la République – elles sont toutes inscrites dans les documents budgétaires et il n'y a pas de mauvaise surprise à attendre.

Nous travaillons à la fois sur la diminution des dépenses fiscales et sociales inefficaces et sur celle des dépenses publiques. La logique est simple : au moment où la France réalise la plus grande baisse d'impôts, tant pour les ménages que pour les entreprises, qu'un gouvernement de la République n'ait jamais décidée, nous faisons également « la peau » – permettez-moi cette expression ! – à certains dispositifs dérogatoires.

Je pense notamment à la limitation de la déduction forfaitaire spécifique, DFS, une niche sociale qui date de 1930. La DFS vient artificiellement majorer les allégements généraux dont bénéficient les entreprises par rapport au droit commun. L'encadrement de cette majoration des allégements généraux par la DFS devrait représenter quelque 400 millions d'euros d'économies dès l'année prochaine. C'est aussi une mesure sociale ; je prends un exemple concret : elle permettra aux femmes qui sont en congé de maternité de percevoir un niveau d'indemnités plus élevé qu'aujourd'hui du fait du changement d'assiette des cotisations.

Un effort sera aussi nécessaire en matière de réduction des dépenses. Je tiens à souligner que celui-ci concernera toutes les sphères de la dépense publique : l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales – les contrats dits de Cahors seront poursuivis.

Pour l'État, les plafonds qui vous sont présentés aujourd'hui témoignent, je le crois, de la crédibilité de l'engagement annoncé par le Premier ministre à cette tribune il y a quelques semaines. L'effort passera par la rationalisation des agences et des opérateurs.

Pour la sécurité sociale, nous tiendrons la maîtrise des dépenses sous Ondam – l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Je m'en suis récemment expliqué devant votre commission des affaires sociales.

Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que les collectivités territoriales sauront prendre leur part de responsabilité dans cet effort, notamment les plus grandes d'entre elles – les communes plus rurales doivent avoir une plus grande liberté tant en investissement qu'en fonctionnement. Si vous me permettez de l'exprimer ainsi, il est assez légitime que les plus gros fassent le plus d'efforts !

Notre détermination à accélérer les réformes qui permettront à notre économie de se remettre en mouvement est intacte.

En ce qui concerne la réforme de la fiscalité locale qui est tant attendue, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur plusieurs points. Le projet de loi de finances inclura la mesure permettant de supprimer la taxe d'habitation pour les 20 % des foyers les moins pauvres, ainsi que le remplacement durable de cette taxe par l'attribution aux communes de la taxe foncière et aux départements d'un impôt national. Je suis certain que le Sénat consacrera de longues heures de débat à ce sujet ! Cela serait légitime. Le Gouvernement entend appliquer cette réforme au 1er janvier 2021 – il me semble que le Parlement est d'accord avec ce calendrier –, ce qui nous permettra d'opérer les modifications qui seraient éventuellement nécessaires dans le courant de l'année 2020.

Nous devons également travailler sur les réformes très importantes déjà adoptées par le Parlement et sur celles à venir qui concernent la fonction publique, les retraites, l'assurance chômage, l'audiovisuel public.

Tout aussi intacte est notre détermination à rendre tangibles nos priorités, en les finançant.

Je pense notamment au renforcement sans précédent des moyens régaliens de l'État : ainsi, la loi de programmation militaire prévoit une augmentation de crédits de 1,7 milliard d'euros par an, ce qui n'était jamais arrivé depuis la fin de la Guerre froide ; les recrutements de forces de sécurité – police et justice – sont inscrits conformément aux annonces du Président de la République.

Je pense également à la revalorisation des prestations sociales, à la suppression intégrale de la taxe d'habitation et à la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, mais aussi aux mesures d'urgence économique et sociale que le Sénat a bien voulu adopter.

Troisième maître mot : la constance.

Notre pragmatisme et notre détermination font preuve d'une constance indiscutable, puisque les deux objectifs principaux que nous nous sommes fixés sont maintenus : réduction de trois points du poids de la dépense publique dans le PIB pour financer la réduction d'un point de nos prélèvements obligatoires. Le ministre de l'économie et des finances et moi-même sommes fiers de présenter pour 2020 une diminution d'impôt de 27 milliards d'euros au bénéfice des ménages – c'est la plus grande baisse d'impôt jamais décidée.

Grâce au prélèvement de l'impôt à la source – mesure que le rapporteur général de la commission des finances a soutenue dans cet hémicycle…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons corrigé le dispositif du prélèvement à la source !

