Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
Les aides au logement dans le viseur des Français qui ont participé au Grand débat. Julien DENORMANDIE, le ministre de la Ville et du Logement, est l'invité ce matin de Jean-Pierre ELKABBACH, dans la matinale. C'est tout de suite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui et demain, le Premier ministre est en grande solennité à l'Assemblée nationale cet après-midi, et demain au Sénat. Il va donner la dimension politique et l'urgence après le Grand débat. Julien DENORMANDIE, bienvenue.
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et bonjour, merci d'être avec nous. Le besoin de changement, dit Edouard PHILIPPE, est si radical, que tout conservatisme, toute frilosité, serait une faute impardonnable. D'accord. Le grand chambardement commence quand ? Il arrive quand ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, je suis totalement d'accord, totalement d'accord, ça n'est pas un chambardement, c'est le fait que rien ne peut être comme avant. Tout simplement, les Français se sont largement exprimés, 1,5 million de Français qui ont participé à ce Grand débat et qui nous disent des messages très clairs. Et donc aujourd'hui, le président de la République lui-même d'ailleurs l'a dit, rien ne peut être comme avant, il y aura un avant, un après Grand débat, et c'est ça que le Premier ministre a dit hier.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, on l'a dit si souvent. Pourquoi il y aurait un avant et un après ?
JULIEN DENORMANDIE
Parce que, aujourd'hui les Français nous ont dit deux choses. Ils peuvent ne pas partager la vision politique ou l'ensemble de la vision politique, ça c'est une chose, mais ils disent aussi une deuxième chose, c'est que, au final, l'action de l'Etat, l'action de ceux qui font la politique publique, eh bien elle n'est pas efficace, ou elle n'est pas suffisamment efficace, ou il n'en voient pas la couleur.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc ce matin, c'est mea culpa.
JULIEN DENORMANDIE
En tout cas, ce matin, ça veut dire que…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ou nostra culpa.
JULIEN DENORMANDIE
Non, mais ce matin, ça veut dire que beaucoup de choses doivent être comprises, mais aussi dans la méthode. Cette méthode elle est importante, parce que c'est ça qui donne accès à tout ce que l'on fait, aux Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien. Les grandes et fortes décisions, avant/après etc., du président de la République, elles sont prononcées, décidées, avant ou après les élections européennes ? Parce qu'on entend maintenant le contraire.
JULIEN DENORMANDIE
C'est le président qui est maître de son calendrier, évidemment, mais je pense que ce sera avant, en tout cas moi je le souhaite, mais évidemment c'est le président de la République qui décidera.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous croyez qu'on nous parle d'urgence et que ça peut attendre après les élections européennes ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, justement, c'est pour ça que, avec toute l'humilité d'un ministre face à un agenda d'un président de la République, mais vous savez, pour moi…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous dites avant.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pour les grandes mesures, même si le plan prend du temps en perspective.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bon.
JULIEN DENORMANDIE
Pour moi, la séquence elle est assez simple, aujourd'hui il y a ce temps de restitution qui est important, d'abord pour dire merci, merci à tous les Français qui ont participé…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord…
JULIEN DENORMANDIE
Non mais deuxièmement aussi, parce que vous savez, quand vous faites un grand débat, il faut montrer et vraiment expliquer quels sont les résultats, partir du diagnostic commun et puis après prendre des mesures fortes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, c'est ce qu'a fait, a commencé à faire hier Edouard PHILIPPE et qu'il fait aujourd'hui et demain, je l'ai dit.
JULIEN DENORMANDIE
Il continuera cette semaine à l'Assemblée et au Sénat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Après trois mois de Grand débat, si vous me le permettez, vous ressemblez tous à Christophe COLOMB qui découvre l'Amérique. Parce que l'exaspération fiscale, les transports importants, le besoin de proximité, on le savait déjà. Les portes sont ouvertes, vous les enfoncez, là, entre nous.
