Texte intégral
Madame la préfète,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du conseil départemental,
Monsieur le premier adjoint,
Madame et Messieurs les membres de la mission ayant travaillé sur l'agenda rural,
(Monsieur le député Daniel LABARONNE, Monsieur le sénateur Patrice JOLY, Monsieur le maire et vice-président de l'AMRF Dominique DHUMEAUX, Madame la maire et vice-présidente de l'AMF Madame Cécile GALLIEN, Monsieur le maire et vice-président de l'APVF, Pierre JARLIER)
Mesdames et Messieurs les élus (municipaux, intercommunaux, départementaux…)
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire le plaisir que j'ai à être ici avec vous dans l'Allier, un département dans lequel je n'étais jamais venue depuis mon entrée au Gouvernement – mais que je connais bien par ailleurs.
Avant de rentrer dans le vif du sujet qui nous rassemble – la remise du rapport sur l'agenda rural – je tenais à avoir une pensée pour des personnes qui ne sont pas parmi nous aujourd'hui : tout d'abord Monsieur GIRAUD, le maire de votre commune qui est en congés et qu'aucun de nous, à ce stade de l'été, ne peut blâmer. Mais aussi sa prédécesseur, Madame Anne-Marie DEFAY qui, je le sais, a profondément marqué votre commune.
J'ai également une pensée pour Bernard BARRAUX que j'ai connu au Sénat et qui, comme beaucoup d'entre vous, incarne ce célèbre esprit des Bourbonnais !
Enfin, une pensée amicale et chaleureuse à Vanik BERBERIAN, président de l'AMRF qui aurait, j'en suis certaine, souhaité être parmi nous pour cette journée dont il est en partie à l'origine.
En effet, c'est notamment lui qui avait demandé au Président de la République l'élaboration d'un « agenda rural », autrement dit d'un plan d'actions en faveur des ruralités et qui, à la différence de plans d'actions « classiques », aurait vocation à s'inscrire dans la durée sous la forme d'un « agenda ».
Cette demande, le Président de la République y a répondu favorablement et m'a chargée de la concrétiser puisque ce projet fait partie des objectifs qu'il m'a fixé à mon arrivée au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Pour autant, et je tiens à le souligner, le Gouvernement n'a pas attendu l'agenda rural pour mettre en oeuvre des mesures en faveur des ruralités et elles sont nombreuses. Je ne les développerai pas car l'objectif n'est pas de se satisfaire de ce qui a été fait hier mais bien de préparer les ruralités d'aujourd'hui et de demain. Néanmoins, nous avons déjà beaucoup agi depuis deux ans et cela va bien sûr être poursuivi.
La première fois que j'ai porté ce sujet « d'agenda rural », peu de temps après mon arrivée, c'était au conseil des ministres de l'Union européenne. En effet, le Parlement européen venait d'adopter, en octobre dernier, une résolution appelant à la mise en place d'un « agenda rural européen » qui constituerait le pendant de « l'agenda urbain de l'Union européenne », déjà existant.
A l'occasion du conseil des ministres européens en novembre dernier, j'ai salué cette résolution du Parlement européen, que la France a donc été le premier Etat membre à soutenir. Je me suis également engagée à ce que soit déployé en France, sans attendre l'élaboration de l'agenda rural européen, un « agenda rural national » qui pourrait – qui sait ! – inspirer nos partenaires européens !
Mesdames et Messieurs,
Je suis parfaitement consciente des inquiétudes et du sentiment de relégation, voire d'abandon que ressentent les territoires ruraux, leurs habitants comme leurs élus.
Je viens – et je vis – moi-même dans un territoire rural et j'y suis profondément attachée.
Mais je tiens à vous assurer que cet engagement pour les ruralités que la France porte à l'échelle européenne ET nationale démontre la volonté du Gouvernement d'agir en faveur de ces territoires et de leurs habitants.
Et c'est à dessein que je parle DES ruralités car nous le savons, les territoires ruraux ne forment pas un bloc uniforme. Au contraire, ils sont riches de leur diversité.
Quelles que soient leurs spécificités, leur trajectoire, ces territoires sont une chance pour la France ; ils sont l'un de ses meilleurs atouts sur de nombreux plans : économique, écologique, ou encore touristique.
Et si plus de 20 millions de Français vivent dans ces territoires, soit un tiers de la population française, si le nombre d'habitants dans les territoires ruraux augmente plus vite que les habitants des villes (+ 0,6% contre +0,3 dans les villes), c'est parce que les Français aiment ces territoires, veulent y vivre, y travailler, y élever leurs enfants car ils y trouvent une qualité de vie incomparable et ce, malgré les promesses que les métropoles peuvent représenter.
Au fond, ces quelques chiffres illustrent le paradoxe de la ruralité. Nos concitoyens plébiscitent la campagne, ils veulent majoritairement y vivre et dans le même temps, la représentation des ruralités dans le débat public reste connotée négativement : c'est la France périphérique, celle des territoires oubliés qui seraient nécessairement les victimes de la globalisation et de la métropolisation.
Le Gouvernement veut sortir de cette vision manichéenne.