M. Roger Karoutchi. Vous êtes moqueur, monsieur le ministre !

M. Gérald Darmanin, ministre. À peine, monsieur Karoutchi !

Grâce à ce dispositif donc, les Français constateront ces baisses d'impôt dès le mois de janvier. Sans cela, ils auraient dû attendre octobre.

Dans le détail, sur l'ensemble du quinquennat, la croissance de la dépense publique en volume serait contenue à 0,2 % en moyenne contre 0,9 % sous le préc��dent quinquennat, alors même que nous avons rendu les dépenses de l'État sincères – plus de 7 milliards d'euros de crédits ont été concernés entre 2017 et 2018.

Pour preuve, entre 2017 et 2018, le ratio de dépenses publiques rapportées au PIB a effectivement baissé et nous continuerons sur cette voie malgré la crise économique et sociale que notre pays a vécue – nous devons nous adapter aux réalités.

Ce sont bien cette baisse et ces réformes qui permettront de diminuer le poids des impôts et taxes dans la richesse nationale de plus d'un point, 1,2 exactement, d'ici à 2022, sans pour autant alourdir la charge de notre dette. Cette diminution est supérieure à la prévision faite par le Gouvernement en 2017.

Pour l'instant, nous avons stabilisé la dette et nous la baisserons à partir de 2021.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat d'orientation des finances publiques est l'occasion de conforter les choix politiques du Gouvernement. Nous sommes naturellement à l'écoute des remarques qui seront formulées par la Haute Assemblée, tant par la majorité qui voudra bien soutenir nos choix que par l'opposition qui les contestera. En tout état de cause, l'autorisation parlementaire est fondamentale en matière de finances publiques comme la qualité du contrôle de la Cour des comptes ; c'est pourquoi nous n'avons pas présenté de décret d'avance et nous avons beaucoup travaillé pour rendre le budget sincère.

Ces deux dernières années, nous avons réussi à la fois à baisser les impôts et les dépenses, à réduire le déficit et à stabiliser la dette publique. J'y vois le fruit d'un travail très important fourni par l'ensemble des membres du Gouvernement et d'une politique économique qui donne des résultats en matière de croissance et d'emploi.

Dans cet acte II du quinquennat, nous devons capitaliser sur ces bons résultats pour financer les baisses d'impôts supplémentaires souhaitées par le Président de la République, sans pour autant alourdir la charge de notre endettement. Je rappelle que la dette n'est rien d'autre qu'un impôt différé, même lorsque les taux sont bas. Nous devons libérer nos enfants de ce poids ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

(…)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Par respect pour le Sénat, je tiens à reprendre brièvement la parole pour apporter quelques précisions.

Premièrement, à en croire les différents orateurs, les taux d'intérêt appliqués à notre pays sont, en somme, une divine surprise. Le Gouvernement n'y serait pour rien, ce qui est tout à fait faux !

Bien sûr, la Banque centrale européenne applique une politique monétaire accommodante…

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Eh oui ! Avec des taux d'intérêt négatifs !

M. Gérald Darmanin, ministre. Les Américains eux-mêmes se dirigent d'ailleurs vers ce schéma. Les taux remonteront un jour ou l'autre : mais, à court et moyen termes, on peut penser qu'ils resteront bas.

Cela étant, dans la même zone économique, avec la même banque centrale et la même monnaie, tous les pays n'obtiennent pas les mêmes taux d'intérêt. Nous souscrivons nos emprunts à dix ans à 0,15 % ou 0,11 %, voire à des taux négatifs ; nos voisins italiens empruntent, eux, à 2,42 %.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pensez-vous que, selon nos créanciers, le Gouvernement a pour seule qualité celle que Bonaparte trouvait à ses généraux, à savoir de la chance ? Ce mot est revenu à plusieurs reprises dans votre bouche. Je ne sais si la chance se provoque… En tout cas, je peux vous l'assurer : les créanciers regardent, non seulement les comptes publics et la sincérité des inscriptions budgétaires, mais aussi les réformes entreprises. Même si – à supposer qu'ils regardent ce document – la loi de programmation des finances publiques connaît telle ou telle approximation dans sa mise en oeuvre, ils sont attentifs à la sincérité budgétaire des États et à la dynamique des réformes engagées : celle-ci leur garantit la possibilité de prêter leur argent en étant à peu près sûrs qu'il leur sera rendu.

Ces taux d'intérêt bas sont le fruit non seulement de la chance – parce que la BCE et les Américains n'augmentent pas leurs propres taux –, mais aussi, et surtout, des réformes que nous menons, et qui nous permettent de dialoguer ainsi avec nos créanciers.