JULIEN DENORMANDIE
Non, là, je ne suis pas d'accord avec vous monsieur ELKABBACH. Vous savez, pendant la campagne présidentielle, on avait fait un immense porte-à-porte, on était allé voir 200 000 personnes. Beaucoup des revendications qui sont aujourd'hui exprimées dans le Grand débat, figuraient déjà dans ce porte-à-porte géant qu'on avait organisé. Mais aujourd'hui, les Français nous disent beaucoup plus de choses.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
1,5 million, 2 millions de Français. C'est une performance démocratique inédite…
JULIEN DENORMANDIE
Ah oui, indéniable !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
... et considérable. Mais ce ne sont pas tous les Français.
JULIEN DENORMANDIE
Ce n'est pas tous les Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce que ça dépend des revenus, de leurs activités, de leur milieu social. Mais ce n'est pas tous les Français.
JULIEN DENORMANDIE
Vous avez raison, ce n'est pas tous les Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a 47 millions d'électeurs.
JULIEN DENORMANDIE
Après, il y a eu beaucoup de supports différents, il y a eu des réunions, il y a eu des cahiers de doléances dans les mairies, il y a eu des plateformes numériques, ce qui fait qu'il y a quand même une certaine représentativité des Français, même si ce n'est pas tous. Mais enfin, que 1,5 million à 2 millions de personnes viennent pour participer, pour donner des idées, pour mettre en avant leurs inquiétudes, c'est un immense succès démocratique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, les revendications, elles ne correspondent pas à ce que nous dans la Presse nous faisons souvent comme débat. Le prélèvement à la source, ça y est, c'est un succès, et il est entré dans les moeurs. J'ai tout lu. Et le nucléaire, personne ne vous demande de fermer les centrales ou les réacteurs, les gens apprécient le nucléaire, sauf contre-indication, en tout cas ceux qui se sont prononcés. Ils n'évoquent dit la PMA, ni la GPA, ni la légalisation du cannabis.
JULIEN DENORMANDIE
Donc c'est un mea culpa de la Presse.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien oui, dans certains cas, de certaines Presse, oui. Le thème de l'immigration, il apparaît peu, mais il monte, comme celui de l'environnement, avec urgence. Mais là il y a une question, ils disent tous : il faut agir, mais pas de taxe carbone et pas de taxes liées à la transition écologique. Alors, comment on paie ?
JULIEN DENORMANDIE
Non mais déjà ils disent quelque chose d'incroyablement fort, c'est que les Français ne sont pas des climatosceptiques, mais ça, ça fait immensément de bien à entendre !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais payer, payer…
JULIEN DENORMANDIE
Quand vous voyez notre jeunesse qui est dans la rue, aujourd'hui, ça fait immensément de bien à entendre. Et après, ils disent une autre chose, c'est que la transition écologique on ne veut pas qu'elle se fasse avec le bâton, on ne veut pas qu'elle soit coercitive, on veut qu'elle soit incitative. On est prêt, par exemple dans le logement, le Grand débat dit quelque chose de très intéressant, deux Français sur trois disent : « moi je suis prêt à faire des travaux chez moi. Je suis prêt à avoir l'énergie de faire des travaux chez moi ».
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, mais vous les financez comment ?
JULIEN DENORMANDIE
Ils disent : « Il faut que ce soit incitatif, il faut que vous nous accompagnez, il ne faut pas que ce soit toujours dans la norme, l'obligation, le coercitif ». Eh bien ça c'est un message qui est très clair. On veut changer les choses, mais on veut le faire avec un certain chemin. A nous de le suivre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pourquoi dans toutes les interventions il est si peu question des aspirations des Gilets jaunes des débuts, ceux qui sont à l'origine à la fois du conflit social, du grand débat aussi. Pourquoi ?
