Interview de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à BFM TV le 12 avril 2019, sur les réponses à la crise des "Gilets jaunes", la loi "Agriculture et Alimentation" et les pesticides.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin Didier GUILLAUME, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, bonjour.

DIDIER GUILLAUME
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. La sortie du grand débat, l'impatience est en train de monter, est-ce que vous confirmez que le Président de la République s'adressera aux Français lundi soir ?

DIDIER GUILLAUME
Ah non !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?

DIDIER GUILLAUME
Je ne confirme pas parce que je n'en sais rien.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne savez rien…

DIDIER GUILLAUME
La seule chose que je pourrai vous confirmer, c'est ce que tout le monde sait, c'est qu'il va parler dans les jours qui viennent. Il avait dit mi-avril, nous approchons de mi-avril.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Lundi c'est le 15 avril, je crois que c'est le 15 avril…

DIDIER GUILLAUME
C'est possible. Non mais franchement je n'en sais rien mais peu importe, tous les Français se fichent totalement de savoir s'il parle le dimanche, le lundi, le mardi ou le mercredi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui compte, c'est ce qu'il va dire !

DIDIER GUILLAUME
Ah oui !

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord, déclaration solennelle, vous pensez que c'est la meilleure des solutions, c'est ce que disait hier matin François BAYROU, vous pensez la même chose ?

DIDIER GUILLAUME
J'ai écouté ce que disait François BAYROU hier matin. Le président devra s'exprimer parce que le président, il est garant de nos institutions, c'est celui qui doit diriger…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc le président qui va s'exprimer.

DIDIER GUILLAUME
Le président, c'est lui qui doit fixer la nouvelle route, qui doit tracer le nouveau destin de la France, le récit national, pourquoi nous sommes dans un même pays, comment faire France, quelle nation, quelle République, je crois que c'est cela.

JEAN-JACQUES BOURDIN
A force de dire et de répéter, c'est le Premier ministre qui le dit souvent ces derniers temps, que les mesures proposées doivent être exceptionnelles, il va bien falloir qu'elles le soient Didier GUILLAUME, parce que sinon vous frôleriez la déception, non seulement vous la frôleriez mais vous tomberiez dans la déception, surtout ne pas décevoir, si vous décevez vous êtes morts politiquement !

DIDIER GUILLAUME
Alors il y aura 2 catégories, les communiqués de presse de LFI, du PS, de LR sont déjà faits : déception, les mesures ne sont pas assez importantes, il n'a pas entendu la souffrance des Français, tout ça on connaît. C'est la politique et la polémique politicienne que l'on connaît depuis longtemps. Moi ce qui m'importe…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura aussi le communiqué de la République en marche : tout est formidable, merveilleux…

DIDIER GUILLAUME
Je ne suis pas sûr que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment vous n'êtes pas sûr, mais si ! Moi j'en suis sûr.

DIDIER GUILLAUME
Non mais très bien, bon ! Et alors, et alors ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aussi d'ailleurs !

DIDIER GUILLAUME
Mais moi ce n'est pas ça qui m'importe, ça c'est l'écume des jours, c'est l'écume. Ce qui est important, c'est de s'adresser au peuple de France, à celles et ceux qui souffrent. Vous savez dans cette crise inédite depuis plusieurs mois, il y a les leaders, ceux qui sont clairement engagés dans la politique qui veulent mettre le président sur une fourche, qui veulent envahir l'Elysée, il y en a même un d'eux qui est candidat sur une liste de DUPONT-AIGNAN, les leaders, ceux-là ce n'est pas le problème ; il y a les casseurs, il faut les éradiquer ; et puis il y a les engagés de la première heure et c'est ceux-là qui m'importent, ceux qui étaient sur les ronds-points le 17 novembre, ceux qui souffrent, ceux qui ont eu le sentiment…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les retraités par exemple…

DIDIER GUILLAUME
D'être abandonnés…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les retraités qui ont vu leur retraite désindexée…

DIDIER GUILLAUME
Mais les retraités comme les artisans, comme les commerçants, comme les chômeurs, comme les salariés, comme les fonctionnaires…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais d'accord, ne les noyez pas, ne les noyez pas…

DIDIER GUILLAUME
Je ne les noie pas mais on n'est pas là… vous pouvez me poser 20 questions pour chaque catégorie, évidemment on dira : oui, il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais attendez, attendez Didier GUILLAUME…