Mais nous devons aussi regarder en face les difficultés qui existent :
- certains territoires ont perdu ces dernières années parfois plus d'un quart de leurs emplois et finalement une part significative de leur population ;
- lorsque la démographie chute, ce sont les commerces et dans le même temps les services publics qui disparaissent.
Oui, il existe, dans certains territoires ruraux un sentiment d'abandon !
Et ce sentiment d'abandon, c'est notamment à travers l'élaboration de cet agenda rural que nous entendons y répondre.
Vous connaissez ma philosophie et mes convictions politiques : ce n'est pas depuis Paris que nous pouvons tout décider et notamment décider ce qui est bon pour nos territoires quand ces derniers sont si divers. Au contraire, il faut partir des expériences du terrain et mêmes DES terrains pour faire du « cousu-main » !
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec mon collègue Didier GUILLAUME – et j'en profite pour excuser son absence – nous avons souhaité lancer une mission composée d'élus d'horizons divers mais tous connaisseurs des ruralités. D'une certaine manière, vous représentez la diversité de nos territoires ruraux.
Au lancement de la mission, je vous ai demandé de procéder à de larges consultations des acteurs de la ruralité. Sur ce point, je pense que l'on peut dire « mission accomplie ! » puisque vous avez auditionné 180 personnes : élus locaux, associations, acteurs socio-économiques, chercheurs, géographes et sociologues pour recueillir leur parole, leurs analyses et propositions.
Mais au-delà, je vous avais demandé de formuler des propositions concrètes avec un objectif prioritaire : améliorer la vie quotidienne des habitants des territoires ruraux.
Améliorer la vie quotidienne des habitants des territoires ruraux, cela nécessite d'explorer de très nombreux champs et des domaines parfois techniques et complexes : l'accès aux services essentiels, la revitalisation des territoires, l'agriculture, la transition écologique, la santé, l'éducation, l'emploi, les mobilités, le logement…
Mais nous vous avons également demandé d'explorer des champs plus rarement appréhendées par les politiques publiques comme le renouvellement des générations, le vieillissement et l'isolement, la culture ou encore l'économie sociale et solidaire.
Après un peu plus de 3 mois de travail, vous êtes parvenus, chère Cécile, Daniel, Patrice, Dominique et Pierre, à produire un rapport qui comporte 200 propositions – ce n'est pas rien !
Je tiens non seulement à saluer votre engagement – et je sais que vos mandats électifs nationaux ou locaux vous mobilisent beaucoup – mais surtout je tiens à vous remercier très sincèrement pour ce travail important et de qualité qui va permettre de nourrir les travaux du Gouvernement pour élaborer cet agenda rural.
Je tiens également à vous remercier pour les mots que vous avez eus pendant ces trois mois à l'égard des personnes que nous avions mobilisées pour vous appuyer : Juliette BISARD et Nicolas DELAUNAY du CGET ainsi que Jean-Jacques KEGELART du CGEDD. Je les remercie tous les trois à mon tour.
Si je suis sûre que vous êtes sensibles à ces remerciements – ils sont sincères – je sais aussi que vous êtes également très attentifs – pour ne pas dire impatients – de connaître les suites qui seront données à ce rapport et c'est tout à fait légitime.
Je tiens donc à vous donner quelques orientations, quelques précisions.
-Tout d'abord, il ne m'appartient pas d'annoncer aujourd'hui l'ensemble des mesures qui constitueront l'agenda rural.
En premier lieu car je n'en ai pas l'autorité mais surtout, vous avez formulé de très nombreuses propositions que nous allons à présent expertiser. Et vous pouvez compter sur moi et plus largement sur le Gouvernement pour les analyser attentivement et surtout rapidement car nous souhaitons que cet agenda rural puisse faire l'objet d'annonces à la rentrée (en visant fin septembre, début octobre).
-Ensuite, il est de la responsabilité du Gouvernement d'élaborer un agenda rural ambitieux qui tienne également compte des enjeux de finances publiques car c'est aussi ce qui est attendu de nous.
-Et s'il est probable que nous ne retiendrons pas l'intégralité des 200 propositions, il est toutefois certain que ces propositions contribueront largement à nourrir l'agenda rural et je souhaite pour ma part qu'aucun des champs d'action que vous avez identifiés ne soit à la fin oublié.
Mais d'ores-et-déjà, un certain nombre de ces propositions me semblent très intéressantes :
- L'élaboration d'un plan en faveur des petites centralités (petites villes, bourgs centres). Nous le savons, les petites villes et bourgs-centres sont essentiels pour l'attractivité des territoires ruraux et la qualité du cadre de vie des habitants. C'est un projet que j'entends mettre en oeuvre rapidement et vos propositions dans ce cadre sont essentielles.
- L'élaboration d'un plan de soutien aux commerces en zone rurale – de trop nombreux territoires ruraux ont vu leurs commerces de proximité fermer et cette dévitalisation commerciale est l'une des causes de dévitalisation d'un territoire.
Un chiffre : on compte en France près de 20 000 communes qui ne disposent d'aucun commerce de bouche !