JULIEN DENORMANDIE
Moi je pense qu'il y a eu plusieurs temps dans ce Grand débat, c'est-à-dire que ces aspirations, elles ont peut-être été très fortes au début, et donc peut-être qu'on les retrouve par exemple dans les cahiers de doléances dans les mairies au début. Et puis au fur et à mesure du Grand débat, eh bien des sujets nouveaux sont apparus, des revendications nouvelles sont apparues et donc les premières revendications ont peut-être été un peu diluées dans le reste et dans les autres revendications. Je crois qu'on l'explique comme ça.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans Le Parisien de ce matin il y a une information qui laisse pantois un certain nombre d'entre nous. Eric DROUET, avec une délégation de cinq Gilets jaunes, est reçu au Sénat par Catherine FOURNIER, qui est une sénatrice qui s'occupe de la Commission et de la loi PACTE. Cinq sénateurs... cinq Gilets jaunes avec Eric DROUET au Sénat. Le président du Sénat n'a rien à dire parce que les responsables des commissions sont d'accord, mais vous, ça ne vous choque pas ?
JULIEN DENORMANDIE
Moi, je ne suis pas choqué que des Gilets jaunes soient reçus au Sénat. Absolument pas. Le Sénat c'est la maison…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non mais une délégation.
JULIEN DENORMANDIE
C'est une maison des Français. Qu'une délégation des Gilets jaunes soit reçue au Sénat, je ne suis pas choqué, que monsieur Eric DROUET soit reçu au Sénat, ça, ça me heurte, mais ça ne me heurte pas parce qu'il est Gilets jaunes, ça me heurte parce que cet individu il a appelé à marcher sur l'Elysée. Ça me heurte parce que cet individu, il n'arrête pas d'appeler à la violence. Ça me heurte parce que cet individu, pour moi, il ne représente rien de démocratique. Donc c'est ça qui me heurte, c'est cet individu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est une faute de la sénatrice ?
JULIEN DENORMANDIE
Ce n'est pas le fait que le Sénat reçoive des Gilets jaunes…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, très bien.
JULIEN DENORMANDIE
C'est le fait que ce soit Eric DROUET qui soit reçu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui mais on est en train d'en faire, de cette délégation, une sorte d'instance politique crédible.
JULIEN DENORMANDIE
Ou en tout cas on instrumentalise…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Autoproclamée, autodésignée.
JULIEN DENORMANDIE
Oui, enfin, ils ont eux-mêmes du mal à s'auto-désigner, si j'ai bien compris.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et j'ajoute qu'ils vont protester contre la privatisation des AEROPORTS DE PARIS.
JULIEN DENORMANDIE
Mais, encore une fois, qu'on reçoive des personnes qui soient contre la politique, ça c'est tout à fait normal dans une enceinte comme le Sénat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous dites, Eric DROUET.
JULIEN DENORMANDIE
Qu'on reçoive Eric DROUET, le même qui a appelé à marcher sur l'Elysée, dans une maison qui se veut justement la représentativité de la démocratie, là, à titre personnel, ça me choque profondément.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que c'est un précédent qui est créé ? On ne voit pas bientôt Edouard PHILIPPE recevoir Eric DROUET, une délégation de Gilets jaunes ?
JULIEN DENORMANDIE
Edouard PHILIPPE il a proposé à plusieurs reprises de recevoir des Gilets jaunes. Encore une fois, il faut faire la part des choses. Je ne suis pas du tout choqué qu'on reçoive des Gilets jaunes, bien au contraire…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout à fait, même si on ne les reçoit pas, ou même s'ils n'y vont pas.
JULIEN DENORMANDIE
Même s'ils n'y vont pas, bien au contraire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais Eric DROUET, et pas à Matignon.
JULIEN DENORMANDIE
Eric DROUET, le fait de recevoir comme ça, en faire de la publicité si j'ai bien compris, ça à titre personnel effectivement ça me choque.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous estimez que c'est une faute politique ?