DIDIER GUILLAUME
Je pense que dans un premier temps, il faudra répondre globalement, quelle France voulons-nous ? Mais moi je vais vous dire franchement ce qui me semble important là, on n'est pas dans une opération de comptabilité, il ne s'agit pas aujourd'hui de vouloir soigner la France ou réparer la France si on oublie de soigner le mal français ou de réparer le mal des Français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais…

DIDIER GUILLAUME
Je crois que c'est ça qui est important…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est le cadre… on est d'accord…

DIDIER GUILLAUME
Et aujourd'hui, la réponse elle ne peut pas être uniquement comptable…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais Didier GUILLAUME…

DIDIER GUILLAUME
Elle sera sociale…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, la réponse ne peut pas être comptable mais à la fin du mois, on compte…

DIDIER GUILLAUME
Mais bien sûr !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh oui Didier GUILLAUME…

DIDIER GUILLAUME
C'est pour ça que le 10 décembre dernier…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la réindexation…

DIDIER GUILLAUME
Les 10 milliards qui ont été mis sur la table, 100 € de plus pour les Français qui étaient en difficulté, ça compte, ça compte. Le fait que nous créons depuis 2 ans de nouveaux emplois ça compte, le fait que le minimum vieillesse ait été tait augmenté, que l'allocation adulte handicapé ait été augmentée ça compte. Est-ce que c'est assez ? Mais Jean-Jacques BOURDIN vous savez mieux que moi, ce n'est jamais assez, ce n'est jamais assez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je suis têtu, je suis têtu Didier GUILLAUME, à chaque invité je pose la question sur la réindexation des retraites sur l'inflation. Oui, mesure juste, a dit hier François BAYROU…

DIDIER GUILLAUME
Moi je fais comme tous vos invités…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes pour…

DIDIER GUILLAUME
Je fais comme tous vos invités, je ne réponds pas à cette question…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas vrai, hier François BAYROU disait « c'est une mesure juste qu'il faut…

DIDIER GUILLAUME
Je ne découpe pas les choses en tranches, moi ce que je souhaite… non mais je vais vous dire plus globalement, je ne peux pas vous donner des mesures, parce que le président de la République ce n'est pas moi. Moi je souhaite que les classes moyennes, qui ont été garrottées, étranglées ces 2 derniers quinquennats retrouvent une bouffée d'oxygène. Je souhaite que les retraités puissent se dire : mais mon travail a payé toute ma vie et là aujourd'hui, je peux vivre et faire vivre mes petits-enfants, voilà. Mais je ne vais pas vous dire « il faut augmenter de ceci ou de cela, ça n'aurait aucun sens, aucun sens.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais vous, ça n'a aucun sens mais le président de la République ça a un sens…

DIDIER GUILLAUME
Bien sûr et il va le faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il va le faire…

DIDIER GUILLAUME
Enfin ! Il va annoncer des choses.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va le faire…

DIDIER GUILLAUME
Non, il va annoncer des choses.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites « il va le faire », ce n'est pas moi, c'est vous.

DIDIER GUILLAUME
Mais il va donner du sens.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Baisser la TVA sur les produits de première nécessité !

DIDIER GUILLAUME
Non, je ne… non mais je vais vous dire pourquoi je ne suis pas favorable, parce que je ne suis pas sûr qu'en faisant ça revienne dans a poche des consommateurs ou des acheteurs, c'est pour ça !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez que ça risque de revenir dans la poche des distributeurs !

DIDIER GUILLAUME
Oui ou je ne sais trop quoi, mais ça ne serait pas d'une efficacité redoutable, à mon sens !

JEAN-JACQUES BOURDIN
François DE RUGY est favorable à un taux de TVA réduit sur le bio, pas vous ?

DIDIER GUILLAUME
Alors pas du tout…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas du tout sur le terrain de DE RUGY ?

DIDIER GUILLAUME
Non, non non, mais moi je pense que baisser la TVA sur le bio comme pour les produits de nécessité, ce sont des bonnes mesures mais moi ce qui m'importe, c'est que les agriculteurs…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sont de mauvaises mesures ?