Personne n'a jamais réformé la fiscalité du capital. À ce titre, j'ai entendu beaucoup de leçons de morale jusqu'à présent, notamment à la droite de l'hémicycle : mais personne n'avait supprimé l'ISF, excepté le Premier ministre Chirac,…

M. Jérôme Bascher. Ah !

M. Gérald Darmanin, ministre. … ce qui ne rajeunit pas M. Karoutchi qui l'a bien connu… (Sourires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Voyons, voyons !

M. Roger Karoutchi. Je ne me formalise pas ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Personne n'avait fait la réforme de la SNCF, à l'exception du Premier ministre Juppé, qui n'a pas pu aller jusqu'au bout ; et cela ne rajeunit pas… (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Citez quelqu'un d'autre ! Il n'y a pas que moi dans l'hémicycle ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérald Darmanin, ministre. … cela ne rajeunit aucun parlementaire, pas plus que le ministre lui-même ! (Exclamations amusées.)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Voilà qui est plus habile !

M. Gérald Darmanin, ministre. La réforme de l'assurance chômage, dont chacun s'accorde à dire qu'elle est très courageuse, même si certains la critiquent – c'est bien leur droit –, n'avait été engagée par personne. Elle fait partie, elle aussi, des chantiers que nous menons à bien, et qui sont vus positivement par ceux qui nous prêtent.

Je pourrais également parler de la réforme de l'audiovisuel public, qui va arriver, de la réforme de la fonction publique, qui, grâce à votre assemblée, a bénéficié d'une commission mixte paritaire conclusive. Je pourrais parler d'autres réformes encore, mais je ne suis pas ici pour faire une revue de détail.

Tout cela pour dire que les taux d'intérêt actuels ne sont pas seulement l'effet de la chance : ils résultent de la politique économique et fiscale que nous menons. S'il a été combattu et contesté, le pari fait en 2017 par le Président de la République est tenu. Nous nous en réjouissons ; pour autant, il ne faut pas accepter l'idée selon laquelle, la dette n'étant pas grave, il faudrait continuer à emprunter. Ce n'est pas tout à fait ce que le ministre de l'économie et des finances et moi-même disons…

Deuxièmement, je constate que, au terme de ce débat sur l'orientation des finances publiques, peu de propositions ont été formulées.

Lorsque je présidais mon conseil municipal, je me tournais vers mes opposants en leur disant – beaucoup de sénateurs ici présents en ont certainement fait de même : « Vous critiquez, vous critiquez, mais que proposez-vous ? »

J'ai entendu les membres du groupe Union Centriste proposer de réduire quatre-vingts niches fiscales et sociales – nous les regarderons dans le détail. J'ai entendu qu'en général il fallait baisser la dépense, mais qu'en particulier – je me réfère à vos discours – il ne fallait toucher ni aux trésoreries, ni à l'aménagement du territoire, ni à tel ou tel autre domaine. Soit ! Quand je lis la presse locale, j'apprends que les élus manifestent contre les réductions budgétaires : j'aimerais qu'ils tiennent le même discours dans l'hémicycle, afin d'encourager le Gouvernement à accroître la dépense publique !

À cet égard, ce que j'ai entendu sur la masse salariale de l'État n'est ni tout à fait faux ni tout à fait vrai. Le Gouvernement a accepté de relever ces dépenses au titre des 3,5 milliards d'euros d'augmentations de crédits, notamment via les lois de programmation, que le Sénat a souvent votées.

Je pense aux militaires : 1,7 milliard d'euros d'augmentation de crédits par an, cela se paie. M. Cambon nous rappelle d'ailleurs à chaque débat budgétaire que les objectifs fixés par la loi de programmation militaire doivent être tenus.

Je pense également à la loi de programmation pour la justice : du côté droit de cet hémicycle, on souhaite voir construire des prisons, ce qui implique une hausse de dépense.

Je pense, en outre, à l'aide publique au développement, que le côté gauche souhaite voir augmenter, ce que le Gouvernement s'engage à faire. De même, les revalorisations de prestations sociales contribuent à augmenter la dépense publique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque je suis devenu ministre de l'action et des comptes publics, la prime d'activité représentait 2,5 milliards d'euros par an. En janvier dernier, vous avez voté son augmentation de 3 milliards d'euros par an ; et, si je reste à mon poste jusqu'à la fin du quinquennat, elle atteindra 9 milliards d'euros.