JULIEN DENORMANDIE
Je n'ai pas les détails, je ne sais pas exactement qui a convoqué etc., si c'est…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien ils n'y vont pas tous seuls, donc ils ont demandé à être entendus…
JULIEN DENORMANDIE
Non mais si c'est la motivation d'une seule sénatrice, ça n'est pas la même chose.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est ou ce n'est pas une faute ?
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien en tout cas, moi je ne l'aurais pas fait, voilà, si c'est ça la question.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Cet après-midi, Edouard PHILIPPE va le répéter pour les Français : c'est tolérance fiscale zéro. Conséquence, dit-il, nous devons baisser et baisser plus vite les. impôts. D'abord, il ne tient qu'à vous de les baisser, entre nous, deuxièmement, les impôts…
JULIEN DENORMANDIE
C'est ce qu'on fait. C'est ce qu'on fait depuis le début du quinquennat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les impôts de qui ? Est-ce que cette fois il y aura équité dans la baisse des impôts ?
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien moi je pense qu'aujourd'hui le ras-le-bol fiscal il est principalement exprimé par les classes moyennes, pas que, mais principalement, qui ont le sentiment pendant des décennies, d'être toujours la vache à lait, d'être toujours ceux qui devaient le plus en payer d'impôts.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc ?
JULIEN DENORMANDIE
Et donc…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils seront concernés, à leur avantage, pour rééquilibrer.
JULIEN DENORMANDIE
Evidemment qu'ils seront concernés et évidemment qu'ils seront concernés à leur avantage, mais la ligne elle est très claire : il faut arrêter dans notre pays, à chaque fois qu'il y a un problème, de considérer que la solution c'est une hausse d'impôts. Mais regardez, c'est frappant, dès qu'on a un sujet, dès qu'on a un sujet, on se dit : est-ce qu'on ne peut pas créer un impôt ou une taxe ? Ça, il faut arrêter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Là, il y a un engagement à les baisser, mais le problème c'est : est-ce que c'est avec la volonté de créer de la justice sociale ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais le message là aussi il est très clair, donc oui, c'est avec une volonté de créer de la justice sociale, de faire en sorte que, vous savez, cet assentiment à l'impôt, eh bien il perdure dans notre pays parce que c'est le fondement d'une démocratie. Et puis deuxièmement, il faut là aussi, vous savez, c'est comme en amour, il n'y a pas de beaux discours, il n'y a que des preuves d'amour. Mais depuis bientôt 2 ans, ce gouvernement il a engagé ces baisses d'impôts, ça n'a pas été suffisamment ressenti, ça n'a pas été suffisamment vu, donc il faut…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il ira plus loin bientôt.
JULIEN DENORMANDIE
Donc il faut qu'il aille plus loin et que ça se voie plus fortement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les territoires, après l'effort pour les métropoles, a dit Edouard PHILIPPE, il faut mettre le paquet sur les communes, avec une confiance remarquée, nouvelle, en faveur des élus et de leurs maires, on les a peut-être un peu longtemps négligés. J'avance. Une remarque, ce qui est frappant aussi c'est, il n'y a rien dans ce qui remonte de ces interrogations et de ces doléances, rien sur la présence de la France dans le monde, sur l'Europe, sur la Chine, sur la concurrence les Etats-Unis, la Russie, etc.
JULIEN DENORMANDIE
C'est vrai, c'est très vrai.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La France donne l'impression, enfin ces Français-là, que la France est seule dans le monde. Il faut peut-être leur dire que ça n'est pas le cas.
JULIEN DENORMANDIE
Mais... et c'est très vrai, il y a beaucoup de sujets sur lesquels, en vrai, la France ne peut soit agir seule, soit ne pas prendre en compte la concurrence à l'international. Dans le domaine de l'économie et du commerce, ce qui se passe encore aujourd'hui avec des menaces américaines sur les droits de douane des produits français, eh bien ça a de véritables impacts sur nos producteurs, sur nos artisans. Et donc effectivement, dans toutes les solutions qu'on doit apporter, la place de la France dans le monde doit être évidemment présente.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On a envie de dire : « On vous a compris ! ». Il est temps d'entendre le président de la République. Est-ce que vous sentez monter l'impatience, pour ne pas dire l'exaspération ?