DIDIER GUILLAUME
Ce sont que les agriculteurs retrouvent du pouvoir d'achat, retrouvent des revenus. Or je pense que baisser la TVA sur les produits de nécessité comme sur le bio, ce sont ni les paysans ni les consommateurs qui vont le retrouver, voilà ! Mais on ne va pas faire Le concours Lépine de toutes les mesures.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la loi alimentation…

DIDIER GUILLAUME
Moi j'essaie d'y mettre de la science !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous êtes contre cette idée, on est bien d'accord, c'est clair au moins, vous le dites…

DIDIER GUILLAUME
Ah oui ! Je suis contre cette idée oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! La loi alimentation, est-ce qu'elle a… elle avait pour but, pour but d'aider les agriculteurs, d'aider les producteurs. Est-ce qu'elle remplit son objectif oui ou non ?

DIDIER GUILLAUME
Pas assez, pas assez, l'objectif de cette loi qui avait été voulue par tous les agriculteurs, tous les syndicats agricoles, pour une fois ils étaient tous d'accord, par les industries agroalimentaires et par les distributeurs, c'était de dire : il faut mieux répartir la valeur et que ça revienne dans les cours de ferme. Or ce que je constate, c'est qu'au bout de 3 mois d'application ça ne va pas assez loin, donc le compte n'y est pas. C'est la raison pour laquelle mercredi après-midi à Bercy, nous réunissons ce que nous appelons le Comité de suivi des négociations commerciales. Il y aura les paysans… enfin les représentants des agriculteurs, tous les représentants de la grande distribution, les industries agroalimentaires…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'allez-vous dire ?

DIDIER GUILLAUME
On va leur dire « le compte n'y est pas, il faut aller plus loin ».

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors comment…

DIDIER GUILLAUME
Parce que les choses ne sont pas finies…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est ce que vous avez dit, et ce que feront les distributeurs ou les négociateurs ?

DIDIER GUILLAUME
Mais nous verrons bien… mais évidemment, mais aujourd'hui…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pourriez aller jusqu'à des sanctions ?

DIDIER GUILLAUME
Jusqu'à des…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou imposer par…

DIDIER GUILLAUME
J'ai cru que vous alliez dire « descendre dans la rue » !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais imposer !

DIDIER GUILLAUME
Mais évidemment, mais évidemment…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Imposer des prix, imposer…

DIDIER GUILLAUME
Mais Jean-Jacques BOURDIN, aller jusqu'à des sanctions, la DGCCRF, Direction générale de la concurrence et la consommation fait 6.000 contrôles, elle a déjà sanctionné des entreprises, elle a déjà sanctionné des groupes de distribution, mais bien sûr, mais ça existe parce qu'il faut aller plus loin. Mais on sait très bien aussi… je ne veux pas leurrer les agriculteurs comme quiconque, moi je ne montre pas du doigt la grande distribution pas plus que je dis… mais ce n'est pas en une année que les choses peuvent se faire. L'augmentation des prix va se faire au bout d'un an, au bout de 2 ans. Mais aujourd'hui, il n'est plus possible que les agriculteurs soient étranglés, qu'il y en ait un qui se suicide tous les 2 jours parce qu'ils ne gagnent pas leur vie. C'est la seule profession qui va en dessous de leur prix de revient, donc ça avance, je vous le dis, une marche a été franchie…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça n'avance pas assez vite !

DIDIER GUILLAUME
Ca n'avance pas assez vite mais une marche a été franchie et nous allons en franchir une 2ème sur ce qui va se passer dans les mois qui viennent, avec les marques distributeurs qui sont quand même 40 % du volume. Aujourd'hui la grande…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'est-ce qu'il faut faire avec…

DIDIER GUILLAUME
Aujourd'hui, la grande distribution veut faire du bio, veut faire du circuit court, ils ont raison, je veux les encourager mais il faut que ça paie et il faut que ça paie les agriculteurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez aider les marques distributeurs, enfin vous allez… les distributeurs, ils n'ont pas besoin d'aide… ils n'ont pas besoin de vos aides…

DIDIER GUILLAUME
Non, je ne crois pas, je ne crois pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord. L'agriculteur Paul FRANCOIS, vous avez vu, a gagné sa longue bataille juridique contre MONSANTO, nous verrons si MONSANTO se pourvoie en cassation ou pas. 3 procès gagnés, je ne vais pas revenir sur l'objet du procès… si ! Sur les pesticides et les insecticides. Il vous adresse un message, il dit : honte aux politiques qui ne prennent pas les décisions qu'il faut. Il avance une solution, vous allez me dire ce que vous en pensez, il souhaiterait une loi obligeant la France à interdire tous les pesticides et insecticides dans les 15 ou 20 ans. Vous y êtes favorable ou pas ?