Les causes sont multiples (difficultés à trouver un repreneur, difficultés économiques…). Le Gouvernement est conscient de cet enjeu et nous souhaitons inverser cette tendance pour favoriser le maintien mais aussi le retour des petits commerces. Dans ce sens, les propositions que vous avez formulées sont très intéressantes et nous allons les examiner avec une grande attention et une certaine bienveillance !
- D'ailleurs, plusieurs acteurs – des élus ou des associations – portent des projets visant à soutenir les commerces de proximité dans les territoires ruraux. C'est le cas du projet de création de 1 000 cafés porté par le groupe SOS et qui sera lancé à la rentrée. Vous avez proposé que l'Etat soutienne ce type d'initiatives, ce à quoi je suis très favorable.
- Vous avez également formulé plusieurs propositions pour améliorer la gouvernance des intercommunalités et aider les petites communes à y trouver plus facilement leur place.
C'est tout le sens des dispositions contenues dans le projet de loi « engagement et proximité » que nous avons présenté la semaine dernière en Conseil des ministres. Il rejoint – et même contient ! – plusieurs propositions que vous avez formulées avec par exemple :
La création des conférences de maires
Des mesures pour renforcer le « porter à connaissance » afin que l'ensemble des communes composant l'EPCI soient mieux informées de ce qui est accompli au niveau intercommunal
Des mesures pour faciliter l'exercice du mandat de maire et mieux concilier vie professionnelle et la vie politique : cela concerne les frais de déplacement qui seront augmentés mais aussi les frais de garde pour les femmes par exemple.
La possibilité pour les communes de porter des projets à plusieurs à une échelle infra-communautaire
Enfin, le projet de loi prévoit des dispositifs pour faciliter les changements d'intercommunalité (sorties/entrées)
Vous le voyez, plusieurs de vos propositions sont déjà prises en compte !
- Par ailleurs, vous avez appelé à ce que les dotations de soutien à l'investissement local (DSIL, DETR) soient maintenues à un haut niveau – il s'agit là d'un engagement du Gouvernement que nous tiendrons pour la 3ème année consécutive car cela fait partie intégrante du pacte financier que nous avons passé avec les territoires : en contrepartie de l'arrêt de la baisse des dotations et d'une maîtrise des dépenses de fonctionnement des plus grandes collectivités, nous maintenons le niveau exceptionnel – 2 Milliards d'euros ! – des dotations d'investissement et nous renforçons les mécanismes de solidarité (péréquation) notamment pour les territoires ruraux à travers la DSR.
- Vous avez également proposé que soit lancée, à compter de 2020, une nouvelle génération de contrats de ruralité ce à quoi je suis très favorable. Vous proposez en outre d'élargir ces contrats à de nouvelles thématiques ce qui constitue une piste très intéressante pour appréhender ces territoires dans leur globalité.
- Vous avez proposé de déployer 150 tiers-lieux dans les territoires ruraux – j'ai récemment lancé un appel à manifestation d'intérêt pour apporter un soutien financier à 300 tiers-lieux ou « fabriques de territoires » et je suis tout à fait favorable pour en déployer 150 dans les territoires ruraux dès lors que nous avons les candidatures !
- Vous avez également réaffirmé la nécessité d'une présence de services publics à moins de 30 minutes du domicile. Le Président de la République s'y est engagé. C'est la raison pour laquelle nous allons déployer des maisons France Services qui vont regrouper plusieurs services publics sur un même lieu, en s'inspirant des MSAP mais en renforçant l'offre de services. Le Président de la République fixé l'objectif qu'il y en ait a minima une par canton d'ici la fin du quinquennat et c'est à quoi nous nous employons !
- Enfin, vous avez fait 4 propositions en faveur de la prochaine génération de fonds européens en demandant au Gouvernement de porter ces positions auprès de l'UE. Il s'agit du verdissement de la PAC, de la poursuite du programme LEADER, du maintien d'un fort engagement pour les territoires ruraux et de la territorialisation du FEDER et FSE. Cela rejoint tout à fait les positions que nous portons à Bruxelles et que nous continuerons à porter, vos propositions nous confortent donc dans les orientations que nous avons prises.
Mesdames et Messieurs,
Comme vous pouvez le constater, avant même expertise approfondie, j'identifie plusieurs propositions auxquelles nous pourront donner une suite favorable. Naturellement, ces propositions relèvent principalement de mon périmètre mais je ne doute pas que cela sera le cas dans les autres domaines et sans pour autant toutes les intégrer sans évaluation de leur efficacité, leur facilité de mise en oeuvre et de leur coût.
Mais je suis convaincue que votre travail fonde les bases d'une « co-construction » dont je me réjouis.
Une nouvelle fois, je tiens à vous adresser à tous les cinq, et plus largement à l'ensemble des personnes présentes aujourd'hui, mes remerciements les plus sincères car je suis convaincue que c'est par notre engagement collectif que nous améliorerons la vie quotidienne de tous ceux qui vivent et font vivre nos ruralités !
Je vous remercie
source https://www.cohesion-territoires.gouv.fr, le 11 septembre 2019