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien cette impatience, elle est forte, on l'entend monter depuis maintenant de nombreux jours, je dirais même de nombreuses semaines, mais je crois que c'est comme tout, il faut toujours savoir prendre le temps, surtout quand c'est prendre le temps d'analyser un million et demi de contributions de Français, et donc cette impatience elle est légitime, c'est pour ça qu'on a fait aussi ce grand débat, mais le président de la République, j'en suis sûr, s'exprimera fortement sur ces différents sujets.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Deux remarques. Un chef d'Etat doit avoir vision et audace. Mais que penser quand il demande aux citoyens et à ses citoyens, de nourrir sa politique, de lui dire où aller, de le guider ? Est-ce que vous croyez que c'est rassurant ?
JULIEN DENORMANDIE
Ah oui…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans une période difficile, on dit : dites-moi, parce que je ne sais pas…
JULIEN DENORMANDIE
Mais attendez…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai besoin de vous. C'est classique.
JULIEN DENORMANDIE
Votre question, elle est essentielle, essentielle. Mais, la politique, ce n'est jamais de faire seul contre les autres, ou seul sans le faire en étant accompagné par les autres.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on l'a élu pour qu'il ait l'avis. Qu'il ne nous demande pas tous les six mois notre avis.
JULIEN DENORMANDIE
Mais la politique c'est avoir une vision, c'est PISANI, PISANI l'ancien ministre qui disait : la politique c'est trois choses, avoir une vision, des outils de politique publique et changer le quotidien des Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'aimais beaucoup monsieur PISANI, Edgar PISANI.
JULIEN DENORMANDIE
Et PISANI disait : la bonne politique c'est celle qui a une vision et qui change le quotidien. Mais qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? Aujourd'hui on a cette vision, et les Français nous disent : on n'a pas suffisamment changé le quotidien, et c'est ça auquel il faut répondre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je vais me faire gronder peut-être, mais il ne s'agit pas de comparer, mais imaginez-vous, le général de GAULLE demander le 17 juin : résister ou collaborer ? François MITTERRAND : j'abolis ou non la peine de mort ? Alors que la majorité est contre. Jacques CHIRAC, la guerre d'Irak, j'y vais ou je n'y vais pas ? Nicolas SARKOZY en 2008/2010, qu'est-ce que je fais face à la crise mondiale ?
JULIEN DENORMANDIE
Jean-Pierre ELKABBACH, là, qu'est ce qui s'est passé ces derniers mois ? Ces derniers mois c'est la cohésion de la Nation qui a été mise en cause. C'est que certains Français ont fait des... ont eu le sentiment de ne plus appartenir à la même Nation c'est que des actes, absolument abjects d'antisémitisme, parfois islamophobes, ont été tenus et ont été faits, et commis dans notre pays. Et donc vous aviez une cohésion de la Nation qui était mise à mal. Comment vous faites, dans la vie, pour renouer cette cohésion ? Eh bien c'est écrire un chemin en commun. Et comment vous faites pour écrire ce chemin en commun ? C'est partir d'un même diagnostic, d'un même constat : échanger, discuter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En évitant de diviser, en cherchant à rassembler.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Eh bien ça, c'est ça qui a permis le Grand débat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, Julien DENORMANDIE, je n'oublie pas que vous êtes ministre du Logement, de la construction peut-être, vous êtes concerné à plusieurs titres, l'urbanisme a dit Edouard Philippe hier. Quelles sont les conséquences du Grand débat sur votre politique du logement qui est quelques fois controversée ? Par exemple les Français réclament plus de constructions, plus de logements, de logements sociaux et un contrôle plus strict des prix de l'immobilier.