DIDIER GUILLAUME
Non mais attendez ! D'abord moi, je soutiens la démarche de Monsieur FRANÇOI, je la soutiens et je l'ai soutenue quand j'étais au Sénat, j'avais été sensibilisé à cela et je suis plutôt content du résultat de ce procès. Et c'est la raison pour laquelle lorsque j'étais sénateur, j'avais travaillé pour la mise en place ce qu'on appelle « un Fonds phyto » pour indemniser les agriculteurs victimes des pesticides, lorsqu'il c'est reconnu comme maladie professionnelle. Donc je suis entièrement d'accord avec cela ; et je ne mettrai pas un coin entre les uns et les autres. 2ème chose, la France s'est engagée à être le premier pays au monde à sortir des pesticides, moins 50 % en 2025, c'est demain 2025…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et quand on sortira totalement des pesticides ?

DIDIER GUILLAUME
Je pense qu'il faut en sortir le plus vite possible…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ca ! Alors là le plus vite possible, c'est le fût du canon !

DIDIER GUILLAUME
Non mais le fût du canon…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez ça, c'est le fût du canon !

DIDIER GUILLAUME
Vos plus jeunes téléspectateurs ne se rappellent pas du tout de Fernand RAYNAUD.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le plus vite possible, ça veut dire quand le plus vite possible ?

DIDIER GUILLAUME
Ecoutez-moi ! Je vais vous dire une chose Jean-Jacques BOURDIN…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ne pas inscrire dans la loi la sortie des pesticides !

DIDIER GUILLAUME
Mais imaginons que nous décidions ce matin tous les 2, nous prenions des décisions, nous interdisons les pesticides…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais moi, je ne prends aucune décision, c'est vous qui…

DIDIER GUILLAUME
En 5 ans nous interdisons les pesticides en 5 ans, mais dans 5 ans quand vous serez à RMC, quand vous aurez vos auditeurs au téléphone, ils vous diraient : mais Jean-Jacques BOURDIN, vous êtes complètement dingue, vous avez supprimé les pesticides et moi je ne peux plus travailler…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne parle pas de 5 ans, je parle de 15 ou 20 ans…

DIDIER GUILLAUME
Je ne peux plus travailler. Mais évidemment, mais on en sera là. Mon objectif, mon objectif c'est de sortir de la totale dépendance aux pesticides. Les agriculteurs y travaillent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pesticides et insecticides  ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, il faut y arriver, c'est mon engagement, nous devons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais fixez-vous une date alors !

DIDIER GUILLAUME
Mais je ne peux pas fixer de date, je veux que la date soit fixée au rythme où la recherche va trouver des produits alternatifs. Et par contre je pousse la recherche, je pousse l'INRA, je travaille avec les instituts. Hier matin… avant-hier matin au ministère de l'Agriculture, il y avait 6 ministres, nous avons fait le Comité d'orientation et de suivi, ce qu'on appelle l'Ecophyto, nous n'allons pas assez vite, nous n'allons pas assez vite…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les deux premiers n'ont pas marché du tout.

DIDIER GUILLAUME
On ne peut pas dire « ils n'ont pas marché du tout », mais regardez ce qui se passe dans l'agriculture…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais on utilise autant de pesticides qu'avant !

DIDIER GUILLAUME
Mais Jean-Jacques BOURDIN, il n'y a jamais eu la transition agro-écologique, il n'y a jamais eu autant de filières agricoles qui sont parties là-dedans. Moi je ne veux pas opposer les citoyens entre eux, je ne veux pas opposer les bobos parisiens et les ruraux… je ne parle pas de vous…

JEAN-JACQUES BOURDIN

DIDIER GUILLAUME
Non mais bien sûr que non. Je ne veux pas opposer…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il s'agit de penser à notre santé, il n'y a pas de bobos là-dedans…

DIDIER GUILLAUME
Je pense à ma santé, mon objectif de ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, c'est de protéger la santé des Français, c'est d'être le bouclier entre tout ce qui peut leur poser un problème. Nous allons sortir du glyphosate en 3 ans, au 1er janvier 2021, nous francs moins…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelques alternatives mais bon !