Pour M. Bocquet, ce dispositif est insuffisant face aux problèmes de pauvreté que connaît la classe ouvrière, ou populaire. On peut tout à fait le penser. Mais 6 milliards d'euros de prime d'activité supplémentaires, c'est de la dépense publique : nous devons, tous autant que nous sommes, connecter notre cerveau gauche avec notre cerveau droit. Étudier le rapport général de nos comptes publics, ce n'est pas demander des baisses de dépenses en général pour les refuser en particulier. Cela étant, nous débattrons sans doute de cette question très intéressante lors de l'examen du budget.

Troisièmement et enfin, je suis très heureux d'observer que, au cours de ce débat, personne n'a contesté le fait que nous baissons les impôts.

Il y a un an, nous réduisions déjà les impôts – baisse de la taxe d'habitation, baisse de l'impôt sur les sociétés, suppression de l'ISF, flat tax, suppression des cotisations –, mais tout le monde nous accusait d'avoir provoqué le « ras-le-bol fiscal ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il y a tout de même eu la hausse de la TICPE…

M. Gérald Darmanin, ministre. Nous commencions précisément à vider le vase ! Simplement, nous sommes arrivés un peu tard. De plus, nous avons commis quelques erreurs malheureuses : M. le ministre de l'économie et des finances l'a reconnu à plusieurs reprises, avec raison.

Aujourd'hui, que ce soit pour le déplorer – c'est le cas de M. Bocquet – ou pour s'en réjouir, tout en disant qu'il faut en même temps baisser le déficit – c'est le cas notamment à la droite de cet hémicycle –, tous les orateurs l'ont reconnu : nous sommes le gouvernement qui baisse les impôts.

S'il y a bien un critère à l'aune duquel nous serons jugés, conformément aux engagements de la campagne présidentielle et aux annonces du Président de la République, ce sera celui-là : nous serons le gouvernement de la République qui aura le plus fortement baissé les impôts des entreprises et des particuliers.

En deux ans, nous avons baissé considérablement les impôts. Et, dans les trois années à venir, avec la suppression de la taxe d'habitation et la baisse de l'impôt sur le revenu, les particuliers retrouveront plus de 35 milliards d'euros. Cet effort est sans équivalent.

Personne n'avait jamais supprimé un impôt de 20 milliards d'euros sans le remplacer – la taxe professionnelle s'était vu substituer d'autres impôts –, et c'est ce que nous faisons avec la suppression de la taxe d'habitation.

Personne n'avait jamais réduit l'impôt sur le revenu dans de telles proportions sans créer une nouvelle imposition en parallèle : pour notre part, nous baissons cet impôt de 5 milliards d'euros en trois fois, sans contrepartie, et en nous tenant à l'objectif d'un déficit à 1 % du PIB à la fin de l'année 2022.

Monsieur le président de la commission des finances, vous l'avez rappelé à juste titre : si les comptes sont sincères, la loi de programmation des finances publiques, sur la base de laquelle le Gouvernement a proposé sa stratégie budgétaire et fiscale, a connu quelques modifications – et c'est bien normal.

La croissance ne s'élève pas à 1,6 %, taux qui faisait pourtant l'objet d'un consensus de la part des économistes. D'ailleurs, chacun a rappelé que cette hypothèse était à la fois prudente et sincère. Au moment où nous avons construit notre budget, les taux d'intérêt étaient plus hauts. Le Président de la République n'avait pas annoncé les mesures consécutives à la crise sociale que nous avons connue en décembre dernier. D'ailleurs, les recettes fiscales n'étaient pas si élastiques : bref, dans la vie d'un pays, beaucoup de facteurs peuvent infléchir la trajectoire budgétaire.

Comme vous, je souhaite que l'Assemblée nationale et le Sénat puissent discuter d'un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques. À mon sens, ce débat devrait avoir lieu, une nouvelle fois, lors de la présentation du projet de loi de finances. M. le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale m'a adressé la même demande que vous. Je serai donc à la fois son porte-parole et le vôtre pour solliciter un tel texte. Je l'ai d'ailleurs déjà demandé, en mon nom personnel, à M. le Premier ministre.

Ce projet de loi de programmation des finances publiques nous permettra de savoir où nous irons au cours des trois prochaines années. Nous connaissons déjà les plafonds budgétaires jusqu'en 2022. Nous savons où nous voulons aller fiscalement. Toutes les promesses du Président de la République sont traduites dans les documents budgétaires que nous avons fournis : aucun « cavalier masqué » ne surgira l'année prochaine, et c'est sans aucune appréhension que le Gouvernement vous présentera ce texte !

M. le président. Le débat commun est clos.


Source http://www.senat.fr, le 22 juillet 2019