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien, le problème, mais fondamental dans notre pays, c'est le prix des loyers. Les loyers sont beaucoup trop élevés. C'est d'ailleurs très intéressant dans le Grand débat, le mot logement revient peu, le mot logement revient peu, mais en revanche les Français disent : j'ai des problèmes de mobilité, j'habite trop loin de à mon travail, j'ai des problèmes…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les transports et la santé, tout est lié.
JULIEN DENORMANDIE
Tout est lié. J'habite trop loin d'un centre hospitalier, et puis je n'ai pas assez d'argent à la fin du mois, pourquoi, parce que 30, 40 voire 50 % de cet argent est mis dans le loyer. Et donc le problème du logement c'est fondamentalement le prix du loyer. Donc il faut lutter avec beaucoup de détermination contre ces augmentations de loyers.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous voulez encadrer les loyers. Ça ne convient pas à tous les maires, mais beaucoup de villes sont candidates à l'encadrement des loyers. Exemple, Paris. Pendant 5 ans, Anne HIDALGO veut en faire l'expérience. Pour l'autoriser, il faut trois signatures, la vôtre... Vous avez signé ?
JULIEN DENORMANDIE
Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Jacqueline GOURAULT. Elle a signé ?
JULIEN DENORMANDIE
Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et il reste le Premier ministre. Il hésite ?
JULIEN DENORMANDIE
Ah non, il n'hésite pas du tout. Vous savez, c'est le parcours de ces décrets d'application, donc le gouvernement évidemment est d'accord sur cet encadrement des loyers, mais qu'est-ce que c'est…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'autres villes seront candidates ?
JULIEN DENORMANDIE
Il y a plusieurs villes qui seront candidates, qui sont candidates. Aujourd'hui qu'est-ce que c'est ? Parce que ce n'est pas une mesure technique, c'est profondément quelque chose de politique. Qu'est-ce qu'on voit apparaître ? On voit des villes où le centre de ces villes se dépeuple ou sinon toutes les personnes qui y habitent sont les mêmes, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de mixité sociale, il n'y a plus la possibilité pour une femme avec 3 enfants de venir y habiter, ou pour quelqu'un qui est un salarié modeste, venir y habiter. Et donc, face à ça, qu'est-ce qu'il faut faire ? Eh bien il faut lutter contre cette augmentation sans cesse des loyers. Et donc moi j'ai décidé dans la loi logement, de réintroduire l'encadrement des loyers, pour toutes les communes où ça se justifie…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est ou toutes les villes, ou des quartiers d'une ville.
JULIEN DENORMANDIE
C'est les maires qui décident. Ce que je fais, moi, c'est que je leur dis : maintenant, par la loi, je vous donne la possibilité, je vous rends possible l'encadrement des loyers. C'est une mesure qui est controversée, je le sais, mais c'est une mesure qui à mes yeux est nécessaire, tout simplement parce que la ville c'est la société qu'on représente. Qu'est-ce qu'on veut ? Comment veut-on vivre demain ? Eh bien moi je pense qu'il faut vivre dans des villes où il y a une mixité sociale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, mais brider la liberté des propriétaires, qu'on entend un peu, est-ce que c'est le meilleur moyen de construire des logements dont les Français ont besoin ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais moi je suis profondément pour la liberté, et je pense que la liberté est importante, notamment dans le domaine économique. Mais encore une fois, quand cette liberté conduit à faire des villes où à l'intérieur des centres tout le monde se ressemble, où à l'intérieur des centres, dès que vous n'avez pas, vous ne gagnez pas des 1000 et des 100, vous ne pouvez pas y habiter, eh bien ce n'est pas ça la société qu'on veut. Ce n'est pas ça la société qu'on souhaite pour nos enfants.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est toute une ville qui peut être atteinte, parce qu'il y a l'école…
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
... les transports etc.