DIDIER GUILLAUME
Evidemment mais c'est normal…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura quelques prolongations pour certains qui n'arriveraient pas à se reconvertir…

DIDIER GUILLAUME
Qui n'y arriveraient pas mais il faut aller le plus vite possible. Et surtout en 2025, moins 50 % de pesticides. Vous vous rendez compte…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et en 2050  !

DIDIER GUILLAUME
Vraisemblablement. Vraisemblablement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
2040 …

DIDIER GUILLAUME
Mais je n'en sais rien, 40, 50…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi ne pas l'inscrire dans…

DIDIER GUILLAUME
Vous vous rendez compte, nous sommes les seuls…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ne pas l'inscrire même dans la Constitution ?

DIDIER GUILLAUME
Ça c'est encore pire, très mauvaise idée, heureusement que vous ne l'avez pas mise dans votre 30 propositions…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas moi qui ai fait des propositions, ce sont les auditeurs !

DIDIER GUILLAUME
Parce que ça aurait été… non ! Il faut que ce soit crédible et aller vite. Et pour aller vite, il faut que les agriculteurs prennent ce tournant, ils l'ont pris et je veux les remercier ; que les instituts de recherche le fassent, aillent plus vite, trouvent… je vais vous dire une chose, moi je vais plus loin encore parce qu'on se focalise sur le glyphosate, il n'y a pas que le glyphosate, c'est tous les produits phytosanitaires, d'accord ? Et deuxième chose, il ne s'agit pas de remplacer une molécule chimique par une autre molécule chimique…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais on est d'accord !

DIDIER GUILLAUME
Oui mais c'est ça le problème…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quels moyens pour la recherche, j'ai vu 30 millions d'euros…

DIDIER GUILLAUME
Mais vous plaisantez ou quoi, mais la recherche a des moyens énormes, 30 millions en plus…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais quels moyens alors ?

DIDIER GUILLAUME
Chaque année on met 200 millions d'euros, Frédérique VIDAL met 71 millions d'euros pour aider la recherche. La recherche avance, nous avons des alternatives, nous y arrivons mais on ne peut pas mettre de date.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez interdire l'usage du cuivre dans la viticulture ?

DIDIER GUILLAUME
Non, alors l'usage du cuivre il y a une vision européenne qui a été prise, c'est 4 kilos par hectare, le lissage sur 7 ans, ça va…

JEAN-JACQUES BOURDIN

DIDIER GUILLAUME
Moi ça me va, ça ne va pas encore aux agriculteurs bio parce qu'ils pensent que ce sera très compliqué. Une année où il va pleuvoir beaucoup… je m'excuse d'aller dans le détail, il y aura beaucoup de mildiou, il faudra mettre beaucoup de cuivre et après on n'arrivera pas à le lisser, c'est un vrai sujet mais vous savez, moi qui ai fait de mon département le premier département bio de France sans OGM, je suis je suis un militant et je sais de quoi je parle et je veux avancer dans cette direction, mais sans qu'il y ait des catastrophes à côté. La protection de la santé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Didier GUILLAUME…

DIDIER GUILLAUME
Et la transition.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Didier GUILLAUME, vous vous battez contre les pesticides à l'horizon 2040-2050 …

DIDIER GUILLAUME
Le plus vite possible, oui !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en même temps dans le cadre de la loi Pacte, un amendement a été voté soutenu par le gouvernement : la France pourra continuer à fabriquer et vendre des pesticides en dehors de l'Union européenne jusqu'en 2025 et non en 2022. Alors là, je ne comprends plus rien !

DIDIER GUILLAUME
Mais vous comprenez bien sûr que… vous comprenez tout Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors expliquez-moi Didier GUILLAUME.

DIDIER GUILLAUME
Mais bien sûr que vous comprenez tout…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors expliquez-moi !

DIDIER GUILLAUME
Parce qu'il y a des entreprises qui travaillent, il y a de l'économie et effectivement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc l'économie prime sur la défense de notre santé !

DIDIER GUILLAUME
Non parce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Là en l'occurrence oui !

DIDIER GUILLAUME
Avec l'accord sur les Américains non, par exemple…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais là oui !

DIDIER GUILLAUME
Ecoutez ! Je vais vous dire une chose, imaginons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire qu'on va fabriquer des pesticides, du coup on est extraordinaires…

DIDIER GUILLAUME
Il y a des entreprises qui fabriquent des pesticides et qui encore pendant 3 ans…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vendre ces pesticides en dehors de l'Union européenne…

DIDIER GUILLAUME
Pourront les vendre en dehors de l'Union européenne.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas chez nous évidemment !

DIDIER GUILLAUME
En dehors de l'Union européenne !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas chez nous.

DIDIER GUILLAUME
Ben non !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ben oui ! C'est-à-dire qu'on va polluer ailleurs, on va… et on s'en moque, c'est ça ?

DIDIER GUILLAUME
Non, on ne se moque pas de cela, je reviens de 2 jours en Angola où j'ai rencontré des agriculteurs, où nous faisons beaucoup de co-développement, parce que nous devons arriver à faire en sorte que l'agriculture en Afrique soit une autosuffisance. Aujourd'hui avec ces climats-là, on a beaucoup travaillé, nous faisons de la formation avec le CIRAD, les centres de recherche pour l'agro-écologie. Mais dans ces pays-là s'il n'y a pas de pesticides, je suis regret de le dire qu'il n'y a pas d'agriculture possible pour l'instant tant que nous n'avons pas trouvé. Donc moi je veux vous dire que nous allons sortir de la dépendance aux pesticides le plus vite possible, mais il y a encore des pays dans le monde où ce n'est pas facile immédiatement. Je prends mes responsabilités, je sais que je vais me faire découper en rondelles sur les réseaux sociaux en vous disant cela, mais ce n'est pas le problème, c'est la réalité. Parce que moi je préférerais qu'on dise « on arrête tout tout de suite et on n'en parle plus », et alors, et alors ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Didier GUILLAUME 2 choses encore, le TAFTA… enfin les négociations commerciales, la France va voter contre parce que les Etats-Unis ne s'engagent pas sur le climat.

DIDIER GUILLAUME
Vous voyez, l'économie ne prime pas toujours !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Position française… oui mais bon, ce n'est pas pour ça que l'Union européenne ne va pas ouvrir ces négociations, on est bien d'accord…

DIDIER GUILLAUME
Oui mais là il faut être cohérent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas de veto !

DIDIER GUILLAUME
Mais là il faut être cohérent parce qu'il y a d'autres pays qui vendent des pesticides à l'étranger et qui continueront de le faire même si nous, on ne le fait plus. Donc là, la position du président de la République est très claire, les pays qui ne respectent pas les accords de Paris, la COP 21 sur le climat, on ne fait pas d'accords commerciaux avec eux. Les Etats-Unis ont décidé de ne pas le faire, on ne signe pas et la France ne sera pas forcément seule.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Europe, la PAC, réduction du budget de 5 %, c'est ça pour les prochaines échéances ?

DIDIER GUILLAUME
C'est…

JEAN-JACQUES BOURDIN
2021-2027 ?

DIDIER GUILLAUME
Non, non, c'est la proposition de la Commission mais nous y sommes totalement opposés…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y aura pas de réduction de budget ?

DIDIER GUILLAUME
Si, bien sûr que si, non mais moi je parle franchement, il y aura une réduction de budget parce que le Royaume-Uni s'en va, donc la part du Royaume-Uni s'en va. Mais il n'y aura pas de baisse du budget de la PAC en plus du départ du Royaume-Uni. Nous avons une majorité aujourd'hui en Europe pour dire : nous voulons le budget à 27… pas à 28 évidemment, il ne pourra pas rester…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il y aura un budget à 27 !

DIDIER GUILLAUME
Voilà !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière chose Didier GUILLAUME, la dernière fois où vous étiez venu, je me souviens de vos propos sur le vin et l'alcool, vous vous souvenez ?

DIDIER GUILLAUME
Très bien.

JEAN-JACQUES BOURDIN
De ce que vous aviez dit, qu'est-ce que vous aviez dit d'ailleurs, je ne me souviens plus très bien ?

DIDIER GUILLAUME
Vous vous souvenez très bien mais moi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, ça a été repris…

DIDIER GUILLAUME
Oui, ça avait été beaucoup repris et j'avais eu…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous défendiez une agriculture…

DIDIER GUILLAUME
Enormément de félicitations, énormément de gens qui…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous défendiez la viticulture !