JULIEN DENORMANDIE
Et donc, face à ça, il faut prendre des mesures, comme l'encadrement des loyers.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, deux, trois mots très vite. Vous serez jeudi et vendredi à Marseille.
JULIEN DENORMANDIE
Tout à fait.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avec le Premier ministre qui nous rejoindra, 5 mois après la catastrophe de la rue d'Aubagne, trois immeubles qui s'étaient effondrés, avec huit victimes. Vous voulez réhabiliter le centre de la ville, et d'abord reloger les habitants de la rue d'Aubagne, qui ont tout perdu. Où ils sont ? Ils sont dans des hôtels, toujours, chez des amis, comment vous les relogez ?
JULIEN DENORMANDIE
Ils sont principalement dans des hôtels, il n'y a pas que les habitants de la rue d'Aubagne, il y a plusieurs centaines d'immeubles qui ont été évacués et donc il y a eu près de 2 000 personnes qui ont dû quitter leur logement, certains ont pu retourner dans leur logement, et d'autres…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et alors, vous avez trouvé des logements pour eux ?
JULIEN DENORMANDIE
Effectivement, on a identifié un certain nombre de logements. Je suis beaucoup allé à Marseille, lors de mon dernier déplacement j'ai par exemple identifié une centaine de logements qui étaient fléchés vers ces sinistrés, et on continue à travailler pour faire en sorte qu'une solution, face à l'urgence, continue à être trouvée, mais surtout que la reconstruction du centre-ville de Marseille se poursuive avec les élus locaux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A Marseille, vous y êtes allé quatre, cinq fois, je les ai toutes comptées.
JULIEN DENORMANDIE
Quatre, cinq fois, oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A Marseille pullulent des marchands de sommeil, très vite, ces exploiteurs immondes de la misère. On a découvert que souvent il s'agissait d'élus, avec bonne conscience, de la municipalité de Marseille et des environs. Qu'est-ce que vous allez faire contre eux ?
JULIEN DENORMANDIE
Eh bien je fais faire en sorte que la loi agisse. J'ai renforcé considérablement la loi pour que toute personne qui est un marchand de sommeil, soit condamnée, que vous soyez élu, que vous soyez fonctionnaire, que vous soyez cadre, que vous soyez avocat, personne n'est au-dessus de la loi dans notre pays. Etre un marchand de sommeil aujourd'hui c'est être un criminel, c'est profiter de la détresse et de la misère d'un certain nombre de nos concitoyens. C'est insupportable. Et on est passé à l'acte, on a changé la loi, et aujourd'hui c'est quelque chose qui est beaucoup, qui est renforcé.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Une question politique. La mode aujourd'hui, politiquement, c'est de raconter que quatre, venus de la droite, quatre ministre, Bruno LE MAIRE, Edouard PHILIPPE, Gérald DARMANIN et Sébastien LECORNU, jouent un jeu personnel politique. Vous, vous êtes les macaronistes de la première heure, il y en a 17 qui ont quitté depuis longtemps l'Elysée, etc. et auxquels le président de la République a rendu hommage hier soir, vous n'étiez pas là, vous étiez à Toulouse, mais vous, élu de la première heure du macronisme, est-ce que vous allez laisser faire la bande des quatre, si c'est vrai ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, ce n'est pas vrai, il n'y a pas du tout une bande des quatre. Vous savez, moi je les connais très bien, voire par coeur, maintenant, parce que, Sébastien LECORNU, on partage quasiment le même bureau, et je peux vous dire qu'on partage un chemin, une vision en commun, ce sont avant tout des personnes engagées autour et auprès du président de la République, c'est ça qui est important.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord. Eh bien qu'ils le démontrent. Merci d'être venu, Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Demain je reçois le président du MEDEF, Geoffroy ROUX de BEZIEUX. Il répondra aux annonces et au projet du Premier ministre Edouard PHILIPPE cet après-midi à l'Assemblée nationale. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2019