DIDIER GUILLAUME
Oui, je défends la viticulture !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous la défendez toujours !

DIDIER GUILLAUME
Je la défends toujours parce que la viticulture…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le vin ce n'est pas un alcool comme un autre ?

DIDIER GUILLAUME
La viticulture…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le vin n'est pas un alcool comme un autre !

DIDIER GUILLAUME
C'est culturel, c'est une histoire, dans tous les repas on a le repas gastronomique…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le vin est un alcool comme un autre ?

DIDIER GUILLAUME
Mais le vin n'est pas un alcool comme un autre Jean-Jacques BOURDIN, enfin ! Je me bats pour la prévention, je me bats contre l'alcoolisme, contre l'alcoolémie surtout pour les jeunes évidemment, mais on ne peut pas dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi il n'y a pas…

DIDIER GUILLAUME
On a tous les chefs étoilés du monde, on a la meilleure gastronomie et quand on va chez les uns ou chez les autres, on ne boit pas un verre de vin, enfin ! Il faut lutter contre l'alcoolisme mais il faut évidemment considérer que la…

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, est-ce qu'on lutte suffisamment contre l'alcoolisme ?

DIDIER GUILLAUME
Ah ! On fait un bon travail…

JEAN-JACQUES BOURDIN
En France ou pas ?

DIDIER GUILLAUME
Ah oui ! Je crois oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous croyez vraiment ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, je crois, d'ailleurs la filière viticole s'y…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les taxes sont suffisantes... il n'y a pas qu'à la filière viticole…

DIDIER GUILLAUME
Vous voulez toujours mettre des taxes vous, c'est incroyable !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non ! Mais parfois c'est…

DIDIER GUILLAUME
Ce n'est pas un problème de taxe, mais il y en a des…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parfois c'est bon pour la santé, non ?

DIDIER GUILLAUME
Les taxes c'est bon pour la santé ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Vous êtes meilleur que moi…

DIDIER GUILLAUME
Je ne suis pas sûr…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur les taxes, vous les hommes politiques !

DIDIER GUILLAUME
Je ne suis pas sûr, je n'en sais rien, justement on va essayer de faire en sorte qu'il y en ait moins là !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !

DIDIER GUILLAUME
On va faire en sorte qu'il y en ait moins des taxes !

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai, lesquelles par exemple, ça serait bien de supprimer lesquelles ?

DIDIER GUILLAUME
Je n'en sais rien. Ce que je sais, je vous le disais tout à l'heure, la sortie du grand débat ça ne peut pas être une sortie comptable. On ne peut pas réparer la France sans réparer le mal des Français ; et c'est cela qui serait important. Et moi ce que j'attends du Président de la République en qui j'ai confiance, c'est une fois qu'il aura écouté tout le monde, entendu tout le monde, plus de 100 heures de grand débat, il n'y a pas un président qui a fait ça, plus de 100 heures de grand débat, il a écouté tous les Français, on en pense ce que l'on en veut. Et maintenant on dit : tout ça, ça ne serait rien, 2 million de contributions, des milliers de débat. Les contributions, les 30 propositions que vous avez faites…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout ce qui compte…

DIDIER GUILLAUME
Il répondra à cela, il répondra à cela…

JEAN-JACQUES BOURDIN

DIDIER GUILLAUME
Mais il va prendre des décisions et puis nous en prendrons nous après, le gouvernement, le Parlement, les citoyens seront associés…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Référendum ?

DIDIER GUILLAUME
Moi je suis très favorable à une consultation évidemment, on verra…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur quoi, sur quel sujet un référendum ?

DIDIER GUILLAUME
Mais on ne peut pas ce matin décider d'une consultation sur des sujets qui touchent les Français, sur des sujets de démocratie…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez qu'il faut organiser un référendum ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, il faut organiser un…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour valider ?

DIDIER GUILLAUME
Je pense qu'il faut sortir de ce grand débat en donnant la parole aux Français, voilà. Le président de la République devra annoncer des mesures, mais il faut changer, il faut changer. Si nous continuons après ce grand débat comme avant, nous n'avons rien compris. Si l'administration française, si les politiques, si les ministres, si le Parlement fonctionnent comme avant, nous n'avons rien compris à ce que veulent les Français. Donc il faut un changement fort, mais un changement en profondeur, pas de la rustine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être venu nous voir Didier GUILLAUME.

DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 avril 2019